Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Rouen de condamner le centre communal d'action sociale (CCAS) d'Amfreville-la-Mivoie à lui verser la somme totale de 23 088 euros, en réparation de " l'inexécution fautive " de son contrat de travail et de la rupture fautive de ce contrat.
Par un jugement n° 2104215 du 31 janvier 2023, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et deux mémoires enregistrés les 27 mars 2023, 13 juillet 2023 et 11 décembre 2023, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, Mme A... épouse C..., représentée par Me Levesque, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rouen du 31 janvier 2023 ;
2°) de condamner le centre communal d'action sociale (CCAS) d'Amfreville-la-Mivoie à lui verser la somme de 11 088 euros en réparation de l' " inexécution fautive " de son contrat de travail ;
3°) de condamner le CCAS d'Amfreville-la-Mivoie à lui verser la somme de 12 000 euros en réparation de la " rupture fautive " de son contrat de travail ;
4°) de mettre à la charge du CCAS d'Amfreville-la-Mivoie la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les missions et la rémunération prévues par son contrat de travail n'étaient pas en adéquation avec la réalité des fonctions qu'elle exerçait ;
- les modifications constantes de la durée et de l'amplitude du temps de travail ont eu pour conséquence de la placer dans une situation de mise à disposition permanente à l'égard du service, justifiant une rémunération à temps plein ;
- le CCAS a manqué à ses obligations en matière de sécurité et de prévention des risques ;
- le CCAS l'a poussée à la démission ;
- la responsabilité de l'administration est donc engagée au titre de l'exécution défaillante et de la rupture fautive de son contrat de travail ;
- compte tenu de son ancienneté et des fonctions qu'elle a réellement exercées, son traitement aurait dû être fixé à la somme de 1 575 euros au regard de l'indice brut 362 correspondant au 4ème échelon du grade d'agent social territorial principal de 2ème classe, portant ainsi son préjudice lié à la mauvaise exécution de son contrat à la somme de 11 088 euros ;
- les fautes et les manquements de l'administration l'ont contrainte à la démission et ont entraîné un préjudice s'élevant à 12 000 euros.
Par trois mémoires en défense enregistrés le 2 juin 2023 et le 4 et 17 août 2023, le CCAS de la commune d'Amfreville-la-Mivoie, représenté par Me Abecassis, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la requérante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- le décret n° 85-803 du 10 juin 1985 ;
- le décret n° 87-1108 du 30 décembre 1987 ;
- le décret n°88-145 du 15 février 1988 ;
- le décret n° 92-849 du 28 août 1992 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Guérin-Lebacq, président-assesseur,
- les conclusions de M. Carpentier-Daubresse, rapporteur public,
- et les observations de Me Boscos Damous, représentant le CCAS d'Amfreville-la-Mivoie.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... épouse C... a été recrutée par le centre communal d'action sociale (CCAS) d'Amfreville-la-Mivoie à compter du 5 septembre 2009, sous couvert de contrats à durée déterminée puis, à compter du 30 juin 2015, d'un contrat à durée indéterminée, afin d'assurer, en qualité d'agent social de 2ème classe, des missions d'aide à domicile chargée d'assurer le ménage, l'entretien du linge, les courses, ainsi qu'une assistance aux sorties, à la préparation et au service des repas, et à la toilette. Le 27 mars 2018, Mme C... a présenté sa démission, laquelle a pris effet le 2 avril 2018. Par un courrier du 7 juillet 2021, la requérante a demandé au CCAS d'Amfreville-la-Mivoie le versement de la somme globale de 23 088 euros, en faisant état de manquements dans l'exécution de son contrat de travail et dans les conditions dans lesquelles est intervenue la rupture de ce contrat. En l'absence de réponse de la collectivité, Mme C... a saisi le tribunal administratif de Rouen qui a rejeté sa demande indemnitaire par un jugement du 31 janvier 2023, dont elle relève appel.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne l'exécution fautive du contrat de travail :
2. Aux termes de l'article 20 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " La rémunération des agents contractuels est fixée par l'autorité compétente en tenant compte des fonctions exercées, de la qualification requise pour leur exercice et de l'expérience de ces agents. Elle peut tenir compte de leurs résultats professionnels et des résultats collectifs du service ". Aux termes de l'article 1-2 du décret du 15 février 1988 relatif aux agents contractuels de la fonction publique territoriale : " Le montant de la rémunération est fixé par l'autorité territoriale en prenant en compte, notamment, les fonctions occupées, la qualification requise pour leur exercice, la qualification détenue par l'agent ainsi que son expérience. / La rémunération des agents employés à durée indéterminée fait l'objet d'une réévaluation au moins tous les trois ans, notamment au vu des résultats des entretiens professionnels prévus à l'article 1-3 ou de l'évolution des fonctions ".
3. En application de l'article 1er du décret du 28 août 1992 portant statut particulier du cadre d'emplois des agents sociaux territoriaux et de l'article 1er du décret du 30 décembre 1987 fixant les différentes échelles de rémunération pour la catégorie C des fonctionnaires territoriaux, alors en vigueur, l'indice brut 342 correspond au 7ème échelon du grade d'agent social de 2ème classe.
4. Si, en l'absence de dispositions législatives ou réglementaires relatives à la fixation de la rémunération des agents non titulaires, l'autorité compétente dispose d'une large marge d'appréciation pour déterminer, en tenant compte notamment des fonctions confiées à l'agent et de la qualification requise pour les exercer, le montant de la rémunération ainsi que son évolution, il appartient au juge, saisi d'une contestation en ce sens, de vérifier qu'en fixant ce montant l'administration n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation.
5. Mme C... soutient qu'elle exerçait des fonctions d'aide-soignante auprès de personnes en fin de vie et que la rémunération prévue par son contrat n'était pas en adéquation avec les missions effectivement assurées au sein du CCAS. Toutefois, si les attestations produites à l'instance font état des difficultés rencontrées dans l'accomplissement de ces missions auprès, notamment, de personnes âgées et handicapées atteintes de maladies dégénératives, il n'en ressort pas que Mme C... aurait accompli d'autres tâches que celles initialement prévues dans son contrat. En outre, il ne se déduit aucunement des plannings également produits au dossier que les modifications apportées à l'organisation des tâches, l'amplitude du temps de travail résultant de ces modifications et les conditions de travail auraient eu pour effet une mise à disposition permanente de Mme C... auprès du service, de telle sorte qu'elle devrait bénéficier d'une rémunération à temps plein. Dès lors, en recrutant Mme C... sur la base d'une rémunération fixée au regard de l'indice brut 342, correspondant à l'indice net majoré 323, pour un poste classé au 7ème échelon du grade d'agent social de 2ème classe, et en lui versant une rémunération à due proportion des heures de service effectivement réalisées, le CCAS d'Amfreville-la-Mivoie n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation constitutive d'une faute de nature à engager sa responsabilité. Par ailleurs, si Mme C... soutient que le CCAS d'Amfreville-la-Mivoie n'a jamais procédé à la réévaluation de sa rémunération, la requérante a présenté sa démission avant la fin de la période triennale prévue par l'article 1-2 du décret précité du 15 février 1988 pour une telle réévaluation. Dans ces conditions, il n'est pas établi que l'administration aurait commis une faute à cet égard, susceptible d'engager sa responsabilité.
En ce qui concerne la rupture du contrat de travail :
6. D'une part, aux termes de l'article 23 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, alors applicable : " Des conditions d'hygiène et de sécurité de nature à préserver leur santé et leur intégrité physique sont assurées aux fonctionnaires durant leur travail ". Aux termes de l'article 2-1 du décret du 10 juin 1985 relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu'à la médecine professionnelle et préventive dans la fonction publique territoriale : " Les autorités territoriales sont chargées de veiller à la sécurité et à la protection de la santé des agents placés sous leur autorité ". Il appartient aux autorités administratives, qui ont l'obligation de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et morale de leurs agents, d'assurer, sauf à commettre une faute de service, la bonne exécution des dispositions législatives et réglementaires qui ont cet objet, ainsi que le précisent les dispositions précitées de l'article 2-1 du décret du 10 juin 1985.
7. D'autre part, aux termes de l'article 39 du décret du 15 février 1988 relatif aux agents contractuels de la fonction publique territoriale : " L'agent contractuel qui présente sa démission est tenu de respecter un préavis qui est de : (...) / - deux mois pour l'agent qui justifie auprès de l'autorité qui l'a recruté d'une ancienneté de services égale ou supérieure à deux ans. La démission est présentée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception (...) ". Pour l'application de ces dispositions, la démission ne peut résulter que d'une demande écrite de l'agent contractuel, marquant sa volonté non équivoque de cesser ses fonctions, et qui ne doit pas être donnée sous une contrainte de nature à vicier son consentement.
8. Les attestations produites par Mme C..., selon lesquelles des " dossiers lourds " lui étaient confiés, concernant des personnes âgées à l'état de santé dégradé, pour certaines atteintes de la maladie d'Alzheimer, ne suffisent pas à démontrer que le CCAS d'Amfreville-la-Mivoie l'aurait obligée à prendre en charge des missions, notamment de nature médicale, excédant le niveau des prestations prévues par son contrat de travail. Si elle soutient être intervenue de manière excessive au domicile d'une de ces personnes, patiente " en fin de vie " requérant d'importants soins médicaux, il ressort des plannings produits par l'administration que ses interventions étaient limitées, les jours de semaine, à trois quart d'heure en début de soirée à compter du 9 octobre 2017, à une demi-heure le matin et trois quarts d'heure en début de soirée à compter du 6 novembre 2017, et à une heure et demi en début de soirée à compter du 2 janvier 2018. En outre, il résulte de l'instruction que le CCAS d'Amfreville-la-Mivoie a pris en considération les difficultés rencontrées par Mme C... dans l'aide à domicile de cette bénéficiaire du centre communal en se rapprochant dès le mois de septembre 2017 du service de soins infirmiers à domicile qui, après une réunion tenue en décembre, a désigné une infirmière chargée d'intervenir à domicile à partir de janvier 2018. De plus, saisi du courrier de Mme C... du 8 février 2018, indiquant au CCAS d'Amfreville-la-Mivoie qu'elle n'interviendrait plus auprès de la bénéficiaire précitée, le président du centre communal l'a informée, le 12 février 2018, de son accord sur ce point tout en lui proposant d'assurer l'aide à domicile d'une autre bénéficiaire. Dans ces conditions, il n'est pas établi que le CCAS d'Amfreville-la-Mivoie aurait confié à Mme C... des tâches excédant les prévisions du contrat de travail et susceptibles de porter atteinte à sa santé physique et mentale, ni qu'il aurait ignoré ses signalements et refusé de répondre aux difficultés rencontrées, de telle sorte qu'elle se serait trouvée contrainte de démissionner. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que le CCAS d'Amfreville-la-Mivoie a engagé sa responsabilité en manquant à ses obligations de sécurité et de protection de la santé de ses agents, ou en la poussant à démissionner.
9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du CCAS d'Amfreville-la-Mivoie, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par Mme C..., au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de Mme C... la somme demandée au même titre par le CCAS d'Amfreville-la-Mivoie.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par le CCAS d'Amfreville-la-Mivoie au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... épouse C... et au centre communal d'action sociale d'Amfreville-la-Mivoie.
Délibéré après l'audience publique du 19 décembre 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur, assurant la présidence de la formation du jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme Dominique Bureau, première conseillère,
- M. Frédéric Malfoy, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 janvier 2024.
L'assesseure la plus ancienne,
Signé : D. BureauLe président de la formation de jugement,
Signé : J.-M. Guérin-Lebacq
La greffière,
Signé : N. Roméro
La République mande et ordonne au préfet de la Seine-Maritime en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
La greffière
N. Roméro
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N° 23DA00552