La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

31/10/2023 | FRANCE | N°22DA01444

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 31 octobre 2023, 22DA01444


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... D... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision par laquelle le directeur du centre hospitalier d'Armentières a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie et d'enjoindre au centre hospitalier d'Armentières de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie dans un délai d'un mois.

Par un jugement n° 1903358 du 19 mai 2022, le tribunal administratif de Lille a annulé la décision du directeur du centre hospitalier d'Armentières en date du 25

novembre 2020 et enjoint au centre hospitalier d'Armentières de reconnaître l'imp...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... D... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision par laquelle le directeur du centre hospitalier d'Armentières a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie et d'enjoindre au centre hospitalier d'Armentières de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie dans un délai d'un mois.

Par un jugement n° 1903358 du 19 mai 2022, le tribunal administratif de Lille a annulé la décision du directeur du centre hospitalier d'Armentières en date du 25 novembre 2020 et enjoint au centre hospitalier d'Armentières de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie de Mme D... à compter du 23 avril 2013, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 7 juillet 2022, le centre hospitalier d'Armentières, représenté par Me Jean-François Segard, demande à la cour :

1°) à titre principal, d'annuler ce jugement ;

2°) à titre subsidiaire, d'ordonner avant dire droit une expertise permettant de déterminer l'origine de la maladie et sa date d'apparition ;

3°) de mettre à la charge de Mme D... le paiement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que le lien direct et certain entre la pathologie dont souffre Mme D... et le service n'est pas démontré, dès lors que cette pathologie a été constatée médicalement pour la première fois le 18 août 2016, dans un délai supérieur à celui de six mois prévu par le tableau n° 98 relatif aux affections chroniques du rachis lombaire provoquées par la manutention manuelle de charges lourdes, figurant dans les tableaux annexés au livre IV du code de la sécurité sociale.

Par un mémoire en défense enregistré le 3 février 2023, Mme D..., représentée par la SELARL Ingelaere et Partners demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) de mettre à la charge du centre hospitalier d'Armentières le paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'aucun des moyens soulevés par l'appelant n'est fondé.

Par ordonnance du 6 avril 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 10 mai 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la sécurité sociale ;

- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

- le code général de la fonction publique ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- l'ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017 ;

- le décret n° 2020-566 du 13 mai 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guillaume Vandenberghe, rapporteur,

- les conclusions de Mme Caroline Regnier, rapporteure publique,

- et les observations de Me Sandra Vermeesch-Boquet, représentant le centre hospitalier d'Armentières.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... D... a demandé le 21 décembre 2013 au centre hospitalier d'Armentières la reconnaissance de l'imputabilité au service de lombalgies aiguës avec cruralgie et de gonalgies résultant d'une pathologie méniscale. Par le présent recours, le centre hospitalier d'Armentières fait appel du jugement n° 1903358 du 19 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Lille a annulé sa décision du 25 novembre 2020 de refus de reconnaissance de cette imputabilité et lui a enjoint de la reconnaître à compter du 23 avril 2013 dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement.

2. Aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, alors en vigueur : " Le fonctionnaire en activité a droit : / (...) / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. / (...) ". Les causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite doivent s'entendre des accidents de service, des maladies contractées ou aggravées en service, des actes de dévouement accomplis dans un intérêt public ou de l'exposition de ses jours pour sauver la vie d'une ou plusieurs personnes.

3. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduise à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. En outre, jusqu'à l'instauration de l'article L. 822-20 du code général de la fonction publique le 1er mars 2022, aucune disposition ne rendait applicables aux fonctionnaires hospitaliers qui demandent le bénéfice des dispositions combinées du 2° de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 et de l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite les dispositions de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale instituant une présomption d'origine professionnelle pour toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractées dans des conditions mentionnées à ce tableau, de sorte que la référence aux pathologies mentionnées au tableau n° 98 est inopérante.

4. Il ressort des pièces du dossier que les conclusions des expertises des docteurs Sivignol et Pouyol, rhumatologues, des 17 avril 2014 et 16 juin 2017 et les avis de la commission de réforme des 24 juin 2014, 19 décembre 2017 et 20 juin 2019, défavorables à la reconnaissance de l'imputabilité au service de la maladie de Mme D..., sont essentiellement motivées par le fait que la maladie a été constatée médicalement dans un délai supérieur à celui de six mois prévu par le tableau n° 98 relatif aux affections chroniques du rachis lombaire provoquées par la manutention manuelle de charges lourdes, figurant dans les tableaux annexés au livre IV du code de la sécurité sociale ainsi que par l'absence de concordance entre les troubles dont souffre Mme D... et les pathologies décrites par ledit tableau. Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point précédent, les dispositions de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale instituant une présomption d'origine professionnelle pour toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractées dans des conditions mentionnées à ce tableau ne sont pas applicables à la situation de Mme D.... De plus, selon les termes des conclusions de la contre-expertise du Dr A..., rhumatologue, en date du 15 juin 2018, le travail de Mme D... " constitue indiscutablement un facteur de risque professionnel de problèmes lombaires et de problèmes discaux notamment " et " il peut être légitimement établi un rapport probable de cause à effet entre son activité et l'apparition de ses problèmes lombaires et discaux et donc par voie de conséquence une reconnaissance en maladie professionnelle tableau 98 peut être justifiable ". De surcroît, Mme D... a exercé des fonctions d'infirmière au sein du centre hospitalier d'Armentières entre 1981 et 2013 où elle a, comme l'indique une attestation du 22 décembre 2016 du Dr C..., médecin de prévention, effectué des gestes répétitifs, une station debout prolongée ainsi que la manipulation de personnes âgées grabataires. En outre, Mme D..., comme le précise le courrier qui lui a été adressé par le centre hospitalier d'Armentières le 20 mai 2014, exerçait son activité dans un service comportant trois étages, ce qui a nécessairement accentué les sollicitations mécaniques occasionnées par le service. Enfin, il ressort des pièces du dossier que, dès 2013, un examen d'imagerie par résonance magnétique pratiqué le 23 avril 2013 ainsi que le certificat médical initial d'arrêt de travail pour maladie professionnelle du 19 décembre 2013 mettaient en évidence l'existence de lombalgies aiguës avec cruralgie par hernie discale L4-L5. Dans ces conditions et en l'absence de toute autre circonstance particulière susceptible de conduire à détacher la survenance de la maladie du service, Mme D... établit l'existence d'un lien direct entre les lombalgies et gonalgies dont elle souffre et ses conditions de travail et par suite, l'imputabilité au service de sa maladie.

5. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise complémentaire, que le centre hospitalier d'Armentières n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé la décision du 25 novembre 2020 et lui a enjoint de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie de Mme D.... Par suite, ses conclusions à fin d'annulation et, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'expertise ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge du centre hospitalier d'Armentières le paiement d'une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par Mme D... et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du centre hospitalier d'Armentières est rejetée.

Article 2 : Le centre hospitalier d'Armentières versera à Mme D... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier d'Armentières et à Mme B... D....

Délibéré après l'audience publique du 10 octobre 2023 à laquelle siégeaient :

- M. Thierry Sorin, président de chambre,

- M. Marc Baronnet, président-assesseur ;

- M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 octobre 2023.

Le rapporteur,

Signé : G. VandenbergheLe président de chambre,

Signé : T. Sorin

La greffière,

Signé : A.S. Villette

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

La greffière,

Anne-Sophie Villette

2

N°22DA01444


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22DA01444
Date de la décision : 31/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Sorin
Rapporteur ?: M. Guillaume Vandenberghe
Rapporteur public ?: Mme Regnier
Avocat(s) : SHBK AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 05/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-10-31;22da01444 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award