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10/10/2023 | FRANCE | N°21DA01977

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 10 octobre 2023, 21DA01977


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 2 février 2018 par laquelle le directeur du centre hospitalier d'Arras l'a suspendu de ses fonctions à titre conservatoire et lui a interdit l'accès aux locaux de l'établissement, ensemble la décision implicite rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 1806768 du 1er juillet 2021, le tribunal administratif de Lille a annulé ces décisions.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistr

ée le 16 août 2021, le centre hospitalier d'Arras, représenté par Me Guillaume Champenois, d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 2 février 2018 par laquelle le directeur du centre hospitalier d'Arras l'a suspendu de ses fonctions à titre conservatoire et lui a interdit l'accès aux locaux de l'établissement, ensemble la décision implicite rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 1806768 du 1er juillet 2021, le tribunal administratif de Lille a annulé ces décisions.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 16 août 2021, le centre hospitalier d'Arras, représenté par Me Guillaume Champenois, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande de première instance de M. A... ;

3°) de mettre à la charge de M. A... le paiement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier en ce qu'il est insuffisamment motivé ;

- c'est à tort que les premiers juges ont retenu le moyen tiré de l'erreur d'appréciation dont serait entachée la décision litigieuse ;

- en relevant le comportement de M. A... sans en déduire qu'il constituait une situation exceptionnelle mettant en péril la continuité du service ou la sécurité des patients, les juges ont entaché leur jugement d'une contradiction de motifs.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 octobre 2021, M. A..., représenté Me Alexandre Barège, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge du centre hospitalier d'Arras de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 26 avril 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 3 juin 2022.

Une note en délibéré, présentée pour le centre hospitalier d'Arras, par Me Champenois, a été enregistrée le 28 septembre 2023.

Une note en délibéré, présentée pour M. A..., par Me Barège, a été enregistrée le 9 octobre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Marc Baronnet, président-assesseur,

- les conclusions de Mme Caroline Regnier, rapporteure publique,

- et les observations de Me Guillaume Champenois, représentant le centre hospitalier d'Arras, et de Me Aurélie Bertin, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., chirurgien orthopédiste, a été nommé en qualité de praticien hospitalier, chirurgien des hôpitaux à compter du 1er juillet 2003, au centre hospitalier d'Arras. Par décision du 2 février 2018, le directeur du centre hospitalier d'Arras a prononcé à son encontre, à titre conservatoire, une mesure de suspension immédiate de ses fonctions. Le centre hospitalier d'Arras relève appel du jugement du 1er juillet 2021 par lequel le tribunal administratif de Lille a annulé cette décision ainsi que la décision implicite de rejet du recours gracieux de M. A....

Sur la régularité du jugement :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

3. Il ressort des motifs du jugement attaqué, notamment de son point 3, que les premiers juges ont longuement détaillé les faits reprochés à M. A... et ont estimé qu'ils ne suffisaient pas à établir une situation exceptionnelle mettant en péril, de manière imminente, la continuité du service ou la sécurité des patients comme l'exige une jurisprudence constante. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du jugement, laquelle ne se confond pas avec le bien-fondé des motifs, doit être écarté.

4. D'autre part, le moyen tiré de l'erreur qu'auraient commise les premiers juges, en ce qu'ils auraient ajouté un critère à la possibilité pour le directeur d'un centre hospitalier de décider, dans des circonstances exceptionnelles où sont mises en péril la continuité du service et la sécurité des patients, de suspendre les activités cliniques et thérapeutiques d'un praticien hospitalier au sein du centre, relève du bien-fondé du jugement et non de sa régularité et doit, par suite, être regardé comme inopérant.

Sur le bien-fondé du jugement :

5. Le directeur d'un centre hospitalier qui, aux termes de l'article L. 6143-7 du code de la santé publique, exerce son autorité sur l'ensemble du personnel de son établissement, peut légalement, dans des circonstances exceptionnelles où sont mises en péril la continuité du service et la sécurité des patients, décider de suspendre les activités cliniques et thérapeutiques d'un praticien hospitalier au sein de l'établissement, sous le contrôle du juge et à condition d'en référer immédiatement aux autorités compétentes pour prononcer la nomination du praticien concerné.

6. Il ressort des pièces du dossier que le directeur du centre hospitalier d'Arras a été rendu destinataire d'un rapport circonstancié le 24 janvier 2018, cosigné par une cadre de santé de bloc opératoire et une infirmière de bloc opératoire, signalant des comportements de M. A... à l'égard de cette dernière, consistant notamment en des remarques déplacées et des contacts physiques non désirés, pour lesquels une plainte pour harcèlement sexuel a été déposée le 30 janvier 2018. Des faits semblables ont été signalés par deux autres infirmières de bloc opératoire, par un rapport circonstancié du 25 janvier 2018, tels que des remarques et comportements à caractère sexuel et des gestes insultants. Il ressort d'une feuille d'événement indésirable du 16 décembre 2015, des propos tenus par M. A... lors de son entretien avec le directeur du centre hospitalier d'Arras et des témoignages de praticiens que le comportement de M. A... était connu depuis des années et avait déjà été signalé. Toutefois, le centre hospitalier n'apporte aucun élément de nature à établir que la poursuite de l'activité hospitalière de M. A... était de nature à caractériser une situation exceptionnelle mettant en péril, de manière imminente, la continuité du service ou la sécurité des patients. Dans ces conditions, si le comportement de M. A... pouvait, le cas échéant, donner lieu à une procédure disciplinaire, il ne saurait être regardé comme ayant compromis de manière grave et imminente la continuité du service ou la sécurité des patients. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont annulé la décision en date du 2 février 2018 par laquelle le directeur du centre hospitalier d'Arras a suspendu provisoirement M. A... de ses activités cliniques et thérapeutiques et lui a fait interdiction d'accéder aux locaux du centre hospitalier d'Arras, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux.

7. Enfin, en relevant, d'une part, le " comportement regrettable " de M. A... et, d'autre part, que le centre hospitalier n'établissait pas une situation exceptionnelle mettant en péril, de manière imminente, la continuité du service ou la sécurité des patients, le tribunal n'a pas entaché son jugement de contradiction de motifs.

Sur les frais liés au litige :

8. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier d'Arras le versement à M. A... de la somme qu'il demande au titre de l'article L. 761- 1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1 : La requête du centre hospitalier d'Arras est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de M. A..., présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au centre hospitalier d'Arras.

Délibéré après l'audience publique du 27 septembre 2023 à laquelle siégeaient :

- M. Thierry Sorin, président de chambre,

- M. Marc Baronnet, président-assesseur,

- M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 octobre 2023.

Le président-rapporteur,

Signé : M. Baronnet Le président de chambre,

Signé : T. Sorin

La greffière,

Signé : A.S. Villette

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière,

Anne-Sophie Villette

N°21DA01977 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21DA01977
Date de la décision : 10/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Sorin
Rapporteur ?: M. Marc Baronnet
Rapporteur public ?: Mme Regnier
Avocat(s) : SELARL HOUDART ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-10-10;21da01977 ?
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