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28/09/2023 | FRANCE | N°23DA00147

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 28 septembre 2023, 23DA00147


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Eric B... services a demandé au tribunal administratif d'Amiens de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos de 2012 à 2016, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2015 et des droits de taxe sur les véhicules de tourisme qui lui ont été réclamés pour la période d

u 1er octobre 2013 au 30 septembre 2015, ainsi que des pénalités correspondantes.

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Eric B... services a demandé au tribunal administratif d'Amiens de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos de 2012 à 2016, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2015 et des droits de taxe sur les véhicules de tourisme qui lui ont été réclamés pour la période du 1er octobre 2013 au 30 septembre 2015, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 2000582 du 22 décembre 2022, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 25 janvier 2023 et le 26 juin 2023, l'EURL Eric B... services, représentée par la SCP Bejin-Camus-Belot, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes et de prescrire la restitution, augmentée des intérêts moratoires prévus à l'article L. 208 du livre des procédures fiscales, des sommes recouvrées à ce titre.

Elle soutient que :

Sur la régularité du jugement attaqué :

- le jugement attaqué est irrégulier en ce que le mémoire présenté par l'administration le 1er août 2022 ne lui a pas été communiqué ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

- en raison de la participation d'une inspectrice des finances publiques à l'enquête pénale confiée aux services de la gendarmerie, elle doit être regardée comme ayant fait l'objet d'une vérification de comptabilité innommée engagée avant même qu'elle en ait été informée par la remise d'un avis de vérification, en méconnaissance de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales ; en outre, l'administration a admis que le contrôle fiscal avait été mis en œuvre avant la première intervention sur place dans les locaux de la société ;

Sur les rehaussements opérés au titre des années 2012 et 2013 :

- l'administration, en ne lui remettant pas le CD-Rom contenant l'intégralité de la procédure pénale qu'elle avait obtenu de l'autorité judiciaire au titre de son droit de communication, a méconnu l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ;

- l'administration ne pouvait pas se prévaloir du délai de reprise spécial prévu à l'article L. 188 C du livre des procédures fiscales dès lors, d'une part, que les procès-verbaux sur lesquels s'est fondé le service ont été établis au stade de l'enquête préliminaire et non d'une instance judiciaire et, d'autre part, qu'elle disposait, du fait de la supervision de l'enquête pénale par un agent de l'administration fiscale, d'éléments suffisants pour mettre en œuvre les procédures d'investigation dont elle disposait ;

- la majoration de 80 % pour manœuvres frauduleuses méconnaît le principe de personnalité des peines ;

Sur les rehaussements opérés au titre des années 2014 à 2016 :

- l'administration, en ne lui communiquant pas, dans leur intégralité, les documents qu'elle a obtenus à l'occasion de l'exercice de son droit de communication et en ne portant pas à sa connaissance l'exercice du droit de communication exercé auprès de deux sociétés, a méconnu l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ;

- la demande de communication du dossier pénal a été effectuée antérieurement à la première intervention ;

- les irrégularités reprochées ne justifiaient pas le rejet de sa comptabilité ;

- la procédure est irrégulière en ce que l'avis de mise en recouvrement lui a été notifié avant que l'interlocuteur départemental ne prenne position ;

- il n'est pas établi que le courrier du 29 octobre 2018, signé par l'interlocuteur interrégional, aurait été rédigé par celui-ci ;

- le service ne lui a pas restitué les exemplaires originaux des liasses fiscales qu'elle avait produites lors du contrôle, ce qui constitue un emport irrégulier de documents comptables ;

- le rappel de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2015 n'est pas justifié dès lors que le produit de la vente en cause, dont le vendeur s'est acquitté de la somme entre les mains d'un mandataire judiciaire, a donné lieu immédiatement à une inscription comptable, en charges, d'un même montant ;

- les frais de déplacement de F... ont été engagés dans l'intérêt de l'entreprise de sorte qu'ils auraient dû être admis en déduction, à tout le moins à hauteur des quarante premiers kilomètres ;

- elle est fondée à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des énonciations de la documentation administrative référencée BOI-RSA-BASE-30-50-30-20 ;

- les rehaussements portant sur l'absence de comptabilisation de factures de subrogation émanant de la société à responsabilité limitée (SARL) Artois métaux ne sont pas fondés ; subsidiairement, les montants retenus par le service sont exagérés ;

- les commissions dont elle s'est acquittée auprès de la société MCDC ne sont pas fictives ;

- les majorations appliquées n'ont pas été prises par un agent compétent pour ce faire, en méconnaissance des dispositions combinées des articles L. 80 E et R. 80 E-1 du livre des procédures fiscales ;

- la majoration de 40 % pour manquement délibéré n'est pas justifiée ;

- la majoration de 80 % pour manœuvres frauduleuses n'est pas justifiée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 mai 2023, et par un mémoire, enregistré le 5 juillet 2023, qui n'a pas été communiqué, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par l'EURL Eric B... services ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 28 juin 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 31 juillet 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de procédure pénale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pin, président-assesseur,

- les conclusions de M. Arruebo-Mannier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Eric B... services, qui exerce notamment une activité de transport et de négoce de matériaux de construction et de métaux, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos en 2014, 2015 et 2016, au cours de laquelle l'administration fiscale, faisant usage du droit de communication prévu aux articles L. 81 et L. 82 C du livre des procédures fiscales, a pris connaissance de documents recueillis par l'autorité judiciaire dans le cadre d'une procédure pénale diligentée à l'encontre de la société. A l'issue de ce contrôle, l'administration fiscale, après avoir écarté la comptabilité présentée par la société comme irrégulière et non probante, lui a notifié, selon la procédure contradictoire, des rehaussements en matière d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2014, 2015 et 2016, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2015 ainsi que des droits de taxe sur les véhicules de tourisme utilisés par les sociétés pour la période du 1er octobre 2013 au 30 septembre 2015, assortis des majorations de 40 % et de 80 % sur le fondement de l'article 1729 du code général des impôts. Le service, faisant application du délai spécial de reprise prévu à l'article L. 188 C du livre des procédures fiscales, a également procédé à un contrôle sur pièces portant sur les exercices clos en 2012 et 2013, à l'issue duquel l'administration a assujetti l'EURL Eric B... services à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, au titre de ces exercices, auxquelles elle a appliqué la majoration de 80 % pour manœuvres frauduleuses. L'EURL Eric B... services relève appel du jugement du 22 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " (...) / La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes (...). / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux ". Il résulte de ces dispositions, destinées à garantir le caractère contradictoire de l'instruction, que la méconnaissance de l'obligation de communiquer un mémoire contenant des éléments nouveaux est en principe de nature à entacher la procédure d'irrégularité. Il n'en va autrement que dans le cas où il ressort des pièces du dossier que, dans les circonstances de l'espèce, cette méconnaissance n'a pas pu préjudicier aux droits des parties.

3. Il ressort des pièces de la procédure suivie devant le tribunal administratif que l'administration fiscale a produit, le 31 mai 2022, un premier mémoire en défense, qui a été communiqué à l'EURL Eric B... services, puis, le 1er août 2022, un second mémoire en défense, qui n'a pas été communiqué. Toutefois, ce second mémoire ne contenait aucun élément nouveau par rapport aux éléments déjà produits dans le cadre du mémoire enregistré le 31 mai 2022. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que l'absence de communication de ce nouveau mémoire a entaché la procédure suivie devant les premiers juges d'irrégularité.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

En ce qui concerne les rehaussements établis au titre des exercices clos en 2012 et 2013 :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 188 C du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction, applicable au litige, issue de la loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015 : " Même si les délais de reprise sont écoulés, les omissions ou insuffisances d'imposition révélées par une procédure judiciaire, par une procédure devant les juridictions administratives ou par une réclamation contentieuse peuvent être réparées par l'administration des impôts jusqu'à la fin de l'année suivant celle de la décision qui a clos la procédure et, au plus tard, jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due ". Des insuffisances ou omissions d'imposition ne peuvent pas être regardées comme révélées par une procédure judiciaire au sens de cet article lorsque l'administration dispose d'éléments suffisants lui permettant, par la mise en œuvre des procédures d'investigation dont elle dispose, d'établir ces insuffisances ou omissions d'imposition dans le délai normal de reprise prévu à l'article L. 169 du livre des procédures fiscales.

5. D'une part, la circonstance que les procès-verbaux d'audition faisant apparaître des renonciations à recettes de la part de l'EURL Eric B... services ont été dressés au stade de l'enquête préliminaire dirigée par le procureur de la République avant l'engagement de poursuites ayant la nature d'une instance, est, en tout état de cause, sans incidence sur la possibilité pour l'administration fiscale de se prévaloir du délai spécial de reprise prévu à l'article L. 188 C du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable aux exercices 2012 et 2013 issue de la loi du 29 décembre 2015.

6. D'autre part, la société appelante soutient que l'administration fiscale disposait dès 2015, du fait du concours apporté par une inspectrice des finances publiques à l'enquête pénale, d'éléments suffisants lui permettant, par la mise en œuvre des procédures d'investigation dont elle dispose, d'établir ces insuffisances d'imposition dans le délai normal de reprise. Toutefois, il résulte de l'instruction que cette inspectrice des finances publiques, qui n'était pas affectée dans un service relevant de la direction générale des finances publiques mais était mise à disposition du groupe d'intervention régional (GIR) de Picardie, structure rattachée à la section de recherches de la gendarmerie d'Amiens, a été requise par le procureur de la République, au stade de l'enquête préliminaire, en qualité de sachant, sur le fondement de l'article 77-1 du code de procédure pénale, aux fins d'assister les services d'enquête et qu'elle a, à ce titre, en particulier, communiqué aux services de gendarmerie des extraits du fichier national des comptes bancaires et assimilés et assisté les enquêteurs lors de l'audition de F.... Or, les agents des finances publiques mis à disposition des GIR et chargés d'apporter une assistance technique aux enquêtes, ne relèvent pas, pour les missions qu'ils y accomplissent, de la direction générale des finances publiques et sont, en outre, tenus au secret de l'enquête prévu à l'article 11 du code de procédure pénale. Ainsi, ces agents n'ont pas, contrairement à ce que soutient la société requérante, à rendre compte aux services de la direction générale des finances publiques des informations issues des enquêtes judiciaires dont ils ont à connaître lorsqu'ils sont placés sous l'autorité du chef du GIR. Dans ces conditions, il ne résulte pas de l'instruction, en l'absence de tout élément contraire, que l'administration fiscale aurait disposé d'éléments qui lui auraient permis de procéder aux rectifications litigieuses dans le délai normal de reprise. Par suite, l'administration était fondée à faire application du délai spécial de reprise et les impositions de la période mentionnée ci-dessus n'étaient pas atteintes par la prescription à la date à laquelle elles ont été mises en recouvrement.

7. En second lieu, aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ". Il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en œuvre, et au plus tard avant la mise en recouvrement, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus auprès de tiers qu'elle a utilisés pour fonder les impositions, avec une précision suffisante pour permettre à l'intéressé de demander que les documents qui contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent. Lorsque le contribuable lui en fait la demande, l'administration est, en principe, tenue de lui communiquer, alors même qu'il en aurait eu connaissance, les renseignements, documents ou copies de documents obtenus auprès de tiers qui lui sont opposés, afin de lui permettre d'en vérifier l'authenticité ou d'en discuter la teneur ou la portée. Il en va autrement s'agissant des documents et renseignements qui, à la date de la demande de communication, sont directement et effectivement accessibles au contribuable dans les mêmes conditions qu'à l'administration. Dans cette dernière hypothèse, si le contribuable établit qu'il ne peut avoir effectivement accès aux mêmes documents et renseignements que ceux détenus par l'administration, celle-ci est alors tenue de les lui communiquer.

8. Il ressort des termes mêmes de la proposition de rectification du 25 janvier 2018 adressée à l'EURL Eric B... services, que le service a obtenu, dans le cadre de son droit de communication exercé auprès de l'autorité judiciaire sur le fondement de l'article L. 82 C du livre des procédures fiscales, la copie de plusieurs documents, le 24 novembre 2017, transmis sur un support CD-Rom. L'EURL Eric B... services a sollicité, par courriers adressés les 30 janvier et 16 mars 2018, la communication de toutes les pièces ainsi obtenues. Le 30 octobre 2018, soit avant la mise en recouvrement des impositions contestées, le service a communiqué à la société une partie de ces documents. Si l'EURL Eric B... services soutient que la communication partielle des documents obtenus auprès de l'autorité judiciaire a entaché la procédure d'imposition d'irrégularité, il résulte de l'instruction que les documents qui lui ont été communiqués correspondent à ceux dont le contenu a été cité dans la proposition de rectification et qui ont été utilisés pour fonder les rehaussements en litige. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales doit donc être écarté.

En ce qui concerne les rehaussements établis au titre des exercices clos en 2014, 2015 et 2016 :

9. En premier lieu, aux termes de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales : " Un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle d'une personne physique au regard de l'impôt sur le revenu ou une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification. / Cet avis doit préciser les années soumises à vérification et mentionner expressément, sous peine de nullité de la procédure, que le contribuable a la faculté de se faire assister par un conseil de son choix. / (...) ".

10. Il résulte de l'instruction et, notamment, des mentions portées sur la proposition de rectification du 14 décembre 2017 adressée à l'EURL Eric B... services, que cette dernière a fait l'objet d'une vérification de comptabilité du 7 novembre 2017 au 5 décembre 2017. Il est constant que la société a été avisée de ce contrôle par un avis de vérification de comptabilité adressée à son siège le 20 octobre 2017. Les investigations opérées auprès de l'EURL Eric B... services par les services du GIR de Picardie à compter de septembre 2015, co-saisi avec la brigade de recherches de gendarmerie de Péronne, ont été effectuées non à des fins de vérification fiscale, sur le fondement des dispositions du code général des impôts, mais au titre de l'enquête préliminaire ordonnée par le procureur de la République et ne sauraient caractériser un début d'examen des écritures comptables de la société. La circonstance qu'une inspectrice des finances publiques, placée auprès du GIR de Picardie et requise par l'autorité judiciaire en qualité de sachant, a été conduite à intervenir au cours de ces investigations, ne confère pas à cette enquête préliminaire le caractère d'une vérification de comptabilité. En outre, il résulte de l'instruction qu'à la suite d'une demande effectuée par le vérificateur le 7 novembre 2017, le procureur de la République a autorisé le service à consulter et prendre copie du dossier de la procédure pénale le 17 novembre 2017, soit après que la procédure de vérification de comptabilité a été engagée. Par suite, le moyen tiré de ce que ce contrôle n'a pas été précédé de l'envoi au contribuable de l'avis de vérification prévu à l'article L. 47 du livre des procédures fiscales doit être écarté.

11. En deuxième lieu, par courriers des 19 décembre 2017 et 14 février 2018, l'EURL Eric B... services a sollicité la communication des pièces que le service a obtenues, dans le cadre de l'exercice de son droit de communication auprès de l'autorité judiciaire sur le fondement de l'article L. 82 C du livre des procédures fiscales. Le service a communiqué à la société une partie de ces documents le 30 octobre 2018, soit avant la mise en recouvrement des impositions contestées, ainsi qu'il a été dit au point 8. Si l'EURL Eric B... services soutient que la communication partielle des documents obtenus auprès de l'autorité judiciaire a entaché la procédure d'imposition d'irrégularité, il résulte de l'instruction que, ainsi qu'il a été dit précédemment, les documents qui lui ont été communiqués correspondent à ceux dont le contenu a été cité dans la proposition de rectification et qui ont été utilisés pour fonder les rehaussements en litige. En outre, si l'EURL Eric B... services fait valoir que l'administration ne l'a pas informée de ce qu'elle avait mis en œuvre l'exercice du droit de communication qu'elle tient de l'article L. 85 du livre des procédures fiscales auprès de deux sociétés avec lesquelles elle entretient des relations commerciales, il résulte de l'instruction, et il n'est au demeurant pas contesté, que le service n'a pas utilisé d'éléments obtenus auprès de ces sociétés pour fonder les rehaussements en litige. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales doit être écarté.

12. En troisième lieu, aux termes du dernier alinéa de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales : " Les dispositions contenues dans la charte des droits et obligations du contribuable vérifié mentionnées au troisième alinéa de l'article L. 47 sont opposables à l'administration ". Aux termes du troisième alinéa de l'article L. 47 du même livre : " L'avis informe le contribuable que la charte des droits et obligations du contribuable vérifié peut être consultée sur le site internet de l'administration fiscale ou lui être remise sur simple demande ". Par ailleurs, aux termes de la charte précitée, dans sa rédaction applicable au litige : " En cas de désaccord avec le vérificateur vous pouvez saisir l'inspecteur divisionnaire ou principal. Si le vérificateur a maintenu totalement ou partiellement les rectifications envisagées, des éclaircissements supplémentaires peuvent vous être fournis si nécessaire par l'inspecteur divisionnaire ou principal. Vous pouvez faire appel à l'interlocuteur. Si, après ces contacts des divergences importantes subsistent, vous pouvez faire appel à l'interlocuteur spécialement désigné par le directeur dont dépend le vérificateur ". Ces dispositions assurent au contribuable qui en fait la demande la garantie substantielle de pouvoir obtenir, avant la clôture de la procédure de redressement, un débat avec le supérieur hiérarchique du vérificateur puis avec l'interlocuteur départemental dans les conditions qu'elles précisent.

13. Il résulte de l'instruction que le représentant de l'EURL Eric B... services a été reçu le 11 juillet 2018 par l'interlocuteur fiscal interrégional, soit avant la mise en recouvrement des impositions et pénalités en litige intervenue le 16 décembre 2019. Si la société requérante fait valoir qu'il n'est pas établi que le courrier du 29 octobre 2018 signé par l'interlocuteur interrégional, lui confirmant le maintien de la position du service vérificateur, a été rédigé par son auteur, une telle circonstances est, en tout état de cause, sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition dès lors que ces impositions ont été mises en recouvrement postérieurement à l'entretien avec l'interlocuteur à qui aucune disposition ne faisait d'ailleurs obligation de faire connaître sa position par écrit.

14. En quatrième lieu, il résulte de l'ensemble des dispositions du livre des procédures fiscales relatives aux opérations de vérification de comptabilité que celles-ci se déroulent chez le contribuable ou au siège de l'entreprise vérifiée. Toutefois, sur la demande écrite du contribuable, le vérificateur peut emporter certains documents dans les bureaux de l'administration, qui en devient ainsi dépositaire. Dans ce cas, il doit remettre à l'intéressé un reçu détaillé des pièces qui lui sont confiées. En outre, cette pratique ne saurait avoir pour effet de priver le contribuable des garanties qu'il tient des articles L. 47 et L. 52 du livre des procédures fiscales et qui ont notamment pour objet de lui assurer des possibilités de débat oral et contradictoire avec le vérificateur. A cette fin, les documents comptables emportés doivent être restitués dans leur intégralité avant la fin des opérations de vérification. L'absence de restitution au contribuable de tout ou partie des documents comptables ayant fait l'objet d'un emport étant susceptible de priver celui-ci d'un débat oral et contradictoire, il en résulte que la vérification de comptabilité est dans son ensemble entachée d'irrégularité, ce qui entraîne la décharge de tous les redressements trouvant leur source dans la vérification irrégulière, même si certains d'entre eux ne sont pas directement fondés sur l'examen des documents emportés et non restitués.

15. Si l'EURL Eric B... services fait valoir qu'elle a remis au vérificateur les seuls exemplaires dont elle disposait des liasses fiscales portant sur les exercices 2008 à 2012 et que celles-ci ne lui ont été restituées que le 16 juillet 2018, soit postérieurement à la clôture de la vérification de comptabilité, les déclarations fiscales en cause ne constituent pas des documents comptables dont l'emport, faute de demande écrite du contribuable, entacherait d'irrégularité la procédure de vérification. En conséquence, le moyen tiré d'un emport irrégulier de documents comptables en cours de vérification de comptabilité ne peut qu'être écarté.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne le rejet de la comptabilité :

16. Si l'EURL Eric B... services soutient que les irrégularités relevées par le vérificateur ne justifiaient pas, à elles seules, que sa comptabilité soit écartée, il résulte de l'instruction que si l'administration a écarté la comptabilité de la société au motif qu'elle ne pouvait être regardée comme probante et régulière, elle n'en a tiré aucune conséquence en ce qui concerne l'assiette des impositions litigieuses. Par suite, le moyen tiré de ce que c'est à tort que l'administration a rejeté la comptabilité de la société requérante doit être écarté comme inopérant.

En ce qui concerne les rappels de taxe sur la valeur ajoutée collectée :

17. Il résulte de l'instruction que, le 31 mars 2015, l'EURL Eric B... services, alors placée en procédure de sauvegarde judiciaire, a cédé un véhicule et une remorque, pour un montant total de 52 500 euros, dont 8 700 euros de taxe sur la valeur ajoutée collectée qui n'a pas été déclarée. L'administration a relevé que la société avait comptabilisé la somme de 52 500 euros au compte courant d'associé de F... sans comptabiliser la taxe sur la valeur ajoutée collectée sur cette vente au crédit du compte de taxe sur la valeur ajoutée collectée. Si la société requérante fait valoir que le montant de cette vente a été réglé par le vendeur directement auprès du commissaire à l'exécution du plan de sauvegarde, cette circonstance est sans incidence sur le montant de la taxe grevant cette vente et dont la société était redevable. En conséquence, c'est à bon droit que l'administration a rappelé à ce titre la somme de 8 700 euros.

En ce qui concerne les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2014, 2015 et 2016 :

S'agissant des frais de déplacement domicile-travail de F... :

18. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : / 1° Les frais généraux de toute nature (...). / Les dépenses ci-dessus énumérées peuvent également être réintégrées dans les bénéfices imposables dans la mesure où elles sont excessives et où la preuve n'a pas été apportée qu'elles ont été engagées dans l'intérêt direct de l'entreprise. / (...) ".

19. Les frais de transport, hôtellerie et restauration exposés par une société pour les besoins des déplacements effectués par un salarié ou par un dirigeant dans l'exercice de leurs fonctions constituent en principe des charges déductibles de son bénéfice. Il en va de même des charges exposées pour le remboursement au salarié ou au dirigeant de telles dépenses, qui ont la nature de frais professionnels, lorsque celui-ci en a fait l'avance. Dans un tel cas, ces sommes ne sont pas taxables entre les mains de l'intéressé. En revanche les dépenses exposées pour les besoins du déplacement du salarié ou du dirigeant depuis son domicile vers le lieu où il exerce ses fonctions ont la nature d'une dépense personnelle de ce dernier. S'il est loisible à l'employeur d'en assurer la prise en charge, celle-ci, sous réserve qu'elle ne conduise pas à porter la rémunération à un niveau excessif, a la nature, pour le salarié ou le dirigeant, d'un avantage en nature taxable entre ses mains dans la catégorie des traitements et salaires ou en application de l'article 62 du code général des impôts. Symétriquement, elle constitue, sous la même réserve, une charge déductible des bénéfices de l'employeur. Ce traitement fiscal est toutefois subordonné à la condition que les avantages en nature ainsi accordés par la société à son personnel, y compris ses dirigeants, soient, conformément aux prescriptions de l'article 54 bis du code général des impôts, inscrits explicitement comme tels en comptabilité. A défaut, ils constituent des avantages occultes au sens du c. de l'article 111 du code général des impôts, imposables entre les mains du bénéficiaire dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, et ne sont pas déductibles des bénéfices de la société.

20. Après avoir constaté que l'EURL Eric B... services avait pris en charge des frais de déplacement au profit de son gérant, F..., entre son domicile à Dieppe (Seine-Maritime) et le siège social de la société situé à Fins (Somme), le service a relevé que de tels trajets domicile-travail ne présentaient pas le caractère de dépenses exposées dans l'intérêt de l'entreprise et qu'ils n'avaient pas été explicitement comptabilisés comme des avantages en nature, conformément aux dispositions de l'article 54 bis du code général des impôts. A la suite de l'avis de la commission des impôts directs et des taches sur le chiffre d'affaires du 26 septembre 2019, le service a réintégré dans le résultat imposable de la société les indemnités kilométriques qu'elle avait prises en charge au profit de son gérant pour un montant de de 8 415 euros au titre de l'exercice clos en 2015 et de 11 879 euros au titre de l'exercice clos en 2016. La société requérante, qui n'établit ni même n'allègue que les frais de déplacement de son gérant auraient été explicitement comptabilisés comme des avantages en nature, conformément aux dispositions de l'article 54 bis du code général des impôts, n'est donc pas fondée à en demander la déduction en application des dispositions de l'article 39 du code général des impôts.

21. L'EURL Eric B... services ne peut, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, utilement revendiquer, à l'appui de ses conclusions tendant à la décharge des impositions auxquelles elle a été assujettie, le bénéfice des énonciations de la documentation administrative référencée BOI-RSA-BASE-30-50-30-20 interprétant les dispositions du 3° de l'article 83 du code général des impôts qui permettent aux bénéficiaires de traitements et salaires de déduire des sommes perçues par eux à ce titre seulement le montant de leurs frais professionnels réels et notamment de leurs frais de déplacement.

S'agissant de l'absence de comptabilisation de la vente de ferraille à la SARL Artois métaux :

22. Il résulte de l'instruction et, notamment, des mentions concordantes des procès-verbaux d'audition du gérant de la SARL Artois métaux et de F..., obtenus par l'administration dans le cadre de l'exercice de son droit de communication, que la SARL Artois métaux, cliente de l'EURL Eric B... services, achetait à cette dernière de la ferraille et qu'à la demande de F..., gérant de la société requérante, la société de droit marocain ... et l'EURL ..., dont les gérants étaient respectivement M. et Mme B..., étaient chargées d'établir les factures de vente de ces métaux à la SARL Artois métaux afin que le produit de ces ventes n'apparaisse pas dans la comptabilité de l'EURL Eric B... services. Ces faits ont été expressément admis par F... lors de la procédure judiciaire. Si la société requérante soutient que le service devait tenir compte des factures telles qu'elles ont été établies et que celles-ci étaient opposables à l'administration, il appartient à cette dernière, lorsque se révèle, comme en l'espèce, une fraude commise en vue d'obtenir l'application de dispositions de droit public, d'y faire échec même dans le cas où cette fraude revêt la forme d'un acte de droit privé. Pour établir le montant des sommes correspondant à ces ventes dissimulées, l'administration a exercé son droit de communication auprès de la SARL Artois métaux, laquelle a communiqué ses comptes clients des sociétés MCDC et ... au titre de l'exercice 2014. Il résulte des éléments ainsi obtenus par l'administration que le montant des recettes éludées s'élève à 50 809,10 euros. La société requérante n'apporte aucun élément probant en sens contraire. Dès lors, l'administration doit être regardée comme établissant les omissions de recettes dont procèdent les impositions en litige.

S'agissant des charges fictives comptabilisées par la société :

23. Au titre des exercices clos en 2014 et 2015, l'EURL Eric B... services a versé des commissions à la société de droit marocain MCDC à hauteur respectivement de 52 819 euros et de 27 460 euros. Pour remettre en cause les charges ainsi comptabilisées par l'EURL Eric B... services au motif qu'elles présentaient un caractère fictif, l'administration a relevé, en se fondant sur les procès-verbaux d'audition obtenus au titre du droit de communication, que la société MCDC a été créée en 2012 par F..., gérant et associé unique de la société requérante, après que les transactions en espèces relatives à l'achat au détail de métaux ferreux ont été interdites par l'article 51 de la loi du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011, dans le seul but de transférer des fonds au Maroc pour ensuite rémunérer, sous forme d'espèces, son fournisseur de métaux, M. C..., la relation commerciale entre l'EURL Eric B... services et la société MCDC ayant cessé au cours de l'année 2015, concomitamment à un dépôt de plainte de F... à l'encontre de son fournisseur de métaux ferreux. F... a expressément reconnu, au cours de la procédure judiciaire, que les commissions en cause ont été versées par l'EURL Eric B... services à la société MCDC dans le seul but de rémunérer, par le retrait d'espèces au Maroc, son fournisseur de métaux. Si la société requérante se prévaut d'un contrat qu'elle a conclu le 2 janvier 2012 avec la société MCDC, signé par F... en sa qualité de gérant de chacune de ces deux sociétés, aux termes duquel la société MCDC est rémunérée par l'EURL Eric B... services pour des prestations " d'apporteur d'affaires ", il résulte de l'instruction, notamment des procès-verbaux d'audition de F..., que les charges en cause comptabilisées par l'EURL Eric B... services n'ont pas rémunéré des prestations réalisées en application de ce contrat. La circonstance que la société MCDC a une existence légale au Maroc et que F... y dispose d'un appartement est à cet égard sans incidence. Par suite, l'administration doit être regardée comme démontrant le caractère fictif des factures émises par la société MCDC au titre de commissions d'apporteur d'affaires et comptabilisées par l'EURL Eric B... services dans un compte de charges. L'administration était dès lors fondée à les réintégrer dans le résultat imposable de cette société.

Sur les majorations :

En ce qui concerne les majorations appliquées au titre des exercices clos en 2012 et 2013 :

24. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / (...) / c. 80 % en cas de manœuvres frauduleuses (...) ".

25. Tant le principe de responsabilité personnelle que le principe de personnalité des peines s'opposent à ce que des pénalités fiscales, qui présentent le caractère d'une punition tendant à empêcher la réitération des agissements qu'elles visent, puissent être prononcées à l'encontre de contribuables lorsque ceux-ci n'ont pas participé aux agissements que ces pénalités répriment.

26. Pour justifier l'application de la majoration prévue au c. de l'article 1729 du code général des impôts aux rehaussements correspondant à l'absence de comptabilisation de la vente de métaux ferreux par l'EURL Eric B... services à la SARL Artois métaux, l'administration a relevé, en se fondant sur les éléments issus de la procédure judiciaire obtenus au titre de l'exercice du droit de communication, que F..., gérant et associé unique de la société requérante, avait demandé à la société Artois métaux que le paiement de ces métaux soit adressé non pas au fournisseur, l'EURL Eric B... services, mais à la société de droit marocain MCDC et à la société ..., détenues respectivement par M. et Mme B..., par un procédé de factures fictives et d'édition par la société Artois métaux de factures subrogatoires, destiné à minorer le résultat fiscal de la société tout en transférant les fonds à destination de sociétés détenues par M. et Mme B.... Si l'EURL Eric B... services soutient que le service ne pouvait lui infliger cette majoration sans méconnaître le principe de personnalité des peines, dès lors que F... serait le seul redevable légal de cette pénalité, il résulte cependant de l'instruction que celui-ci, gérant et associé unique de l'EURL Eric B... services, a agi en cette qualité en vue de minorer le résultat de la société. L'ensemble des éléments énoncés ci-dessus, corroborés par les extraits de compte de la SARL Artois métaux obtenus par l'administration au titre de son droit de communication, permet de démontrer que la société, par l'intermédiaire de son gérant, a fait usage de procédés destinés à égarer l'administration dans l'exercice de son pouvoir de contrôle. Dès lors, l'administration apporte la preuve, qui lui incombe, que c'est à bon droit que les impositions litigieuses ont été assorties de la majoration de 80 % prévue au c. de l'article 1729 du code général des impôts.

En ce qui concerne les majorations appliquées au titre des exercices clos en 2014, 2015 et 2016 :

S'agissant de la régularité de la procédure d'établissement des pénalités :

27. Aux termes de l'article L. 80 E du livre des procédures fiscales : " La décision d'appliquer les majorations et amendes prévues aux articles 1729 (...) du code général des impôts est prise par un agent de catégorie A détenant au moins un grade fixé par décret qui vise à cet effet le document comportant la motivation des pénalités ". Aux termes de l'article R. 80 E-1 de ce livre : " La décision d'appliquer les majorations et amendes mentionnées à l'article L. 80 E est prise par un agent ayant au moins le grade d'inspecteur divisionnaire ".

28. Il résulte de l'instruction que la proposition de rectification du 14 décembre 2017 a été visée par Mme E..., titulaire du grade d'inspectrice principale des finances publiques, lequel, en vertu des dispositions de l'article 2 du décret du 26 août 2010 portant statut particulier des personnels de catégorie A de la direction générale des finances publiques, est supérieur à celui d'inspecteur divisionnaire. Si la société conteste l'authenticité de la signature de l'inspectrice principale, au motif que cette signature ne présenterait pas des caractéristiques graphiques identiques entre cette proposition de rectification et celle du 25 janvier 2018 ou encore celle de la réponse aux observations du contribuable du 27 mars 2018, elle ne peut être regardée comme remettant sérieusement en cause l'authenticité de la signature apposée sur ces documents en se bornant à se prévaloir d'une expertise graphologique, dépourvue de caractère contradictoire, et dont la conclusion n'exclut d'ailleurs pas la possibilité que ces signatures émanent de la main du même agent.

Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions des articles L. 80 E et R. 80 E-1 du livre des procédures fiscales doit être écarté comme manquant en fait.

S'agissant de la majoration pour manquement délibéré :

29. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; / (...) / c. 80 % en cas de manœuvres frauduleuses (...) ".

30. L'administration a assorti les rectifications relatives aux indemnités kilométriques de la majoration de 40 % prévue par les dispositions du a. de l'article 1729 du code général des impôts en cas de manquement délibéré. Pour justifier l'application de cette majoration, l'administration a relevé que F..., qui exerce des fonctions de gérant de l'EURL Eric B... services dont il est l'unique associé, ne pouvait ignorer le caractère personnel et non justifié des indemnités pour frais de déplacement que la société lui a accordées au cours des deux années en litige. En se fondant sur ces éléments, l'administration apporte la preuve, qui lui incombe, de l'intention délibérée de la société d'éluder l'impôt dû. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que l'administration ne pouvait assortir les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés relatives aux indemnités kilométriques auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2015 et 2016 de la majoration pour manquement délibéré.

S'agissant de la majoration pour manœuvres frauduleuses :

31. En premier lieu, l'administration a appliqué la majoration de 80 % prévue au c. de l'article 1729 du code général des impôts aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée collectée correspondant à la vente d'un véhicule d'un montant de 52 200 euros par l'EURL Eric B... services, et aux cotisations d'impôt sur les sociétés afférentes au profit sur le Trésor. Pour justifier du bien-fondé de l'application de cette majoration, l'administration fiscale relève que la société n'a pas déclaré la taxe sur la valeur ajoutée collectée exigible sur cette transaction et que le montant toutes taxes comprises de cette vente a été crédité au compte courant d'associé de F..., cette écriture comptable irrégulière ayant pour seul objet de minorer les déclarations de résultats et de taxe sur la valeur ajoutée de la société tout en permettant à son dirigeant d'appréhender, pour un montant significatif, des fonds sociaux en franchise d'impôt alors, en outre, que le libellé de la comptabilisation de cette écriture au compte courant d'associé de F... était sciemment erroné. L'ensemble de ces éléments caractérise l'usage par l'EURL Eric B... services d'un procédé destiné à égarer l'administration dans l'exercice de son pouvoir de contrôle. En conséquence, l'administration établit l'existence de manœuvres frauduleuses justifiant l'application aux droits en litige de la majoration de 80 % prévue au c. de l'article 1729 du code général des impôts.

32. En deuxième lieu, pour justifier l'application de cette même majoration aux rehaussements correspondant à l'absence de comptabilisation de la vente de métaux ferreux par l'EURL Eric B... services à la SARL Artois métaux, l'administration a relevé, en se fondant sur les éléments issus de la procédure judiciaire obtenus au titre de l'exercice du droit de communication, que F... avait demandé à la société Artois métaux que le paiement de ces métaux soit adressé non pas au fournisseur, l'EURL Eric B... services, mais à la société de droit marocain MCDC et à la société ..., détenues respectivement par M. et Mme B..., par un procédé de factures fictives et d'édition par la société Artois métaux de factures subrogatoires, destiné à minorer le résultat fiscal de l'EURL Eric B... services tout en transférant les fonds à destination de sociétés détenues par M. et Mme B.... L'ensemble de ces éléments, corroborés par les extraits de compte de la SARL Artois métaux obtenus par l'administration au titre de son droit de communication, permet de démontrer que F... a fait usage de procédés destinés à égarer l'administration dans l'exercice de son pouvoir de contrôle. Dès lors, l'administration a pu, à bon droit, assortir les droits en litige de la majoration de 80 % prévue au c. de l'article 1729 du code général des impôts.

33. En troisième lieu, l'administration a appliqué cette même majoration aux rehaussements correspondant aux factures adressées par la société de droit marocain MCDC à l'EURL Eric B... services en relevant, à partir d'éléments issus des procès-verbaux d'audition, que cette dernière société comptabilisait en charges des factures émises par la société MCDC pour une prestation supposée " d'apporteur d'affaires " alors que cette société avait été créée par F..., ainsi qu'il l'a expressément reconnu dans le cadre de la procédure judiciaire, dans le seul but de transférer, à destination du Maroc, des fonds destinés à rémunérer, en particulier par le biais d'espèces, le fournisseur de métaux ferreux de l'EURL Eric B... services. En procédant de la sorte, F..., en sa qualité de dirigeant de ces deux sociétés, a cherché à égarer le pouvoir de contrôle de l'administration. L'administration apporte ainsi la preuve, qui lui incombe, de l'existence de manœuvres frauduleuses. Par suite, c'est à bon droit qu'elle a appliqué aux droits en litige la majoration prévue au c. de l'article 1729 du code général des impôts.

34. En quatrième et dernier lieu, pour justifier l'application de la majoration pour manœuvres frauduleuses aux suppléments d'impôt sur les sociétés résultant du rehaussement relatif à l'affectation de produits exceptionnels au compte courant d'associé de F..., l'administration a retenu, selon les termes de la proposition de rectification du 14 décembre 2017 et de la réponse aux observations du contribuable du 27 mars 2018, que non seulement l'EURL Eric B... services n'avait pas constaté de produits exceptionnels à la suite de deux abandons de créances consentis par deux de ses fournisseurs, pour des montants de 9 969 euros et de 10 625 euros, mais fait directement bénéficier son dirigeant, F..., de ces sommes en les créditant sur son compte courant d'associé et en dissimulant cette opération par l'utilisation des libellés suivants : " sovec rgt compte courant " et " Destombes rgt cc ", ne laissant pas présumer un abandon de créances. L'administration relève également que la comptabilisation de ces sommes au crédit du compte courant d'associé de F... pouvait être interprétée comme un apport de ce dernier alors que la passation de ces écritures comptables avait eu pour seul objectif de dissimuler des produits. L'administration apporte ainsi la preuve que le procédé mis en œuvre par la société était, dans ces conditions, destiné à l'égarer dans l'exercice de son pouvoir de contrôle. Dès lors, c'est à donc droit que l'administration a appliqué à ces rehaussements la majoration prévue au c. de l'article 1729 du code général des impôts.

35. Il résulte de tout ce qui précède que l'EURL Eric B... services n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à la décharge des impositions en litige ainsi, en tout état de cause, que celles tendant à la restitution des sommes qu'elle aurait acquittées en paiement de ces impositions et à l'octroi d'intérêts moratoires ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de l'EURL Eric B... services est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'EURL Eric B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera transmise à l'administratrice générale des finances publiques chargée de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

Délibéré après l'audience du 14 septembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. D... A..., premier vice-président,

M. François-Xavier Pin, président-assesseur,

M. Jean-François Papin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 septembre 2023.

Le président-rapporteur,

Signé : F.-X. Pin

Le premier vice-président,

Signé : C. A...La greffière,

Signé : N. Roméro

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition,

La greffière,

Nathalie Roméro

2

N°23DA00147


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23DA00147
Date de la décision : 28/09/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Heu
Rapporteur ?: M. François-Xavier Pin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : SCP BEJIN CAMUS BELOT

Origine de la décision
Date de l'import : 08/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-09-28;23da00147 ?
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