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28/09/2023 | FRANCE | N°22DA01252

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 28 septembre 2023, 22DA01252


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B... D... ont demandé au tribunal administratif d'Amiens de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2014 à 2016, ainsi que des contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2015 et 2016, pour un montant total de 185 658 euros.

Par un jugement no 2000293 du 12 mai 2022, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande.

Procéd

ure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 14 juin 2022, M. et Mme D..., repré...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B... D... ont demandé au tribunal administratif d'Amiens de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2014 à 2016, ainsi que des contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2015 et 2016, pour un montant total de 185 658 euros.

Par un jugement no 2000293 du 12 mai 2022, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 14 juin 2022, M. et Mme D..., représentés par Me Gozlan, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2014 à 2016, ainsi que des contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2015 et 2016 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la proposition de rectification est insuffisamment motivée en ce qu'elle ne démontre pas que les loyers du 36 rue de Lübeck à Paris sont des dépenses somptuaires ;

- cet appartement ne peut être qualifié de résidence de plaisance ou d'agrément au sens du 4 de l'article 39 du code général des impôts alors qu'il fait l'objet d'une exploitation lucrative spécifique ;

- les dépenses et charges afférentes à cet appartement ne peuvent être qualifiées de revenus distribués en application du e. de l'article 111 du code général des impôts.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 juin 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme D... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bertrand Baillard, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. A l'occasion de la vérification de la comptabilité de la ..., dont M. D... est gérant et associé, portant sur les exercices clos en 2014, 2015 et 2016, l'administration fiscale a notamment remis en cause la déductibilité de charges résultant de la location, par cette société, d'un appartement situé au 36 rue de Lübeck à Paris, dont le vérificateur a considéré qu'il constituait " une résidence de plaisance ou d'agrément " au sens et pour l'application du 4 de l'article 39 du code général des impôts. Par une proposition de rectification du 12 décembre 2017, l'administration fiscale a informé M. et Mme D... de ce qu'elle envisageait de mettre à leur charge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre des années 2014 à 2016, ainsi que des contributions sociales au titre des années 2015 et 2016, résultant notamment de la perception, par M. D..., de revenus distribués, en application du e. de l'article 111 du code général des impôts, à raison de la réintégration dans les résultats de cette société des charges liés à cet appartement. A la suite du rejet de leur réclamation, M. et Mme D... ont saisi le tribunal administratif d'Amiens d'une demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu mises à leur charge au titre des années 2014 à 2016, ainsi que des contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2015 et 2016. Par un jugement du 12 mai 2022, dont M. et Mme D... relèvent appel, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. M. et Mme D... reprennent en appel le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la proposition de rectification du 12 décembre 2017, et soumettent à l'appréciation de la Cour les mêmes pièces que celles produites en première instance. Toutefois, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges aux points 2 à 4 du jugement attaqué.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne la charge de la preuve :

3. Aux termes de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré. / (...) ". Il résulte de l'instruction que M. et Mme D... se sont abstenus de répondre à la proposition de rectification du 12 décembre 2017 dans le délai de trente jours prévu par les dispositions précitées de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales. Par suite, les requérants supportent, en application des dispositions précitées de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales, la charge de la preuve de l'exagération des impositions en litige.

En ce qui concerne la qualification de résidence de plaisance ou d'agrément :

4. D'une part, aux termes du 4 de l'article 39 du code général des impôts, applicable à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " (...) sont exclues des charges déductibles pour l'établissement de l'impôt (...) les charges, à l'exception de celles ayant un caractère social, résultant de l'achat, de la location ou de toute autre opération faite en vue d'obtenir la disposition de résidences de plaisance ou d'agrément, ainsi que de l'entretien de ces résidences ; (...) / Les dispositions du premier alinéa ne sont pas applicables aux charges exposées pour les besoins de l'exploitation et résultant de l'achat, de la location ou de l'entretien des demeures historiques classées, inscrites à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques ou agréés ou des résidences servant d'adresse ou de siège de l'entreprise en application des articles L. 123-10 et L. 123-11-1 du code de commerce, ou des résidences faisant partie intégrante d'un établissement de production et servant à l'accueil de la clientèle ". Ces dispositions visent les charges qu'expose une entreprise, fût-ce dans le cadre d'une gestion normale, du fait qu'elle dispose d'une résidence ayant vocation de plaisance ou d'agrément, à laquelle elle conserve ce caractère, et qui ne fait pas l'objet d'une exploitation lucrative spécifique. Par résidence de plaisance ou d'agrément au sens de l'article précité, il y a lieu d'entendre les locaux ayant un caractère notamment de prestige qui, sans être directement affectés à une exploitation lucrative spécifique, sont cependant utilisés par l'entreprise dans le cadre normal de son activité, notamment à des fins commerciales ou publicitaires, ou qui sont destinés à un tel usage.

5. D'autre part, aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : / (...) / e. Les dépenses et charges dont la déduction pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés est interdite en vertu des dispositions du premier alinéa et du c du 4 de l'article 39 ". Il résulte de ces dispositions que le bénéfice résultant de la réintégration dans le résultat imposable, à la suite d'un redressement, de dépenses et charges afférentes aux résidences de plaisance ou d'agrément, doit être regardé comme un revenu distribué, sans qu'il soit besoin, pour l'administration, d'établir que lesdites dépenses et lesdites charges, dont la déduction est, en tout état de cause, interdite en vertu d'une disposition législative spéciale, auraient réellement été distribuées.

6. Il résulte de l'instruction que la ..., qui a pour activité la vente et la location de matériels d'étanchéité, couverture, bardage de tout type de matériels de construction, dont le siège social et l'entrepôt se situent à La Courneuve, dans le département de la Seine-Saint-Denis, a déduit de son bénéfice les frais de location d'un appartement composé de trois pièces principales d'une surface de 130 m², situé au sein d'un immeuble d'habitation situé 36 rue de Lübeck à Paris. L'administration a identifié la location à proximité d'une place de parking, et a par ailleurs relevé, sans être contestée, qu'aucun salarié de la société n'exerçait au sein de ce lieu, ni ne l'avait même fréquenté, et a retenu que M. D..., gérant de la société, avait déclaré, lors du contrôle de la société, que la location correspondait à la volonté de " disposer d'une adresse plus prestigieuse pour recevoir des réunions ou pour des soirées organisées afin de rencontrer ses clients en dehors du contexte professionnel " et confirmé, à l'occasion de l'interlocution départementale, que " l'appartement pouvait être utilisé lors de soirées conviviales de détente autour d'événements sportifs afin de développer des liens plus étroits avec certains clients ou fournisseurs ".

7. A l'appui de leur moyen tiré de ce que l'administration ne pouvait qualifier le bien situé 36 rue de Lübeck à Paris de résidence de plaisance ou d'agrément au sens des dispositions précitées de l'article 39 du code général des impôts, M. et Mme D... soutiennent que le bien a été loué par la ... dans le cadre d'un bail commercial, signé le 15 novembre 2014, présentant ce local comme étant à un usage de bureau, que les loyers ont été soumis à la taxe sur la valeur ajoutée et que ce bien a été assujetti aux taxes applicables aux locaux professionnels. Toutefois, ces éléments ne sauraient dispenser les contribuables d'apporter tous éléments utiles permettant d'apprécier, pour l'application des dispositions du 4 de l'article 39 du code général des impôts, l'usage effectif du bien. Or, en se bornant à produire des photographies sans date certaine et représentant d'ailleurs des espaces très restreints ainsi que des attestations, rédigées postérieurement au contrôle, de clients de la société affirmant avoir signé des contrats dans cet appartement, et à soutenir que ce dernier servait de " showroom ", les requérants n'apportent pas la preuve, qui leur incombe, que, quand bien même ce local n'aurait pas un usage d'habitation, il était utilisé à des fins professionnelles autres que commerciales ou publicitaires et qu'il faisait l'objet d'une exploitation lucrative spécifique par la .... En conséquence l'administration était fondée à retenir que l'appartement en cause avait le caractère d'une résidence de plaisance ou d'agrément au sens des dispositions précitées du 4 de l'article 39 du code général des impôts et à estimer que le bénéfice de la ... résultant de la réintégration dans ses résultats imposables des dépenses et charges afférentes à cet appartement devait être regardé comme un revenu distribué imposable entre les mains de M. D... en application du e. de l'article 111 du code général des impôts.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B... D... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera transmise à l'administratrice générale des finances publiques chargée de la direction spécialisée de contrôle fiscal Ile de France Est.

Délibéré après l'audience publique du 14 septembre 2023 à laquelle siégeaient :

- M. C... A..., premier vice-président,

- M. François-Xavier Pin, président-assesseur,

- M. Bertrand Baillard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 septembre 2023.

Le rapporteur,

Signé : B. BaillardLe premier vice-président,

Signé : C. A...

La greffière,

Signé : N. Roméro

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

La greffière,

Nathalie Roméro

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N°22DA01252

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22DA01252
Date de la décision : 28/09/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Heu
Rapporteur ?: M. Bertrand Baillard
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : GOZLAN et PARLANTI ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 08/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-09-28;22da01252 ?
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