Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... D... et Mme H... C... épouse D... ont demandé au tribunal administratif de Rouen de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2014 à 2016, ainsi que des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 2002647 du 7 décembre 2021, le tribunal administratif de Rouen a, d'une part, déchargé M. et Mme D... de la différence entre le montant de la majoration de 80 % pour manœuvres frauduleuses appliquée aux droits en litige s'agissant des redressements des produits exceptionnels pour non-paiement de fournisseur et de la majoration de 40 % pour manquement délibéré qui y a été substituée et, d'autre part, rejeté le surplus des conclusions de leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 26 janvier 2022, et un mémoire, enregistré le 24 novembre 2022, qui n'a pas été communiqué, M. et Mme D..., représentés par la SCP Bejin-Camus-Belot, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge des impositions, demeurant en litige, et de prescrire la restitution, augmentée des intérêts moratoires prévus à l'article L. 208 du livre des procédures fiscales, des sommes qu'ils ont acquittés à ce titre ;
3°) de surseoir à statuer dans l'attente du jugement du tribunal administratif d'Amiens portant sur les conclusions en décharge présentées par la société B... D... services.
Ils soutiennent que :
- l'administration, en ne leur communiquant pas, dans leur intégralité, les documents qu'elle a obtenus à l'occasion de l'exercice de son droit de communication, et en ne portant pas à leur connaissance l'exercice du droit de communication exercé auprès de deux sociétés, a méconnu l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ;
- en raison de la participation d'une inspectrice des finances publiques à l'enquête pénale confiée aux services de la gendarmerie, la vérification de comptabilité dont a fait l'objet la société I... doit être regardée comme ayant été engagée avant même qu'elle en ait été informée par la remise d'un avis de vérification, en méconnaissance de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales ; la procédure d'imposition est ainsi entachée d'irrégularités, sans qu'y fasse obstacle le principe d'indépendance des procédures ;
- au titre des années 2014 et 2015, leur foyer permanent d'habitation se situait au Maroc de sorte qu'en application de la convention fiscale entre la France et le Maroc, ils devaient s'acquitter de leurs impôts au Maroc ;
- l'administration n'apporte pas la preuve du caractère excédentaire des résultats des exercices clos en 2014, 2015 et 2016, de sorte que la présomption de distribution ne trouve pas à s'appliquer ;
- les rehaussements entrepris ne sauraient constituer des distributions occultes au sens du c. de l'article 111 du code général des impôts ;
- ils entendent se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des énonciations de la documentation administrative référencée BOI-RSA-BASE-30-50-30-20 ;
- la notion de maître de l'affaire ne trouve pas application en l'espèce alors que la société B... D... services est une société unipersonnelle et qu'en outre, l'administration ne démontre pas un enrichissement de M. D... ni une confusion de patrimoine ; ainsi, l'administration n'apporte pas la preuve de l'appréhension des revenus distribués en cause ;
- il convient de surseoir à statuer jusqu'à ce qu'il ait été statué sur la contestation d'assiette initiée par la société B... D... services devant le tribunal administratif d'Amiens ;
- Mme D... ne saurait être concernée par les rehaussements en cause ;
- les pénalités infligées à M. D... ne sauraient l'être à son épouse au regard du principe de personnalité des peines et de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- les contributions sociales ne pouvaient être réclamées au foyer fiscal ;
- les majorations appliquées n'ont pas été prises par un agent ayant au moins le grade d'inspecteur divisionnaire, en méconnaissance des dispositions combinées des articles L. 80 E et R. 80 E-1 du livre des procédures fiscales ;
- la majoration de 25 % résultant des dispositions du 2° du 7. de l'article 158 du code général des impôts n'était pas applicable à l'espèce ;
- la majoration de 40 % pour manquement délibéré n'est pas justifiée ;
- la majoration de 80 % pour manœuvres frauduleuses n'est pas justifiée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 juillet 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, à l'annulation de l'article 1er du jugement attaqué et à la remise à la charge de M. et Mme D... de la majoration de 80 % pour manœuvres frauduleuses à laquelle le tribunal administratif de Rouen a substitué la majoration de 40 % pour manquement délibéré.
Il soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont fait droit à la demande de substitution, qui était présentée par l'administration à titre subsidiaire, d'une majoration de 40 % à la majoration de 80 % qui avait été appliquée aux distributions résultant d'abandons de créance au titre des années 2015 et 2016 et qui auraient dû donner lieu à la comptabilisation d'un produit exceptionnel ;
- les autres moyens soulevés par M. et Mme D... ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 20 octobre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 30 novembre 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention du 29 mai 1970 entre la République française et le Royaume du Maroc tendant à éliminer les doubles impositions et à établir des règles d'assistance mutuelle en matière fiscale ;
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de la sécurité sociale ;
- l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pin, président-assesseur,
- et les conclusions de M. Arruebo-Mannier, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. A la suite d'une vérification de comptabilité de l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) I..., dont M. D... est le gérant et l'unique associé, M. et Mme D... ont fait l'objet d'un contrôle sur pièces à l'issue duquel l'administration a tiré les conséquences du rehaussement du chiffre d'affaires de cette société, imposable à l'impôt sur les sociétés, au titre des exercices clos en 2014, 2015 et 2016. En conséquence, l'administration a, sur le fondement du c. de l'article 111 du code général des impôts, assujetti M. et Mme D... à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux au titre des années 2014 à 2016, assorties de pénalités, en suivant la procédure contradictoire. M. et Mme D... ont demandé au tribunal administratif de Rouen de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été ainsi assujettis au titre des années 2014 à 2016, ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement du 7 décembre 2021, le tribunal administratif de Rouen a, d'une part, substitué la majoration de 40 % pour manquement délibéré prévue à l'article 1729 du code général des impôts à la pénalité de 80 % pour manœuvres frauduleuses dont avaient été assorties les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mises à leur charge au titre des années 2014 et 2015 et résultant des redressements liés à des produits exceptionnels pour non-paiement de fournisseur et, d'autre part, rejeté le surplus des conclusions de la demande de M. et Mme D.... M. et Mme D... relèvent appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité de leur demande. Par la voie de l'appel incident, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique demande à la cour de remettre à la charge de M. et Mme D... les pénalités pour manœuvres frauduleuses dont ils ont été déchargés en exécution de ce jugement.
Sur la domiciliation fiscale de M. et Mme D... :
2. M. et Mme D... soutiennent qu'ils étaient domiciliés fiscalement en 2014 et 2015 au Maroc.
3. Si une convention bilatérale conclue en vue d'éviter les doubles impositions peut, en vertu de l'article 55 de la Constitution, conduire à écarter, sur tel ou tel point, la loi fiscale nationale, elle ne peut pas, par elle-même, directement servir de base légale à une décision relative à l'imposition. Par suite, il incombe au juge de l'impôt, lorsqu'il est saisi d'une contestation relative à une telle convention, de se placer d'abord au regard de la loi fiscale nationale pour rechercher si, à ce titre, l'imposition contestée a été valablement établie et, dans l'affirmative, sur le fondement de quelle qualification ; qu'il lui appartient ensuite, le cas échéant, en rapprochant cette qualification des stipulations de la convention, de déterminer - en fonction des moyens invoqués devant lui ou même, s'agissant de déterminer le champ d'application de la loi, d'office - si cette convention fait ou non obstacle à l'application de la loi fiscale. Il en est ainsi à l'égard de toute convention ayant cet objet, telle la convention conclue le 29 mai 1970 entre la France et le Maroc, alors même qu'elle définit directement les critères de la résidence fiscale à prendre en compte pour les besoins de son application.
4. Aux termes de l'article 4 A du code général des impôts : " Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus. / (...) ". L'article 4 B du même code dispose que : " 1. Sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France au sens de l'article 4 A : / a. Les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal ; / (...) / c. Celles qui ont en France le centre de leurs intérêts économiques (...) ". Les conditions posées au a, b et c du 1. de l'article 4 B du code général des impôts sont alternatives et permettent chacune de déterminer la domiciliation fiscale en France.
5. Il résulte de l'instruction que M. et Mme D..., qui disposent d'une résidence permanente en France, ont déclaré, en 2014 et 2015, percevoir des traitements et salaires de source française ainsi que des revenus fonciers en qualité d'associés de deux sociétés civiles immobilières et M. D... a également déclaré, au titre de ces mêmes années, des sommes perçues au titre de pensions, retraites et rentes versées en France. Les requérants ne font, en revanche, état d'aucun revenu de source marocaine. Il s'ensuit que M. et Mme D... avaient, en France, en 2014 et 2015, le centre de leurs intérêts économiques. Ils étaient, par suite, en principe, pour les années en cause, passibles de l'impôt sur le revenu en France, à moins qu'ils n'établissent leur droit à se prévaloir de la qualité de résidents marocains, au sens des stipulations de la convention fiscale franco-marocaine.
6. Aux termes du 1 de l'article 2 de la convention fiscale franco-marocaine du 29 mai 1970 : " Une personne physique est domiciliée, au sens de la présente convention, au lieu où elle a son " foyer permanent d'habitation ". / Si cette personne possède un foyer permanent d'habitation dans les deux Etats, elle est réputée posséder son domicile dans celui des Etats contractants où elle a le centre de ses activités professionnelles et à défaut où elle séjourne le plus longtemps ".
Pour la détermination du centre des activités professionnelles, il doit être tenu compte, notamment, des activités qui sont la source de profits imposés dans une catégorie de bénéfices professionnels.
7. M. et Mme D... font valoir qu'ils ont conclu, le 1er février 2012, pour une durée de douze mois, tacitement renouvelable, un bail d'habitation à Casablanca (Maroc) pour un appartement de 148 m², que M. D... a bénéficié d'un titre de séjour au Maroc et qu'il s'est vu délivrer un permis de conduire marocain. Toutefois, alors que le contrat de bail dont se prévalent les requérants a également été conclu au profit d'une autre famille, les intéressés, qui indiquent par ailleurs que leur domicile se trouvait à Dieppe où M. D... suivait un traitement régulier pour une affection de longue durée, n'établissent pas qu'ils auraient alors occupé durablement, avec leurs trois enfants mineurs, le logement dont ils étaient locataires à Casablanca. En outre, le certificat d'immatriculation autorisant M. D... à séjourner au Maroc et dont se prévaut l'intéressé était expiré au 14 avril 2012. Le permis de conduire qui lui a été délivré par les autorités marocaines le 19 août 2011 n'est pas davantage de nature à établir que M. et Mme D... avaient établi leur foyer permanent d'habitation en 2014 et 2015 au Maroc. Au surplus, les intéressés, qui, ainsi qu'il a été dit précédemment, ne font état d'aucun revenu de source marocaine, avaient, au cours de ces mêmes années, le centre de leurs activités professionnelles en France. Ainsi, au vu de l'ensemble de ces éléments, M. et Mme D... ne peuvent être regardés comme ayant disposé au Maroc, en 2014 et 2015, d'un foyer permanent d'habitation. Ils étaient, en conséquence, au cours de ces deux années, des résidents français tant au regard du droit interne que de la convention fiscale franco-marocaine.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
8. En premier lieu, aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ".
9. D'une part, il ressort des termes mêmes de la proposition de rectification du 18 décembre 2017 adressée à M. et Mme D..., que le service a obtenu, dans le cadre de son droit de communication exercé auprès de l'autorité judiciaire sur le fondement de l'article L. 82 C du livre des procédures fiscales, la copie de plusieurs documents le 24 novembre 2017. M. et Mme D... ont sollicité, par courriers des 3 janvier et 15 février 2018, la communication de toutes les pièces ainsi obtenues. Les 2 et 6 novembre 2018, soit avant la mise en recouvrement des impositions contestées, le service communiqué aux intéressés une partie de ces documents. Si M. et Mme D... soutiennent que la communication partielle des documents obtenus auprès de l'autorité judiciaire a entaché la procédure d'imposition d'irrégularité, il résulte de l'instruction que les documents qui leur ont été communiqués correspondent à ceux dont le contenu a été cité dans la proposition de rectification et qui ont été utilisés pour fonder les rehaussements en litige. En outre, l'administration doit être regardée comme apportant des éléments d'information appropriés sur la nature des passages occultés et les raisons de leur occultation, en relevant qu'ont été occultés, pour des motifs liés au secret professionnel, les éléments des procès-verbaux communiqués qui ne venaient pas à l'appui des rectifications en litige et qui étaient sans lien avec la procédure fiscale. Il résulte de l'instruction que les occultations pratiquées par l'administration étaient limitées et ne rendaient pas les documents transmis aux contribuables, et notamment les procès-verbaux d'audition, inexploitables. D'autre part, l'administration n'était pas tenue d'informer M. et Mme D... de la nature et de l'origine des renseignements qu'elle avait obtenus dans le cadre de la vérification de comptabilité de l'EURL B... D... services, mais dont elle n'a pas eu à se servir pour fonder les rectifications dont procèdent les impositions litigieuses. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales doit, en tout état de cause, être écarté.
10. En second lieu, si M. et Mme D... font valoir que la procédure de vérification de l'EURL B... D... services est irrégulière dès lors que l'administration a, en méconnaissance de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales, engagé une vérification de comptabilité avant même que la société n'en ait été informée par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification, un tel moyen relatif à la procédure d'imposition suivie à l'encontre d'une société soumise au régime d'imposition des sociétés, est inopérant à l'égard des impositions personnelles mises à la charge des bénéficiaires de revenus réputés distribués par cette société.
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne l'existence et le montant des distributions :
11. Aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : / (...) / c. Les rémunérations et avantages occultes ; / (...) ".
S'agissant des frais de déplacement domicile-travail de M. D... :
12. Les frais de transport, hôtellerie et restauration exposés par une société pour les besoins des déplacements effectués par un salarié ou par un dirigeant dans l'exercice de leurs fonctions constituent, en principe, des charges déductibles de son bénéfice. Il en va de même des charges exposées pour le remboursement au salarié ou au dirigeant de telles dépenses, qui ont la nature de frais professionnels, lorsque celui-ci en a fait l'avance. Dans un tel cas, ces sommes ne sont pas taxables entre les mains de l'intéressé. En revanche les dépenses exposées pour les besoins du déplacement du salarié ou du dirigeant depuis son domicile vers le lieu où il exerce ses fonctions ont la nature d'une dépense personnelle de ce dernier. S'il est loisible à l'employeur d'en assurer la prise en charge, celle-ci, sous réserve qu'elle ne conduise pas à porter la rémunération à un niveau excessif, a la nature, pour le salarié ou le dirigeant, d'un avantage en nature taxable entre ses mains dans la catégorie des traitements et salaires ou en application de l'article 62 du code général des impôts. Symétriquement, elle constitue, sous la même réserve, une charge déductible des bénéfices de l'employeur. Ce traitement fiscal est toutefois subordonné à la condition que les avantages en nature ainsi accordés par la société à son personnel, y compris ses dirigeants, soient, conformément aux prescriptions de l'article 54 bis du code général des impôts, inscrits explicitement comme tels en comptabilité. A défaut, ils constituent des avantages occultes, au sens du c. de l'article 111 du code général des impôts, imposables entre les mains du bénéficiaire dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers et non déductibles des bénéfices de la société.
13. Après avoir constaté que l'EURL B... D... services avait pris en charge des frais de déplacement au profit de son gérant, M. D..., entre son domicile à Dieppe (Seine-Maritime) et le siège social de la société situé à Fins (Somme), à hauteur de 8 415 euros au titre de l'année 2015 et de 6 109 euros au titre de l'année 2016, le service a relevé que de tels trajets domicile-travail ne présentaient pas le caractère de dépenses exposées dans l'intérêt de l'entreprise et qu'ils n'avaient pas été explicitement comptabilisés comme des avantages en nature, conformément aux dispositions de l'article 54 bis du code général des impôts. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, il ne résulte pas de l'instruction que ces dépenses personnelles du gérant de la société auraient été explicitement inscrites comme telles en comptabilité.
Par suite, les sommes litigieuses étaient constitutives de distributions occultes au sens du c. de l'article 111 du code général des impôts et c'est à bon droit que l'administration fiscale les a imposées au nom de M. et Mme D... dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers.
14. Pour contester l'existence de revenus distribués par l'EURL B... D... services et leur imposition à leur nom dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, M. et Mme D... ne peuvent utilement revendiquer, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, le bénéfice des énonciations de la documentation administrative référencée BOI-RSA-BASE-30-50-30-20 interprétant les dispositions du 3° de l'article 83 du code général des impôts qui permettent aux bénéficiaires de traitements et salaires de déduire des sommes perçues par eux à ce titre seulement le montant de leurs frais professionnels réels et notamment de leurs frais de déplacement.
S'agissant de l'affectation de produits exceptionnels en compte courant d'associé :
15. Il résulte des dispositions du c. de l'article 111 du code général des impôts que les avantages en nature accordés par une société à son personnel, y compris à ses dirigeants, doivent, conformément aux prescriptions de l'article 54 bis du code général des impôts qui dispose que : " Les contribuables visés à l'article 53 A (...) doivent obligatoirement inscrire en comptabilité, sous une forme explicite, la nature et la valeur des avantages en nature accordés à leur personnel ", être inscrits explicitement comme tels en comptabilité. A défaut, ils constituent des avantages occultes au sens du c. de l'article 111 du code général des impôts, imposables entre les mains du bénéficiaire dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers et non déductibles des bénéfices de la société.
16. Il résulte de l'instruction, et notamment de la proposition de rectification du 18 décembre 2017, que l'EURL B... D... services a viré au crédit du compte courant d'associé de M. D... une somme de 9 969 euros au titre de l'exercice clos en 2014 et une somme de 10 625 euros au titre de l'exercice clos en 2015, en débitant, en contrepartie, des mêmes montants, respectivement les comptes 401 des fournisseurs " Cabinet comptable Sovec " et " Destombe Hervé ". Si la société a indiqué à l'administration que ces écritures retraçaient un abandon de créances de la part desdits fournisseurs au profit de l'EURL B... D... services, le service a relevé, ainsi qu'il résulte en particulier de la réponse aux observations du contribuable, que ces sommes, dont l'intitulé des écritures ne laissait d'ailleurs pas envisager un abandon de créances de la part des fournisseurs de la société, constituent des produits exceptionnels et auraient dû, à ce titre, être comptabilisées au crédit d'un compte de produit et qu'elles constituent des distributions présentant un caractère occulte dès lors que leur comptabilisation au crédit courant d'associé de M. D... a eu pour effet de minorer le résultat fiscal de la société et d'enrichir personnellement l'intéressé. Il suit de là que ces produits exceptionnels n'ont pas été comptabilisés conformément aux dispositions de l'article 54 bis du code général des impôts. En conséquence, c'est à bon droit que l'administration a réintégré les sommes en litige dans les revenus imposables de M. et Mme D... au titre des années 2014 et 2015, sur le fondement du c. de l'article 111 du code général des impôts.
S'agissant de l'absence de comptabilisation de vente de ferraille à la SARL ... :
17. Il résulte de l'instruction, notamment des mentions concordantes des procès-verbaux d'audition du gérant de la SARL ... et de M. D..., obtenus par l'administration dans le cadre de l'exercice du droit de communication, que la SARL ..., cliente de l'EURL B... D... services, achetait à cette dernière de la ferraille et qu'à la demande de M. D..., la société de droit marocain ... et l'EURL ..., dont les gérants étaient respectivement M. et Mme D..., étaient chargées d'établir les factures de vente de ces métaux à la SARL ... afin que le produit de ces ventes n'apparaisse pas dans la comptabilité de l'EURL B... D... services. Ces faits ont été expressément admis par M. D... lors de la procédure judiciaire. Si les requérants soutiennent que le service devait tenir compte des factures telles qu'elles ont été établies et que celles-ci étaient opposables à l'administration, il appartient à cette dernière, lorsque se révèle, comme en l'espèce, une fraude commise en vue d'obtenir l'application de dispositions de droit public, d'y faire échec même dans le cas où cette fraude revêt la forme d'un acte de droit privé. Pour établir le montant des sommes correspondant à ces ventes dissimulées, l'administration a exercé son droit de communication auprès de la SARL ..., laquelle a communiqué ses comptes clients des sociétés ... et MCDC au titre de l'exercice 2014. Il résulte des éléments ainsi obtenus par l'administration que le montant des recettes éludées s'élève à 50 809,10 euros. M. et Mme D... n'apportent aucun élément probant en sens contraire. Dès lors que cette somme n'a pas été inscrite en comptabilité, elle peut être qualifiée d'occulte. Par suite, l'administration a pu, à bon droit, fonder sa rectification sur les dispositions du c. de l'article 111 du code général des impôts qui prévoit que les rémunérations et avantages occultes sont considérés comme des revenus distribués.
S'agissant des charges fictives comptabilisées par l'EURL B... D... services :
18. Au titre des exercices clos en 2014 et 2015, l'EURL B... D... services a versé des commissions à la société de droit marocain MCDC à hauteur respectivement de 52 819 euros et 27 460 euros. Pour remettre en cause les charges ainsi comptabilisées par l'EURL B... D... services au motif qu'elles présentaient un caractère fictif, l'administration a relevé, en se fondant sur les procès-verbaux d'audition obtenus au titre du droit de communication, que la société MCDC a été créée en 2012 par M. D..., après que les transactions en espèces relatives à l'achat au détail de métaux ferreux ont été interdites par l'article 51 de la loi du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011, dans le seul but de transférer des fonds au Maroc pour ensuite rémunérer, sous formes d'espèces, son fournisseur de métaux, M. E..., la relation commerciale entre l'EURL B... D... services et la société MCDC ayant cessé au cours de l'année 2015, concomitamment à un dépôt de plainte de M. D... à l'encontre de son fournisseur de métaux ferreux. M. D... a expressément reconnu, au cours de la procédure judiciaire, que les commissions en cause ont été versées par l'EURL B... D... services à la société MCDC dans le seul but de rémunérer, par le retrait d'espèces au Maroc, son fournisseur de métaux. Si les requérants se prévalent d'un contrat conclu le 2 janvier 2012 entre l'EURL B... D... services et la société MCDC, signé par M. D... en sa qualité de gérant de chacune de ces deux sociétés, aux termes duquel la société MCDC est rémunérée par l'EURL B... D... services pour des prestations " d'apporteur d'affaires ", il résulte de l'instruction, notamment des procès-verbaux d'audition de M. D..., que les charges en cause comptabilisées par l'EURL B... D... services n'ont pas rémunéré des prestations réalisées en application de ce contrat. La circonstance que la société MCDC a une existence légale au Maroc et que M. D... y dispose d'un appartement est à cet égard sans incidence. Par suite, l'administration doit être regardée comme démontrant le caractère fictif des factures émises par la société MCDC au titre de commissions d'apporteur d'affaires et comptabilisées par l'EURL B... D... services dans un compte de charges. Dès lors, l'administration, qui justifie de l'existence et du montant des revenus distribués correspondants, était fondée à les réintégrer dans le résultat imposable des contribuables.
En ce qui concerne l'appréhension des revenus distribués :
19. En cas de refus des propositions de rectifications par le contribuable, qu'elle entend imposer comme bénéficiaire des sommes regardées comme distribuées, il incombe à l'administration d'apporter la preuve que celui-ci en a effectivement disposé. Toutefois, le contribuable qui, disposant seul des pouvoirs les plus étendus au sein de la société, est en mesure d'user sans contrôle de ses biens comme de biens qui lui sont propres et doit ainsi être regardé comme le seul maître de l'affaire, est présumé avoir appréhendé les distributions effectuées par la société qu'il contrôle.
20. Il résulte de l'instruction que M. D... est l'unique détenteur des parts sociales de l'EURL B... D... services dont il est également le gérant. L'administration relève, en outre, dans la réponse aux observations du contribuable, que M. D... assure effectivement la direction de l'entreprise et exerce un contrôle effectif et constant sur la marche de celle-ci, ce que les requérants ne contestent pas. En soutenant que M. D... n'a fait qu'exercer les fonctions de dirigeant de l'EURL B... D... services, sans outrepasser les limites de ces fonctions et sans qu'aucun enrichissement personnel ni aucune confusion de patrimoine ne puisse leur être imputé, M. et Mme D... ne contestent pas sérieusement les indices avancés par l'administration, qui doivent être regardés comme établissant que M. D... était, au cours des années d'imposition en litige, le seul maître de l'affaire, laquelle qualification n'est, contrairement à ce qui est allégué, pas privée de sa portée au seul motif qu'elle est invoquée pour établir l'appréhension, par un contribuable, de revenus distribués par une société unipersonnelle. La circonstance, à la supposer même établie, que les résultats de l'EURL B... D... services n'auraient pas été excédentaires au titre des exercices clos en 2014, 2015 et 2016 est sans incidence sur l'application du c. de l'article 111 du code général des impôts. Il suit de là que l'administration fiscale a pu, à bon droit, considérer M. D... comme le seul maître de l'affaire et, par suite, le regarder comme ayant appréhendé les revenus distribués par l'entreprise.
En ce qui concerne l'imposition de Mme D... :
S'agissant de l'impôt sur le revenu :
21. Aux termes du 1 de l'article 6 du code général des impôts, dans sa rédaction alors en vigueur : " (...) les personnes mariées sont soumises à une imposition commune pour les revenus perçus par chacune d'elles (...) ; cette imposition est établie au nom de l'époux, précédée de la mention " Monsieur ou Madame ". / (...) ". Aux termes du 4 de ce même article : " Les époux font l'objet d'impositions distinctes : / a. Lorsqu'ils sont séparés de biens et ne vivent pas sous le même toit ; / (...) ".
22. M. et Mme D..., mariés sous le régime de la séparation de biens et dont il est constant qu'ils vivent sous le même toit au sens de ces dispositions au cours des années en cause, devaient faire l'objet d'une imposition commune. Par suite, Mme D... n'est pas fondée à soutenir qu'elle devait faire l'objet d'une imposition distincte à raison des revenus distribués appréhendés par son époux.
S'agissant des contributions sociales :
23. Aux termes de l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige : " I. - Les personnes physiques fiscalement domiciliées en France au sens de l'article 4 B du code général des impôts sont assujetties à une contribution sur les revenus du patrimoine assise sur le montant net retenu pour l'établissement de l'impôt sur le revenu (...) / III. - La contribution portant sur les revenus mentionnés aux I et II ci-dessus est assise, contrôlée et recouvrée selon les mêmes règles et sous les mêmes sûretés, privilèges et sanctions que l'impôt sur le revenu. (...) ". Aux termes de l'article 1600-0 C du code général des impôts : " La contribution sociale généralisée sur les revenus du patrimoine est établie, contrôlée et recouvrée conformément aux dispositions de l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale ". Aux termes de l'article 15 de l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale, dans sa rédaction applicable au litige : " I. - Il est institué une contribution perçue à compter de 1996 et assise sur les revenus du patrimoine définis au I de l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale (...) / II. - La contribution est mise en recouvrement et exigible en même temps, le cas échéant, que la contribution sociale instituée par l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale ". Aux termes de l'article 1600-0 G du code général des impôts : " La contribution pour le remboursement de la dette sociale assise sur les revenus du patrimoine est établie, contrôlée et recouvrée conformément à l'article 15 de l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale ". Aux termes de l'article L. 245-14 du code de la sécurité sociale, alors applicable : " Les personnes physiques fiscalement domiciliées en France au sens de l'article 4 B du code général des impôts sont assujetties à un prélèvement sur les revenus et les sommes visés à l'article L. 136-6. Les dispositions du III de l'article L. 136-6 sont applicables à ce prélèvement ". Aux termes de l'article 1600-0 F bis du code général des impôts, alors applicable : " I. - Le prélèvement social sur les revenus du patrimoine est établi conformément aux dispositions de l'article L. 245-14 du code de la sécurité sociale. / (...) ". Aux termes de l'article L. 14-10-4 du code de l'action sociale et des familles, dans sa rédaction applicable au litige : " Les produits affectés à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie sont constitués par : / (...) / 2° Une contribution additionnelle au prélèvement social mentionné à l'article L. 245-14 du code de la sécurité sociale et une contribution additionnelle au prélèvement social mentionné à l'article L. 245-15 du même code. Ces contributions additionnelles sont assises, contrôlées, recouvrées et exigibles dans les mêmes conditions et sous les mêmes sanctions que celles applicables à ces prélèvements sociaux ". Aux termes de l'article 1600-0 S du code général des impôts : " I. - Il est institué : / 1° Un prélèvement de solidarité sur les revenus du patrimoine mentionnés à l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale ; / (...) / II. - Le prélèvement de solidarité mentionné au 1° du I est assis, contrôlé et recouvré selon les mêmes règles et sous les mêmes sûretés, privilèges et sanctions que la contribution mentionnée à l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale. (...) ".
24. Il résulte de la combinaison de ces dispositions qu'en prévoyant, au III de l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale, que la contribution sur les revenus du patrimoine est assise selon les mêmes règles que l'impôt sur le revenu, le législateur a rendu applicable à cette contribution sociale, ainsi qu'à celles qui sont mentionnées par les autres dispositions citées au point précédent, le principe de l'imposition commune entre époux prévu à l'article 6 du code général des impôts. Par suite, Mme D... n'est pas fondée à soutenir qu'elle ne pouvait pas faire l'objet d'une imposition commune à ces contributions avec M. D... et qu'il y avait lieu de distinguer entre les revenus des deux époux.
Sur l'application aux revenus distribués du coefficient de 1,25 prévu au 7. de l'article 158 du code général des impôts :
25. Aux termes du 7. de l'article 158 du code général des impôts : " Le montant des revenus et charges énumérés ci-après, retenu pour le calcul de l'impôt selon les modalités prévues à l'article 197, est multiplié par 1,25. Ces dispositions s'appliquent : / (...) / 2° Aux revenus distribués mentionnés aux c à e de l'article 111, aux bénéfices ou revenus mentionnés à l'article 123 bis et aux revenus distribués mentionnés à l'article 109 résultant d'une rectification des résultats de la société distributrice ; / (...) ".
26. C'est à bon droit, contrairement à ce que soutiennent les requérants, que l'administration a, compte tenu de la nature des revenus en cause, appliqué la majoration de 25 %, prévue au 7. de l'article 158 du code général des impôts, aux revenus distribués imposés entre les mains de M. et Mme D... sur le fondement du c. de l'article 111 du code général des impôts.
Sur les pénalités :
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'établissement des pénalités :
27. Aux termes de l'article L. 80 E du livre des procédures fiscales : " La décision d'appliquer les majorations et amendes prévues aux articles 1729 (...) du code général des impôts est prise par un agent de catégorie A détenant au moins un grade fixé par décret qui vise à cet effet le document comportant la motivation des pénalités ". Aux termes de l'article R. 80 E-1 de ce livre : " La décision d'appliquer les majorations et amendes mentionnées à l'article L. 80 E est prise par un agent ayant au moins le grade d'inspecteur divisionnaire ".
28. Il résulte de l'instruction que la proposition de rectification du 18 décembre 2017 a été visée par Mme G..., titulaire du grade d'inspectrice principale des finances publiques, lequel, en vertu des dispositions de l'article 2 du décret du 26 août 2010 portant statut particulier des personnels de catégorie A de la direction générale des finances publiques, est supérieur à celui d'inspecteur divisionnaire. Si M. et Mme D... contestent l'authenticité de la signature de l'inspectrice principale, au motif que cette signature ne présenterait pas des caractéristiques graphiques identiques entre cette proposition de rectification et la réponse aux observations du contribuable du 29 mars 2018, ils ne peuvent être regardés comme remettant sérieusement en cause l'authenticité de la signature apposée sur ces documents en se bornant à se prévaloir d'une expertise graphologique, dépourvue de caractère contradictoire, et dont la conclusion n'exclut d'ailleurs pas la possibilité que ces deux signatures émanent de la main du même agent. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions des articles L. 80 E et R. 80 E-1 du livre des procédures fiscales doit être écarté comme manquant en fait.
En ce qui concerne l'application des majorations prévues à l'article 1729 du code général des impôts :
29. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; / (...) / c. 80 % en cas de manœuvres frauduleuses ; / (...) ".
S'agissant de la majoration pour manquement délibéré :
30. L'administration a assorti les rectifications relatives aux indemnités kilométriques de la majoration de 40 % prévue au a. de l'article 1729 du code général des impôts en cas de manquement délibéré. Pour justifier l'application de cette majoration, l'administration a relevé que M. D..., qui exerce des fonctions de gérant de l'EURL B... D... services dont il est l'unique associé, ne pouvait ignorer le caractère personnel et non justifié des indemnités pour frais de déplacement accordés au cours des deux années en litige. En se fondant sur ces éléments, l'administration apporte la preuve, qui lui incombe, de l'intention délibérée de M. D... d'éluder l'impôt dû. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l'administration ne pouvait assortir les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales relatives aux indemnités kilométriques auxquelles M. D... a été assujetti au titre des années 2015 et 2016 de la majoration pour manquement délibéré prévue au a. de l'article 1729 du code général des impôts.
S'agissant de la majoration pour manœuvres frauduleuses :
Quant à l'appel incident du ministre :
31. Pour justifier l'application de la majoration pour manœuvres frauduleuses aux suppléments d'impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux résultant du rehaussement relatif aux revenus distribués en conséquence de l'affectation de produits exceptionnels au compte courant d'associé de M. D..., l'administration a retenu, selon les termes de la proposition de rectification du 18 décembre 2017 et de la réponse aux observations du contribuable du 29 mars 2018, que non seulement l'EURL B... D... services, dont M. D... était le gérant et unique associé, n'avait pas constaté de produits exceptionnels à la suite de deux abandons de créances consenties par deux de ses fournisseurs, pour des montants de 9 969 euros et de 10 625 euros, mais qu'elle avait fait directement bénéficier son dirigeant de ces sommes en les créditant sur son compte courant d'associé et en le dissimulant par l'utilisation des libellés suivants : " sovec rgt compte courant " et " Destombes rgt cc ", ne laissant pas présumer un abandon de créances. L'administration relève également que la comptabilisation de ces sommes au crédit du compte courant d'associé de M. D... pouvait être interprétée comme un apport de ce dernier alors que la passation de ces écritures comptables avait eu pour seul objectif de dissimuler des produits. Le procédé ainsi mis en œuvre par M. D... était, dans ces conditions, destiné à égarer l'administration dans l'exercice de son pouvoir de contrôle. Par suite, le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a estimé que des manœuvres frauduleuses ne pouvaient être imputées à M. D... et a, en conséquence, substitué, à la majoration de 80 % prévue, en présence de telles manœuvres, par les dispositions du c. de l'article 1729 du code général des impôts, la majoration de 40 % prévue, en cas de manquement délibéré, par le a. de ce même article. Dès lors, le ministre, par la voie de l'appel incident, est fondé à demander que la majoration de 80 % prévue au c. de l'article 1729 du code général des impôts soit remise à la charge de M. D....
Quant aux autres majorations :
32. En premier lieu, l'administration a appliqué la majoration de 80 % prévue au c. de l'article 1729 du code général des impôts à la vente d'un véhicule d'un montant de 52 200 euros par l'EURL B... D... services qui n'a pas été inscrite en comptabilité, le montant de cette vente ayant été crédité au compte courant d'associé de M. D.... Pour justifier de l'application de cette majoration, l'administration fiscale relève que cette écriture comptable irrégulière, dont le libellé au compte courant d'associé de M. D... était sciemment erroné, avait pour seul objectif de minorer les déclarations de résultat et de taxe sur la valeur ajoutée de la société tout en permettant à son dirigeant d'appréhender, pour un montant significatif, des fonds sociaux en franchise d'impôt. L'administration relève également, dans la réponse aux observations du contribuable, que la comptabilisation de cette somme au crédit du compte courant d'associé de M. D... pouvait être interprétée comme un apport de ce dernier alors que la passation de ces écritures comptables avait eu pour seul objectif de dissimuler des produits. L'ensemble de ces éléments caractérise l'usage par M. D... d'un procédé destiné à égarer l'administration dans l'exercice de son pouvoir de contrôle. L'administration établit ainsi l'existence de manœuvres frauduleuses justifiant l'application de la majoration de 80 % prévue au c. de l'article 1729 du code général des impôts.
33. En deuxième lieu, pour justifier l'application de cette majoration aux rehaussements correspondant à l'absence de comptabilisation de la vente de métaux ferreux par l'EURL B... D... services à la SARL ..., l'administration a relevé, en se fondant sur les éléments issus de la procédure judiciaire obtenus au titre de l'exercice du droit de communication, que M. D... avait demandé à la société ... que le paiement de ces métaux soit adressé non pas au fournisseur, l'EURL B... D... services, mais à la société de droit marocain MCDC et à la société ..., détenues respectivement par M. et Mme D..., par un procédé de factures fictives et d'édition par la société ... de factures subrogatoires, destiné à minorer le résultat fiscal de l'EURL B... D... services tout en transférant les fonds en cause à destination de sociétés détenues par les requérants. L'ensemble de ces éléments, corroborés par les extraits de compte de la SARL ... obtenus par l'administration au titre de son droit de communication, permet de démontrer que M. D... a fait usage de procédés destinés à égarer l'administration dans l'exercice de son pouvoir de contrôle. Dès lors, l'administration a pu, à bon droit, assortir les impositions litigieuses de la majoration de 80 % prévue au c. de l'article 1729 du code général des impôts.
34. En troisième lieu, l'administration a appliqué cette même majoration aux rehaussements correspondant aux factures adressées par la société de droit marocain MCDC à l'EURL B... D... services en relevant, à partir d'éléments issus des procès-verbaux d'audition, que cette dernière société comptabilisait en charges des factures émises par la société MCDC pour une prestation supposée " d'apporteur d'affaires " alors que cette société de droit marocain avait été créée par M. D..., ainsi qu'il l'a expressément reconnu dans le cadre de la procédure judiciaire, dans le seul but de transférer, à destination du Maroc, des fonds destinés à rémunérer, en particulier par le biais d'espèces, le fournisseur de métaux ferreux de l'EURL B... D... services. En procédant de la sorte, M. D..., en sa qualité de dirigeant de ces deux sociétés, a cherché à égarer le pouvoir de contrôle de l'administration. L'administration apporte ainsi la preuve, qui lui incombe, de l'existence de manœuvres frauduleuses. Par suite, c'est à bon droit qu'elle a appliqué aux droits en litige la majoration prévue au c. de l'article 1729 du code général des impôts.
En ce qui concerne l'application des majorations à Mme D... :
35. D'une part, aux termes de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera (...) du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. (...) / 2. Toute personne accusée d'une infraction est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie. / (...) ". Les pénalités fiscales, qui présentent le caractère d'une punition tendant à empêcher la réitération des agissements qu'elles visent et n'ont pas pour objet la seule réparation pécuniaire d'un préjudice, constituent, même si le législateur a laissé le soin de les établir et de les prononcer à l'autorité administrative, des " accusations en matière pénale " au sens des stipulations du 1. de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le principe de personnalité des peines découle du principe de la présomption d'innocence posé au 2. de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
36. D'autre part, aux termes du second alinéa du 1 de l'article 6 du code général des impôts : " Sauf application des dispositions du 4 et du second alinéa du 5, les personnes mariées sont soumises à une imposition commune pour les revenus perçus par chacune d'elles et ceux de leurs enfants et des personnes à charge (...) ". Aux termes de la première phrase du premier alinéa de l'article 156 du même code : " L'impôt sur le revenu est établi d'après le montant total du revenu net annuel dont dispose chaque foyer fiscal ". Aux termes du I de l'article 1754 de ce code : " Le recouvrement et le contentieux des pénalités calculées sur un impôt sont régis par les dispositions applicables à cet impôt ".
37. Lorsqu'elle assortit des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu d'une majoration tendant à réprimer le comportement d'un contribuable, l'administration est tenue de respecter le principe de personnalité des peines, lequel s'oppose à ce qu'une sanction fiscale soit directement appliquée à une personne qui n'a pas pris part aux agissements que cette pénalité réprime. Ce principe doit, toutefois, être concilié avec le régime de l'imposition commune prévu à l'article 6 du code général des impôts et avec les modalités de calcul de cette imposition fixées par l'article 156 du même code. Ainsi, lorsqu'un seul des époux a pris part à des agissements fautifs, les sanctions fiscales en résultant doivent être regardées comme ayant été prononcées uniquement à son encontre, même si elles majorent, au titre du revenu concerné par ces agissements, l'impôt qui est dû, par le foyer fiscal formé par les deux époux, sur l'ensemble de leurs revenus.
38. Alors que l'administration a assigné au foyer fiscal que forment M. et Mme D... des majorations pour manquement délibéré et pour manœuvres frauduleuses imputables uniquement à M. D..., le principe de personnalité des peines garanti par les stipulations précitées de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être appliqué en tenant compte du principe de l'imposition commune des couples mariés et ne fait pas obstacle à ce que les pénalités encourues à raison des agissements de l'un seulement des conjoints soient mises à la charge commune des membres de ce couple. Par suite, l'administration était fondée à appliquer les pénalités litigieuses aux rectifications touchant le revenu imposable commun de M. et Mme D....
39. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de surseoir à statuer, d'une part, que M. et Mme D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen n'a fait que partiellement droit à leur demande et, d'autre part, que le ministre est fondé à demander que la majoration de 80 % pour manœuvres frauduleuses, dont ont été assorties les impositions supplémentaires relatives au chef de rectification relatif aux revenus distribués résultant de l'affectation de produits exceptionnels au compte courant d'associé de M. D..., à laquelle ce même jugement a substitué la majoration de 40 % pour manquement délibéré, soit remise à la charge de M. et Mme D.... Par voie de conséquence, les conclusions y afférentes de la demande présentée par M. et Mme D... devant le tribunal administratif de Rouen ainsi, en tout état de cause, que leur demande tendant à la restitution, assortie des intérêts moratoires prévus à l'article L. 208 du livre des procédures fiscales, des sommes qu'ils ont acquittés à ce titre doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2002647 du 7 décembre 2021 du tribunal administratif de Rouen est annulé en tant qu'il substitue la majoration de 40 % pour manquement délibéré à celle de 80 % pour manœuvres frauduleuses que l'administration avait appliquée aux suppléments d'impôt et de prélèvements sociaux mis à la charge de M. et Mme D... en ce qui concerne le chef de rectification relatif aux revenus distribués résultant de l'affectation de produits exceptionnels au compte courant d'associé de M. D....
Article 2 : La majoration de 80 % pour manœuvres frauduleuses, mentionnée à l'article 1er ci-dessus, que l'administration avait appliquée aux suppléments d'impôt et de prélèvements sociaux mis à la charge de M. et Mme D... en ce qui concerne le chef de rectification relatif aux revenus distribués résultant de l'affectation de produits exceptionnels au compte courant d'associé de M. D..., est remise à la charge de M. et Mme D....
Article 3 : Les conclusions correspondantes de la demande présentée par M. et Mme D... devant le tribunal administratif de Rouen, ainsi que leur requête d'appel, sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D..., Mme H... C... épouse D... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera transmise à l'administratrice générale des finances publiques chargée de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.
Délibéré après l'audience du 14 septembre 2023, à laquelle siégeaient :
M. F... A..., premier vice-président,
M. François-Xavier Pin, président-assesseur,
M. Jean-François Papin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 septembre 2023.
Le président-rapporteur,
Signé : F.-X. Pin
Le premier vice-président,
Signé : C. A...La greffière,
Signé : N. Roméro
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition,
La greffière,
Nathalie Roméro
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N° 22DA00176