Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D... A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 21 octobre 2021 par lequel le préfet du Nord a refusé de lui renouveler son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.
Par un jugement n° 2108579 du 23 septembre 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 21 octobre 2022 et 15 février 2023, Mme A... B..., représentée par Me Laurent Inungu, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 21 octobre 2021 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Nord de régulariser sa situation dans un délai d'un mois, sous astreinte de 350 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros dont la moitié sera versée à son conseil au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la décision de refus de titre de séjour est insuffisamment motivée, le préfet n'a pas pris en compte sa situation personnelle et son droit de présenter des observations n'a pas été respecté ;
- la décision est entachée d'une erreur de droit et d'un défaut de base légale, elle méconnaît les dispositions des articles L. 423-13, L. 423-14, L. 423-23, L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, elle est aussi entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- l'obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;
- cette mesure d'éloignement méconnaît les dispositions des articles L. 423-13, L. 423-14, L. 423-23, L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, elle est aussi entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de renvoi est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, elle est aussi entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 avril 2023, le préfet du Nord conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés, et s'en rapporte à ses écritures de première instance.
En application de la décision du Conseil d'Etat du 28 juillet 2022 n° 441481, le greffe de la cour a adressé à l'avocat de Mme A... B... une lettre en date du 10 mars 2023 lui demandant, dans un délai de huit jours, de confirmer la volonté expresse de l'intéressée de lever le secret médical. Cette lettre est demeurée sans réponse.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Marc Baronnet, président-assesseur,
- et les observations de Me Laurent Inungu, représentant Mme A... B....
Considérant ce qui suit :
1. Mme D... A... B..., ressortissante de la République démocratique du Congo, née le 4 novembre 1960 à Lusambo (République démocratique du Congo), s'est vu délivrer une carte de séjour temporaire en raison de son état de santé entre 2014 et 2021, dont elle a demandé, le 9 avril 2021, le renouvellement. Par un arrêté du 21 octobre 2021, le préfet du Nord a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. Mme A... B... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande d'annuler cet arrêté.
Sur les moyens communs aux décisions attaquées :
2. En premier lieu, il ressort des termes de l'arrêté attaqué qu'il comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles reposent les décisions en litige, alors même qu'il ne reprend pas tous les éléments relatifs à la situation personnelle de l'intéressée. Les moyens tirés du défaut de motivation de cet arrêté et du défaut d'examen de sa situation personnelle doivent donc être écartés.
3. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ".
4. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) venant au soutien de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.
5. En l'espèce, le collège de médecins de l'OFII a estimé, par son avis du 29 juillet 2021, que si l'état de santé de Mme A... B... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont elle est originaire, elle peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié et qu'au vu des éléments du dossier et à la date de l'avis, son état de santé peut lui permettre de voyager sans risque vers le pays d'origine.
6. Si Mme A... B..., qui n'a pas donné son accord pour la levée du secret médical, produit des certificats médicaux datés notamment des 15 avril 2019, 11 mars 2021, 21 mai 2021, 7 juin 2021, 25 juin 2021, 26 juillet 2021, 5 octobre 2021, 8 novembre 2021, 5 décembre 2022, 9 décembre 2022, relatifs notamment à son diabète et ses douleurs articulaires, ces certificats ne comportent pas de mention sur la disponibilité du traitement dans son pays d'origine. Si le certificat médical du 23 décembre 2022 indique l'indisponibilité d'un plateau technique dans ce pays, ce certificat insuffisamment circonstancié ne permet pas d'établir de façon probante que l'intéressée ne pourrait pas bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont elle est originaire. Il résulte de ce qui précède que l'arrêté attaqué ne méconnaît pas les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Et aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine (...) ".
8. Mme A... B... est présente en France de façon régulière depuis 2014, date à laquelle elle s'est vu délivrer son premier titre de séjour en raison de son état de santé, régulièrement renouvelé jusqu'à la date de la décision attaquée. Si elle justifie de la présence, sur le territoire français, d'une nièce, en situation régulière, qui atteste confier régulièrement la garde de ses enfants à la requérante, elle ne produit aucun autre élément permettant d'établir qu'elle a noué, en France, des liens personnels stables et durables. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que Mme A... B... est célibataire et n'est pas dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine, où résident ses deux enfants et où elle a vécu jusqu'à l'âge de quarante-neuf ans. Dès lors, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, le préfet du Nord n'a pas porté au droit de Mme A... B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts qu'il a poursuivis et n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Au vu de l'ensemble de la situation de l'intéressée, le préfet du Nord n'a pas non plus entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
9. Aux termes de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la commission du titre de séjour " est saisie pour avis par l'autorité administrative : 1° Lorsqu'elle envisage de refuser de délivrer ou de renouveler la carte de séjour temporaire prévue aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-13, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21, L. 423-22, L. 423-23, L. 425-9 ou L. 426-5 à un étranger qui en remplit effectivement les conditions de délivrance ". Il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du titre de séjour du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions d'obtention du titre de séjour sollicité auxquels il envisage de refuser ce titre de séjour et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions. Or, il résulte de ce qui a été dit précédemment que la requérante ne justifiant pas satisfaire aux conditions prévues par les dispositions des articles L. 423-23 et L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet du Nord n'était pas tenu de soumettre son cas à la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande. Le moyen tiré du défaut de saisine de la commission du titre de séjour ne peut donc qu'être écarté.
10. Les moyens tirés de la méconnaissance du droit de présenter des observations, de l'erreur de droit et du défaut de base légale figurant dans la requête sommaire sont dépourvus de toute précision permettant à la cour d'en apprécier le bien-fondé, et ne peuvent par suite qu'être écartés.
Sur le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :
11. Aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
12. Mme A... B... soutient que son retour en République démocratique du Congo l'exposerait à un risque de traitements inhumains et dégradants compte tenu de l'impossibilité pour elle de s'y faire soigner. Ainsi qu'il a été dit précédemment, la requérante, dont l'état de santé ne justifie pas le maintien sur le territoire français, n'apporte pas d'élément probant à l'appui de ses allégations selon lesquelles elle serait susceptible d'être soumise à la torture ou à des peines ou traitements inhumains ou dégradants en cas de retour en République démocratique du Congo. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Au vu de l'ensemble de la situation de l'intéressée, le préfet du Nord n'a pas non plus entaché sa décision fixant le pays de destination d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie sera adressée au préfet du Nord.
Délibéré après l'audience du 7 juillet 2023 à laquelle siégeaient :
- Mme Anne Seulin, présidente de chambre,
- M. Marc Baronnet, président-assesseur,
- Mme Sylvie Stefanczyk, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 août 2023.
Le président-rapporteur,
Signé : M. C...La présidente de chambre,
Signé : A. Seulin
La greffière,
Signé : A.S. Villette
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
La greffière,
Anne-Sophie Villette
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N°22DA02166