Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 2 septembre 2019 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande d'octroi d'une pension militaire d'invalidité en qualité de victime civile de la guerre d'Algérie.
Par un jugement n° 1909560 du 28 juin 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 12 août 2022 et régularisée le 23 novembre 2002 et un mémoire enregistré le 10 mai 2023, M. B..., représenté par Me Nicolas Pelletier, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler la décision du 2 septembre 2019 de la ministre des armées ;
3°) d'enjoindre au ministre des armées de lui accorder une pension de victime de guerre à compter du 13 juillet 2018 ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 000 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que les documents qu'il produit démontrent qu'il souffre de séquelles en rapport avec des faits de guerre dont il a été victime en février 1957 à Soufflat en Algérie, des opérations du régiment d'artillerie antiaérienne y étant réalisées à cette date.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 13 avril et 8 juin 2023, le ministre des armées conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que le moyen soulevé par le requérant n'est pas fondé.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 octobre 2022.
Par une ordonnance en date du 12 juin 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 28 juin 2023 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Sylvie Stefanczyk, première conseillère,
- les conclusions de M. Guillaume Toutias, rapporteur public,
- et les observations de Me Nicolas Pelletier, représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., de nationalité française, né le 17 octobre 1949 en Algérie, a sollicité, le 13 juillet 2018, l'octroi d'une pension militaire d'invalidité en qualité de victime civile de la guerre d'Algérie pour une cicatrice au niveau du genou droit, une autre au niveau de la fesse gauche et deux cicatrices au niveau lombaire, en faisant valoir que celles-ci avaient pour origine les blessures qu'il avait subies à la suite de la chute d'un obus en 1957 à Soufflat en Algérie. Par une décision du 2 septembre 2019, la ministre des armées a rejeté sa demande. M. B... relève appel du jugement n° 1909560 du 28 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 113-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Les personnes ayant subi en Algérie entre le 31 octobre 1954 et le 29 septembre 1962 des dommages physiques, du fait d'attentats ou de tout autre acte de violence en relation avec la guerre d'Algérie, bénéficient des pensions de victimes civiles de guerre (...) ". Aux termes de l'article L. 124-11 de ce code : " Pour l'application des dispositions de l'article L. 113-6 relatif à la réparation des dommages physiques subis en relation avec la guerre d'Algérie, ouvrent droit à pension les infirmités ou le décès résultant : / 1° De blessures reçues ou d'accidents subis du fait d'attentats ou de tout autre acte de violence en relation avec cette guerre ; (...) ". Enfin, aux termes de l'article L 124-20 de ce code : " Il appartient aux postulants de faire la preuve de leurs droits à pension en établissant que l'infirmité invoquée a bien son origine dans une blessure ou dans une maladie causée par l'un des faits prévus aux sections 1 et 2 du présent chapitre ".
3. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à la personne qui s'estime victime civile de guerre, de faire la preuve, par tout moyen, de ses droits à pension en établissant notamment que les infirmités qu'elle invoque ont leur origine dans une blessure ou une maladie causée par l'un des faits de guerre énoncés aux articles L. 124-1 et suivants du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre.
4. Pour démontrer que les séquelles qu'il présente résultent de blessures causées par la chute d'un obus en 1957 à Soufflat en Algérie alors qu'il était mineur, M. B... produit un certificat de son médecin traitant du 30 mai 2018 faisant état d'une cicatrice de sept centimètres au niveau de la cuisse gauche avec perte de substance, d'une autre cicatrice d'un centimètre de largeur au niveau du genou droit ainsi que deux cicatrices d'un centimètre au niveau lombaire, un scanner de la fesse gauche réalisé le 12 juillet 2018 mettant en évidence un éclat métallique au sein de la diaphyse fémorale proximale gauche juxtacorticale, un protocole opératoire établi le 6 septembre 2022 par un médecin de l'établissement public hospitalier de Sour El Ghozane en Algérie relatif à une opération le concernant réalisée le 8 mars 1957 pour " suture secondaire suite à une plaie par éclat de la région sus-trochantérienne gauche ", laquelle apparaît compatible avec les séquelles qu'il a conservées, deux attestations de témoins rédigées les 6 juillet 2018 et 5 février 2019 confirmant sa blessure lors d'un bombardement en 1957 alors qu'il jouait à l'extérieur de la maison et un courrier du conservateur en chef du patrimoine du centre historique des archives du service historique de la Défense du 15 novembre 2022 faisant état d'opérations militaires effectuées par le premier groupe du 410ème régiment d'artillerie antiaérienne à Soufflat en février 1957. Dans ces conditions, compte tenu du faisceau d'indices concordant apporté par M. B..., celui-ci doit être regardé comme établissant que les séquelles qu'il présente ont pour origine une blessure causée par l'un des faits énoncés aux articles L. 124-11 et suivants du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre.
5.Il résulte de tout ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 28 juin 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 2 septembre 2019 de la ministre des armées lui refusant le bénéfice d'une pension militaire d'invalidité en qualité de victime civile de la guerre d'Algérie. Il y a donc lieu de prononcer l'annulation du jugement du 28 juin 2022 du tribunal administratif de Lille et l'annulation de la décision du 2 septembre 2019 de la ministre des armées.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
6. Eu égard au motif de l'annulation qu'il prononce, le présent arrêt implique seulement qu'il soit enjoint au ministre des armées de statuer à nouveau sur la demande de pension militaire d'invalidité en qualité de victime civile de la guerre d'Algérie de M. B... afin de déterminer le taux d'invalidité résultant des infirmités présentées par l'intéressé, dans le délai de trois mois suivant la notification du présent arrêt.
Sur les frais liés à l'instance :
7. M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Pelletier de la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1909560 du 28 juin 2022 du tribunal administratif de Lille et la décision du 2 septembre 2019 de la ministre des armées sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au ministre des armées de réexaminer la demande de pension militaire d'invalidité en qualité de victime civile de la guerre d'Algérie de M. B..., dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à Me Pelletier en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle, sous réserve que cette avocate renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre des armées et à Me Nicolas Pelletier.
Délibéré après l'audience publique du 7 juillet 2023 à laquelle siégeaient :
- Mme Anne Seulin, présidente de chambre,
- M. Marc Baronnet, président-assesseur,
- Mme Sylvie Stefanczyk, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 août 2023.
La rapporteure,
Signé : S. StefanczykLa présidente de chambre,
Signé : A. Seulin
La greffière,
Signé : A.S. Villette
La République mande et ordonne au ministre des armées, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
La greffière
Anne-Sophie Villette
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N°22DA01826