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17/08/2023 | FRANCE | N°23DA00783

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 17 août 2023, 23DA00783


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, d'annuler l'arrêté du 11 avril 2022 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, d'autre part, d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime, à titre principal, de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale ", à titre subsidiaire, de pro

céder au réexamen de sa demande et de lui délivrer, dans cette attente, une au...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, d'annuler l'arrêté du 11 avril 2022 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, d'autre part, d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime, à titre principal, de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale ", à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa demande et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour, dans un délai d'un mois à compter du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 2202774 du 12 janvier 2023, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 28 avril 2023 et le 15 juin 2023, M. B..., représenté par Me Mahieu, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 11 avril 2022 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;

3°) d'enjoindre, au préfet de la Seine-Maritime, à titre principal, de lui délivrer un certificat de résidence valable dix ans ou un certificat de résidence valable un an portant la mention " vie privée et familiale ", à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour, dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

En ce qui concerne la régularité du jugement :

- le jugement attaqué est entaché d'une insuffisance de motivation ;

En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :

- cette décision est entachée d'un vice de procédure, faute de saisine de la commission départementale du titre de séjour conformément aux dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 435-1 du code de l'entré et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une insuffisance de motivation ;

- elle méconnaît les stipulations du 1. de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- elle méconnaît les stipulations du 5. de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- cette décision est entachée d'une insuffisance de motivation ;

- elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

- cette décision est entachée d'une insuffisance de motivation ;

- elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 juin 2023, le préfet de la Seine-Maritime conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 mars 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Christian Heu, président de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B... est né le 24 mars 1976, à Iferhounène (en Algérie), d'un père franco-algérien qui a renoncé à la nationalité française par décret du 28 avril 1970, soit avant la naissance de son fils, et a été réintégré dans la nationalité française en 2009, soit postérieurement à la majorité de son fils. M. B... est entré en France en 2004, selon ses déclarations, sous couvert d'un passeport français, délivré le 1er juin 2004, valable du 1er juin 2004 au 31 mai 2014, délivré par le ministre des affaires étrangères. Il a obtenu, le 4 mars 2005, la transcription de son acte de naissance à l'état civil français et de son acte de mariage sur les registres d'état civil français. Il s'est également vu délivrer, le 13 septembre 2005, une carte nationale d'identité. Le 24 novembre 2005, le greffier en chef du tribunal d'instance de Brest a toutefois refusé de lui délivrer un certificat de nationalité française. M. B... a cependant obtenu, le 21 novembre 2012, un second passeport ainsi que le renouvellement, le 2 juillet 2013, de sa carte d'identité française, ainsi encore que la délivrance d'une carte d'électeur qui lui a permis de participer au scrutin présidentiel les 23 avril et 7 mai 2017. Le 12 avril 2018, M. B... a souscrit, sur le fondement de l'article 21-13 du code civil, une déclaration de nationalité française qui a fait l'objet, le 17 mai 2018, d'un refus d'enregistrement par le directeur des services de greffe judiciaire du tribunal d'instance de Rouen au motif qu'il avait fait l'objet, le 24 novembre 2005, d'un refus de délivrance d'un certificat de nationalité française par le greffier en chef du tribunal d'instance de Brest. M. B... a, le 6 novembre 2018, saisi le tribunal judiciaire de Lille aux fins de voir ordonner l'enregistrement de sa déclaration de nationalité française. Par un jugement du 3 décembre 2019, le tribunal judiciaire de Lille a fait droit à sa demande et ordonné l'enregistrement de sa déclaration de nationalité française. Toutefois, la cour d'appel de Douai, par un arrêt du 23 septembre 2021, a constaté l'extranéité de M. B... et annulé ce jugement, cet arrêt ayant été signifié à l'intéressé le 17 janvier 20213. M. B..., pour régulariser les conditions de son séjour en France, a ainsi été conduit à solliciter, le 6 décembre 2021, la délivrance d'un certificat de résidence algérien, ou à défaut d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Par un arrêté du 11 avril 2022, le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. B... relève appel du jugement du 12 janvier 2023 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Il ressort des pièces du dossier que M. B... est entré initialement en France sous couvert d'un passeport français, délivré le 1er juin 2004 par le ministre des affaires étrangères, valable du 1er juin 2004 au 31 mai 2014, pour y rejoindre son père. Il a obtenu, le 4 mars 2005, la transcription de son acte de naissance à l'état civil français et de son acte de mariage sur les registres d'état civil français. Il s'est vu délivrer une carte nationale d'identité, le 13 septembre 2005, qui a été renouvelée le 2 juillet 2013. De même, il a obtenu le renouvellement de son passeport le 21 novembre 2012. La cour d'appel de Douai, par un arrêt du 23 septembre 2021, a toutefois constaté l'extranéité de l'intéressé. Par ailleurs, M. B... a travaillé en qualité de maçon d'octobre 2006 à mars 2008 puis en qualité d'ouvrier de septembre 2008 à mars 2009. Il a fait en 2009 une chute d'un pont d'une hauteur d'une quarantaine de mètres qui a entraîné de graves séquelles sur sa personne, ce qui a fait obstacle à ce qu'il poursuive cette activité professionnelle. M. B... a alors fait l'objet d'un suivi médical régulier entre 2009 et 2022. Par une décision du 24 avril 2014, la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées du département de la Seine-Maritime lui a reconnu un taux d'incapacité compris entre 50 et 79 % et lui a attribué l'allocation aux personnes handicapées, l'intéressé relevant désormais d'une orientation vers le marché du travail. Il ressort également des pièces du dossier que M. B..., qui a divorcé de sa première épouse en 2012, vit avec une ressortissante française depuis 2014 et entretient des relations de qualité avec l'ensemble des membres de la famille de sa compagne. Dans ces circonstances, le préfet du Nord, en refusant de délivrer un titre de séjour à M. B... et en lui faisant obligation de quitter le territoire français, doit être tenu comme ayant entaché ces décisions d'une erreur manifeste d'appréciation de leurs conséquences sur la situation personnelle de M. B....

3. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté contesté et à demander l'annulation des décisions, contenues dans l'arrêté du 11 avril 2022, par lesquelles le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français, ainsi que, par voie de conséquence, des décisions, contenues dans le même arrêté, par lesquelles le préfet du Nord lui a imparti un délai de trente jours pour quitter volontairement le territoire français et a fixé le pays de renvoi en cas d'exécution d'office de la mesure d'éloignement.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

4. Le présent arrêt implique nécessairement, compte tenu du motif d'annulation de l'arrêté contesté, que le préfet de la Seine-Maritime délivre à M. B..., en application de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale. Par suite, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime d'y procéder, dans un délai de deux mois à compter de la date de notification du présent arrêt. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique :

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, qui a la qualité de partie perdante, le versement d'une somme de 1 000 euros au conseil de M. B... sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 12 janvier 2023 du tribunal administratif de Rouen et l'arrêté du 11 avril 2022 du préfet de la Seine-Maritime sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Maritime de délivrer à M. B... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de deux mois à compter de la date de notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 000 euros au conseil de M. B... sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer, au préfet de la Seine-Maritime et à Me Mahieu.

Délibéré après l'audience publique du 29 juin 2023 à laquelle siégeaient :

- M. Christian Heu, président de chambre,

- M. Mathieu Sauveplane, président-assesseur,

- M. Jean-François Papin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 août 2023.

Le premier vice-président,

président de chambre, rapporteur,

Signé : C. Heu

L'assesseur le plus ancien,

Signé : M. C...La greffière,

Signé : N. Roméro

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière,

Nathalie Roméro

N°23DA00783 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23DA00783
Date de la décision : 17/08/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Heu
Rapporteur ?: M. Christian Heu
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : EDEN AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 27/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-08-17;23da00783 ?
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