Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... se disant B... C... a demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 10 janvier 2022 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, d'autre part, d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de procéder au réexamen de sa situation dans le délai d'un mois à compter du jugement à intervenir.
Par un jugement n° 2200972 du 4 octobre 2022, le tribunal administratif de Rouen a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 20 novembre 2022, M. A... se disant C..., représenté par Me Berradia, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 10 janvier 2022 du préfet de la Seine-Maritime ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de procéder au réexamen de sa situation dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :
- cette décision est insuffisamment motivée au regard de l'exigence posée à l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- cette décision doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision de refus de titre de séjour sur le fondement de laquelle elle a été prise ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 juin 2023, le préfet de la Seine-Maritime conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... se disant C... ne sont pas fondés.
M. A... se disant C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 10 novembre 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code civil ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Un ressortissant étranger se disant M. B... C..., ressortissant malien né le 22 août 2002 à Kersignané (Mali), est entré en France le 30 août 2018, selon ses déclarations. Il a été placé, par un jugement du 7 décembre 2018 du juge des enfants près le tribunal judiciaire de Rouen, sous la protection du service de l'aide sociale à l'enfance du département de la Seine-Maritime jusqu'au 22 août 2020. Ayant suivi une formation qualifiante, il a obtenu un contrat d'apprentissage en juillet 2020. Le 24 novembre 2020, l'intéressé a demandé au préfet de la Seine-Maritime de l'admettre, à titre exceptionnel, au séjour en se prévalant de sa situation de jeune majeur antérieurement confié à l'aide sociale à l'enfance. L'intéressé s'est alors vu délivrer un récépissé de demande de titre de séjour, qui a été renouvelé. Toutefois, le préfet de la Seine-Maritime, par un arrêté du 10 janvier 2022, a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... se disant C... relève appel du jugement du 4 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la décision de refus de titre de séjour :
En ce qui concerne la légalité externe :
2. Il ressort des motifs mêmes de l'arrêté contesté que ceux-ci, qui reproduisent d'ailleurs les dispositions de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, comportent, dans des termes suffisamment précis, l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles le préfet de la Seine-Maritime s'est fondé pour refuser de faire bénéficier M. A... se disant C... du régime de l'admission exceptionnelle au séjour prévu en faveur des jeunes majeurs ayant fait l'objet d'un placement auprès de l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize et dix-huit ans et justifiant suivre, depuis au moins six mois, une formation qualifiante. Cet arrêté, en ce qu'il refuse de délivrer à l'intéressé un titre de séjour, doit donc être regardé comme suffisamment motivé au regard de l'exigence posée à l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration. La circonstance que les motifs de cet arrêté exposent, en outre, les raisons pour lesquelles le préfet de la Seine-Maritime a estimé, d'office, que M. A... se disant C... ne pouvait prétendre à l'admission au séjour sur d'autres fondements, notamment au regard de la vie privée et familiale, demeure, en tout état de cause, sans incidence à cet égard.
En ce qui concerne la légalité interne :
3. D'une part, aux termes de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " A titre exceptionnel, l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle peut, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. ".
4. D'autre part, aux termes de l'article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande : / 1° Les documents justifiants de son état civil ; / 2° Les documents justifiants de sa nationalité ; / (...) / La délivrance du premier récépissé et l'intervention de la décision relative au titre de séjour sollicité sont subordonnées à la production de ces documents. / (...) ". Aux termes de l'article L. 811-2 du même code : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies à l'article 47 du code civil. ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. Celle-ci est appréciée au regard de la loi française. ". Ces dernières dispositions posent une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère. Il incombe cependant à l'administration, si elle entend renverser cette présomption, d'apporter la preuve du caractère irrégulier, falsifié ou non-conforme à la réalité des actes en cause.
5. Pour refuser de délivrer à M. A... se disant C... le titre de séjour sollicité par celui-ci, le préfet de la Seine-Maritime a, selon les motifs mêmes de l'arrêté contesté, retenu que l'intéressé, qui avait produit un acte de naissance qui, après analyse par le service compétent de la direction interdépartementale de la police aux frontières, s'est avéré falsifié, ne pouvait être regardé comme ayant fourni, à l'appui de sa demande de titre de séjour, des justificatifs présentant des garanties suffisantes d'authenticité et de nature à établir avec certitude son identité et sa nationalité, et estimé en conséquence que cette situation faisait obstacle à ce qu'il soit admis au séjour.
6. Il ressort du rapport d'analyse technique, versé au dossier, établi le 12 juillet 2021 pour rendre compte au préfet de la Seine-Maritime des résultats de l'analyse documentaire mentionnée au point précédent, que le service, au terme d'un examen approfondi de l'acte de naissance qui lui était soumis, a constaté que le mode d'impression utilisé pour y apposer les mentions pré-imprimées, à savoir une impression à jet d'encre, ne correspondait pas à celui en vigueur pour l'édition de ce type d'acte par les autorités maliennes, à savoir l'impression en offset. Le service a constaté, en outre, la présence d'une faute d'orthographe affectant l'une de ces mêmes mentions, l'expression " l'officier de l'état civil " étant, dans l'acte examiné, orthographiée " l'offier de l'état civil ", et d'une autre faute, affectant une mention apposée par timbre humide, cette mention, dans l'acte en cause, étant orthographiée " République du Mall " au lieu de " République du Mali ". Le rapport, établi le 12 juillet 2021, relève aussi l'absence de numéro d'ordre et de numéro d'identification nationale (NINA) dans l'acte en cause, ainsi que l'absence d'identification de l'imprimeur. Enfin, le service relève une incohérence affectant la désignation de l'autorité signataire, à savoir, en l'espèce, le deuxième adjoint au maire de Guidimé, autorité compétente pour délivrer de tels actes dans des centres secondaires d'état civil, alors que l'acte indique qu'il est délivré par un tribunal d'instance, centre principal. Au vu de ces anomalies, notamment de celle affectant le timbre humide apposé sur le document en cause, le service a conclu que ce document était falsifié.
7. M. A... se disant C... soutient que ni la présence des deux fautes d'orthographes identifiées dans l'acte en cause, ni l'absence de numéro NINA, laquelle mention dans les actes d'état civil maliens n'est obligatoire que depuis 2007, alors que l'acte en cause est daté de 2002, ne permettent de remettre en cause l'authenticité de cet acte, ni de justifier le rejet de sa demande de titre de séjour, alors qu'il pouvait se prévaloir d'un rapport social favorable, confirmant son bon comportement et son implication dans sa formation et qu'il justifiait de perspectives sérieuses d'insertion professionnelle.
8. Toutefois, les anomalies relevées par le service ne se limitent pas aux deux fautes d'orthographe auxquelles l'appelant fait référence, dont l'une affecte au demeurant un timbre humide censé authentifier le document, ni à l'absence de numéro NINA dans l'acte en cause, qui, au demeurant, comporte un champ réservé à ce numéro et non renseigné, mais sont aussi afférentes au mode d'impression mis en œuvre pour éditer le formulaire utilisé par le rédacteur de cet acte et à l'absence d'identification de l'imprimeur et de numéro d'ordre. Il s'agit donc d'anomalies majeures affectant les conditions mêmes d'établissement de l'acte. Dans ces conditions, compte-tenu des éléments d'analyse précis qui lui ont ainsi été communiqués, le préfet de la Seine-Maritime était fondé à retenir que l'acte de naissance dont M. A... se disant C... s'était prévalu au soutien de sa demande de titre de séjour était falsifié et qu'il ne pouvait ainsi être regardé comme de nature à justifier de l'identité, ni de la nationalité, de l'intéressé, quand bien même celui-ci avait été antérieurement confié aux services de l'aide sociale à l'enfance par le juge des enfants, qui avait accepté de le reconnaître sous cette identité dès lors que cette appréciation, portée d'ailleurs sans analyse scientifique de l'acte de naissance produit, ne lie pas l'autorité préfectorale. Ce motif, tiré de ce que ni l'identité ni la nationalité du demandeur n'était établie, était de nature à justifier légalement, à lui seul, le refus du préfet de la Seine-Maritime de délivrer à l'intéressé le titre de séjour sollicité par celui-ci sur le fondement de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, et malgré les efforts d'intégration et d'insertion professionnelle dont l'intéressé justifiait, ce refus ne peut être tenu comme entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard de ces dispositions.
9. Eu égard à ce qui a été dit au point 2 et au point 8, la décision de refus de titre de séjour, prise par le préfet de la Seine-Maritime à l'issue d'un examen de la situation de M. A... se disant C... au regard de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne peut être tenue comme entachée d'erreur de droit, alors même que le préfet de la Seine-Maritime a fait le choix d'examiner, d'office, si l'intéressé pouvait prétendre à une admission au séjour à un autre titre, notamment au regard de la vie privée et familiale, ce qu'il lui était loisible de faire.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
10. Ainsi qu'il a été dit aux points 2 à 9, les moyens dirigés contre le refus de titre de séjour doivent être écartés. Il en résulte que le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français devrait être annulée par voie de conséquence de l'annulation de ce refus de titre de séjour n'est pas fondé.
11. Eu égard à ce qui a été dit au point 8, il doit être tenu pour établi que M. A... se disant C... ne justifie ni de son identité, ni de sa nationalité. Il ressort des pièces du dossier, et il n'est d'ailleurs pas contesté, que l'intéressé est célibataire, sans enfant et qu'il n'a fait état d'aucun lien particulier sur le territoire français. Dans ces conditions, en dépit du bon comportement de l'intéressé, relevé dans la note sociale le concernant, et malgré son investissement dans sa formation et les perspectives d'insertion professionnelle que lui ouvrent le contrat d'apprentissage qu'il a conclu en juillet 2020 avec une entreprise de maçonnerie, le préfet de la Seine-Maritime, en lui faisant obligation de quitter le territoire français, n'a pas entaché cette décision d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... se disant C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles que son conseil présente sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... se disant B... C... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de Me Berradia tendant à l'application de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... se disant B... C..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Berradia.
Copie en sera transmise au préfet de la Seine-Maritime.
Délibéré après l'audience publique du 29 juin 2023 à laquelle siégeaient :
- M. Christian Heu, président de chambre,
- M. Mathieu Sauveplane, président-assesseur,
- M. Jean-François Papin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 août 2023.
Le rapporteur,
Signé : J.-F. PapinLe président de chambre,
Signé : C. Heu
La greffière,
Signé : N. Roméro
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
La greffière,
Nathalie Roméro
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N°22DA02426
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