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17/08/2023 | FRANCE | N°22DA00703

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 17 août 2023, 22DA00703


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société MCD Belgium BVBA a demandé au tribunal administratif d'Amiens de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période allant du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013, ainsi que des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2012, 2013 et 2014.

Par un jugement no 1901455 du 3 février 2022, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté ce

tte demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société MCD Belgium BVBA a demandé au tribunal administratif d'Amiens de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période allant du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013, ainsi que des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2012, 2013 et 2014.

Par un jugement no 1901455 du 3 février 2022, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 28 mars 2022 et le 20 juin 2022, la société MCD Belgium BVBA, représentée par Me Chaouat, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement, en tant qu'il a rejeté les conclusions de sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période allant du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013 ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige et de prescrire la restitution, assortie des intérêts moratoires prévues à l'article L. 208 du livre des procédures fiscales, des sommes acquittées par elle à ce titre ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de même que les entiers dépens.

Elle soutient que :

- contrairement à ce qu'a retenu le tribunal administratif, les indices diffus avancés par l'administration, à savoir, la copie d'un courrier que lui avait adressé, en 2014, l'administration fiscale belge et la réponse apportée à ce courrier par son conseil, saisis à l'adresse du domicile de son ancien dirigeant, ne peuvent suffire à établir qu'elle aurait disposé, au cours de la période d'imposition en litige, d'un établissement en France présentant un degré suffisant de permanence, encore moins d'un siège de direction effective, ni même d'une structure apte à rendre autonome la réalisation des prestations de service de conseil auprès de ses clients français, de sorte qu'elle ne pouvait être regardée comme un redevable de la taxe sur la valeur ajoutée en France, au sens de l'article 283 du code général des impôts ;

- en tout état de cause, en admettant que les recettes tirées des prestations de service qu'elle a réalisées pour le compte d'assujettis français devaient être soumises, en France, à la taxe sur la valeur ajoutée, aucun rappel de taxe ne pouvait être mis à sa charge à ce titre, sauf à soumettre l'activité économique en cause à une double imposition et à méconnaître le principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée, dès lors que ses clients ont eux-mêmes auto-liquidé la taxe ; en outre, ces clients ayant aujourd'hui disparu par suite de leur cessation d'activité, elle est dans l'impossibilité d'émettre à leur égard des factures rectificatives et de récupérer la taxe sur la valeur ajoutée dont le paiement lui est réclamé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 août 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet des conclusions de la requête de la société MCD Belgium BVBA.

Il soutient que :

- la mise en œuvre de la procédure de saisie et de visite prévue à l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales a permis de saisir, dans un local professionnel aménagé à l'adresse du domicile personnel de l'ancien dirigeant statutaire de la société MCD Belgium BVBA, M. B..., situé à Morienval (Oise), plusieurs documents en lien direct avec l'activité de cette société, alors même que cette partie non privative de la propriété était affectée à la ..., autre entité du groupe ; il est aussi apparu, à cette occasion, que le télécopieur équipant ce local était utilisé par la société MCD Belgium BVBA, qui était aussi locataire, à Paris, de locaux comportant un bureau équipé et une salle de réunion, qu'elle prenait à bail pour un montant supérieur à celui correspondant à son siège social situé en Belgique et dont elle prenait en charge l'entretien ; par ailleurs, M. et Mme B... étaient, respectivement, gérant salarié et assistante commerciale salariée de la société MCD Belgium BVBA au cours des années d'imposition en litige et ont travaillé en France pour cette société, dont le siège, qui n'était équipé que de moyens matériels aisément transportables, était situé à 250 km de leur domicile, où ils disposaient d'un accès à internet et utilisaient, pour les besoins de leur activité, deux lignes de téléphone mobile ouvertes auprès d'un opérateur français ; ces indices sont de nature à établir que la société MCD Belgium BVBA réalisait, en France, ses prestations de service auprès de ses clients français à partir d'une installation fixe d'affaires, caractérisée par les locaux et par les moyens humains et techniques dont elle disposait à Morienval et à Paris ;

- la circonstance, au demeurant non établie, que les clients de la société MCD Belgium BVBA auraient pu procéder à une auto-liquidation de la taxe sur la valeur ajoutée dont était grevé le prix des prestations de service qu'elle a réalisés dans l'intérêt de leur exploitation demeure sans incidence sur son propre assujettissement à la taxe.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 ;

- la convention entre la France et la Belgique tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative et juridique réciproque en matière d'impôts sur les revenus, ensemble un protocole, signée à Bruxelles le 10 mars 1964 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société de droit belge MCD Belgium BVBA, qui a été créée en 2008 et qui a eu, jusqu'en 2016, pour dirigeant statutaire M. A... B..., exerce une activité consistant à conseiller et à négocier la cession ou l'acquisition de parts sociales ou d'actions et à procéder à des montages financiers dans le cadre de ces opérations. Ayant estimé, à partir d'éléments recueillis dans le cadre d'une visite effectuée, sur le fondement de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, avec l'autorisation du juge judiciaire, au domicile de M. et Mme B..., situé dans le département de l'Oise, que cette société disposait d'un établissement stable en France, l'administration a soumis cet établissement à une vérification de comptabilité portant sur la période allant du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014. A l'issue de cette vérification de comptabilité, l'administration a estimé, d'une part, que la société MCD Belgium BVBA avait réalisé, depuis son établissement stable situé en France, des prestations de service auprès d'assujettis établis sur le territoire français et que ces prestations de service auraient dû être soumises, en France, à la taxe sur la valeur ajoutée, d'autre part, que les bénéfices issus de cette activité devaient être soumis à l'impôt sur les sociétés en France. L'administration a fait connaître à la société MCD Belgium BVBA sa position sur ces deux points par deux propositions de rectification qu'elle lui a adressées le 10 décembre 2015 et le 13 juin 2016, en ce qui concerne, respectivement, d'une part, l'exercice clos en 2012 et la période couvrant cet exercice, d'autre part, les exercices clos en 2013 et en 2014 et les périodes correspondantes. Les observations présentées par la société MCD Belgium BVBA et l'entretien accordé à cette société par l'interlocuteur fiscal interrégional n'ayant pas conduit l'administration à reconsidérer son appréciation, et la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires s'étant déclarée incompétente pour connaître du différend qui lui était soumis, les suppléments d'impôt sur les sociétés et les rappels de taxe sur la valeur ajoutée résultant des rectifications ainsi notifiées à la société MCD Belgium BVBA ont été mis en recouvrement le 16 août 2018, à hauteur des montants respectifs de 242 956 euros et de 206 467 euros, en droits et pénalités.

2. Sa réclamation ayant été rejetée, la société MCD Belgium BVBA a porté le litige devant le tribunal administratif d'Amiens, en lui demandant de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période allant du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013, ainsi que des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2012, 2013 et 2014. Par un jugement du 3 février 2022, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande. La société MCD Belgium BVBA a relevé appel de ce jugement et, parallèlement à la procédure contentieuse, a déposé, devant l'administration fiscale belge, une demande de procédure amiable, dans le cadre de l'application de l'article 24 de la convention fiscale franco-belge visant à éliminer les doubles impositions. En anticipant sur l'accord amiable susceptible d'intervenir à l'issue de cette procédure entre les administrations fiscales belge et française, cette dernière a proposé à la société MCD Belgium BVBA, qui a accepté, de transiger en ce qui concerne le différend en matière d'impôt sur les sociétés. En conséquence, la société MCD Belgium BVBA, par son mémoire enregistré le 20 juin 2022, a ramené l'étendue de ses conclusions en décharge aux seuls rappels de taxe sur la valeur ajoutée, en droits et pénalités.

3. En vertu du I de l'article 256 du code général des impôts, les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée, le fait générateur de la taxe étant alors, ainsi que le précise le a) du 1 de l'article 269 de ce code, la réalisation de la prestation. Aux termes de l'article 259 du code général des impôts : " Le lieu des prestations de services est situé en France : / 1° Lorsque le preneur est un assujetti agissant en tant que tel et qu'il a en France : / a) Le siège de son activité économique, sauf lorsqu'il dispose d'un établissement stable non situé en France auquel les services sont fournis ; / b) Ou un établissement stable auquel les services sont fournis ; / c) Ou, à défaut du a ou du b, son domicile ou sa résidence habituelle ; / (...) ". Enfin, aux termes de l'article 283 du même code : " 1. La taxe sur la valeur ajoutée doit être acquittée par les personnes qui réalisent les opérations imposables (...) / (...) / 2. Lorsque les prestations mentionnées au 1° de l'article 259 sont fournies par un assujetti qui n'est pas établi en France, la taxe doit être acquittée par le preneur. / (...) ".

4. Pour l'application de ces dispositions, qui résultent de la transposition en droit interne de l'article 9 de la directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977 en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires ainsi que de l'article 44 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée dans sa version en vigueur au cours de la période d'imposition en litige, qui en reprenait le contenu, il convient, comme la Cour de justice des Communautés européennes l'a jugé notamment dans ses arrêts Berkholz du 4 juillet 1985 (C-168/84, points 17 et 18) et ARO Lease BV du 17 juillet 1997 (C-190/95, points 15 et 16), de déterminer le point de rattachement des services rendus afin d'établir le lieu des prestations de services. L'endroit où le prestataire a établi le siège de son activité économique apparaît comme un point de rattachement prioritaire, la prise en considération d'un autre établissement à partir duquel les prestations de services sont fournies ne présentant d'intérêt que dans le cas où le rattachement au siège ne conduit pas à une solution rationnelle d'un point de vue fiscal ou crée un conflit avec un autre État membre. Un établissement ne peut être utilement regardé, par dérogation au critère prioritaire du siège, comme lieu des prestations de services d'un assujetti que s'il présente un degré suffisant de permanence et une structure apte, du point de vue de l'équipement humain et technique, à rendre possibles, de manière autonome, les prestations de services considérées.

5. Pour estimer que la société MCD Belgium BVBA, dont le siège est situé en Belgique, avait réalisé à titre onéreux, pour des clients assujettis établis en France, des prestations de service de conseil qui devaient être soumises, en France, à la taxe sur la valeur ajoutée, l'administration a retenu, à partir d'un faisceau d'indices obtenus dans le cadre de la visite effectuée au domicile de M. et Mme B..., situé dans le département de l'Oise, que ces prestations avaient été réalisées par les intéressés, alors respectivement dirigeant salarié et assistante commerciale salariée de cette société, depuis les locaux de leur domicile, qui comportaient un local professionnel indépendant, ou depuis des locaux à usage de bureau dont M. B... était le propriétaire à Paris et qu'il donnait à bail à la société MCD Belgium BVBA. Pour aboutir à cette conclusion, l'administration, selon les termes des deux propositions de rectification qu'elle a adressées le 10 décembre 2015 et le 13 juin 2016 à cette société, s'est fondée sur l'analyse de plusieurs documents saisis lors de la visite au domicile de M. et Mme B... et qui concernaient la société MCD Belgium BVBA, alors que le local professionnel aménagé dans une dépendance de ce domicilie est officiellement affecté à la société à responsabilité limitée (..., entité française du groupe MCD. Au nombre de ces documents figure le bail de location conclu entre M. B..., propriétaire, et la société MCD Belgium BVBA, locataire, et portant sur les locaux professionnels situés à Paris, rue de la Bienfaisance, composés d'un bureau équipé, loué à usage exclusif, ainsi que d'une salle de réunion et d'un hall d'accueil à usage partagé. Le service a constaté, à l'issue d'une analyse des clauses de ce bail, que celui-ci était consenti moyennant un loyer annuel de 9 000 euros au titre de l'année 2012 et de 10 132,79 euros au titre de l'année 2013, ce loyer s'avérant supérieur à celui des locaux du siège social de la société MCD Belgium BVBA, situés à Gand (Belgique), qui s'élevait à 6 000 euros. Le service a, en outre, relevé que les clauses du bail saisi mettaient à la charge de la société MCD Belgium BVBA l'entretien des locaux parisiens qui lui étaient donnés en location et constaté, par l'exercice de son droit de communication auprès de l'entreprise de nettoyage qui avait facturé ces prestations, que les charges d'entretien de bâtiments portées, au titre des années 2012 et 2013, au compte 611 dans la comptabilité de la société correspondaient à ces seules dépenses d'entretien, exposées à hauteur des montants respectifs de 4 149,54 euros et de 5 868 euros, que le service n'a pas regardés comme négligeables, d'autant qu'il a constaté que la société MCD Belgium BVBA avait également comptabilisé des factures d'audit d'architecte, ainsi que des frais divers, qui, selon le libellé des opérations correspondantes, concernaient les mêmes locaux parisiens. L'administration a relevé, en outre, que, lors de la visite domiciliaire, le service avait découvert et saisi, dans le local à usage professionnel aménagé au domicile de M. et Mme B..., un contrat de vente concernant les parts de la société MCD Belgium BVBA, la copie d'un courrier adressé, le 17 octobre 2014, par l'administration fiscale belge à cette société et la réponse apportée, le 21 novembre 2014, à ce courrier par l'avocat de celle-ci, ainsi qu'une pochette intitulée " MCD Belgium " et comportant plusieurs documents concernant cette société. Enfin, il est apparu que le numéro de télécopie mentionné sur le site internet commun à l'ensemble des entités du groupe MCD était celui du télécopieur dont était équipé le local professionnel installé au domicile de M. et Mme B....

6. L'administration a également relevé que la société MCD Belgium BVBA disposait, en France, au cours de la période d'imposition en litige, non seulement des moyens matériels exposés au point précédent, mais aussi de moyens humains, à savoir de M. B..., son dirigeant statutaire, qui avait compétence pour l'engager à l'égard des tiers et qui était l'auteur des prestations de conseil commandées à la société, et de Mme B..., qui était employée par la société MCD Belgium BVBA en tant qu'assistante commerciale. Pour retenir que les prestations de service fournies par cette société à ses clients français étaient, au cours de la période d'imposition en litige, réalisées depuis la France par les intéressés, l'administration a relevé, selon les termes des propositions de rectification adressées à la société MCD Belgium BVBA, que le site internet unique du groupe MCD, consulté par le vérificateur, comportait un nom de domaine français et qu'il se référait, en matière de protection des données, à la législation française, tandis que les demandes de contact formulées par les visiteurs de ce site étaient systématiquement dirigées vers une adresse de courrier électronique détenue par M. B... auprès d'un opérateur français. Le service a d'ailleurs relevé que la société MCD Belgium BVBA n'avait porté en comptabilité, au titre des deux exercices 2012 et 2013 correspondant à la période en litige, aucune charge correspondant à un accès à internet ou à une ligne téléphonique fixe, de sorte que le traitement des demandes formulées par messagerie électronique par les clients et que la gestion du site internet du groupe avaient nécessairement été effectués depuis le domicile de M. et Mme B..., situé en France. Le service a également relevé que les lignes téléphoniques utilisées par la société MCD Belgium BVBA pour les besoins de son activité avaient, outre la ligne affectée au télécopieur équipant le local professionnel installé au domicile de M. et Mme B..., situé dans l'Oise, toutes été ouvertes auprès du même opérateur français. L'administration a ajouté à ces constats que l'exercice, par le service, de son droit de communication auprès de cet opérateur avait permis d'établir que les appels reçus ou passés à l'étranger à l'aide du téléphone portable professionnel utilisé par M. B... portaient sur des conversation d'une durée totale très limitée, de l'ordre, respectivement, d'une heure pour toute l'année 2012 et d'une heure trente pour l'année 2013, tandis que le seul numéro de téléphone belge figurant sur une carte de visite professionnelle de M. B... saisie au cours de la visite domiciliaire correspondait à une ligne téléphonique mobile utilisée habituellement par Mme B..., pour les besoins de l'exercice de ses fonctions d'assistante commerciale, ouverte auprès du même opérateur français, lequel a précisé au service que le téléphone mobile en cause n'avait quasiment jamais été utilisé hors de France au cours de la période d'imposition en litige.

7. Pour critiquer cette analyse, la société MCD Belgium BVBA soutient que l'administration fait abstraction des moyens mis à sa disposition dans les locaux de son siège social, lesquels ne sont pas négligeables, comme en témoigne sa comptabilité, de sorte qu'il ne peut, à ses yeux, être tenu pour établi que les prestations de service en cause auraient été réalisées depuis la France. Elle ajoute que la contribution à son activité de ses locaux parisiens, dans lesquels ont, au plus, été organisées trois réunions au cours de la période en litige, a été largement surévaluée par le service. Elle soutient, par ailleurs, que, durant la période d'imposition en litige, M. B... a beaucoup voyagé et qu'il avait l'habitude d'utiliser, en cette occasion, un téléphone mobile ouvert auprès d'un opérateur britannique, un contrôle effectué par l'administration fiscale belge ayant d'ailleurs conduit celle-ci à remettre en cause la déduction, en tant que charges, de dépenses se rapportant à la partie de son activité exercée en France, ce qui s'avère contradictoire avec l'analyse retenue par l'administration fiscale française. Elle soutient, au vu de l'ensemble de ces éléments, que c'est à tort que l'administration l'a regardée comme ayant réalisé tout ou partie de son activité depuis un établissement en France présentant un degré suffisant de permanence, ni même comme ayant disposé, dans ce pays, d'un siège de direction effective, ou encore d'une structure apte à rendre autonome la réalisation des prestations de service de conseil auprès de ses clients français.

8. Toutefois, le ministre soutient, sans être contredit, que les éléments d'actif inscrits au bilan de la société MCD Belgium BVBA au cours de la période d'imposition en litige représentent une valeur modeste, puisqu'ils portent seulement sur du mobilier représentant une valeur totale de 2 341,30' euros et sur des licences de logiciels représentant une valeur totale de 4 440 euros. Dans ces conditions et alors que la nature même de l'activité de prestations de service de conseil exercée par la société MCD Belgium BVBA autorise l'usage de matériels portables, l'importance des moyens matériels dont sont équipés les locaux du siège de la société, situés en Gand (Belgique), à 250 km du domicile de M. et Mme B..., n'apparaît pas significative, tandis qu'aucune dépense d'entretien se rapportant aux locaux du siège social n'a été portée en comptabilité, durant la période d'imposition en litige, par la société MCD Belgium BVBA. En revanche, l'importance des dépenses portées en comptabilité en ce qui concerne les locaux professionnels pris en location par cette société à Paris rend peu vraisemblable l'assertion de cette société selon laquelle ceux-ci n'auraient servi que pour quelques réunions, alors d'ailleurs que ces locaux ne se limitent pas à une salle de réunion, mais qu'ils comportent aussi un bureau équipé. Par ailleurs, il résulte de l'instruction que c'est seulement après qu'il a eu connaissance des renseignements obtenus par le service dans le cadre de l'exercice de son droit de communication auprès de l'opérateur français que M. B... a fait état de l'utilisation d'un téléphone mobile ouvert auprès d'un opérateur britannique, alors que, au cours du contrôle, il avait précisé au vérificateur utiliser, par facilité, son téléphone mobile français lors de ses déplacements à l'étranger. Au demeurant, le ministre, sans être contredit, fait valoir, sur ce point, qu'aucun numéro de téléphone anglais n'est mentionné sur la carte de visite saisie au cours de la visite au domicile de M. et Mme B..., ni davantage sur le site internet du groupe MCD. Enfin, la société MCD Belgium BVBA ne peut utilement invoquer la position qui aurait été prise quant au lieu de réalisation de ses prestations, par l'administration fiscale belge à l'issue d'un contrôle effectué en 2016, postérieurement à celui dont résultent les rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige et dont il n'est pas allégué qu'il porterait sur la même période. Dans ces conditions, la société MCD Belgium BVBA doit être regardée comme ayant, au cours de la période d'imposition en litige, réalisé, depuis un établissement présentant un degré suffisant de permanence et constituant une structure apte, du point de vue de l'équipement humain et technique, à rendre possible la réalisation, de manière autonome, des prestations de service considérées, des prestations de conseil en patrimoine ou de montage financier, dans l'intérêt de clients implantés en France et dont il n'est pas contesté qu'ils y avaient la qualité d'assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a soumis le chiffre d'affaires issu des prestations de service ainsi réalisées par la société MCD Belgium BVBA à la taxe sur la valeur ajoutée en France.

9. Si la société MCD Belgium BVBA soutient que ses clients français auraient auto-liquidé la taxe sur la valeur ajoutée afférente aux prestations qu'elle leur a rendues, de sorte que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige auraient conduit à soumettre son activité économique à une double imposition, elle n'apporte, en tout état de cause, aucun élément au soutien de cette allégation. Au surplus, compte tenu de l'intérêt qui s'attache à ce que la taxe sur la valeur ajoutée soit acquittée par son redevable légal et eu égard au fait que les rectifications n'ont pas pour effet de faire payer deux fois par un même redevable la taxe en cause, les principes de neutralité et d'effectivité de la taxe sur la valeur ajoutée ne faisaient pas obstacle à ce que l'administration soumette les prestations en cause à la taxe sur la valeur ajoutée sur le fondement des articles 259 et 283 du code général des impôts et établisse les rappels correspondants au nom de la société appelante, laquelle en est légalement redevable, alors même que ses clients auraient fait application du mécanisme d'auto-liquidation et qu'ils auraient désormais cessé leurs activités.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la société MCD Belgium BVBA n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté les conclusions de sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période allant du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013. En outre, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, qui ne peut être regardé comme la partie perdante dans le présent litige, au titre des frais exposés par la société MCD Belgium BVBA et non compris dans les dépens. Enfin, les conclusions afférentes aux dépens doivent, par voie de conséquence, être, en tout état de cause, rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société MCD Belgium BVBA est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société MCD Belgium BVBA et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera transmise à l'administratrice générale des finances publiques chargée de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

Délibéré après l'audience publique du 29 juin 2023 à laquelle siégeaient :

- M. Christian Heu, président de chambre,

- M. Mathieu Sauveplane, président-assesseur,

- M. Jean-François Papin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 août 2023.

Le rapporteur,

Signé : J.-F. PapinLe président de chambre,

Signé : C. Heu

La greffière,

Signé : N. Roméro

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

La greffière,

Nathalie Roméro

1

2

N°22DA00703


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22DA00703
Date de la décision : 17/08/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Heu
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : CABINET QUINN EMANUEL URQUHART et SULLIVAN UK LLP

Origine de la décision
Date de l'import : 27/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-08-17;22da00703 ?
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