Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 28 octobre 2022 par lequel le préfet du Nord l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an, ainsi que l'arrêté du même jour par lequel le préfet du Nord a prononcé son assignation à résidence, d'autre part, d'enjoindre au préfet du Nord de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour.
Par un jugement n°2208273 du 15 décembre 2022, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 13 janvier 2023 et 3 mai 2023, M. B..., représenté par Me Cabaret, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 28 octobre 2022 par lequel le préfet du Nord l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an ;
3°) d'enjoindre au préfet du Nord de procéder à l'enregistrement et à l'examen de sa demande de titre de séjour et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour ou un récépissé de demande de titre de séjour l'autorisant à travailler, dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
En ce qui concerne l'arrêté pris dans son ensemble :
- cet arrêté est entaché d'une insuffisance de motivation ;
- il est entaché d'un défaut d'examen sérieux de sa situation ;
- il est dépourvu de base légale dès lors que, par un jugement du 20 février 2023, le tribunal administratif de Lille a annulé pour erreur de droit la décision du 7 septembre 2021 par laquelle le préfet du Nord avait refusé d'enregistrer sa demande de titre de séjour et a enjoint à l'autorité préfectorale de procéder à l'instruction de cette demande et de lui délivrer un récépissé de demande de titre de séjour ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- cette décision méconnaît les dispositions de l'article L. 611-1 3° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
En ce qui concerne la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire :
- cette décision a été signée par une autorité incompétente ;
- elle est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
- cette décision est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an :
- cette décision est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai ;
- elle méconnaît les dispositions des articles L. 612-6 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations du 1. de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Le préfet du Nord, auquel la requête a été communiquée, a produit des pièces le 28 avril 2023.
Par une ordonnance du 17 mai 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 1er juin 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord du 17 mars 1988 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Tunisie en matière de séjour et de travail ;
- le code de l'entrée et du séjour et des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Christian Heu, président de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., né le 12 juillet 1986 à Zarzis (Tunisie), est entré en France en août 2016, sous couvert d'un passeport national revêtu d'un visa court séjour délivré le 30 mai 2016. Il a sollicité, le 6 septembre 2021, la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié ". Par une décision du 7 septembre 2021, le préfet du Nord a déclaré irrecevable la demande de M. B... tendant à la délivrance d'un titre de séjour et a refusé de l'enregistrer au motif que les ressortissants tunisiens ne peuvent prétendre à l'admission exceptionnelle au séjour au titre du travail. M. B... a fait l'objet, le 28 octobre 2022, d'un contrôle par les services de police pour vérification de son droit au séjour. Par un arrêté du même jour, le préfet du Nord l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Par un jugement du 15 décembre 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté la demande de M. B... tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 octobre 2022 du préfet du Nord. Par ailleurs, par un jugement du 20 février 2023, le tribunal administratif de Lille a, d'une part, annulé la décision du 7 septembre 2021 par laquelle le préfet du Nord avait refusé d'enregistrer la demande de M. B... tendant à la délivrance d'un titre de séjour, d'autre part, enjoint au préfet du Nord de procéder à l'enregistrement de la demande de titre de séjour de M. B... et de lui délivrer un récépissé de demande de titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la date de notification de ce jugement. Par la requête susvisée, M B... relève appel du jugement du 15 décembre 2022 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 octobre 2022 du préfet du Nord.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / (...) / 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents ; (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier et, notamment, des motifs mêmes de l'arrêté contesté que, pour obliger M. B... à quitter le territoire français, le préfet du Nord s'est fondé sur la circonstance que la demande de titre de séjour présentée par l'intéressé en septembre 2021 avait été rejetée au motif que l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 ne prévoit aucune admission exceptionnelle au séjour au titre du travail et que les ressortissants tunisiens ne peuvent donc aucunement obtenir une admission exceptionnelle au séjour au titre du travail. Toutefois, par un jugement du 20 février 2023, devenu définitif, le tribunal administratif de Lille a, d'une part, annulé la décision du 7 septembre 2021 par laquelle le préfet du Nord, estimant irrecevable la demande de M. B... tendant à la délivrance d'un titre de séjour, avait en conséquence refusé de l'enregistrer, au motif que cette décision était entachée d'erreur de droit en ce que l'administration avait entendu retenir que les ressortissants tunisiens ne peuvent en aucune façon prétendre à l'admission exceptionnelle au séjour au titre du travail, d'autre part, enjoint au préfet du Nord de procéder à l'enregistrement de la demande de titre de séjour de M B... et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour. Par suite, la décision par laquelle le préfet du Nord a fait obligation à M. B... de quitter le territoire français est privée de base légale et doit être annulée.
4. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 octobre 2022 par lequel le préfet du Nord l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an, et à demander l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions aux fins d'injonction sous astreinte :
5. Il résulte de l'instruction et, notamment, des pièces produites par le requérant qu'en exécution du jugement du 20 février 2023, M. B... a été invité à se présenter en préfecture, le 8 mars 2023, dans le cadre de l'instruction de sa demande de titre de séjour. Dans ces conditions, et en l'absence de tout élément permettant de justifier de l'intérêt ou de l'actualité des mesures sollicitées par l'intéressé, il n'y a pas lieu d'enjoindre au préfet du Nord de procéder au réexamen de la situation de M. B... et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour. Par suite, les conclusions de M. B... aux fins d'injonction sous astreinte ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais d'instance :
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, qui a la qualité de partie perdante, le versement à M. B... de la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2208273 du 15 décembre 2022 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Lille et l'arrêté du 28 octobre 2022 du préfet du Nord sont annulés.
Article 2 : L'Etat versera à M. B... une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera transmise au préfet du Nord.
Délibéré après l'audience publique du 15 juin 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Christian Heu, président de chambre,
- M. Mathieu Sauveplane, président-assesseur,
- M. Jean-François Papin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 juin 2023.
Le premier vice-président,
président de chambre, rapporteur,
Signé: C. HeuL'assesseur le plus ancien,
Signé: M. C...
La greffière,
Signé: N. Roméro
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
La greffière,
Nathalie Roméro
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N°23DA00082