Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 15 septembre 2019 par lequel le préfet de la Moselle a décidé sa remise aux autorités italiennes et lui a interdit de circuler sur le territoire français pendant une durée d'un an.
Par un jugement n° 1904057 du 15 septembre 2022, le tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté du 15 septembre 2019.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrées le 14 octobre 2022, le préfet de la Moselle demande à la cour d'annuler ce jugement.
Il soutient que :
- il pouvait prononcer une décision de remise aux autorités italiennes à l'encontre de M. B... sans avoir au préalable obtenu l'acceptation des autorités italiennes, dès lors que celles-ci avaient accordé à l'intéressé une carte d'identité italienne en cours de validité et que l'acceptation n'intervient qu'au stade de l'exécution du transfert ;
- les autres moyens soulevés par M. B... devant le tribunal ne sont pas fondés.
M. B... n'a pas produit de mémoire en défense malgré une mise en demeure en ce sens.
Par une ordonnance du 15 mai 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 2 juin 2023 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne relatif à la réadmission des personnes en situation irrégulière, signé à Chambéry le 3 octobre 1997 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Sylvie Stefanczyk, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ressortissant ivoirien né le 1er janvier 1978, a été contrôlé par les services de police aux frontières de Forbach, le 14 septembre 2019, alors qu'il se trouvait dans un bus " Flexibus " assurant la liaison Stuggart-Paris. Après avoir constaté que l'intéressé, qui déclarait séjourner en Italie depuis décembre 2016, disposait d'une carte d'identité italienne en cours de validité, le préfet de la Moselle a ordonné sa remise aux autorités italiennes et lui a interdit de circuler sur le territoire français pendant une durée d'un an. Le préfet de la Moselle relève appel du jugement du 15 septembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Rouen a annulé cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes du I de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Par dérogation aux articles L. 213-2 et L. 213-3, L. 511-1 à L. 511-3, L. 512-1, L. 512-3, L. 512-4, L. 513-1 et L. 531-3, l'étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne qui a pénétré ou séjourné en France sans se conformer aux dispositions des articles L. 211-1 et L. 311-1 peut être remis aux autorités compétentes de l'Etat membre qui l'a admis à entrer ou à séjourner sur son territoire, ou dont il provient directement, en application des dispositions des conventions internationales conclues à cet effet avec les Etats membres de l'Union européenne, en vigueur au 13 janvier 2009. (...) ".
3. Par ailleurs, aux termes de l'article 5 de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne du 3 octobre 1997 relatif à la réadmission des personnes en situation irrégulière : " 1. Chaque Partie contractante réadmet sur son territoire, à la demande de l'autre Partie contractante et sans formalités, le ressortissant d'un Etat tiers qui ne remplit pas ou ne remplit plus les conditions d'entrée ou de séjour applicables sur le territoire de la Partie contractante requérante pour autant qu'il est établi que ce ressortissant est entré sur le territoire de cette Partie après avoir séjourné ou transité par le territoire de la Partie contractante requise. 2. Chaque Partie contractante réadmet sur son territoire, à la demande de l'autre Partie contractante et sans formalités, le ressortissant d'un Etat tiers qui ne remplit pas ou ne remplit plus les conditions d'entrée ou de séjour applicables sur le territoire de la Partie contractante requérante lorsque ce ressortissant dispose d'un visa ou d'une autorisation de séjour de quelque nature que ce soit, délivré par la Partie contractante requise et en cours de validité. 3. La demande de réadmission doit être transmise dans un délai de trois mois à compter de la constatation par la Partie contractante requérante de la présence irrégulière sur son territoire du ressortissant d'un Etat tiers ". L'annexe à cet accord dispose : " 2.4. La Partie contractante requise répond à la demande dans les plus brefs délais, au plus tard dans les quarante-huit heures qui suivent la réception de la demande. / 2.5. La personne faisant l'objet de la demande de réadmission n'est remise qu'après réception de l'acceptation de la Partie contractante requise ".
4. Il résulte des stipulations précitées de l'accord franco-italien du 3 octobre 1997 que, pour pouvoir procéder à la remise aux autorités italiennes, en application du paragraphe 2 de l'article 5 de cet accord, d'un ressortissant d'un Etat tiers et en l'absence de dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile organisant une procédure différente, l'autorité administrative doit obtenir, avant de pouvoir prendre une décision de remise de l'intéressé vers l'Italie, l'acceptation de la demande de réadmission transmise aux autorités de ce pays habilitées à traiter ce type de demande. Une telle décision de remise ne peut donc être prise, et a fortiori être notifiée à l'intéressé, qu'après l'acceptation de la demande de réadmission par ces autorités.
5. En l'espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Moselle a présenté aux autorités italiennes une demande tendant à la réadmission de M. B... ni obtenu leur accord à la date de l'arrêté litigieux. Dans ces conditions, l'arrêté du 15 septembre 2019 ordonnant la remise de M. B... aux autorités italiennes a été pris en méconnaissance des stipulations précitées de l'article 5 de l'accord franco-italien relatif à la réadmission des personnes en situation irrégulière et est donc entaché d'illégalité.
6. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Moselle n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rouen, par le jugement du 15 septembre 2022, a annulé son arrêté du 15 septembre 2019. Il y a donc lieu de prononcer le rejet de la requête.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du préfet de la Moselle est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. A... B....
Copie sera adressée, pour information, au préfet de la Moselle.
Délibéré après l'audience publique du 13 juin 2023 à laquelle siégeaient :
- Mme Anne Seulin, présidente de chambre,
- M. Marc Baronnet, président-assesseur,
- Mme Sylvie Stefanczyk, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 juin 2023.
La rapporteure,
Signé : S. StefanczykLa présidente de chambre,
Signé : A. Seulin
La greffière,
Signé : A.S. Villette
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
La greffière
Anne-Sophie Villette
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N°22DA02093