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17/05/2023 | FRANCE | N°22DA02159

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 17 mai 2023, 22DA02159


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 15 octobre 2021 par lequel le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an, d'autre part, d'enjoindre au préfet du Nord, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant

la mention " vie privée et familiale ", à titre subsidiaire, de procéder au réex...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 15 octobre 2021 par lequel le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an, d'autre part, d'enjoindre au préfet du Nord, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer, dans cette attente et dans le délai de quinze jours, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, dans un délai d'un mois à compter de la date de notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 2201375 du 8 juin 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 21 octobre 2022, M. C..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 15 octobre 2021 par lequel le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an ;

3°) d'enjoindre au préfet du Nord, à titre principal de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer, dans cette attente et dans le délai de quinze jours, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, dans un délai d'un mois à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros au titre des articles 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

En ce qui concerne la régularité du jugement

- le jugement attaqué est entaché d'irrégularité en ce qu'il omet de répondre au moyen, énoncé à l'appui des conclusions de sa demande tendant à l'annulation de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français, tiré de la méconnaissance des dispositions du 9° de l'article 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :

- cette décision méconnaît les stipulations du 7. de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- cette décision est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît les dispositions du 9° de l'article 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- cette décision est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour et de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français ;

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an :

- cette décision est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour, de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français et de la décision fixant le pays de renvoi ;

- elle méconnaît les dispositions des articles L. 612-8 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 mars 2023, le préfet du Nord conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 14 mars 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 14 avril 2023.

M. C..., représenté par M. B..., a produit une pièce, le 26 avril 2023, postérieurement à la clôture de l'instruction.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 8 septembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leur famille ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Heu, président de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.

Une note en délibéré, enregistrée le 5 mai 2023, a été présentée par M. C....

Considérant ce qui suit :

1. M. A... C..., ressortissant algérien né le 13 juin 1965 à Lakhdaria (Algérie), est entré en France le 3 décembre 2019, sous couvert d'un passeport national revêtu d'un visa court séjour, valable du 30 novembre 2019 au 27 février 2020, délivré par les autorités consulaires françaises à Alger. L'intéressé, qui a séjourné irrégulièrement sur le territoire français, a sollicité, le 4 février 2021, la délivrance d'un titre de séjour en raison de son état de santé. Par un avis du 21 juillet 2021, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que si l'état de santé de M. C... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut est susceptible d'entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, celui-ci peut, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, et que son état de santé lui permet de voyager sans risque vers ce pays. Par un arrêté du 15 octobre 2021, le préfet du Nord a refusé de délivrer à M. C... le titre de séjour sollicité, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. M. C... relève appel du jugement du 8 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. Il ressort des termes mêmes du jugement attaqué que les premiers juges n'ont pas répondu au moyen, qui n'était pas inopérant, tiré de ce que l'arrêté attaqué, en ce qu'il fait obligation à M. C... de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, méconnaît les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En conséquence, M. C... est fondé à soutenir que le jugement attaqué, qui est, sur ce point, entaché d'une omission de réponse à un moyen, est entaché d'irrégularité en tant qu'il rejette ses conclusions tendant à l'annulation de la décision, contenue dans l'arrêté du 15 octobre 2021 du préfet du Nord, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours. Ce jugement doit donc, dans cette mesure, être annulé.

3. Il suit de là qu'il y a lieu de statuer par voie d'évocation sur les conclusions de la demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Lille en tant qu'elles sont dirigées contre la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et de statuer sur les autres conclusions par l'effet dévolutif de l'appel.

Sur la décision de refus de titre de séjour :

4. Aux termes des stipulations de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Les dispositions du présent article ainsi que celles des deux articles suivants, fixent les conditions de délivrance et de renouvellement du certificat de résidence aux ressortissants algériens établis en France ainsi qu'à ceux qui s'y établissent, sous réserve que leur situation matrimoniale soit conforme à la législation française. / Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : / (...) / 7. Au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays. / (...) ".

5. Il résulte des stipulations précitées du 7. de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un certificat de résidence à un ressortissant algérien qui en fait la demande au titre de ces stipulations, de vérifier, au vu de l'avis émis par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.

6. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

7. Il ressort des pièces du dossier que, pour refuser de délivrer à M. C... le certificat de résidence qu'il sollicitait pour raisons de santé, le préfet du Nord s'est prononcé au vu, notamment, d'un avis émis le 21 juillet 2021 par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Selon les termes de cet avis, si l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut est susceptible d'entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, celui-ci peut, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, y bénéficier effectivement d'un traitement approprié et son état de santé lui permet de voyager sans risque vers ce pays.

8. M. C... fait valoir qu'il est atteint d'une psychose chronique et d'un diabète de type 2 et qu'il bénéficie d'un suivi médical en France, auprès du service de psychologie générale du centre médico-psychologique Philippe Paumelle de Roubaix, dans le cadre duquel lui est notamment prescrit un psychotrope. Toutefois, l'ensemble des certificats médicaux et prescriptions produits par le requérant, s'ils établissent la gravité de son état de santé et le fait que celui-ci bénéficie, depuis son arrivée en France, d'une prise en charge médicale en milieu hospitalier, ne sont pas de nature à établir qu'il ne pourrait bénéficier de soins appropriés à son état de santé dans son pays d'origine. En particulier, le certificat médical établi le 24 novembre 2021 par un psychiatre, mentionnant, sans précision à l'appui d'une telle assertion ni exclure qu'un traitement équivalent puisse lui être délivré compte tenu de l'indisponibilité en Algérie des médicaments cités dans ce certificat, que l'état de santé de M. C... nécessite un traitement par olanzapine non disponible en Algérie, est sur ce point dépourvu de valeur probante. Il en est de même du certificat médical, établi le 22 novembre 2021 par un médecin généraliste, indiquant, sans précision à l'appui d'une telle affirmation, que la prise en charge thérapeutique de M. C... n'est " pas accessible " en Algérie. Dans ces conditions, le préfet du Nord, pour refuser de délivrer à M. C... un titre de séjour pour raisons de santé, n'a pas méconnu les stipulations précitées du 7. de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours :

9. En premier lieu, lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement. Ainsi, à l'occasion du dépôt de sa demande, il est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous les éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande. Il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de titre de séjour, n'impose pas à l'autorité administrative de mettre l'intéressé à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français et sur le délai de départ qui sont pris concomitamment et en conséquence du refus d'admission au séjour.

10. M. C..., qui a sollicité la délivrance d'un titre de séjour, a été informé, à l'occasion de l'instruction de sa demande, qu'il était susceptible, en cas de refus de délivrance du titre de séjour sollicité, de faire l'objet d'une mesure d'éloignement et a pu faire valoir tous éléments utiles de nature à établir, selon lui, qu'il ne pourrait faire l'objet d'une telle mesure du fait, notamment, de sa situation personnelle et familiale et des motifs pour lesquels il a quitté son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision contestée méconnaît le droit à être entendu ou le principe général des droits de la défense, qui sont au nombre des principes généraux du droit de l'Union européenne, doit être écarté.

11. En deuxième lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 4 à 8 que M. C..., à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français, n'est pas fondé à invoquer, par la voie de l'exception, l'illégalité de la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour.

12. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / (...) / 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. / (...) ".

13. Il ne ressort pas des pièces du dossier, compte tenu de ce qui a été dit aux points 4 à 8, que le préfet du Nord, en faisant obligation à M. C... de quitter le territoire français, aurait entaché cette décision d'une méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers.

14. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

15. Il ressort des pièces du dossier que M. C..., qui est entré sur le territoire français moins de deux ans avant la date d'édiction de l'arrêté contesté, vit maritalement avec une compatriote. Toutefois, la compagne du requérant est en situation irrégulière au regard du droit au séjour. En outre, M. C... n'établit, ni même n'allègue, qu'il serait dépourvu d'attaches familiales en Algérie, où, en l'absence d'élément contraire, il est à même de s'y établir avec sa compagne et de s'y insérer professionnellement. Enfin, il est constant que M. C... n'exerce, sur le territoire français, aucune activité professionnelle et qu'il ne justifie d'aucune intégration particulière en France. Dans ces conditions, eu égard à la faible durée et aux conditions du séjour en France de M. C..., la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours ne peut être regardée comme ayant porté une atteinte excessive à son droit au respect de la vie privée et familiale au regard des buts poursuivis par cette décision. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance, par cette décision, des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, la décision faisant obligation à M. C... de quitter le territoire français dans le délai de trente jours n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

16. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers en France, alors en vigueur : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision. / L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. / Elle peut prolonger le délai accordé pour une durée appropriée s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. L'étranger est informé par écrit de cette prolongation. ".

17. D'une part, en fixant de manière générale un délai de trente jours à l'étranger pour quitter le territoire français, lequel délai est identique à celui prévu au 1. de l'article 7 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008, le législateur n'a pas édicté des dispositions incompatibles avec les objectifs de cet article. Par ailleurs, les dispositions de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne font pas obstacle à ce que l'autorité administrative prolonge, le cas échéant, le délai de départ volontaire d'une durée appropriée pour faire bénéficier les étrangers dont la situation particulière le nécessiterait de la prolongation prévue au 2. de l'article 7 de la directive du 15 décembre 2008. En conséquence, les dispositions précitées de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne sont pas incompatibles avec les objectifs de l'article 7 de la directive du 16 décembre 2008.

18. D'autre part, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Nord, en fixant à trente jours, après un examen particulier de la situation de l'intéressé, le délai de départ imparti à M. C... pour quitter volontairement le territoire français, alors d'ailleurs que celui-ci n'avait fait état d'aucune circonstance particulière justifiant que lui soit accordé un délai supérieur à trente jours, aurait entaché cette décision d'une erreur de droit ou d'une erreur manifeste d'appréciation.

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

19. Il résulte de ce qui a été dit, respectivement, aux points 4 à 8 et aux points 9 à 18 que M. C..., à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision fixant le pays de renvoi, n'est pas fondé à invoquer, par la voie de l'exception, l'illégalité de la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour ou de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français.

Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an :

20. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit, respectivement, aux points 4 à 8, aux points 9 à 18 et au point 19 que M. C..., à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision lui faisant interdiction de retour sur le territoire français, n'est pas fondé à invoquer, par la voie de l'exception, l'illégalité de la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français ou de la décision fixant le pays de renvoi.

21. En deuxième lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 612-8 du même code : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 (...). ".

22. Il ressort des pièces du dossier que le préfet du Nord, en prononçant à l'encontre de M. C... une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an, n'a, compte tenu de la durée du séjour en France de l'intéressé et de l'absence d'intégration particulière de l'intéressé, pas méconnu les dispositions des articles L. 612-8 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors même que sa présence sur le territoire français ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Le moyen tiré de ce que cette décision méconnaît les dispositions des articles L. 612-8 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit donc être écarté.

23. En troisième et dernier lieu, M. C... soutient que la décision lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier, compte tenu de ce qui a été dit précédemment, que le préfet du Nord, en faisant interdiction à M. C... de retour sur le territoire français pour une durée d'un an, aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

24. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 15 octobre 2021 du préfet du Nord en tant qu'il lui fait obligation de quitter le territoire français et qu'il n'est pas davantage fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation des autres décisions, contenues dans cet arrêté, par lesquelles le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, lui a imparti un délai de trente jours pour quitter le territoire français, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte doivent, par voie de conséquence, être rejetées. Enfin, les dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2201375 du 8 juin 2022 du tribunal administratif de Lille est annulé en tant qu'il statue sur les conclusions de la demande de M. C... tendant à l'annulation de la décision, contenue dans l'arrêté du 15 octobre 2021, par laquelle le préfet du Nord lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours.

Article 2 : Les conclusions de la demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Lille aux fins d'annulation de la décision, contenue dans l'arrêté du 15 octobre 2021, par laquelle le préfet du Nord lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, ainsi que le surplus des conclusions de sa requête devant la cour sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me B....

Copie en sera adressée au préfet du Nord.

Délibéré après l'audience publique du 4 mai 2023 à laquelle siégeaient :

- M. Christian Heu, président de chambre,

- M. Mathieu Sauveplane, président-assesseur,

- M. Jean-François Papin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 mai 2023.

Le premier vice-président,

président de chambre, rapporteur,

Signé : C. HeuL'assesseur le plus ancien,

Signé : M. D...

La greffière,

Signé : N. Roméro La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière

Nathalie Roméro

N°22DA02159 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22DA02159
Date de la décision : 17/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Heu
Rapporteur ?: M. Christian Heu
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : CLEMENT

Origine de la décision
Date de l'import : 28/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-05-17;22da02159 ?
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