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09/05/2023 | FRANCE | N°22DA01986

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 09 mai 2023, 22DA01986


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler, d'une part, l'arrêté du 6 juillet 2022 par lequel la préfète de la Somme l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination, d'autre part, l'arrêté du même jour par lequel la préfète de la Somme l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 2202263 du 15 juillet 2022, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif d'Amiens a r

ejeté ses conclusions à fin d'annulation.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, en...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler, d'une part, l'arrêté du 6 juillet 2022 par lequel la préfète de la Somme l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination, d'autre part, l'arrêté du même jour par lequel la préfète de la Somme l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 2202263 du 15 juillet 2022, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif d'Amiens a rejeté ses conclusions à fin d'annulation.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 26 septembre 2022, M. C..., représenté par Me Emmanuelle Pereira, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler ces arrêtés du 6 juillet 2022 ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Somme de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le traitement approprié à l'état de santé de son épouse étant inaccessible en Géorgie, la mesure d'éloignement prise à son encontre est contraire aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales car sa présence à ses côtés est indispensable pour la soutenir et prendre en charge leurs enfants ;

- la mesure d'éloignement ne tient pas compte de l'intérêt supérieur de ses deux enfants, âgés de douze et sept ans, scolarisés en France depuis quatre ans ;

- la préfète de la Somme ne peut affirmer que la famille est en situation irrégulière dès lors que les mineurs ne sont pas en situation irrégulière sur le territoire français ;

- la décision a des conséquences disproportionnées sur sa situation personnelle et ne tient pas compte de la bonne insertion de la famille et de ses conditions de séjour en France ;

- l'assignation à résidence alors qu'il dispose d'une adresse fixe connue de l'administration et que son épouse a besoin de soins et de se rendre à des rendez-vous médicaux où il doit l'accompagner, est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 octobre 2022, le préfet de la Somme conclut au non-lieu à statuer sur la requête.

Il soutient que l'arrêté portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français ayant été exécuté, la requête est devenue sans objet.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une du 8 septembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Marc Baronnet, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... C..., ressortissant géorgien né le 27 octobre 1979, est entré en France le 6 octobre 2018 pour y solliciter l'asile qui lui a été refusé par décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 19 juillet 2019, confirmée par décision de la Cour nationale du droit d'asile du 31 décembre 2019. Par un arrêté du 10 septembre 2019, dont la légalité a été confirmée par jugement du tribunal administratif d'Amiens du 13 novembre 2019, M. C... a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français. Il a ensuite fait l'objet le 6 juillet 2022 d'un nouvel arrêté de la préfète de la Somme lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays à destination duquel il sera reconduit en cas d'exécution d'office de cette mesure et d'un arrêté du même jour portant assignation à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. M. C... relève appel du jugement du 15 juillet 2022 par lequel la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces arrêtés.

2. La circonstance que M. C... ait exécuté l'obligation de quitter le territoire français le 28 juillet 2022 ne rend pas sans objet sa requête tendant à l'annulation des arrêtés du 6 juillet 2022. Par suite, les conclusions à fin de non-lieu à statuer présentées par le préfet de la Somme doivent être rejetées.

3. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

4. M. C... fait valoir que sa présence en France est rendue indispensable en raison de l'état de santé de son épouse, qui nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont elle est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. Il soutient aussi que ses enfants, âgés de douze et sept ans sont scolarisés en France depuis quatre ans, que la famille est bien insérée socialement et qu'il est bénévole dans une association. Cependant, par un arrêt du même jour n° 22DA01250, la cour rejette la demande de son épouse tendant à l'annulation de l'arrêté lui refusant un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français. En outre, les éléments invoqués par M. C... ne sont pas de nature à démontrer une insertion d'une particulière intensité dans la société française. Ainsi, l'intéressé est entré en France le 6 octobre 2018 et a déjà fait l'objet d'un refus de sa demande d'asile et d'une obligation de quitter le territoire français le 10 septembre 2019 qu'il n'a pas exécutée. Son épouse fait également l'objet d'une mesure d'éloignement et leurs enfants, nonobstant leur scolarisation, ont vocation à suivre leurs parents et à regagner leur pays d'origine, où il n'est pas établi qu'ils ne pourraient pas poursuivre leur scolarité. M. C... ne tire en l'espèce aucun droit au séjour, ni protection contre l'éloignement, de la présence en France de ses enfants, également de nationalité géorgienne. Par suite, compte tenu de la durée et des conditions du séjour en France de M. C..., la préfète de la Somme n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée et n'a, par suite, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les raisons qui précèdent, elle n'a pas non plus entaché son arrêté portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. C....

5. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

6. Compte tenu des motifs figurant au point 4, il ne ressort pas des pièces du dossier que la préfète de la Somme, en prenant l'arrêté attaqué, aurait méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

7. Aux termes de l'article L. 730-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut, dans les conditions prévues au présent titre, assigner à résidence l'étranger faisant l'objet d'une décision d'éloignement sans délai de départ volontaire ou pour laquelle le délai de départ volontaire imparti a expiré et qui ne peut quitter immédiatement le territoire français ". Aux termes de l'article L. 731-1 du même code : " L'autorité administrative peut assigner à résidence l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, dans les cas suivants : / 1° L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins d'un an auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé (...) ". Aux termes de l'article L. 733-1 de ce code : " L'étranger assigné à résidence en application du présent titre se présente périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie. / Il se présente également, lorsque l'autorité administrative le lui demande, aux autorités consulaires, en vue de la délivrance d'un document de voyage ". Aux termes de l'article L. 733-2 du même code : " L'autorité administrative peut, aux fins de préparation du départ de l'étranger, lui désigner, en tenant compte des impératifs de la vie privée et familiale, une plage horaire pendant laquelle il demeure dans les locaux où il réside, dans la limite de trois heures consécutives par période de vingt-quatre heures. (...) ". Il revient au juge administratif de s'assurer que les obligations, notamment de se présenter périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie, susceptibles d'être imparties par l'autorité administrative sur le fondement de ces dispositions, sont adaptées, nécessaires et proportionnées aux finalités qu'elles poursuivent.

8. En l'espèce, l'arrêté de la préfète de la Somme du 6 juillet 2022 oblige M. C... à se présenter lundi, mercredi et vendredi à 16 heures au commissariat de police d'Amiens, avec ses enfants et à demeurer dans les locaux où il réside de 9 heures à midi. Si M. C... fait valoir qu'il dispose d'une adresse fixe connue de l'administration, cette circonstance ne fait pas obstacle à ce que l'autorité administrative prenne une mesure d'assignation à résidence à son encontre. Si M. C... soutient qu'il doit accompagner son épouse à des rendez-vous médicaux, il ne justifie pas de l'existence de rendez-vous médicaux où il aurait été empêché d'accompagner son épouse, qui est suivie au centre hospitalier universitaire de la même ville. Dans les circonstances de l'espèce, cet arrêté ne porte pas une atteinte excessive à sa liberté d'aller et venir. Par suite, les conclusions de M. C... dirigées contre l'arrêté l'assignant à résidence doivent être rejetées.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à demander l'annulation des arrêtés de la préfète de la Somme du 6 juillet 2022. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761 1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. A... C..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Emmanuelle Pereira.

Copie sera adressée au préfet de la Somme.

Délibéré après l'audience du 11 avril 2023 à laquelle siégeaient :

- Mme Anne Seulin, présidente de chambre,

- M. Marc Baronnet, président-assesseur,

- M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 mai 2023.

Le président-rapporteur,

Signé : M. B...La présidente de chambre,

Signé : A. Seulin

La greffière,

Signé : A.S. Villette

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

La greffière,

Anne-Sophie Villette

N°22DA01986 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22DA01986
Date de la décision : 09/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Seulin
Rapporteur ?: M. Marc Baronnet
Rapporteur public ?: M. Toutias
Avocat(s) : SCP CARON-AMOUEL-PEREIRA

Origine de la décision
Date de l'import : 21/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-05-09;22da01986 ?
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