Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... C..., épouse D..., a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté daté du " 18 février 2022 " par lequel la préfète de la Somme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2200612 du 5 mai 2022, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 14 juin 2022, Mme C..., représentée par Me Emmanuelle Pereira, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté daté du " 18 février 2022 " ;
3°) d'enjoindre à la préfète de la Somme de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle ne peut avoir accès au traitement approprié à son état de santé en Géorgie ;
- la décision a des conséquences disproportionnées sur sa situation personnelle et ne tient pas compte de la bonne insertion de la famille et de ses conditions de séjour en France ;
- la mesure d'éloignement ne tient pas compte de l'intérêt supérieur de ses deux enfants, âgés de douze et sept ans, scolarisés en France depuis trois ans ;
- elle justifiait de circonstances propres à justifier un délai de départ supérieur à trente jours.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 août 2022, la préfète de la Somme conclut au non-lieu à statuer sur la requête.
Elle soutient que l'arrêté portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français ayant été exécuté, la requête est devenue sans objet.
Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 juin 2022.
Par un courrier, enregistré le 19 décembre 2022, Mme C... a, en application de la décision n° 441481 du Conseil d'Etat du 28 juillet 2022, confirmé sa volonté de lever le secret médical.
Le dossier médical de Mme C... a été produit par l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) le 6 janvier 2023.
L'OFII a présenté des observations qui ont été enregistrées le 4 avril 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Marc Baronnet, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... C..., ressortissante géorgienne née le 15 septembre 1985, est entrée en France le 6 octobre 2018 pour y solliciter l'asile qui lui a été refusé par décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 19 juillet 2019, confirmée par décision de la Cour nationale du droit d'asile du 31 décembre 2019. Par un arrêté du 10 septembre 2019, dont la légalité a été confirmée par jugement du tribunal administratif d'Amiens du 13 novembre 2019, Mme C... a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français. Par un nouvel arrêté du 31 juillet 2020, dont la légalité a été confirmée par un arrêt de la cour administrative d'appel de Douai du 19 octobre 2021, Mme C... a fait l'objet d'une nouvelle obligation de quitter le territoire français. Le 12 octobre 2021, elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade. Toutefois, par un arrêté portant la date du " 18 février 2022 ", la préfète de la Somme a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme C... relève appel du jugement du 5 mai 2022 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. La circonstance que Mme C... ait exécuté l'obligation de quitter le territoire français le 28 juillet 2022 ne rend pas sans objet sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté contesté. Par suite, les conclusions à fin de non-lieu à statuer présentées par la préfète de la Somme doivent être rejetées.
3. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat ". S'il est saisi, à l'appui de conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus, d'un moyen relatif à l'état de santé du demandeur, aux conséquences de l'interruption de sa prise en charge médicale ou à la possibilité pour lui d'en bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire, il appartient au juge administratif de prendre en considération l'avis médical rendu par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Si le demandeur entend contester le sens de cet avis, il appartient à lui seul de lever le secret relatif aux informations médicales qui le concernent, afin de permettre au juge de se prononcer en prenant en considération l'ensemble des éléments pertinents, notamment l'entier dossier du rapport médical au vu duquel s'est prononcé le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, en sollicitant sa communication, ainsi que les éléments versés par le demandeur au débat contradictoire.
4. Il ressort des pièces du dossier que, par un avis du 12 janvier 2022, le collège de médecins de l'OFII a estimé que l'état de santé de Mme C... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé en Géorgie, elle pouvait y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. Il ressort des éléments produits par l'OFII que Mme C... souffre d'un glaucome sévère bilatéral avec un antécédent de chirurgie, traité par collyres et faisant l'objet d'un suivi médical depuis 2018 au centre hospitalier universitaire d'Amiens, sur un rythme semestriel. Il ressort des pièces du dossier et, notamment, d'un certificat du ministère géorgien chargé de la santé du 7 mars 2022, de la liste des médicaments disponibles en Géorgie produite par la préfète de la Somme en première instance et des observations produites par l'OFII, qu'au moins un représentant de chacune des trois catégories principales de molécules utilisées dans les collyres prescrits sont disponibles en Géorgie et que s'il n'est pas établi que la brimonidine soit disponible en Géorgie, il n'est pas contesté qu'elle n'est pas indispensable au traitement. En outre, le suivi ophtalmologique est possible en Géorgie, notamment à Tbilissi. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
5. Mme C... fait valoir ensuite que ses enfants âgés de douze et sept ans sont scolarisés en France depuis trois ans, que la famille est bien insérée socialement et que son mari est bénévole dans une association. Cependant, ces éléments ne sont pas de nature à démontrer une insertion d'une particulière intensité dans la société française. L'intéressée est entrée en France le 6 octobre 2018 et a déjà fait l'objet d'un refus de sa demande d'asile et de deux obligations de quitter le territoire français des 10 septembre 2019 et 31 juillet 2020 qu'elle n'a pas exécutées. Par un arrêt du même jour n° 22DA01986, la cour rejette la demande de son mari tendant à l'annulation de l'arrêté l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de destination. Leurs enfants, nonobstant leur scolarisation, ont vocation à suivre leurs parents et à regagner leur pays d'origine, où il n'est pas établi qu'ils ne pourraient pas poursuivre leur scolarité. En outre, ainsi qu'il a été dit précédemment, il ne ressort pas des pièces du dossier que son état de santé nécessiterait sa présence en France. Par suite, compte tenu de la durée et des conditions du séjour en France de Mme C..., la préfète de la Somme n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée et n'a pas entaché son arrêté portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
6. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
7. Compte tenu des motifs figurant au point 5, il ne ressort pas des pièces du dossier que la préfète de la Somme, en prenant l'arrêté attaqué, aurait méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision. / L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. (...) ".
9. Dans les circonstances de l'espèce, et compte tenu notamment de ce qui a été dit aux points 4 et 5, Mme C... ne démontre pas être dans une situation exceptionnelle justifiant que lui soit accordé un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. Dans ces conditions, la préfète de la Somme n'a ni méconnu les dispositions précitées de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni commis d'erreur manifeste d'appréciation en lui accordant le délai de départ volontaire de droit commun de trente jours.
10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté de la préfète de la Somme daté du " 18 février 2022 ". Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... épouse D..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer, à l'Office français de l'immigration et de l'intégration et à Me Emmanuelle Pereira.
Copie sera adressée au préfet de la Somme.
Délibéré après l'audience du 11 avril 2023 à laquelle siégeaient :
- Mme Anne Seulin, présidente de chambre,
- M. Marc Baronnet, président-assesseur,
- M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 mai 2023.
Le président-rapporteur,
Signé : M. B...La présidente de chambre,
Signé : A. Seulin
La greffière,
Signé : A.S. Villette
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
La greffière,
Anne-Sophie Villette
N°22DA01250 2