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09/05/2023 | FRANCE | N°22DA00934

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 09 mai 2023, 22DA00934


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen, en premier lieu, d'une part, d'annuler l'arrêté du 5 septembre 2019 par lequel le ministre de la culture a prononcé son intégration dans le corps des maîtres de conférences des écoles nationales supérieures d'architecture au grade de maître de conférences de 2ème classe des écoles nationales supérieures d'architecture, en tant qu'il la classe au 1er échelon de ce grade avec une ancienneté de onze mois et vingt-neuf jours, ainsi que la déci

sion de rejet de son recours gracieux, et, d'autre part, d'annuler l'arrêté du ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen, en premier lieu, d'une part, d'annuler l'arrêté du 5 septembre 2019 par lequel le ministre de la culture a prononcé son intégration dans le corps des maîtres de conférences des écoles nationales supérieures d'architecture au grade de maître de conférences de 2ème classe des écoles nationales supérieures d'architecture, en tant qu'il la classe au 1er échelon de ce grade avec une ancienneté de onze mois et vingt-neuf jours, ainsi que la décision de rejet de son recours gracieux, et, d'autre part, d'annuler l'arrêté du 5 novembre 2021 en tant qu'il prononce son avancement au 3ème échelon du grade de maître de conférences de 2ème classe des écoles nationales supérieures d'architecture, sans ancienneté, en second lieu, d'enjoindre au ministre de la culture de réexaminer sa situation, de procéder à un nouveau classement et de reconstituer sa carrière à compter du 1er septembre 2019, dans un délai de trois mois à compter du jugement à intervenir. Enfin, Mme A... a demandé au tribunal de mettre à la charge de l'Etat la somme de 800 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2000660 du 1er mars 2022, le tribunal administratif de Rouen a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête sommaire et un mémoire ampliatif enregistrés le 2 mai et le 23 mai 2022, Mme B... A..., représentée par la SCP Thouvenin, Coudray, Grévy, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rouen du 1er mars 2022 ;

2°) d'annuler la décision du 5 septembre 2019, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux, et la décision du 5 novembre 2021 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient, dans le dernier état de ses écritures, que :

- le jugement attaqué est irrégulier, faute de comporter les signatures prévues par les dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

- l'arrêté du 5 septembre 2019 méconnaît les dispositions de l'article 16 du décret n° 2018-105 du 15 février 2018 portant statut particulier du corps des professeurs et du corps des maîtres de conférences des écoles nationales supérieures d'architecture ;

- il repose sur des faits matériellement inexacts, dès lors que le ministre de la culture n'a pas tenu compte, pour son classement, de la durée totale de ses services antérieurs, s'est mépris dans la prise en compte du temps qu'elle a dédié à la recherche en vue de la préparation du doctorat et a omis de prendre en compte la fraction réglementaire de la durée pendant laquelle elle a accompli des services d'agent public non titulaire de catégorie A ;

- elle est fondée à exciper de l'illégalité du décret du 15 février 2018, dès lors qu'il est contraire aux dispositions de l'article L. 412-1 du code de la recherche ;

- le décret du 15 février 2018 méconnaît le principe d'égalité, dès lors que les règles qu'il institue en matière de prise en compte des services accomplis antérieurement, en vue du classement dans le corps des maîtres de conférences des écoles nationales supérieures d'architecture, sont moins favorables que celles édictées au bénéfice des personnes recrutées dans le corps des maîtres de conférences relevant du ministre chargé de l'enseignement supérieur ; cette différence de traitement n'est justifiée par aucune différence objective de situation ou considération d'intérêt général ; il est de surcroît entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard des motifs susceptibles de justifier une telle différence ;

- les modalités particulières de classement prévues par le décret du 15 février 2018 portent illégalement atteinte au droit de toute personne au respect de ses biens, garanti par l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, combiné avec les stipulations de l'article 14 de cette convention car ces modalités ne permettent pas une prise en compte cumulée des services précédemment accomplis en qualité d'agent public et interdisent d'être placé dans une situation plus favorable que celle résultant du classement à un échelon comportant un traitement égal ou, à défaut, immédiatement supérieur à celui perçu dans le dernier emploi d'agent non titulaire, ce qui revient à méconnaître le bien constitué par la créance résultant de la mise en œuvre du classement ou par l'espérance légitime d'obtenir un classement tenant compte des services cumulés préalablement accomplis ;

- l'arrêté du 5 novembre 2021 doit nécessairement être annulé par voie de conséquence de l'annulation de l'arrêté du 5 septembre 2019.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 octobre 2022, la ministre de la culture conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 20 octobre 2022, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 28 novembre 2022, à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;

- le code de l'éducation ;

- le code de la recherche ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 2018-105 du 15 février 2018 ;

- le décret n° 2018-299 du 24 avril 2018 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Ghislaine Borot, présidente-rapporteure,

- et les conclusions de M. Nil Carpentier-Daubresse, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. A la suite de sa réussite au concours externe pour l'accès au corps des maîtres de conférences des écoles nationales supérieures d'architecture (ENSA) organisé au titre de l'année 2019, Mme A... a été recrutée par arrêté du 5 septembre 2019 dans le corps des maîtres de conférences des ENSA et classée au 1er échelon du grade de maître de conférences de 2ème classe (IB 541 - IM 460) avec une ancienneté de onze mois et vingt-neuf jours à compter du 1er septembre 2019. Elle a alors été affectée à l'école nationale supérieure d'architecture de Normandie. Par un arrêté du même jour, elle a bénéficié d'un avancement individuel au 2ème échelon de son corps à compter du 2 septembre 2019 (IB 616 - IM 517), sans ancienneté. Par un courrier du 21 octobre 2019 notifié le 28 octobre 2019 Mme A... a formé un recours gracieux contre la décision du 5 septembre 2019 au motif que son classement aurait été déterminé sans qu'il ait été tenu compte de l'ensemble des services et activités professionnelles et universitaires antérieurement réalisés. Une décision implicite de rejet est née sur sa demande le 28 décembre 2019. Enfin, elle a fait l'objet le 5 novembre 2021 d'un arrêté portant avancement au 3ème échelon du grade de maître de conférences de 2ème classe des ENSA, sans ancienneté. Mme A... relève appel du jugement n° 2000660 du 1er mars 2022 qui a rejeté sa requête tendant à l'annulation, d'une part, de la décision du 5 septembre 2019, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux, et, d'autre part, de la décision du 5 novembre 2021.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ".

3. Il ressort des pièces du dossier que contrairement à ce que soutient Mme A..., la minute du jugement attaqué a été signée conformément aux prescriptions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué au regard de ces dispositions manque en fait. En outre, la circonstance que l'ampliation du jugement qui a été notifiée à Mme A... ne comporte pas ces signatures est sans incidence sur la régularité de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne l'exception d'illégalité du décret du 15 février 2018 :

4. Aux termes de l'article L. 412-1 du code de la recherche, dans sa rédaction résultant de sa modification par la loi n° 2013-660 du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche : " (...) Les concours et procédures de recrutement dans les corps et cadres d'emplois de catégorie A relevant du statut général de la fonction publique sont adaptés, dans les conditions fixées par les statuts particuliers des corps et cadres d'emplois concernés, afin d'assurer la reconnaissance des acquis de l'expérience professionnelle résultant de la formation à la recherche et par la recherche lorsqu'elle a été sanctionnée par la délivrance du doctorat. / Les statuts particuliers de chaque corps ou cadre d'emplois prévoient les modalités de prise en compte de cette expérience professionnelle pour le classement effectué lors de la nomination ou de la titularisation en leur sein, sans distinguer les modalités contractuelles de réalisation des recherches ayant été sanctionnées par la collation du grade de docteur. / (...) ".

5. Aux termes de l'article 31 du décret du 15 février 2018 portant statut particulier du corps des professeurs et du corps des maîtres de conférences des écoles nationales supérieures d'architecture : " Les candidats à l'inscription sur la liste de qualification mentionnée à l'article 30 doivent remplir l'une des conditions suivantes : 1° Etre titulaire, à la date de clôture des inscriptions, du doctorat ou de l'habilitation à diriger des recherches. Les titulaires de diplômes d'enseignement supérieur, qualifications et titres de niveau équivalent peuvent être dispensés de la possession du doctorat par le conseil national des enseignants-chercheurs des écoles nationales supérieures d'architecture ; 2° Justifier, au 1er janvier de l'année du concours, d'au moins quatre ans d'activité professionnelle effective dans les domaines relevant de l'architecture dans les huit ans qui précèdent. Ne sont pas prises en compte les activités mentionnées au III de l'article 25 de la loi du 13 juillet 1983 ou à l'article 2 du décret du 2 mai 2007 susvisés ; 3° Etre enseignant associé ou occuper un emploi d'enseignant non titulaire et justifier, au 1er janvier de l'année du concours, d'au moins quatre années de service au cours des huit années qui précèdent à une quotité de temps de travail au moins égale à 50 % du temps de service de référence des enseignants-chercheurs des écoles nationales supérieures d'architecture ; 4° Etre détaché dans le corps des maîtres de conférences ; 5° Appartenir à un corps de fonctionnaires relevant du décret du 30 décembre 1983 susvisé assimilé, par arrêté du ministre chargé de l'architecture, au corps des maîtres de conférence des écoles nationales supérieures d'architecture ". Aux termes de l'article 14 de ce décret : " Les personnes nommées dans l'un des corps mentionnés à l'article 1er sont classées au 1er échelon de la 2e classe du corps au titre duquel un recrutement a été ouvert, sous réserve des dispositions des articles suivants ". Aux termes de l'article 16 du même décret : " Les personnes nommées dans l'un des corps mentionnés à l'article 1er du présent décret qui, avant leur nomination, avaient la qualité d'agent non titulaire de l'Etat, des collectivités locales ou de leurs établissements publics sont classées à un échelon de la 2e classe de ce corps déterminé en prenant en compte, sur la base des durées de service fixées pour l'avancement dans chacun des échelons de ce corps, une fraction de leur ancienneté de service, dans les conditions suivantes : / 1° Les services accomplis dans un emploi du niveau de la catégorie A sont retenus à raison de la moitié de leur durée jusqu'à douze ans et à raison des trois quarts au-delà de cette durée ; / (...) Les dispositions du présent article ne peuvent avoir pour effet de placer les intéressés dans une situation plus favorable que celle résultant du classement à un échelon comportant un traitement égal ou, à défaut, immédiatement supérieur à celui perçu dans le dernier emploi d'agent non titulaire ". Enfin, en vertu de l'article 2 du décret du 24 avril 2018 fixant l'échelonnement indiciaire applicable au corps des maîtres de conférences des ENSA régi par le décret du 15 février 2018 visé ci-dessus, ce corps comprend trois grades, un grade de maître de conférences de 2ème classe, un grade de maître de conférences de 1ère classe et un grade de maître de conférences de classe exceptionnelle, qui comportent respectivement cinq échelons, allant, à compter du 1er janvier 2019, des indices bruts 541 à 832, six échelons, allant des indices bruts 767 à 1027 et six échelons allant de l'indice brut 813 à l'indice brut HEA.

6. En premier lieu, Mme A... soutient pour la première fois en appel, qu'en méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 412-1 du code de la recherche, le décret du 15 février 2018 ne comporte aucune disposition permettant de prendre en considération l'expérience professionnelle de recherche sanctionnée par la délivrance du diplôme national de doctorat lors de la nomination ou de la titularisation dans le corps des maîtres de conférences des ENSA. Les dispositions des 3ème et 4ème alinéas précités de l'article L. 412-1 du code de la recherche doivent être regardées comme indissociables, le premier de ces alinéas traitant de l'ouverture aux docteurs de l'accès aux corps et cadres d'emplois de catégorie A grâce à l'adaptation des concours et procédures de recrutement, et le second, après cet accès, des modalités présidant au classement du lauréat dans son nouveau corps ou cadre d'emplois. Dès lors, la prise en compte de l'expérience professionnelle acquise pendant la préparation du doctorat n'est possible que pour les lauréats des concours réservés ou adaptés aux titulaires d'un doctorat en application des nouvelles dispositions législatives. Il ressort du 1° de l'article 31 du décret précité que celui-ci prévoit l'ouverture aux docteurs de l'inscription sur la liste de qualification aux fonctions de maître de conférences des écoles d'architecture établie par le conseil national des enseignants-chercheurs des écoles nationales supérieures d'architecture. L'article 16 du décret du 15 février 2018 fixe les modalités de prise en compte de l'ancienneté de services accomplis, notamment dans un emploi de catégorie A, et s'applique également aux titulaires d'un doctorat. Si le dernier alinéa de l'article 16 limite la prise en compte de services antérieurs en plafonnant le classement à un indice égal ou, à défaut, immédiatement supérieur à celui perçu dans le dernier emploi d'agent non titulaire, il ne contrevient pas à l'obligation légale de prévoir la prise en compte du diplôme de doctorat lors du classement indiciaire dans le corps des maîtres de conférences des écoles nationales supérieures d'architecture. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance par le décret du 15 février 2018 des dispositions de l'article L. 412-1 du code de la recherche doit être écarté.

7. En deuxième lieu, Mme A... soutient que le décret du 15 février 2018 méconnaît le principe d'égalité, dès lors que les règles qu'il institue en matière de prise en compte des services accomplis antérieurement, en vue du classement dans le corps des maîtres de conférences des ENSA relevant du ministère de la culture, sont moins favorables que celles édictées par le décret n° 2009-462 au bénéfice des personnes recrutées dans le corps des maîtres de conférences relevant du ministre chargé de l'enseignement supérieur alors que fonctions et domaines d'activité sont de niveau et de nature comparables. Toutefois, ces dispositions relèvent des règles statutaires, définies en fonction des missions des maîtres de conférences des écoles nationales supérieures d'architecture et des maîtres de conférences relevant du ministre chargé de l'enseignement supérieur, et le principe d'égalité n'est en principe susceptible de s'appliquer qu'entre les agents appartenant à un même corps, sauf à ce que la norme en cause ne soit, en raison de son contenu, pas limitée à un même corps ou à un même cadre d'emplois de fonctionnaires. Par suite, nonobstant la circonstance que les deux statuts présentent de nombreuses analogies, Mme A... ne peut utilement soutenir que ces dispositions créent une rupture d'égalité entre les agents relevant de ce corps et ceux relevant du corps des maîtres de conférences relevant du ministre chargé de l'enseignement supérieur, régi par le décret n° 84-431 du 6 juin 1984 et le décret n° 2009-462 du 23 avril 2009. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. / Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes ". Aux termes de l'article 14 cette convention : " La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation ". Une personne ne peut prétendre au bénéfice de ces stipulations que si elle peut faire état de la propriété d'un bien qu'elles ont pour objet de protéger et à laquelle il aurait été porté atteinte. A défaut de créance certaine, l'espérance légitime d'obtenir une somme d'argent doit être regardée comme un bien au sens de ces stipulations.

9. Il n'existe aucun principe imposant, lors de la titularisation dans un corps, de reprendre tout ou partie de l'ancienneté antérieure pour déterminer l'ancienneté dans le nouveau corps. Par suite, le fait que les dispositions du décret du 15 février 2018 ne permettent pas une prise en compte cumulée des services précédemment accomplis et interdisent d'être placé dans une situation plus favorable que celle résultant du classement à un échelon comportant un traitement égal ou, à défaut, immédiatement supérieur à celui perçu dans le dernier emploi d'agent non titulaire, ne saurait permettre de reconnaître l'existence d'une espérance légitime d'obtenir une somme d'argent. Il suit de là que la reprise partielle et exclusive de l'ancienneté acquise dans le secteur public prévue à l'article 16 du décret du 15 février 2018 n'a pas privé Mme A... du respect de ses biens, garanti par l'article 1er du premier protocole additionnel de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 14 de ladite convention, et qu'elle n'est pas fondée à demander que cette disposition soit écartée pour la détermination de son reclassement.

10. Il résulte de ce qui précède que l'exception d'illégalité du décret du 15 février 2018 doit être écartée.

En ce qui concerne l'application du décret du 15 février 2018 :

11. Il ressort des pièces du dossier que pour apprécier la situation de Mme A... et déterminer le classement et les avancements auxquels elle pouvait prétendre lors de son entrée dans le corps des maîtres de conférences des écoles nationales supérieures d'architecture, le ministre de la culture a comptabilisé 912,5 jours correspondant à la moitié de la durée de 1 825 jours au titre de la période du 1er septembre 2013 au 31 aout 2019 durant laquelle elle a exercé des fonctions en qualité d'agent contractuel de droit public de catégorie A, soit 365 jours en qualité d'attaché temporaire d'enseignement et de recherche (ATER) à l'université de Marseille du 1er septembre 2013 au 31 août 2014, 365 jours en qualité d'ATER à l'université de Franche-Comté du 1er septembre 2014 au 31 août 2015 et 1 095 jours en qualité d'enseignant contractuel T3 à l'école nationale supérieure d'architecture de Lyon du 1er septembre 2016 au 31 août 2019. Dans ce dernier emploi d'agent non titulaire, Mme A... avait un indice majoré de 321. Le 1er échelon du grade de maître de conférences de 2ème classe correspondant à un indice brut de 541, soit un indice majoré de 460, elle ne pouvait être reclassée à un échelon supérieur.

12. Mme A... ne conteste pas que, comme l'a estimé l'administration, la prise en compte des services qu'elle a accomplis en qualité d'agent public non titulaire constituait l'hypothèse la plus favorable, après application des dispositions du dernier alinéa précité de l'article 16 du décret du 15 février 2018 cité au point 5, selon lesquelles les intéressés ne peuvent être placés " dans une situation plus favorable que celle résultant du classement à un échelon comportant un traitement égal ou, à défaut, immédiatement supérieur à celui perçu dans le dernier emploi d'agent non titulaire ". La prise en compte des services qu'elle a accomplis antérieurement en qualité " d'ingénieur de recherche vacataire dans le domaine de l'habitat coopératif " au sein du laboratoire " environnement ville société " de l'Institut national des sciences appliquées de Lyon du 1er octobre au 30 novembre 2012 n'auraient pu aboutir à un classement plus favorable que celui qui lui a été appliqué. Au demeurant, l'acte d'engagement de l'Institut national des sciences appliquées de Lyon daté du mois d'octobre 2012 ainsi que les attestations de service fait des mois d'octobre et novembre 2012 produits en première instance font état d'un recrutement en qualité de " vacataire administratif " sans autres précisions sur la nature du poste occupé. Dès lors, comme le fait valoir la ministre en défense, ces éléments ne permettaient pas d'apprécier la nature des services accomplis par Mme A... au regard des conditions prévues à l'article 16 précité du décret du 15 février 2018. L'appelante ne peut pas plus utilement soutenir que son classement aurait dû être plus favorable par l'effet de la prise en considération de la période, à compter de l'année universitaire 2008-2009, durant laquelle elle s'est consacrée à la recherche en vue de la préparation du doctorat, titre qu'elle a obtenu le 13 décembre 2021. C'est donc sans commettre d'erreur de droit ni d'erreur de fait que l'administration a retenu un classement au 1er échelon avec une ancienneté maximale de onze mois et vingt-neuf jours, alors que l'article 40 du décret du 15 février 2018 limite à un an l'ancienneté requise pour accéder à l'échelon 2. Par suite, le moyen tiré de ce que le classement litigieux est entaché d'erreur de droit et d'erreur de fait dans l'application des dispositions précitées de l'article 16 du décret du 15 février 2018, tous les services accomplis antérieurement n'ayant pas été cumulativement pris en compte, pour la fraction de ces services prévue par ces dispositions, ne peut être accueilli.

13. En dernier lieu, il résulte de ce qui précède qu'en l'absence d'illégalité de l'arrêté du 5 septembre 2019, le moyen tiré de l'annulation, par voie de conséquence, de l'arrêté du 5 novembre 2021 ne peut qu'être écarté.

Sur les frais liés à l'instance :

14. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et à la ministre de la culture.

Délibéré après l'audience publique du 4 avril 2023 à laquelle siégeaient :

- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,

- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,

- Mme Dominique Bureau, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 mai 2023.

Le président-assesseur,

Signé : M. C...

La présidente de chambre,

présidente-rapporteure,

Signé : G. BorotLa greffière,

Signé : C. Huls-Carlier

La République mande et ordonne à la ministre de la culture en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

La greffière,

C. Huls-Carlier

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N° 22DA00934

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22DA00934
Date de la décision : 09/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: Mme Ghislaine Borot
Rapporteur public ?: M. Carpentier-Daubresse
Avocat(s) : SCP G. THOUVENIN, O. COUDRAY ET M. GREVY

Origine de la décision
Date de l'import : 01/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-05-09;22da00934 ?
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