Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée (SARL) SOS Dreux Intérim a demandé au tribunal administratif de Rouen de prononcer, à titre principal, la décharge, à titre subsidiaire, une réduction de la contribution minimum de cotisation foncière des entreprises à laquelle elle a été assujettie à raison de l'activité exercée dans les locaux de son siège social, situés à Evreux, au titre de l'année 2019.
Par un jugement no 2000758 du 28 septembre 2021, le tribunal administratif de Rouen a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 19 novembre 2021, la SARL SOS Dreux Intérim, représentée par Me Dhalluin, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer, à titre principal, la décharge, à titre subsidiaire, la réduction de l'imposition en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens de l'instance sur le fondement de l'article R. 761-1 du même code.
Elle soutient que :
- elle exerce l'intégralité de son activité de recrutement et de placement de personnel intérimaire dans les locaux de son agence de Dreux, qu'elle considère comme son principal établissement, tandis que les locaux de son siège social, situés à Evreux, constituent exclusivement le lieu de fonctionnement de ses organes de direction et de divers services administratifs regroupés au sein de la SAS Société Optima Service qui, société holding détenant la totalité de son capital social, exerce par délégation l'intégralité des fonctions afférentes à sa gestion et est assujettie à la cotisation foncière des entreprises à raison des mêmes locaux situés à Evreux ; en l'absence de lien matériel entre les locaux de ce siège social et sa propre activité, les dispositions de l'article 1473 du code général des impôts excluent qu'elle puisse être assujettie, à raison de ceux-ci, à la contribution foncière des entreprises ;
- elle a, dans ces conditions, été soumise à une double imposition à raison de locaux dans lesquels elle n'exerce aucune activité et qui constituent le principal établissement de la SAS Société Optima Service, sa société mère ;
- si toutefois le principe de son assujettissement à la cotisation foncière des entreprises à raison d'une activité exercée dans des locaux ne constituant pas son principal établissement devait être retenu, l'imposition correspondante ne pourrait, au titre de l'année en litige, être établie sur la base de la valeur locative minimum mais seulement à concurrence d'une valeur locative ajustée pour tenir compte de sa quote-part d'utilisation de ces locaux.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 mars 2022, et par un mémoire, enregistré le 26 avril 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut, d'une part, au non-lieu à statuer sur la requête de la SARL SOS Dreux Intérim à concurrence du dégrèvement prononcé en cours d'instance et, d'autre part, au rejet du surplus des conclusions de cette requête.
Il soutient, dans le dernier état de ses écritures, que :
- l'administration n'entend plus contester que le principal établissement de la SARL SOS Dreux Intérim, au sens et pour l'application des dispositions de l'article 1467 D du code général des impôts, se situe dans les locaux de son agence de Dreux, dans lesquels elle exerce son activité économique ;
- si, pour l'application de ces dispositions, aucune cotisation minimum ne peut être établie au lieu du siège social de la société, situé à Evreux, il n'en demeure pas moins que cette société a déclaré disposer, en ce lieu, de locaux dans lesquels elle effectue les tâches administratives et financières relevant de sa gestion ; en conséquence, le montant de l'imposition a été déterminé sur la base d'une valeur locative correspondant à la quote-part d'utilisation de ces locaux par la SARL SOS Dreux Intérim, d'où le dégrèvement accordé à cette société.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société à responsabilité limitée (SARL) SOS Dreux Intérim, qui exerce une activité de recrutement et de placement de personnel intérimaire, a été assujettie, au titre de l'année 2019, à la cotisation foncière des entreprises dans les rôles de la commune d'Evreux (Eure), selon la base d'imposition minimale en vigueur dans cette commune, à raison de locaux dans lesquels est établi son siège social. Elle relève appel du jugement du 28 septembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant, à titre principal, à la décharge, à titre subsidiaire, à la réduction de cette imposition.
Sur l'étendue du litige :
2. Par une décision du 26 avril 2022, le directeur par intérim des finances publiques de la région Normandie et du département de la Seine-Maritime a accordé à la SARL SOS Dreux Intérim un dégrèvement de la cotisation foncière des entreprises à laquelle elle a été assujettie, au titre de l'année 2019, dans les rôles de la commune d'Evreux, à hauteur de 1 590' euros, l'administration ayant admis que le principal établissement de la SARL SOS Dreux Intérim, au sens et pour l'application des dispositions de l'article 1467 D du code général des impôts, se situe dans les locaux de son agence de Dreux, dans lesquels elle exerce son activité économique. Dans cette mesure, les conclusions de la requête de la SARL SOS Dreux Intérim tendant à la décharge ou à la réduction de la cotisation foncière des entreprises à laquelle elle a été assujettie à raison de l'activité exercée dans les locaux de son siège social, situés à Evreux, au titre de l'année 2019, sont devenues sans objet.
Sur le bien-fondé de la cotisation foncière des entreprises demeurant en litige :
3. Aux termes de l'article 1447 du code général des impôts : " I. - La cotisation foncière des entreprises est due chaque année par les personnes physiques ou morales (...) qui exercent à titre habituel une activité professionnelle non salariée. / (...) ". Aux termes de l'article 1473 du même code : " La cotisation foncière des entreprises est établie dans chaque commune où le redevable dispose de locaux ou de terrains, en raison de la valeur locative des biens qui y sont situés. / (...) ". Enfin, aux termes de l'article 1647 D de ce code, dans sa rédaction applicable au présent litige : " I. - 1. Les redevables de la cotisation foncière des entreprises sont assujettis à une cotisation minimum établie au lieu de leur principal établissement ; (...) ". Ce même article précise que cette cotisation est établie à partir d'une base dont le montant est fixé par le conseil municipal selon un barème qui est fonction du montant du chiffre d'affaires ou des recettes réalisées.
4. Le principal établissement, au sens et pour l'application des dispositions du 1. du I de l'article 1647 D du code général des impôts, correspond à celui des établissements dont le redevable dispose pour l'exercice de son activité professionnelle dans lequel il réalise son activité à titre principal.
5. Dans le dernier état de ses écritures, le ministre ne conteste pas que le principal établissement de la SARL SOS Dreux Intérim, au sens et pour l'application des dispositions du 1. du I de l'article 1647 D du code général des impôts, est situé, ainsi que cette société le soutient, dans les locaux de son agence, situés à Dreux, et non dans ceux de son siège social, situés à Evreux. En outre, l'administration, comme il a été dit au point 2, a admis que la SARL SOS Dreux Intérim avait été assujettie à tort à la cotisation foncière des entreprises, au titre de l'année 2019, selon la base d'imposition minimale en vigueur dans la commune d'Evreux, à raison des locaux de son siège social, situés dans cette ville, et a prononcé le dégrèvement partiel de cette imposition. Le ministre soutient, toutefois, que la SARL SOS Dreux Intérim doit être soumise à la cotisation foncière des entreprises, dans les rôles de la commune d'Evreux, à raison des locaux de son siège social, selon une valeur locative ajustée en fonction de la quote-part d'utilisation de ces locaux par cette société, ce qui justifie que l'administration n'ait pas prononcé le dégrèvement de l'intégralité de l'imposition en litige. La SARL SOS Dreux Intérim conteste, par son argumentation principale, cette position.
6. Il résulte de l'instruction, d'une part, que la SARL SOS Dreux Intérim a fixé son siège social dans des locaux dont elle a la disposition à Evreux et, d'autre part, que la SAS Société Optima Service, société holding, a, elle aussi, fixé son siège social à l'adresse de ces locaux. Cette dernière, qui a le même dirigeant que la SARL SOS Dreux Intérim, dont elle détient l'intégralité du capital social, est la société mère du groupe auquel la SARL SOS Dreux Intérim appartient. S'il résulte également de l'instruction que la SARL SOS Dreux Intérim exerce l'essentiel de son activité économique au sein des locaux de son agence de Dreux, où sont affectés la majeure partie de ses salariés et qui est mentionnée au registre du commerce et des sociétés comme constituant son établissement principal, il n'est pas contesté que cette société est dirigée depuis son siège d'Evreux, où sont effectuées les tâches administratives et financières relevant de sa gestion et où elle recommande d'ailleurs à ses clients d'adresser leurs règlements. Si la SARL SOS Dreux Intérim fait état des services qui lui sont rendus par la SAS Société Optima Services, il ne résulte pas de l'instruction que cette société assurerait intégralement, en lieu et place de la société appelante, les tâches administratives et financières relevant de sa gestion, dans le cadre de l'exécution de la convention de prestations de service et d'assistance conclue le 13 janvier 2016, puis renouvelée le 25 octobre 2019, entre la SAS Société Optima Services et ses filiales, dont la SARL SOS Dreux Intérim. En effet, cette dernière convention, rédigée dans des termes proches de la précédente, stipule que la SAS Société Optima Services apportera à ses filiales une assistance juridique et fiscale, ainsi qu'une aide pour la négociation avec des tiers et la rédaction des contrats, un appui pour la gestion des contentieux, une assistance comptable et financière, de même qu'une aide pour le suivi de la facturation et des paies, la mise à disposition d'un service de téléprospection, un appui pour la négociation avec les organismes sociaux, enfin, une assistance informatique courante. Il suit de là que la SARL SOS Dreux Intérim a été assujettie à bon droit à la cotisation foncière des entreprises à raison des activités qu'elle exerce dans les locaux de son siège social, en tenant compte, selon ses propres indications, de la quote-part d'occupation effective de ces locaux. La SARL SOS Dreux Intérim n'est donc pas fondée à demander la décharge de la cotisation foncière des entreprises pour la fraction maintenue à sa charge par l'administration.
7. Par ailleurs, si la SARL SOS Dreux Intérim soutient que la SAS Société Optima Service a été imposée au titre de l'année 2019, selon la base d'imposition minimale, dans les rôles de la commune d'Evreux à raison des activités administratives qu'elle exerce au sein de son principal établissement situé à l'adresse du siège social de la SARL SOS Dreux Intérim, une telle circonstance n'est pas de nature à révéler qu'une même activité aurait été soumise deux fois à une même imposition, dès lors qu'il n'est pas établi que les deux sociétés n'auraient pas exercé chacune, dans ces locaux et avec leurs propres moyens, les tâches relevant de leur gestion administrative. De même, si la SARL SOS Dreux Intérim a été soumise, au titre de la même année, à la cotisation foncière des entreprises à raison de l'activité qu'elle exerce dans son établissement de Dreux, son assujettissement au même impôt à raison de l'activité exercée dans les locaux de son siège social d'Evreux ne constitue pas davantage une double imposition dès lors que l'établissement principal de Dreux et le siège social d'Evreux ont chacun une fonction économique distincte et entrent, à raison des activités relevant de chacune de ces fonctions, dans le champ d'application des dispositions, citées au point 3, des articles 1447 et 1473 du code général des impôts. Dès lors, le moyen tiré de l'existence d'une double imposition doit être écarté.
8. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL SOS Dreux Intérim n'est pas fondée à se plaindre du rejet, par le jugement attaqué, des conclusions de sa demande tendant à la décharge de la fraction de la cotisation foncière des entreprises laissée à sa charge à raison des locaux de son siège social situé à Evreux. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à la charge de l'Etat, qui doit être regardé comme la partie perdante, une somme de 500 euros au titre des frais exposés par la SARL SOS Dreux Intérim et non compris dans les dépens. En revanche, l'instance n'ayant pas donné lieu à des dépens, au sens de l'article R. 761-1 du même code, les conclusions de la requête de la SARL SOS Dreux Intérim relatives aux dépens ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : A concurrence du dégrèvement prononcé, en cours d'instance, à hauteur d'un montant de 1 590 euros, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de la SARL SOS Dreux Intérim tendant à la décharge de la cotisation foncière des entreprises à laquelle elle a été assujettie à raison de l'activité exercée dans les locaux de son siège social, situés à Evreux, au titre de l'année 2019.
Article 2 : L'Etat versera à la SARL SOS Dreux Intérim la somme de 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la SARL SOS Dreux Intérim est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL SOS Dreux Intérim et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera transmise à l'administratrice générale des finances publiques chargée de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.
Délibéré après l'audience publique du 13 avril 2023 à laquelle siégeaient :
- M. Christian Heu, président de chambre,
- M. Bertrand Baillard, premier conseiller,
- M. Jean-François Papin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 mai 2023.
Le rapporteur,
Signé : J.-F. PapinLe président de chambre,
Signé : C. Heu
La greffière,
Signé : N. Roméro
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
La greffière,
Nathalie Roméro
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N°21DA02666