Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... a demandé au tribunal administratif de B... d'annuler l'arrêté du 30 mars 2022 du préfet de la Seine-Maritime lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.
Par un jugement n° 2201397 du 22 septembre 2022, le tribunal administratif de B... a fait droit à sa demande et a enjoint à l'administration de procéder au réexamen de la situation de l'intéressé dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 12 octobre 2022, le préfet de la Seine-Maritime demande à la cour d'annuler ce jugement.
Il soutient que la personne se présentant sous l'identité de M. A... a présenté des justificatifs d'état civil qui ne sont pas authentiques, de sorte qu'il n'établit pas remplir les conditions pour bénéficier d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 novembre 2022, M. C... A..., représenté par Me Nejla Berradia, demande à la cour :
1°) de rejeter la requête et de confirmer l'annulation de l'arrêté du 30 mars 2022 ;
2°) d'enjoindre à l'administration de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au profit de son avocate au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que les moyens soulevés par le préfet de la Seine-Maritime ne sont pas fondés.
M. A... a obtenu le maintien de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 novembre 2022.
Par une ordonnance du 5 janvier 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 23 janvier 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code civil ;
- le code du travail ;
- la loi n° 91- 647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C... A..., ressortissant guinéen né le 4 février 2002, entré en France en étant mineur, a été placé au service de l'aide sociale à l'enfance par jugement du tribunal des enfants de B... du 24 octobre 2019. Devenu majeur, il a sollicité le 19 novembre 2020 la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, repris à l'article L. 435-3 du même code. Par un arrêté du 30 mars 2022, le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer le titre demandé, l'a obligé à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Le préfet de la Seine-Maritime relève appel du jugement du 22 septembre 2022 par lequel le tribunal administratif de B... a annulé cet arrêté et a enjoint à l'autorité préfectorale de réexaminer la situation de M. A....
Sur le moyen retenu par les premiers juges :
2. Aux termes de l'article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande : / 1° Les documents justifiant de son état civil ; / 2° Les documents justifiant de sa nationalité (...) / La délivrance du premier récépissé et l'intervention de la décision relative au titre de séjour sollicité sont subordonnées à la production de ces documents. / (...) ". Aux termes de l'article L. 811-2 de ce code : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité (...) ".
3. Ces dispositions posent une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère. Il incombe cependant à l'administration, si elle entend renverser cette présomption, d'apporter la preuve du caractère irrégulier, falsifié ou non-conforme à la réalité des actes en cause. En revanche, l'administration française n'est pas tenue de solliciter nécessairement et systématiquement les autorités d'un autre Etat afin d'établir qu'un acte d'état civil présenté comme émanant de cet Etat est dépourvu d'authenticité, en particulier lorsque l'acte est, compte tenu de sa forme et des informations dont dispose l'administration française sur la forme habituelle du document en question, manifestement falsifié. Par suite, en cas de contestation de la valeur probante d'un acte d'état civil légalisé établi à l'étranger, il revient au juge administratif de former sa conviction en se fondant sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis.
4. Il ressort du rapport du 8 avril 2021 que les services de la cellule de la fraude documentaire de la direction centrale de la police aux frontières, ont émis un avis défavorable au motif que la carte d'identité guinéenne de M. A... aurait été imprimée " en jet d'encre " au lieu du procédé d'impression " offset ", que le rapport du 3 mai 2021 précise que l'extrait d'acte de naissance serait contrefait en raison de l'absence de pré-découpage du document sur un côté, d'un procédé d'impression distinct de celui habituellement utilisé, d'un timbre humide de " piètre qualité " et de mentions manuscrites modifiées et rédigées avec une écriture et une encre différente, qu'un autre rapport du 3 mai 2021 relatif à l'extrait du registre de l'état-civil délivré le 16 octobre 2020 au nom de M. A... émet un avis défavorable au motif de l'absence d'un timbre sec et, enfin, que le troisième rapport du même jour relatif au jugement supplétif tendant lieu d'acte de naissance émet un avis défavorable au motif que la naissance de M. A... ayant été déclarée dans le délai légal de deux mois suivant sa naissance, un jugement supplétif n'était pas nécessaire et en raison de l'absence d'un timbre sec. Ainsi, les documents présentés par M. A... ne sont pas revêtus de garanties d'authenticité suffisantes et les éléments de preuve produits par le préfet de la Seine-Maritime sont suffisants pour établir leur absence d'authenticité au sens de l'article 47 du code civil.
5. Il en résulte que le préfet de la Seine-Maritime est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de B... a annulé l'arrêté du 30 mars 2022 refusant la délivrance d'un titre de séjour à M. A..., lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant ce tribunal.
Sur les autres moyens :
6. En premier lieu, l'arrêté du 30 mars 2022 énonce avec suffisamment de précisions les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Il précise, notamment, les motifs sur lesquels l'autorité préfectorale s'est fondée pour estimer que les documents d'identité produits par M. A... sont dépourvus de garanties suffisantes d'authenticité. Le moyen tiré du défaut de motivation sera donc écarté.
7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel, l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle peut, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 412-2 n'est pas opposable ".
8. Le préfet de la Seine-Maritime a examiné la demande de délivrance de titre de séjour présentée par M. A... sur le fondement l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, devenu l'article L. 435-3 du même code à compter du 1er mai 2021 et non sur le fondement de l'article L. 313-11 7° dudit code, contrairement à ce qu'affirme l'intéressé. Si le requérant soutient qu'en vertu de l'article R. 5221-22 du code du travail, la situation de l'emploi ne peut pas être opposée lorsque l'autorisation de travail est demandée par un étranger confié à l'aide sociale à l'enfance qui satisfait aux conditions de l'article L. 313-15, le préfet ne s'est pas fondé sur la situation de l'emploi pour refuser la délivrance d'un titre de séjour à M. A... mais sur l'absence de production de documents d'identité probants et, donc, sur le fait que M. A... n'entrait pas dans le champ d'application de l'article L. 313-15, devenu l'article L. 435-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.
9. En troisième lieu, M. A... ne justifiant pas de son identité faute de documents probants, comme il a été dit au point 5, ne peut utilement soutenir qu'il remplirait les conditions de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour obtenir la délivrance d'un titre de séjour.
10. En quatrième lieu, il résulte de ce qui vient d'être dit que le moyen tiré de ce que l'obligation de quitter le territoire français serait dépourvue de base légale du fait de l'illégalité de la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour doit être écarté.
11. En dernier lieu, les circonstances selon lesquelles M. A... a exercé un travail et aurait un comportement exemplaire, alors qu'il a produit à l'administration des documents d'identité dont l'authenticité n'est pas probante, ne sont pas de nature à établir que l'obligation de quitter le territoire français serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
12. Il résulte de tout ce qui précède que la demande présentée par M. A... doit être rejetée. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2201397 du 22 septembre 2022 du tribunal administratif de B... est annulé.
Article 2 : La demande de première instance de M. A... est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer, à M. C... A... et à Me Nejla Berradia.
Copie sera adressé au préfet de la Seine-Maritime.
Délibéré après l'audience publique du 11 avril 2023 à laquelle siégeaient :
- Mme Anne Seulin, présidente de chambre,
- M. Marc Baronnet, président-assesseur,
- M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 mai 2023.
Le rapporteur,
Signé : G. VandenbergheLa présidente de chambre
Signé : A. SeulinLa greffière,
Signé : A.S. Villette
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
La greffière
Anne-Sophie Villette
N°22DA02070 2