Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme B... A... ont demandé au tribunal administratif de Rouen de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2010 à 2012.
Par un jugement no 1903610 du 26 octobre 2021, le tribunal administratif de Rouen a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 14 décembre 2021, M. et Mme A..., représentés par Me Boudin, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2010 à 2012 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la procédure d'imposition est irrégulière dès lors qu'aucune demande de renseignements ne leur a été adressée, s'agissant de l'origine des apports en compte courant d'associé ;
- l'imposition mise en recouvrement au titre des revenus de capitaux mobiliers a été établie selon des bases excédant celles mentionnées dans la proposition de rectification ;
- les apports en compte courant n'ont pas été réintégrés aux bénéfices taxables de la société Ferit Construction, ce qui prive de base légale l'imposition au titre des revenus distribués ;
- M. A... ne pouvait être regardé comme maître de l'affaire et n'a pas bénéficié des distributions en cause ;
- la présomption d'appréhension des revenus distribués ne peut être invoquée en l'espèce ;
- la majoration de 40 % pour manquement délibéré est infondée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 avril 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme A... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Bertrand Baillard, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société à responsabilité limitée (SARL) Ferit Construction, dont M. A... est le gérant et détient la majorité du capital, a fait 1'objet d'une vérification de comptabilité au titre de la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012. Tirant les conséquences de cette vérification de comptabilité, l'administration fiscale a adressé à M. et Mme A... deux propositions de rectifications, en date des 16 décembre 2013 et 18 avril 2014, portant sur des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux au titre des années 2010 à 2012. M. et Mme A... relèvent appel du jugement du 26 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté leur demande tendant à la décharge des impositions ainsi mises à leur charge.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales : " En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, l'administration peut demander au contribuable des éclaircissements. Elle peut, en outre, lui demander des justifications (...) ". Il résulte des termes mêmes de ces dispositions qu'elles donnent à l'administration la faculté, et non l'obligation, de demander en tant que de besoin au contribuable, dans les conditions qu'elles précisent, un complément d'information concernant sa situation. Par suite, M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que la procédure d'imposition serait viciée, faute d'avoir été destinataires d'une demande d'éclaircissements ou de justifications de la part de l'administration sur l'origine des crédits sur le compte-courant d'associé de M. A.... Les contribuables ne sont pas davantage fondés à soutenir que la procédure d'imposition n'aurait pas été de ce fait contradictoire.
3. En second lieu, il résulte de l'instruction, et notamment de la réponse aux observations du contribuable en date du 9 avril 2014, que l'administration fiscale avait décidé de maintenir les rehaussements en base, pour l'année 2010, à hauteur de la somme totale de 35 123 euros dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, et de 16 484 euros dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée. Si, dans l'avis d'imposition supplémentaire pour l'année 2010 mis en recouvrement le 30 avril 2015, le montant cumulé de ces deux sommes a été porté dans la colonne réservée aux revenus de capitaux mobiliers, cette erreur est sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition, ni même sur la validité de cette imposition, dès lors qu'il ressort tant de la procédure suivie et des textes invoqués que des documents antérieurs adressés au contribuable, que seul le montant de 35 123 euros constituait des revenus de capitaux mobiliers, le surplus étant imposable dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée. Dès lors, M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenus mise à leur charge seraient dépourvues de fondement en tant qu'elles excèdent en base le montant de 35 123 euros dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers.
Sur le bien-fondé des impositions en litige :
4. En premier lieu, aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : / 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; / (...) ". Le contribuable qui, disposant seul des pouvoirs les plus étendus au sein de la société, est en mesure d'user sans contrôle de ses biens comme de biens qui lui sont propres, doit être regardé comme le seul maître de l'affaire. Cette qualité suffit à regarder le contribuable comme bénéficiaire des revenus réputés distribués, en application du 1° du 1. de l'article 109 du code général des impôts, par la société en cause, la circonstance que l'intéressé n'aurait pas effectivement appréhendé les sommes correspondantes ou qu'elles auraient été versées à des tiers étant sans incidence à cet égard.
5. D'une part, pour considérer que M. A... avait la qualité de seul maître de l'affaire, l'administration fiscale a relevé que l'intéressé était gérant et détenait la majorité du capital de la SARL Ferit Construction, qu'il était le seul à détenir la signature sur le compte bancaire de la société et le moyen de paiement attaché à ce compte, et qu'il était en charge du démarchage des fournisseurs, de la communication des données à son expert-comptable, de la signature des actes juridiques au nom de l'entreprise, du recrutement du personnel ainsi que de la signature des contrats de travail et des contrats de marchés publics avec les clients. Si les contribuables soutiennent que l'administration n'apporte pas d'éléments suffisants permettant de démontrer que M. A... avait cette qualité alors que son frère, qui détient 49,80 % du capital social de la société, participait également à la gestion de cette société, aucun élément n'est apporté au soutien de cette allégation alors que la société Ferit Construction indiquait, dans sa réclamation du 25 juin 2015, que " M. A... est le gérant de la SARL Ferit Construction. Il détient la signature des moyens de paiement. Il est le décisionnaire unique dans la société. ". C'est donc à bon droit que l'administration a considéré que M. A... était seul maître de l'affaire.
6. D'autre part, M. A... étant seul maître de l'affaire, celui-ci est présumé réputé bénéficiaire des revenus distribués au sens du 1° du 1. de l'article 109 du code général des impôts, ainsi que l'a jugé à juste titre le tribunal administratif de Rouen. Dès lors, l'administration n'avait pas à recourir à la procédure prévue à l'article 117 du code général des impôts pour déterminer le bénéficiaire de ces distributions. Par ailleurs, ainsi qu'il a été dit au point 4, la circonstance selon laquelle M. A... n'aurait pas effectivement appréhendé les sommes en cause, leurs bénéficiaires réels étant des fournisseurs de la société Ferit Construction, est sans incidence sur la qualification de revenus distribués. C'est donc à bon droit que l'administration fiscale a imposé les sommes en cause, entre les mains de M. A..., en application du 1° du 1. de l'article 109 du code général des impôts.
7. En second lieu, aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : / (...) / 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices. (...). ". Les sommes inscrites au crédit d'un compte courant d'associé d'une société soumise à l'impôt sur les sociétés sont, sauf preuve contraire, à la disposition de cet associé, alors même que l'inscription résulterait d'une erreur comptable involontaire, et ont donc, même dans une telle hypothèse, le caractère de revenus distribués, imposables entre les mains de cet associé dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers en vertu du 2° du 1. de l'article 109 du code général des impôts. Pour que l'associé échappe à cette imposition, il lui incombe de démontrer, le cas échéant, qu'il n'a pas pu avoir la disposition de ces sommes ou que ces sommes ne correspondent pas à la mise à disposition d'un revenu.
8. Il résulte de l'instruction qu'à l'issue de la vérification de la comptabilité de la SARL Ferit Construction, l'administration a imposé entre les mains de M. A..., en tant que revenus distribués, sur le fondement du 2° du 1. de l'article 109 du code général des impôts, les sommes de 20 402 euros, de 88 343 euros et de 52 230 euros, au titre des années 2010, 2011 et 2012, portées au crédit de son compte courant d'associé. Si M. et Mme A... soutiennent qu'à défaut d'établir une variation d'actif pour la SARL Ferit construction, aucune distribution de bénéfices ne saurait être taxée entre les mains de M. A..., ce moyen est sans incidence sur l'application des dispositions précitées du 2° du 1. de l'article 109 du code général des impôts, lesquelles n'impliquent pas un désinvestissement au niveau de la société distributrice. En conséquence, c'est à bon droit que l'administration fiscale a imposé les sommes portées au crédit du compte courant d'associé de M. A..., dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, en application du 2° du 1. de l'article 109 du code général des impôts.
Sur les pénalités :
9. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette et la liquidation de l'impôt (...) entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; / (...). ".
10. Pour justifier du bien-fondé de l'application aux droits en litige de la majoration de 40 % prévue au a. de l'article 1729 du code général des impôts, l'administration fiscale fait valoir que M. A..., seul maître de l'affaire et gérant de la SARL Ferit Construction, ne pouvait ignorer les apports à son compte-courant d'associé. Par ailleurs, l'administration met également en avant la réitération des même faits au cours de l'ensemble de la période vérifiée ainsi que l'importance des sommes regardées comme des revenus distribués. Si le montant des rehaussements à ce titre a été diminué en cours de procédure d'imposition, leur montant global est demeuré supérieur aux revenus déclarés par M. et Mme A.... Dès lors, l'administration apporte la preuve, qui lui incombe, de l'intention délibéré de M. A... d'éluder l'impôt en ne portant pas les sommes correspondantes sur ses déclarations de revenus et, par voie de conséquence, justifie du bien-fondé de l'application aux droits en litige de la majoration de 40 % prévue, en cas de manquement délibéré, par les dispositions précitées du a. de l'article 1729 du code général des impôts.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.
Délibéré après l'audience publique du 30 mars 2023 à laquelle siégeaient :
- M. Christian Heu, président de chambre,
- M. Mathieu Sauveplane, président-assesseur,
- M. Bertrand Baillard, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 avril 2023.
Le rapporteur,
Signé : B. BaillardLe président de chambre,
Signé : C. Heu
La greffière,
Signé : N. Roméro La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
La greffière,
Nathalie Roméro
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N°21DA02866
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N°"Numéro"