Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle son foyer fiscal a été assujetti au titre de l'année 2015 et des cotisations supplémentaires de prélèvements sociaux auxquelles son foyer fiscal a été assujetti au titre des années 2014 et 2015, d'autre part, de prescrire la restitution des sommes acquittées à ce titre.
Par un jugement n° 1804682 du 2 juillet 2021, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 20 août 2021, le 28 décembre 2021 et le 17 mai 2022, M. B..., représenté par la SCP Bejin-Camus-Belot, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle son foyer fiscal a été assujetti au titre de l'année 2015 et des cotisations supplémentaires de prélèvements sociaux auxquelles son foyer fiscal a été assujetti au titre des années 2014 et 2015 ;
3°) de prescrire la restitution, augmentée des intérêts moratoires prévus à l'article L. 208 du livre des procédures fiscales, des sommes acquittées à ce titre.
Il soutient que :
- les suppléments d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux en litige résultent d'une vérification de comptabilité irrégulière de la société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU) EGMC, dont il a été, jusqu'au 2 juin 2016, le dirigeant et l'associé, dès lors que ce contrôle a été diligenté, du 7 juin au 2 septembre 2016, par un service territorialement incompétent ; ce vice de procédure entache la régularité des impositions mises à sa charge, sans qu'y fasse obstacle le principe d'indépendance des procédures, dès lors que ces impositions résultent, dans le contexte d'une opposition à contrôle fiscal insusceptible de lui être imputée, d'une reconstitution des résultats imposables de cette société ;
- en ne l'informant pas de l'origine et de la teneur des renseignements que le service avait obtenus dans le cadre de la vérification de comptabilité dont ont fait l'objet la SASU EGMC et une société sous-traitante et en ne lui communiquant pas, en dépit d'une demande à cette fin, l'ensemble des documents contenant ces renseignements, au motif que le secret professionnel visé à l'article L. 103 du livre des procédures fiscales y faisait obstacle ou que le service ne détenait pas certains de ces documents, l'administration a, en méconnaissance des obligations résultant de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, entaché la procédure d'imposition d'une irrégularité qui l'a privé d'une garantie ;
- la reconstitution, par l'administration, des résultats imposables de la SASU EGMC résulte de la mise en œuvre d'une méthode radicalement viciée dans son principe et excessivement sommaire, en ce qu'elle retient, en ce qui concerne l'exercice clos en 2015, un taux forfaitaire de charges de 70 % du chiffre d'affaires hors taxes reconstitué, alors que ce niveau de charges, qui ne repose sur aucune donnée propre à l'entreprise et n'est étayé par aucune comparaison avec des entreprises similaires, ne correspond à aucune réalité économique, en dépit des recommandations de la doctrine de l'administration en matière de reconstitution des résultats imposables d'une entreprise ; en outre, il y a lieu de s'interroger sur le point de savoir si le service s'est conformé, pour cette reconstitution, aux règles de rattachement posées par le 2 de l'article 38 du code général des impôts ; le résultat avant impôt reconstitué par application de cette méthode est sans commune mesure avec les résultats moyens des entreprises du secteur de la construction, tels que publiés en 2009 dans une étude du Commissariat général au développement durable et tels qu'ils résultent des statistiques nationales publiées en 2018 ou encore d'autres statistiques disponibles en ce qui concerne, notamment, l'année 2015 ; l'expert-comptable de la SASU EGMC atteste d'ailleurs de ce que les charges de l'entreprise dépassaient, en 2017, 98 % du chiffre d'affaires et, en 2018, 92 % du chiffre d'affaires, tandis que les bénéfices représentaient 2,6 % de ce chiffre d'affaires en 2017 et 6,4 % en 2018, rapportés à la part de 30 % retenue par l'administration pour 2015 ; il doit aussi être tenu compte de ce que la SASU EGMC travaillait en sous-traitance dans le cadre de marchés publics, ce qui ne lui permettait pas de tirer une marge importante de son activité ;
- il a été regardé à tort comme le seul maître de l'affaire au cours de l'année 2015, alors qu'il n'a fait qu'exercer, dans des conditions normales, ses fonctions de dirigeant de la SASU EGMC, sans outrepasser les limites de ces fonctions et sans qu'aucun enrichissement personnel ni aucune confusion de patrimoine ne puissent lui être imputés ; ce concept de seul maître de l'affaire n'a d'ailleurs aucune portée s'agissant d'une société unipersonnelle ;
- la majoration de 40 % prévue, en cas de manquement délibéré, par le a. de l'article 1729 du code général des impôts n'est pas fondée, dès lors que l'administration, qui ne saurait lui imputer, en vertu du principe de personnalisation des peines, la situation d'opposition à contrôle fiscal dans laquelle s'est placée la SASU EGMC, n'a pas rapporté la preuve, qui lui incombe, de l'intention délibérée d'éluder l'impôt qu'elle lui prête, alors qu'il ne peut lui être reproché de n'avoir pas porté, sur ses déclarations de revenus, des sommes réputées distribuées qu'il n'a pas perçues.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 novembre 2021, et par des mémoires, enregistrés le 7 mars 2022 et le 3 juin 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- en l'absence de litige né et actuel, les conclusions de la requête tendant au versement d'intérêts moratoires ne sont pas recevables ;
- le service des Hauts-de-France qui a effectué la vérification de comptabilité dont a fait l'objet la SASU EGMC était territorialement compétent, dès lors que cette société avait, au titre des années vérifiées, son siège à Cambrai ; en tout état de cause, ce contrôle n'ayant pas été regardé comme entaché d'irrégularité par une décision juridictionnelle, M. B... ne peut utilement, dans le cadre de la présente instance, qui concerne sa propre situation fiscale, invoquer ce vice d'incompétence ;
- la proposition de rectification adressée le 26 décembre 2016 à M. et Mme B... les a informés, dans des termes suffisamment précis, de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus du service dans le cadre de la vérification de comptabilité dont la SASU EGMC et une société sous-traitante ont fait l'objet, de sorte qu'ils ont été mis à même d'avoir accès à ces informations avant la mise en recouvrement des impositions en litige ; s'agissant du chef de rectification afférent à la libéralité accordée par cette société sous-traitante à l'épouse de M. B..., il n'est pas contesté qu'il n'existait aucun document contenant les informations recueillies et qui soit susceptible d'être communiqué par le service ; s'agissant du chef de rectification afférent aux revenus réputés distribués par la SASU EGMC, l'ensemble des documents contenant les informations recueillies par le service ont été communiqués à M. et Mme B..., qui ne prétendent pas que l'administration se serait fondée sur d'autres documents ne leur ayant pas été communiqués ; par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales n'est pas fondé ;
- alors que, d'une part, la SASU EGMC était en situation d'opposition à contrôle fiscal, ce qui a fait obstacle à ce que le vérificateur puisse avoir accès à l'intégralité des données internes à l'entreprise, en particulier, à sa comptabilité, et, d'autre part, que cette société n'avait souscrit aucune déclaration de chiffre d'affaires et de résultats en ce qui concerne la période vérifiée, au cours de laquelle M. B... était le dirigeant et l'associé de cette société, l'administration était fondée à procéder à une reconstitution des résultats imposables de celle-ci, en appuyant son analyse sur ses relevés de comptes bancaires, obtenus dans le cadre de l'exercice, par le service, de son droit de communication auprès de l'établissement bancaire et sur les factures obtenues dans le cadre de la vérification de comptabilité dont ont fait l'objet d'autres sociétés ; n'ayant relevé aucun mouvement bancaire en ce qui concerne l'année 2014, le service a limité cette reconstitution à l'année 2015 ; n'ayant identifié aucune opération bancaire correspondant à des mouvements de compte à compte ou ne se rapportant pas à l'activité économique de l'entreprise, le service a estimé que l'ensemble des crédits bancaires identifiés correspondaient à des recettes ; en outre, à défaut de tout justificatif de dépenses, le service a retenu, dans un souci de réalisme économique, un taux de charges s'élevant à 70 % du chiffre d'affaires reconstitué ; le résultat imposable de l'exercice clos en 2015 a ainsi été évalué à 249 473 euros ; contrairement à ce que soutient M. B..., cette méthode ne peut être regardée ni comme radicalement viciée dans son principe, ni comme excessivement sommaire ; M. B... ne peut utilement, à cet égard, faire reproche au service, qui ne disposait d'aucune comptabilité, de ne pas s'être assuré de l'existence de créances acquises à la clôture de l'exercice en cause ;
- dès lors que la reconstitution du résultat imposable de la SASU EGMC a conduit à un rehaussement du résultat réalisé par cette société au titre de l'année 2015, qu'aucun indice ne permet de retenir que les sommes correspondantes auraient été incorporées au capital ou mises en réserve, alors que le service a mis en évidence, à l'occasion de la vérification de comptabilité dont a fait l'objet la SASU EGMC, la perception, par M. B..., de crédits et d'espèces d'un montant supérieur de la part de cette société, ces sommes constituent des revenus distribués au sens du 1° du 1. de l'article 109 du code général des impôts ;
- dès lors que M. B... était, au cours de l'année 2015, le dirigeant et le seul associé de la SASU EGMC et qu'il disposait seul de la signature permettant de mouvementer le compte bancaire ouvert au nom de cette société, ce qui lui a d'ailleurs permis d'effectuer des retraits en espèces et de payer, à l'aide de la carte bancaire mise à sa disposition, des dépenses ne répondant pas à l'intérêt social, l'intéressé doit être regardé comme le seul maître de l'affaire ; cette qualification est, contrairement à ce qu'allègue l'appelant, opérante même en présence d'un associé d'une société unipersonnelle ; il doit ainsi être réputé avoir appréhendé l'ensemble des sommes correspondant au rehaussement du bénéfice imposable de la SASU EGMC ;
- en retenant que M. B..., en tant que dirigeant et associé unique de la SASU EGMC, n'a pas souscrit, au nom de cette société, les déclarations fiscales auxquelles celle-ci était astreinte, qu'il a effectué, à partir du compte bancaire de cette société, pour un montant total de 359 106 euros, des retraits en espèces, ainsi que des virements sur ses comptes bancaires personnels, et qu'il a réglé, à l'aide de la carte bancaire de la SASU EGMC, des dépenses étrangères à l'intérêt de l'entreprise, qui représentaient un montant de 12 970 euros, le service a établi que l'intéressé ne pouvait ignorer qu'il bénéficiait indûment, de la part de la SASU EGMC, de revenus distribués qu'il n'a cependant pas portés sur sa déclaration de revenus ; l'administration, qui a établi, ce faisant, l'intention délibérée de M. B... d'éluder l'impôt, établit également le bien-fondé de la majoration de 40 % prévue, en cas de manquement délibéré, au a. de l'article 1729 du code général des impôts, dont les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux mises à la charge de l'intéressé au titre de l'année 2015 ont été assorties, et n'a nullement méconnu le principe de personnalisation des peines.
Par une ordonnance du 18 mai 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 20 juin 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B... était, jusqu'au 2 juin 2016, le dirigeant et l'associé de la société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU) EGMC, qui exerçait ses activités dans le secteur du bâtiment et dont le siège social, fixé à Cambrai (Nord) jusqu'au 2 juin 2016, a été transféré, depuis lors, à Pantin (Seine-Saint-Denis). La SASU EGMC a fait l'objet, du 7 juin au 2 septembre 2016, d'une vérification de comptabilité portant sur la période allant du 7 décembre 2014 au 31 décembre 2015. A l'issue de ce contrôle, à l'occasion duquel le service, qui n'a pu avoir accès à la comptabilité de l'entreprise, a constaté une situation d'opposition à contrôle fiscal, l'administration, après avoir reconstitué les bénéfices imposables de la SASU EGMC, a regardé M. B... comme le seul maître de l'affaire, au cours de la période vérifiée, et a estimé qu'il devait être réputé avoir bénéficié, au titre de l'année 2015, de revenus distribués par la SASU EGMC, représentant un montant total de 249 473 euros, et qui devaient être imposés entre ses mains sur le fondement du 1° du 1. de l'article 109 du code général des impôts. Par ailleurs, à l'issue de la vérification de comptabilité d'une société sous-traitante de la SASU EGMC, la société à responsabilité limitée (SARL) FMT Bâtiment, l'administration a considéré que la cession, en 2014, non comptabilisée et sans contrepartie justifiée, d'un véhicule, par la société vérifiée, au bénéfice de l'épouse de M. B..., était constitutive d'une libéralité au sens des dispositions du c de l'article 111 du code général des impôts, qui devait être soumise, au sein de foyer fiscal de M. B..., à l'impôt sur le revenu, sur le fondement de ces dispositions, à hauteur de la valeur du véhicule en cause, estimée à 5 227 euros. L'administration a fait connaître sa position, sur ces deux points, à M. et Mme B... par une proposition de rectification qu'elle leur a adressée le 26 décembre 2016, en remplacement d'une précédente proposition de rectification adressée aux intéressés le 30 septembre 2016. Les observations présentées par M. et Mme B... n'ayant pas amené l'administration à revoir son appréciation, les suppléments d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux résultant, respectivement, au titre de l'année 2015 et des années 2014 et 2015, des rehaussements ainsi notifiés ont été mis en recouvrement le 30 septembre 2017, à hauteur d'un montant total de 208 231 euros, en droits et pénalités. M. et Mme B... ont contesté ces impositions et contributions par une réclamation adressée à l'administration le 30 octobre 2017. Aucune réponse expresse à cette réclamation ne leur étant parvenue avant l'expiration du délai de six mois prévu à l'article R. 199-1 du livre des procédures fiscales, M. B... a porté le litige devant le tribunal administratif de Lille, en lui demandant de prononcer la décharge, en droits et pénalités, d'une part, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle son foyer fiscal a été assujetti au titre de l'année 2015, d'autre part, des cotisations supplémentaires de prélèvements sociaux auxquelles son foyer fiscal a été assujetti au titre des années 2014 et 2015. Il a demandé, en outre, au tribunal administratif de prescrire la restitution des sommes correspondantes, assortie d'intérêts moratoires. M. B... relève appel du jugement du 2 juillet 2021 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
En ce qui concerne la régularité de la vérification de la comptabilité de la SASU EGMC :
2. En raison du principe d'indépendance des procédures de rectification menées à l'encontre, d'une part, d'une société par actions simplifiée, fût-elle unipersonnelle, et, d'autre part, de son associé, les irrégularités de la procédure de redressement suivie à l'encontre de la société, à les supposer même établies, sont sans incidence sur l'imposition personnelle de l'associé au titre des revenus distribués entre ses mains en application des dispositions du 1° du 1. de l'article 109 du code général des impôts, alors même que l'article 110 de ce code dispose que, pour la détermination de la base assujettie à l'impôt sur le revenu, les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés. Il suit de là que M. B... ne peut utilement invoquer, au soutien de ses conclusions tendant à la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquels son foyer fiscal a été assujetti au titre de l'année 2015 sur le fondement du 1° du 1. de l'article 109 du code général des impôts, l'irrégularité affectant, selon lui, la procédure de rectification mise en œuvre à l'égard de la SASU EGMC. Au surplus, la direction départementale des finances publiques du Nord était, au regard des règles posées au II de l'article 350 terdecies de l'annexe III au code général des impôts, territorialement compétente pour opérer une vérification de comptabilité à l'égard de cette société qui, ayant son siège dans le département du Nord au cours de l'exercice vérifié, clos en 2015, était soumise à ses obligations déclaratives auprès des services fiscaux de ce département.
En ce qui concerne la régularité de l'exercice, par l'administration, de son droit de communication :
3. En vertu de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en œuvre, et au plus tard avant la mise en recouvrement, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus auprès de tiers qu'elle a utilisés pour fonder les impositions, avec une précision suffisante pour permettre à l'intéressé de demander que les documents qui contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent. Lorsque le contribuable lui en fait la demande, l'administration est, en principe, tenue de lui communiquer, alors même qu'il en aurait eu connaissance, les renseignements, documents ou copies de documents obtenus auprès de tiers qui lui sont opposés, afin de lui permettre d'en vérifier l'authenticité ou d'en discuter la teneur ou la portée.
4. Il ressort des termes de la proposition de rectification que l'administration a adressée à M. et Mme B... le 26 décembre 2016 afin de leur faire connaître les rehaussements qu'elle envisageait en ce qui concerne les revenus imposables des années 2014 et 2015, que ce document a informé les intéressés de ce que le service vérificateur avait, pour établir les rehaussements, collecté des renseignements auprès de tiers. Cette proposition de rectification, versée à l'instruction, précise que le service a exercé son droit de communication auprès des établissements bancaires détenteurs des comptes bancaires de la SASU EGMC et qu'il a aussi utilisé des renseignements obtenus dans le cadre de la vérification de comptabilité dont avait fait l'objet la société FMT Bâtiment, sous-traitante de la SASU EGMC. En outre, la proposition de rectification mentionne la nature des renseignements obtenus dans ce cadre, à savoir deux lettres par lesquelles les établissements bancaires sollicités confirment que M. B..., dirigeant et associé de la SASU EGMC et seul interlocuteur de ces établissements bancaires au nom de cette société, était seul habilité à mouvementer les comptes bancaires au nom de cette société et qu'il a réalisé, à partir de ces comptes, de nombreux retraits en espèces et virements vers des comptes bancaires personnels ouverts à son nom ou à celui de son épouse. A partir de ces renseignements et de l'examen des relevés des comptes bancaires de la SASU EGMC, le service précise que l'ensemble des sommes ainsi désinvesties au profit des intéressés au cours de l'année 2015, qui atteignent un montant total de 359 106 euros, excède le montant de 249 473 euros retenu comme correspondant aux recettes de la SASU EGMC et que M. B... a, par ailleurs, exposé, au cours de la même année, des dépenses manifestement étrangères à l'intérêt de l'entreprise, pour un montant total de 12 970 euros. La proposition de rectification précise, par ailleurs, que la société FMT Bâtiment, également sollicitée par le service, a précisé n'avoir pas porté en comptabilité la cession, au cours de l'année 2014, à l'épouse de M. B..., d'un véhicule lui appartenant, qu'aucun prix déterminé en fonction du kilométrage n'a été mentionné sur la déclaration de cession du véhicule, qu'aucun règlement provenant de Mme B... n'a pu être identifié par l'administration, que le véhicule en cause a subi une importante avarie à l'origine de travaux estimés à la somme de 5 582,94 euros toutes taxes comprises et que la facture de cession de ce véhicule n'a été établie qu'en septembre 2016, pour un montant de 4 080 euros toutes taxes comprises. Ainsi, M. B... a été mis à même de demander, avant la mise en recouvrement des impositions contestées, la communication des documents contenant les renseignements utilisés par le service pour établir celles-ci, ce qu'il a d'ailleurs fait dans le cadre des observations qu'il a formulées le 21 janvier 2017, par lesquelles il demandait aussi la communication des pièces annexées à la proposition de rectification adressée à la SASU EGMC, à savoir des factures établies par cette société.
5. Il est constant que le service a rappelé, dans la réponse, apportée le 28 février 2017 aux observations de M. B..., que celui-ci ne conteste pas avoir reçue avant la mise en recouvrement des suppléments d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux en litige, que, d'une part, les documents comportant les renseignements obtenus auprès des établissements bancaires détenteurs des comptes de la SASU EGMC avaient été communiqués à M. B... le 26 décembre 2016, de même qu'une copie de la proposition de rectification adressée à cette société, et que le service ne disposait d'aucun support matériel contenant les renseignements obtenus de la société FMT Bâtiment et qui soit susceptible d'être communiqué. Enfin, si, dans un premier temps, le service avait indiqué à M. B..., en réponse à une précédente demande de sa part, que le secret professionnel visé à l'article L. 103 du livre des procédures fiscales, auquel sont astreints les agents de l'administration fiscale, faisait obstacle à ce que les pièces jointes en annexe à la proposition de rectification adressée à la SASU EGMC lui soient communiquées, il est constant que ces pièces, à savoir trois factures établies par cette société, ont été annexées à la réponse apportée par le service le 28 février 2017 aux observations de M. B..., qui ne soutient pas que les rehaussements qui lui ont été notifiés pourraient être fondées sur d'autres pièces non communiquées. Il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance, par l'administration, des obligations posées par l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales doit être écarté.
Sur le bien-fondé des impositions en litige :
En ce qui concerne la reconstitution du bénéfice imposables de la SASU EGMC :
6. Pour reconstituer le bénéfice imposable, au titre de l'exercice clos en 2015, de la SASU EGMC, regardée par l'administration comme s'étant placée en situation d'opposition à contrôle fiscal, le service a, selon les termes de la proposition de rectification adressée le 28 septembre 2016 à cette société, dont une copie a été adressée le même jour à M. B..., reconstitué les recettes perçues par ladite société, faute d'avoir pu avoir accès à l'intégralité des documents comptables et autres données de l'entreprise. Pour ce faire, le service s'est fondé sur l'examen des relevés des comptes bancaires ouverts au nom de cette société auprès de plusieurs établissements bancaires sollicités dans le cadre de l'exercice du son droit de communication. Il s'est fondé, en outre, sur l'examen de quelques factures adressées par la SASU EGMC à des clients, qu'il a rapprochées des crédits inscrits sur les comptes bancaires de la société, qui se sont élevés à un montant de 997 893 euros au cours de la période allant du 7 décembre 2014 au 31 décembre 2015. Aucune des opérations ainsi mises en évidence, dont le service a établi la liste détaillée, n'étant apparue correspondre à des mouvements de compte à compte ou à toute autre opération insusceptible de se rattacher à l'activité économique de l'entreprise, le service a regardé la somme de 997 893 euros comme correspondant au chiffre d'affaires toutes taxes comprises réalisé par la SASU EGMC au titre de l'exercice clos en 2015, soit un chiffre d'affaires hors taxes de 831 578 euros. Après avoir estimé que ce chiffre d'affaires se rattachait en totalité aux opérations taxables réalisées par l'entreprise durant la période correspondante, le service a établi sur cette base les rappels de taxe sur la valeur ajoutée et, en l'absence de justificatifs, n'a pris en compte aucune taxe sur la valeur ajoutée déductible au titre de cette période. Pour établir le bénéfice imposable de l'exercice clos en 2015, le service a pris pour base, en l'absence de déclaration de résultats, malgré une mise en demeure, la même somme de 831 578 euros. A défaut de toute pièce justificative, le service a estimé qu'un taux de charges de 70 % permettrait de traduire d'une manière suffisamment proche de la réalité de l'exploitation de l'entreprise le niveau de ses charges courantes, évaluées ainsi à 582 105 euros. Le bénéfice avant impôt résultant de la mise en œuvre de cette reconstitution s'est ainsi établi à 249 473 euros.
7. Si M. B... conteste la pertinence de cette reconstitution, en soutenant que le niveau de charges retenu par le service ne repose sur aucune donnée propre de l'entreprise et ne correspond à aucune réalité économique en dépit des recommandations mêmes de la doctrine administrative, il résulte de ce qui a été dit au point précédent que cette reconstitution repose, au contraire, dans une situation dans laquelle une comptabilité complète de la SASU EGMC, en situation d'opposition à contrôle fiscal, n'a pu être présentée au vérificateur, sur des données fiables et représentatives de l'activité de l'entreprise, à savoir sur des mouvements mis en évidence sur ses comptes bancaires, qu'aucun indice n'a permis de regarder comme ne se rattachant pas à l'activité économique mise en œuvre par la SASU EGMC. Le service a d'ailleurs relevé, dans la proposition de rectification adressée à cette société, que le montant de charges reconstitué à hauteur d'un montant de 582 105 euros était très proche de celui des débits identifiés sur les comptes bancaires de la SASU EGMC comme ayant un bénéficiaire autre que M. B.... Dans ces conditions et en l'absence d'élément de nature à le faire douter sérieusement de la vraisemblance du montant de charges courantes ainsi évalué, le service n'était pas, en première intention, tenu de confronter cette donnée à une comparaison avec d'autres entreprises susceptibles d'être regardées comme similaires. M. B... ne peut utilement, à cet égard, invoquer les résultats moyens des entreprises du secteur de la construction, tels qu'ils ressortent d'une étude publiée en 2009 par le Commissariat général au développement durable ou de diverses statistiques nationales se rapportant aux données moyennes observées, pour les années 2014 à 2021, dans les entreprises du secteur du bâtiment. Il ne peut plus utilement, alors que la reconstitution à laquelle s'est livrée l'administration repose sur des données fiables permettant de déterminer les conditions d'exploitation, se référer à une attestation établie, le 29 juillet 2021, soit plusieurs années après la clôture de l'exercice en cause, par l'expert-comptable de la SASU EGMC, attestant des taux de charges qui seraient ceux de cette société au titre des exercices clos en 2017 à 2020 et qui n'est étayée par aucun justificatif probant extrait de la comptabilité de l'entreprise, ni par aucun élément permettant d'apprécier une éventuelle évolution des conditions d'exploitation depuis la clôture de l'exercice vérifié ou proposant des ajustements pour tenir compte d'une telle évolution. Enfin, si M. B... soutient qu'il doit être tenu compte de ce que la SASU EGMC travaillait en sous-traitance dans le cadre de marchés publics, ce qui ne lui permettait pas de tirer une marge importante de son activité, et s'il s'interroge sur le point de savoir si le service s'est conformé, pour procéder à cette reconstitution, aux règles de rattachement posées par le 2 de l'article 38 du code général des impôts, il n'assortit ces critiques d'aucune précision ni d'aucun élément probant de nature à mettre sérieusement en doute les bases de calcul retenues par le service. Dans ces conditions, la méthode de reconstitution mise en œuvre par le service, dont la pertinence doit être appréciée au regard des éléments d'information dont celui-ci disposait effectivement, ne peut, dans les circonstances de l'espèce, être regardée comme radicalement viciée dans son principe, ni comme excessivement sommaire.
En ce qui concerne la qualité de seul maître de l'affaire :
8. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : / 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; / (...) ". Il incombe, en principe, à l'administration d'apporter la preuve que le contribuable a effectivement disposé des sommes regardées par elle comme distribuées par une société. Toutefois, le contribuable qui, disposant seul des pouvoirs les plus étendus au sein de la société, est en mesure d'user sans contrôle de ses biens comme de biens qui lui sont propres et doit ainsi être regardé comme le seul maître de l'affaire, est présumé avoir appréhendé les distributions effectuées par la société qu'il contrôle. L'invocation de cette présomption pour établir l'appréhension des sommes en cause ne dispense pas l'administration d'établir, au préalable, que ces sommes correspondent, pour la société versante, à un désinvestissement.
9. Les suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales en litige procèdent, ainsi qu'il a été dit au point 1, de l'inclusion dans les revenus imposables de M. B..., dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, sur le fondement des dispositions précitées du 1° du 1. de l'article 109 du code général des impôts, de sommes correspondant à un rehaussement des bénéfices de la SASU EGMC au titre de l'exercice clos en 2015, et regardées comme des revenus distribués par cette société à M. B..., que l'administration a considéré comme le seul maître de l'affaire.
10. D'une part, ainsi que le confirme le ministre, eu égard à la situation d'opposition à contrôle fiscal dans laquelle elle s'est placé et qui a conduit à ce que le service vérificateur n'ait accès à aucune comptabilité pour mettre en œuvre son contrôle, la SASU EGMC, en l'absence d'indice en ce sens, ne peut être regardée comme ayant mis en réserve ou incorporé à son capital les bénéfices ainsi reconstitués, lesquels doivent être regardés comme ayant été désinvestis, alors surtout que, comme il a été dit au point 4, le service a mis en évidence, sur les relevés des comptes bancaires de la SASU EGMC, des débits ayant, au cours de l'année 2015, profité à M. B... ou à son épouse pour un montant total de 359 106 euros, excédant d'ailleurs le bénéfice reconstitué de cette société, de 249 473 euros.
11. D'autre part, l'administration a entendu, en ce qui concerne les bénéfices de la SASU EGMC, se prévaloir, pour fonder les suppléments d'impôt et de prélèvements sociaux en litige, de la présomption d'appréhension attachée à la qualité de seul maître de l'affaire, après avoir estimé, à partir d'un faisceau d'indices, que cette qualité devait être attribuée à M. B.... Au nombre de ces indices figure le fait que l'intéressé était l'associé unique et le dirigeant statutaire de la SASU EGMC au cours de l'année 2015. L'administration a retenu, en outre, après avoir fait usage de son droit de communication auprès des établissements bancaires détenteurs des comptes bancaires de la société, le fait que M. B... disposait seul, au cours de la même année, du pouvoir de mouvementer ces comptes, ce qui lui a permis d'effectuer, à hauteur de montants importants, des virements au profit de son foyer fiscal ainsi que des retraits en espèces, et qu'il avait la disposition d'une carte bancaire émise au nom de la société, avec laquelle il a payé de nombreuses dépenses ne se rattachant manifestement pas à l'intérêt de l'entreprise.
12. En soutenant qu'il n'a fait qu'exercer les fonctions de dirigeant de la SASU EGMC, qui avait une activité réelle, sans outrepasser les limites de ces fonctions et sans qu'aucun enrichissement personnel ni aucune confusion de patrimoine ne puisse, à ses yeux, lui être imputé, M. B... ne conteste pas sérieusement les indices, exposés au point précédent, avancés par l'administration, qui doivent être regardés comme établissant que celui-ci était, au cours de l'année d'imposition 2015 en litige, le seul maître de l'affaire, laquelle qualification n'est, contrairement à ce qu'il allègue, pas privée de sa portée au seul motif qu'elle est invoquée pour établir l'appréhension, par un contribuable, de revenus distribués par une société unipersonnelle.
Sur les pénalités :
13. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; / (...) ".
14. Pour justifier l'application aux suppléments d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux résultant des rehaussements notifiés à M. et Mme B... dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers et se rapportant aux revenus réputés distribués, au titre de l'année 2015, par la SASU EGMC, de la majoration de 40 % prévue, en cas de manquement délibéré, par les dispositions précitées de l'article 1729 du code général des impôts, le ministre fait valoir, en se référant aux termes de la proposition de rectification adressée aux intéressés le 26 décembre 2016, que M. B..., en tant que dirigeant et associé unique de la SASU EGMC, n'a pas souscrit, au nom de cette société, les déclarations fiscales auxquelles celle-ci était tenue, qu'il a effectué, à partir du compte bancaire de cette société, pour un montant total de 359 106 euros, des virements sur ses comptes bancaires personnels, ainsi que des retraits en espèces, et qu'il a réglé, à l'aide de la carte bancaire de la SASU EGMC, des dépenses étrangères à l'intérêt de l'entreprise, représentant un montant de 12 970 euros. Le ministre ajoute qu'en ne reportant pas ces sommes sur la déclaration de revenus qu'il a souscrite, avec son épouse, au titre de l'année 2015, M. B..., qui ne pouvait ignorer qu'il bénéficiait, de la part de la SASU EGMC, de revenus distribués et d'avantages occultes imposables, a délibérément cherché à minorer l'imposition due par son foyer fiscal. Par ces éléments, qui ne tirent aucune conséquence de la situation d'opposition à contrôle fiscal dans laquelle la SASU EGMC s'est placée, le ministre doit être regardé comme apportant la preuve, qui lui incombe, de l'intention délibérée d'éluder l'impôt qui a animé M. B..., qui, eu égard à ce qui a été dit aux points 4 et 10, ne peut sérieusement soutenir n'avoir effectivement perçu aucune somme de la SASU EGMC. Dès lors, l'administration, qui n'a pas imputé à M. B..., en méconnaissance du principe de personnalité des peines, des manquements imputables à la SASU EGMC, doit être regardée comme justifiant du bien-fondé de la majoration de 40 % prévue, en cas de manquement délibéré, par les dispositions précitées de l'article 1729 du code général des impôts.
15. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux en litige. Par voie de conséquence, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre, ses conclusions tendant à la restitution des sommes qu'il aurait acquittées à ce titre, assortie des intérêts moratoires prévus à l'article L. 208 du livre des procédures fiscales, doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.
Délibéré après l'audience publique du 30 mars 2023 à laquelle siégeaient :
- M. Christian Heu, président de chambre,
- M. Mathieu Sauveplane, président-assesseur,
- M. Jean-François Papin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 avril 2023.
Le rapporteur,
Signé : J.-F. PapinLe président de chambre,
Signé : C. Heu
La greffière,
Signé : N. Roméro
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
La greffière,
Nathalie Roméro
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N°21DA02052
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N°"Numéro"