Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 17 mars 2022 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2201698 du 29 septembre 2022, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire non communiqué, enregistrés les 6 novembre 2022 et 19 mars 2023, M. B..., représenté par Me Magali Leroy, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 17 mars 2022 du préfet de la Seine-Maritime ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans un délai de huit jours ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté est insuffisamment motivé ;
- le préfet n'a pas examiné sa demande de façon complète ;
- le refus de séjour est contraire à l'article 3 de l'accord franco-tunisien ;
- l'arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- l'illégalité entachant le refus de séjour prive de base légale l'obligation de quitter le territoire français ;
- l'arrêté méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que la jurisprudence Diaby ;
- l'illégalité entachant l'obligation de quitter le territoire français prive de base légale la décision octroyant un délai de départ volontaire et celle fixant le pays de destination.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 février 2023, le préfet de la Seine-Maritime conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 24 février 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 20 mars 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord du 17 mars 1988 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Tunisie en matière de séjour et de travail ;
- l'accord franco-tunisien relatif aux échanges de jeunes professionnels du 4 décembre 2003 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ressortissant tunisien né le 4 juin 1996, est entré en France le 19 octobre 2019 muni d'un visa de long séjour " jeune professionnel " valable du 9 octobre 2019 au 9 septembre 2020. A l'expiration de son visa, il a sollicité son admission au séjour sur le fondement du 2° de l'article L. 313-10 " travailleur temporaire " du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version en vigueur avant le 1er mai 2021, devenu L. 421-3. Il s'est vu délivrer un titre de séjour temporaire valable jusqu'au 20 mars 2021. Le 19 mars 2021, il a sollicité son admission au séjour en tant que " salarié " sur le fondement de l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988. Par un arrêté du 17 mars 2022, le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. B... relève appel du jugement du 29 septembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En premier lieu, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'arrêté du 17 mars 2022 doit être écarté par adoption des motifs retenus par les premiers juges.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 : " Les ressortissants tunisiens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent Accord, reçoivent, après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an et renouvelable et portant la mention "salarié" (...) ". Aux termes de l'article 1er de l'accord franco-tunisien relatif aux échanges de jeunes professionnels du 4 décembre 2003, publié par décret n°2004-579 du 17 juin 2004 : " Les dispositions du présent Accord sont applicables à des ressortissants français ou tunisiens entrant dans la vie active ou ayant une expérience professionnelle et qui se rendent dans l'autre Etat pour approfondir leur connaissance et leur compréhension de l'Etat d'accueil et de sa langue, ainsi que pour améliorer leurs perspectives de carrière, grâce à une expérience de travail salarié dans un établissement à caractère sanitaire ou social, une entreprise agricole, artisanale, industrielle ou commerciale dudit Etat. / Ces ressortissants, ci-après dénommés " jeunes professionnels ", sont autorisés à occuper un emploi dans les conditions fixées au présent Accord, sans que la situation du marché du travail de l'Etat d'accueil, dans la profession dont il s'agit, puisse être prise en considération. (...) ". Aux termes de l'article 3 de ce même accord : " La durée autorisée de l'emploi peut varier de trois à douze mois et faire éventuellement l'objet d'une prolongation de six mois. / Avant de quitter leur pays, les jeunes professionnels français et tunisiens doivent s'engager à ne pas poursuivre leur séjour dans l'Etat d'accueil à l'expiration de la période autorisée, ni à prendre un emploi autre que celui prévu aux termes des conditions de leur entrée dans l'Etat d'accueil. (...) ". Il résulte des termes mêmes de ces stipulations que ces dernières ne sauraient être regardées comme permettant à un jeune professionnel ni de prendre un emploi autre que celui prévu aux termes des conditions de son entrée dans l'Etat d'accueil, ni, à l'issue de la période au titre de laquelle il a été autorisé à travailler, à poursuivre son séjour dans cet Etat.
4. M. B... a été autorisé à entrer en France à compter du 9 octobre 2019 sous couvert d'un visa long séjour " jeune professionnel " et a bénéficié, à l'expiration de la validité de son visa, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " travailleur temporaire " en tant que jeune professionnel valable jusqu'au 20 mars 2021, en application des accords bilatéraux précités du 4 décembre 2003. Comme il a été dit au point précédent, ces stipulations n'autorisent que temporairement le séjour en France et obligent le jeune professionnel tunisien à ne pas poursuivre son séjour à l'issue de sa période d'emploi ni à prendre un emploi autre que celui prévu aux termes des conditions de son entrée dans l'Etat d'accueil. Ainsi, le préfet de la Seine-Maritime pouvait légalement refuser à M. B... la délivrance d'un titre de séjour " salarié " pour ce motif. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 3 de la convention franco-tunisienne du 17 mars 1988, du défaut d'examen sérieux de la demande et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.
5. En troisième lieu, M. B..., entré en France à l'âge de 23 ans, n'a été autorisé à y séjourner que pour une période limitée du 9 octobre 2019 au 20 mars 2021. Il n'est pas contesté qu'il est célibataire et sans enfant. S'il se prévaut de la présence en France de ses trois frères, il ne démontre pas que l'arrêté attaqué porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
6. En quatrième lieu, le moyen tiré de ce que l'obligation de quitter le territoire français serait contraire à la jurisprudence " Diaby " n'est assorti d'aucun élément permettant au juge d'en apprécier le bien-fondé.
7. En dernier lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment que M. B... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité du refus de titre de séjour à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français, ni d'exciper de l'illégalité de la mesure d'éloignement à l'encontre des décisions octroyant un délai de départ volontaire de trente jours et fixant le pays de destination.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 mars 2022. Ses conclusions à fin d'annulation doivent donc être rejetées, ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie sera adressée au préfet de la Seine-Maritime.
Délibéré après l'audience publique du 28 mars 2023 à laquelle siégeaient :
- Mme Anne Seulin, présidente de chambre,
- M. Marc Baronnet, président-assesseur,
- M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 avril 2023.
Le rapporteur,
Signé : G. VandenbergheLa présidente de chambre,
Signé : A. Seulin
La greffière,
Signé : A.S. Villette
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
La greffière,
Anne-Sophie Villette
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N°22DA02334