Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... F... D... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 1er février 2022 par lequel la préfète de l'Oise a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2200718 du 19 mai 2022, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 27 juillet et 25 novembre 2022, Mme D..., représentée par Me Mazen Fakih puis par Me Caroline Nouvion, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté de la préfète de l'Oise du 1er février 2022 ;
3°) d'enjoindre à la préfète de l'Oise de lui délivrer un titre de séjour sous astreinte de 200 euros par jour de retard ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de quinze jours et de lui délivrer dans cette attente une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;
4°) de condamner l'État à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761 1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que l'arrêté attaqué :
- est entaché d'un défaut d'examen préalable de sa situation ;
- méconnaît les articles L. 423-5 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- est entaché d'erreur manifeste d'appréciation.
La requête a été communiquée à la préfète de l'Oise, qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Des pièces complémentaires ont été produites par Mme D... les 6 février et 3 mars 2023.
Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 juin 2022 rectifiée par une décision du 15 décembre 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord du 9 octobre 1987 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Anne Seulin, présidente de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... F... D..., ressortissante marocaine née le 22 août 1998, est entrée en France 14 janvier 2017 après avoir épousé un Français, M. E... A..., le 20 mai 2016 au Maroc. Elle a formé le 6 décembre 2021 une demande de titre de séjour de dix ans, qui a été rejetée par la préfète de l'Oise par un arrêté du 1er février 2022 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixation du pays de destination. Mme D... fait appel du jugement du 19 mai 2022 du tribunal administratif d'Amiens ayant rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté préfectoral.
2. Il ressort des termes mêmes de l'arrêté préfectoral du 1er février 2022, qui examine les différents fondements juridiques susceptibles d'être appliqués à la situation de Mme D... ainsi que les éléments de fait de sa situation personnelle et familiale, que la préfète de l'Oise a procédé à un examen préalable sérieux de sa situation. Le moyen sera donc écarté.
3. Aux termes de l'article L. 423-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant français, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an lorsque les conditions suivantes sont réunies : / 1° La communauté de vie n'a pas cessé depuis le mariage ; / 2° Le conjoint a conservé la nationalité française ;/ 3° Lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, il a été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ". Aux termes de l'article L. 423-3 du même code : " Lorsque la rupture du lien conjugal ou la rupture de la vie commune est constatée au cours de la durée de validité de la carte de séjour prévue aux articles L. 423-1 ou L. 423-2, cette dernière peut être retirée. / Le renouvellement de la carte est subordonné au maintien du lien conjugal et de la communauté de vie avec le conjoint qui doit avoir conservé la nationalité française ". Aux termes de l'article L. 423-5 de ce code : " La rupture de la vie commune n'est pas opposable lorsqu'elle est imputable à des violences familiales ou conjugales. En cas de rupture de la vie commune imputable à des violences familiales ou conjugales subies après l'arrivée en France du conjoint étranger, mais avant la première délivrance de la carte de séjour temporaire, le conjoint étranger se voit délivrer la carte de séjour prévue à l'article L. 423-1 sous réserve que les autres conditions de cet article soient remplies ". L'article L. 423-6 ajoute : " L'étranger marié depuis au moins trois ans avec un ressortissant français se voit délivrer une carte de résident d'une durée de dix ans à condition qu'il séjourne régulièrement en France depuis trois ans et que la communauté de vie entre les époux n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ".
4. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... F... D... s'est mariée le 20 mai 2016 au Maroc avec M. ..., de nationalité française et qu'elle est venue rejoindre son époux six mois plus tard, le 14 janvier 2017, en étant munie d'un visa de long séjour en qualité de conjointe de ressortissant français. Le 16 mars 2017, Mme D... a porté plainte pour des violences conjugales qui auraient été commises par son époux le 8 mars précédent et qui auraient entraîné la rupture de la vie commune le 9 mars 2017. Il ressort toutefois des pièces du dossier et, notamment, du procès-verbal d'audition, que Mme D... a refusé de se faire examiner par un médecin de l'UML, puis que son dépôt de plainte a été classé sans suite, qu'elle n'a pas bénéficié d'une ordonnance de protection telle que prévue par l'article 515-9 du code civil et que c'est ... qui a engagé la procédure de divorce, le 4 mai 2017, en lui reprochant de ne s'être mariée avec lui qu'en vue d'obtenir un titre de séjour en qualité de conjointe d'un ressortissant français et de l'avoir trompé sur ses intentions matrimoniales réelles, l'intéressée ayant quitté le domicile conjugal le 9 mars 2017 après seulement un mois et vingt-six jours de vie commune. Si une violente dispute a eu lieu le 8 mars 2017, les circonstances du départ de Mme D... demeurent floues, son époux a été laissé libre après avoir été entendu par les services de police le 11 mars 2017 et les attestations produites par Mme D..., datées de plusieurs mois après les faits, émanent toutes de membres de sa famille. Dès lors, les éléments produits par l'intéressée ne suffisent pas à établir qu'elle aurait été victime des violences conjugales alléguées. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 423-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sera donc écarté.
5. Ensuite, Mme D... ne démontre pas avoir formé une demande d'admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de sorte qu'elle ne peut se prévaloir de la méconnaissance de ces dispositions dès lors que le préfet n'est pas tenu d'examiner la demande de titre de séjour sur un autre fondement que celui invoqué.
6. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ". Il ressort des pièces du dossier que Mme D... est actuellement en procédure de divorce avec ... et qu'elle n'a pas de charge de famille. Si sa mère s'est mariée, le 3 novembre 2018, avec un ressortissant français et vit désormais en France et si d'autres membres de sa famille, des cousines et des tantes, vivent également sur le territoire national, Mme D... ne démontre pas être dépourvue de toute attache familiale au Maroc, où elle a vécu jusqu'à l'âge de 19 ans. Si elle produit un acte de consentement à une adoption simple par le mari français de sa mère, cet acte de consentement, daté du 2 août 2022, est postérieur à l'arrêté attaqué et est donc sans incidence sur sa légalité, alors, au demeurant, que Mme D... est majeure et ne justifie pas de la nécessité de rester près de sa mère. Dès lors, alors même qu'elle a été recrutée dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée daté du 31 décembre 2021 en qualité d'aide à domicile, Mme D... ne démontre pas que la préfète aurait porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales sera donc écarté. Compte tenu de l'ensemble de la situation de la requérante, la préfète de l'Oise n'a pas non plus commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de son arrêté préfectoral sur la situation de Mme D....
7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande. Sa requête doit donc être rejetée, y compris ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... F... D..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Caroline Nouvian.
Copie sera adressée à la préfète de l'Oise.
Délibéré après l'audience publique du 28 mars 2023 à laquelle siégeaient :
- Mme Anne Seulin, présidente de chambre ;
- M. Marc Baronnet, président-assesseur ;
- M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 avril 2023.
Le président-assesseur,
Signé : M. C...La présidente de chambre,
Signé : A. Seulin
La greffière,
Signé : A.S. Villette
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
La greffière,
Anne-Sophie Villette
2
N°22DA01643