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11/04/2023 | FRANCE | N°22DA01379

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3, 11 avril 2023, 22DA01379


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 27 août 2021 par lequel le préfet du Pas-de-Calais lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure, d'enjoindre au préfet du Pas-de-Calais de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir, s

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 27 août 2021 par lequel le préfet du Pas-de-Calais lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure, d'enjoindre au préfet du Pas-de-Calais de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour dans les mêmes conditions de délais et d'astreinte.

Par un jugement n° 2108846 du 2 mars 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 29 juin 2022, Mme B... épouse C..., représentée par Me Marie-Hélène Calonne, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 27 août 2021 du préfet du Pas-de-Calais ;

3°) d'enjoindre au préfet du Pas-de-Calais de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai de quinze jours à compter de la décision à intervenir et sous astreinte de 500 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le même délai et sous la même astreinte ;

4°) de mettre à la charge du préfet du Pas-de-Calais la somme de 1 500 euros à verser à Me Marie-Hélène Calonne, sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la décision portant refus de délivrance d'un certificat de résidence est insuffisamment motivée et est entachée d'un vice de procédure dès lors qu'elle n'a pas été précédée de la saisine de la commission du titre de séjour ;

- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle et le préfet n'a pas fait usage de son entier pouvoir d'appréciation en refusant d'examiner la demande de regroupement familial sur place ;

- le préfet a méconnu les dispositions de l'article 6 de l'accord franco-algérien et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un certificat de résidence ;

- elle méconnaît les dispositions des articles 3-1 et 16 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et est aussi entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision fixant le pays de destination est illégale en raison de l'illégalité des décisions refusant la délivrance d'un certificat de résidence et portant obligation de quitter le territoire français.

La requête a été communiquée au préfet du Pas-de-Calais, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Mme B... épouse C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 mai 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Anne Seulin, présidente de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... B... épouse C..., ressortissante algérienne, née le 7 mars 1993, est entrée pour la dernière fois sur le territoire français le 5 novembre 2019 sous couvert de son passeport national revêtu d'un visa court séjour délivré par les autorités espagnoles à Alger, valable du 30 août 2019 au 29 novembre 2019. Elle relève appel du jugement du 2 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 27 août 2021 par lequel le préfet du Pas-de-Calais lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes des stipulations de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) / Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) / 5. Au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; / (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... épouse C... a contracté mariage en France le 14 octobre 2019 avec un compatriote titulaire d'un certificat de résidence de dix ans, qu'elle est retournée en Algérie raccompagner ses parents et est revenue sur le territoire français le 5 novembre 2019 en étant munie d'un visa de court séjour venant à expiration le 30 novembre 2019. Le couple a eu un enfant né le 26 août 2020 en France et Mme B... épouse C... a déposé une demande de titre de séjour le 19 octobre 2020 au titre de sa vie privée et familiale. Mme B... épouse C... se prévaut également de la présence en France d'un autre frère et d'un cousin, ainsi que de difficultés de santé du fait d'une opération de pose d'une prothèse de hanche le 23 juillet 2021. Dès lors, au vu de l'ensemble de la situation de Mme B... épouse C... et, notamment, compte tenu de la durée de dix ans du titre de séjour détenu par son époux en France, de la présence d'un enfant âgé d'un an à la date l'arrêté attaqué et de ce que le mariage avait été célébré depuis près de deux ans à la date de l'arrêté attaqué, en refusant de lui délivrer un certificat de résidence algérien, le préfet du Pas-de-Calais doit être regardé comme ayant porté une atteinte disproportionnée au droit de Mme B... épouse C... au respect de sa vie privée et familiale, en méconnaissance des stipulations précitées. Mme B... épouse C... est donc fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 2 mars 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 27 août 2021 du préfet du Pas-de-Calais. Il y a donc lieu de prononcer l'annulation de ce jugement et de l'arrêté préfectoral du 27 août 2021 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de destination.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

4. Compte tenu des motifs d'annulation du présent arrêt, il y a lieu d'enjoindre au préfet du Pas-de-Calais de délivrer à Mme B... épouse C... un certificat de résidence algérien d'une durée d'un an au titre de sa vie privée et familiale, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à la demande d'astreinte.

Sur les frais liés au litige :

5. En application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, il y a lieu de condamner l'État à verser à Me Marie-Hélène Calonne la somme de 1 000 euros, sous réserve de sa renonciation à la part contributive de l'État.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lille du 2 mars 2022 et l'arrêté du préfet du Pas-de-Calais du 27 août 2021 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Pas-de-Calais de délivrer à Mme B... épouse C... un certificat de résidence algérien d'une durée d'un an au titre de sa vie privée et familiale, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'État versera à Me Marie-Hélène Calonne la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation à la part contributive de l'État.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... épouse C..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer, au préfet du Pas-de-Calais et à Me Marie-Hélène Calonne.

Délibéré après l'audience publique du 28 mars 2023 à laquelle siégeaient :

- Mme Anne Seulin, présidente de chambre ;

- M. Marc Baronnet, président-assesseur ;

- M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 avril 2023.

Le président-assesseur,

Signé : M. D...La présidente de chambre,

Signé : A. Seulin

La greffière,

Signé : A.S. Villette

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

La greffière,

Anne-Sophie Villette

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 22DA01379
Date de la décision : 11/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Seulin
Rapporteur ?: Mme Anne Seulin
Rapporteur public ?: M. Toutias
Avocat(s) : CALONNE

Origine de la décision
Date de l'import : 16/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-04-11;22da01379 ?
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