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11/04/2023 | FRANCE | N°21DA01254

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3, 11 avril 2023, 21DA01254


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G... J... épouse A..., Mme E... J... épouse I... et M. D... J... ont demandé au tribunal administratif de Lille de condamner le centre hospitalier de Roubaix à leur verser la somme de 90 000 euros en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis lors de la prise en charge de leur défunte mère du 1er au 10 octobre 2012.

Par un jugement n° 1710779 du 7 avril 2021, le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un

mémoire, enregistrés les 7 juin 2021 et 3 juin 2022, les consorts J..., représentés par Me ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G... J... épouse A..., Mme E... J... épouse I... et M. D... J... ont demandé au tribunal administratif de Lille de condamner le centre hospitalier de Roubaix à leur verser la somme de 90 000 euros en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis lors de la prise en charge de leur défunte mère du 1er au 10 octobre 2012.

Par un jugement n° 1710779 du 7 avril 2021, le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 7 juin 2021 et 3 juin 2022, les consorts J..., représentés par Me Thomas Certin, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner le centre hospitalier de Roubaix à leur verser la somme globale de 118 578,36 euros en réparation de leurs préjudices ;

3°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise afin d'évaluer le taux de perte de chance et la qualité des soins apportés par le centre hospitalier à leur mère et de leur verser chacun la somme de 5 000 euros à titre de provision à valoir sur leurs préjudices ;

4°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Roubaix une somme de 5 000 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens de l'instance.

Ils soutiennent que :

- le décès de leur mère est secondaire à la fracture du tibia et l'apparition d'escarres sacrées ainsi qu'à sa dénutrition ;

- la faute est constituée par l'absence de traçabilité de l'évaluation du risque d'escarres et de la dénutrition de la patiente pointée par les experts, alors que leur mère est restée à jeun pendant 63 heures ;

- ces manquements ont fait perdre à Mme J... une chance de survivre qui sera évaluée à 50 % ;

- leurs préjudices sont constitués, en qualité d'ayants droits, par les souffrances endurées par leur mère, son préjudice esthétique temporaire, son préjudice d'angoisse de mort imminente et, en leur qualité de victimes par ricochet, par les frais d'obsèques, les frais divers, leur préjudice d'affection et leur préjudice d'accompagnement.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 avril 2022, le centre hospitalier de Roubaix, représenté par la société d'avocats Le Prado-Gilbert, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) de mettre à la charge solidaire des consorts J... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que les moyens soulevés par les appelants ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 2 septembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 4 octobre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. H... K...,

- et les conclusions de M. Guillaume Toutias, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Le 28 septembre 2012, Marie J..., alors âgée de 85 ans, a été victime d'une chute à son domicile et s'est fracturée le tibia droit. Elle a été prise en charge le même jour par le service des urgences du centre hospitalier de Roubaix où elle a subi le 1er octobre 2012 une intervention chirurgicale d'ostéosynthèse par mise en place d'une plaque verrouillée. Les suites opératoires ont été marquées par un déséquilibre important de son diabète et, à partir du 5 octobre 2012, des escarres sacrées et sur les deux talons ont été constatées. Le 10 octobre 2012, Marie J... a été transférée à la clinique Saint-Jean à Roubaix en vue de sa rééducation. A la suite de complications, l'intéressée a effectué plusieurs séjours aux centres hospitaliers de Wattrelos et de Roubaix. A la suite de la dégradation de son état de santé, elle a été admise à la clinique de Villeneuve d'Ascq, où elle est décédée le 26 mars 2013.

2. Insatisfaite de la prise en charge de sa mère au centre hospitalier de Roubaix et imputant le décès de celle-ci à des manquements commis par cet établissement hospitalier, Mme G... J... épouse A..., sa fille, a présenté, le 28 août 2015, une demande d'indemnisation auprès de la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (CCI), qui a désigné le professeur F... en qualité d'expert. A la suite de la remise du rapport d'expertise le 23 décembre 2015, la CCI a sursis à statuer dans l'attente d'une contre-expertise confiée à un collège d'experts, composé du professeur C... et du docteur B.... Au vu du rapport d'expertise du 14 août 2016, la commission a rejeté, par son avis du 18 octobre 2016, la demande d'indemnisation. Par ordonnance n° 1704164 du 21 juin 2017, le président du tribunal administratif de Lille a rejeté la demande d'expertise des consorts J.... Cette ordonnance a été confirmée en appel par l'ordonnance n° 17DA01324 du 20 septembre 2017 du juge des référés de la cour administrative d'appel de Douai. Les consorts J... ont, le 18 décembre 2017, sollicité une indemnisation auprès du centre hospitalier de Roubaix, qui a implicitement rejeté leur demande. Ils relèvent appel du jugement du 7 avril 2021 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute ".

4. Il résulte de l'instruction et, notamment, des rapports d'expertise des 23 décembre 2015 et 14 août 2016 que Mme J... présentait un état antérieur fragilisé par l'âge et par plusieurs pathologies dont un diabète insulino-dépendant et une artériopathie oblitérante des membres inférieurs. Si les appelants mettent en cause le centre hospitalier de Roubaix en raison d'une prise en charge insuffisante du risque d'apparition d'escarres et de dénutrition, il résulte des rapports d'expertise que le comportement des équipes médicales a été conforme aux règles de l'art lors du séjour de l'intéressée, le 28 septembre 2012, pour la prise en charge de sa fracture du tibia. Le collège d'experts précise que le délai écoulé entre l'entrée à l'hôpital, le 28 septembre 2012, et l'intervention chirurgicale, trois jours plus tard, est justifié par des précautions nécessitées par son état de santé antérieur et, en particulier, par le suivi d'un traitement anticoagulant. En outre, dès lors que la fracture du tibia interdisait un appui pendant plusieurs semaines, l'existence de deux maladies sous-jacentes graves - l'artériopathie évoluée des membres inférieurs et le diabète de type 2 - rendaient la probabilité de survenue d'escarres très élevée, " quasiment inévitable " selon les termes de l'expertise du 16 août 2016 et, dans un tel contexte, l'interdiction de poser le pied impliquait une perte d'autonomie importante et prolongée. Il résulte enfin des conclusions expertales que les complications constatées lors de l'hospitalisation du 28 septembre au 10 octobre 2012, à savoir une hémorragie digestive et des surinfections de l'escarre sacrée imposant un drainage, n'ont pas de lien direct avec la survenue du décès, même si ces complications ont aggravé la dénutrition qui s'était installée et la perte d'autonomie. Les experts n'ont pas conclu à des manquements dans la prévention des escarres et ont par ailleurs conclu à une prise en charge conforme du problème nutritionnel. Dès lors, contrairement à ce que soutiennent les consorts J..., le décès de leur mère est lié à son état de santé antérieur qui l'exposait aux complications qu'elle a subies et à la fracture elle-même qui a eu un impact sur sa perte d'autonomie. Dans ces conditions, en l'absence de faute commise par le centre hospitalier de Roubaix lors de la prise en charge de Mme J..., les appelants ne sont pas fondés à rechercher la responsabilité de cet établissement de santé.

5. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il y ait lieu d'ordonner une nouvelle expertise, que les consorts J... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande.

Sur les frais liés au litige :

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier de Roubaix, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que les consorts J... demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge des appelants la somme demandée par le centre hospitalier de Roubaix au même titre.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête des consorts J... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le centre hospitalier de Roubaix au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme G... J... épouse A..., à Mme E... J... épouse I..., à M. D... J... et au centre hospitalier de Roubaix.

Délibéré après l'audience publique du 28 mars 2023 à laquelle siégeaient :

- Mme Anne Seulin, présidente,

- M. Marc Baronnet, président-assesseur,

- M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 avril 2023.

Le rapporteur,

Signé : G. K...La présidente de chambre,

Signé : A. Seulin

La greffière,

Signé : A.S. Villette

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

La greffière,

Anne-Sophie Villette

2

N°21DA01254


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 21DA01254
Date de la décision : 11/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme Seulin
Rapporteur ?: M. Guillaume Vandenberghe
Rapporteur public ?: M. Toutias
Avocat(s) : CABINET LE PRADO-GILBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 16/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-04-11;21da01254 ?
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