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30/03/2023 | FRANCE | N°21DA02907

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 30 mars 2023, 21DA02907


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif d'Amiens de prononcer la décharge en droits et pénalités des cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2016.

Par un jugement n° 1901535 du 21 octobre 2021, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 20 décembre 2021 et un mémoire du 11 mai 2022, M. C..., représenté par Me Bordet puis dans s

es dernières écritures par Me Forest, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif d'Amiens de prononcer la décharge en droits et pénalités des cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2016.

Par un jugement n° 1901535 du 21 octobre 2021, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 20 décembre 2021 et un mémoire du 11 mai 2022, M. C..., représenté par Me Bordet puis dans ses dernières écritures par Me Forest, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Amiens ;

2°) de prononcer la décharge des impositions et des pénalités en litige pour un montant de 68 529 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le foyer de M. et Mme C... était situé au Portugal en 2016 de sorte qu'ils n'étaient pas résidents fiscaux en France à cette date ; ils n'ont séjourné que 128 jours en France en 2016 ;

- il n'existe pas de résidence fiscale en France au regard de la convention fiscale franco-portugaise de 1971 ;

- le risque de double imposition est avéré dès lors qu'il est considéré comme résident fiscal au Portugal par l'administration fiscale portugaise.

Par un mémoire en défense enregistré le 22 avril 2022 et un mémoire, non communiqué, enregistré le 24 juin 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête de M. C... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 2 juin 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 30 juin 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention signée entre la France et le Portugal le 14 janvier 1971 tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative réciproque en matière d'impôts sur le revenu ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Sauveplane, président assesseur,

- et les conclusions de M. Arruebo-Mannier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... C..., qui exerce la profession de consultant au sein de la société par actions simplifiée (SAS) Montvallon Expertise située en France, dont il est associé et salarié, a déposé, après relance de l'administration fiscale, une déclaration des revenus perçus en 2016. Il a donc été assujetti à l'impôt sur le revenu en France au titre de l'année 2016 selon ses déclarations. Par réclamations des 3 et 26 octobre 2018, le contribuable a contesté son assujettissement à l'impôt sur le revenu en France et demandé la décharge de la cotisation primitive dont il s'est acquitté au titre de l'année 2016. Par une décision du 6 mars 2019, le service a rejeté cette réclamation. M. C... demande l'annulation du jugement du 21 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à la décharge de cette imposition.

Sur le principe de l'assujettissement à l'impôt en France :

2. Si une convention bilatérale conclue en vue d'éviter les doubles impositions peut, en vertu de l'article 55 de la Constitution, conduire à écarter, sur tel ou tel point, la loi fiscale nationale, elle ne peut pas, par elle-même, directement servir de base légale à une décision relative à l'imposition. Il incombe au juge de l'impôt, lorsqu'il est saisi d'une contestation relative à une telle convention, de se placer d'abord au regard de la loi fiscale nationale pour rechercher si, à ce titre, l'imposition contestée a été valablement établie et, dans l'affirmative, sur le fondement de quelle qualification. Il lui appartient ensuite, le cas échéant, en rapprochant cette qualification des stipulations de la convention, de déterminer - en fonction des moyens invoqués devant lui ou même, s'agissant de déterminer le champ d'application de la loi, d'office - si cette convention fait ou non obstacle à l'application de la loi fiscale.

En ce qui concerne le droit interne :

3. Aux termes de l'article 4 A du code général des impôts : " Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus. ". A ceux de l'article 4 B du même code dans sa rédaction en vigueur pour l'année en litige : " 1. Sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France au sens de l'article 4 A : a. Les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal ; b. Celles qui exercent en France une activité professionnelle, salariée ou non, à moins qu'elles ne justifient que cette activité y est exercée à titre accessoire ; c. Celles qui ont en France le centre de leurs intérêts économiques. 2. Sont également considérés comme ayant leur domicile fiscal en France les agents de l'Etat qui exercent leurs fonctions ou sont chargés de mission dans un pays étranger et qui ne sont pas soumis dans ce pays à un impôt personnel sur l'ensemble de leurs revenus. Celles dont le domicile fiscal est situé hors de France sont passibles de cet impôt en raison de leurs seuls revenus de source française. ".

4. Aux termes de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré. Il en est de même lorsqu'une imposition a été établie d'après les bases indiquées dans la déclaration souscrite par un contribuable ou d'après le contenu d'un acte présenté par lui à la formalité de l'enregistrement. ".

5. Il appartient au contribuable dont les impositions ont été établies conformément à ses propres déclarations de justifier qu'il ne remplissait pas les conditions pour être assujetti à l'impôt en France au titre de la même année.

6. Si M. C... fait valoir qu'il réside au Portugal où il a loué une maison à compter du 15 février 2016, il est constant qu'il a indiqué, dans ses déclarations d'impôt sur le revenu des années 2013 à 2017, résider au 8 rue Saint-Geoffroy à Amiens. Il figure comme deuxième occupant sur la déclaration de taxe d'habitation pour cette adresse au titre de l'année 2016 et ses relevés bancaires font état de nombreuses dépenses en France pendant l'année 2016. Par suite, il doit être regardé comme ayant son foyer en France en 2016. Dès lors, M. C... a son domicile fiscal en France en application du a. du 1 de l'article 4 B du code général des impôts au titre de l'année 2016 et il n'apporte pas la preuve qu'il remplissait les conditions pour ne pas être assujetti à l'impôt en France au titre de cette année.

7. En tout état de cause, à supposer même que le foyer fiscal de M. et Mme C... soit situé au Portugal pendant l'année 2016, il est constant que M. C... est salarié de la SARL Montvallon Expertise, dont le siège est en France, et a déclaré un salaire de 149 445 euros pour l'année 2016. M. C... ne justifie pas que cette activité serait accessoire. Par suite, il doit être regardé comme exerçant en France une activité professionnelle non accessoire et la circonstance qu'il n'a séjourné en France que 128 jours en 2016 reste sans incidence à cet égard. Par suite, c'est à bon droit que M. et Mme C... ont été imposés en France et assujettis à l'impôt sur le revenu au titre de l'année 2016.

En ce qui concerne l'application de la convention internationale franco-portugaise :

8. Aux termes de l'article 4 de la convention franco-portugaise du 14 janvier 1971 : " 1. Au sens de la présente convention, l'expression " résident d'un État contractant " désigne toute personne qui, en vertu de la législation dudit État, est assujettie à l'impôt dans cet État, en raison de son domicile, de sa résidence, de son siège de direction ou de tout autre critère de nature analogue. 2. Lorsque, selon la disposition du paragraphe 1, une personne physique est considérée comme résident de chacun des États contractants, le cas est résolu d'après les règles suivantes : a. Cette personne est considérée comme résident de l'État contractant où elle dispose d'un foyer d'habitation permanent. Lorsqu'elle dispose d'un foyer d'habitation permanent dans chacun des États contractants, elle est considérée comme résident de l'État contractant avec lequel ses liens personnels et économiques sont les plus étroits (centre des intérêts vitaux) ; b. Si l'État contractant où cette personne a le centre de ses intérêts vitaux ne peut pas être déterminé, ou si elle ne dispose d'un foyer d'habitation permanent dans aucun des États contractants, elle est considérée comme résident de l'État contractant où elle séjourne de façon habituelle ; c. Si cette personne séjourne de façon habituelle dans chacun des États contractants ou si elle ne séjourne de façon habituelle dans aucun d'eux, elle est considérée comme résident de l'État contractant dont elle possède la nationalité ; d. Si cette personne possède la nationalité de chacun des États contractants ou si elle ne possède la nationalité d'aucun d'eux, les autorités compétentes des États contractants tranchent la question d'un commun accord... ".

9. Il appartient à la cour d'apprécier, au vu du dossier, si les dispositions de l'article 4 de la convention fiscale signée entre la France et le Portugal sont susceptibles de faire échec à l'application des dispositions du code général des impôts au cas d'espèce et d'examiner la situation du contribuable en faisant application des critères successifs énoncés au paragraphe 2 de cet article.

10. Ainsi qu'il a été dit ci-dessus, M. C... a indiqué, dans ses déclarations d'impôt sur le revenu des années 2013 à 2017, résider au 8 rue Saint-Geoffroy à Amiens et il figure comme deuxième occupant sur la déclaration de taxe d'habitation pour cette adresse au titre de l'année 2016, ses relevés bancaires faisant état de nombreuses dépenses en France pendant l'année 2016. Par suite, il doit être regardé comme disposant d'un foyer d'habitation permanent en France en 2016, quand bien même il n'est pas contesté qu'il a loué une maison au Portugal à compter du 15 février 2016 et qu'il y a séjourné une partie de l'année 2016. A supposer même que M. C... puisse être regardé comme possédant un foyer d'habitation permanent dans chacun des États contractants, dans la mesure où il est salarié en France et y possède 31% des parts sociales de la SARL Montvallon Expertise, ses liens personnels et économiques sont les plus étroits avec la France et il doit donc être regardé, en tout état de cause, comme disposant d'un foyer d'habitation permanent en France en 2016. Dès lors, la convention fiscale franco-portugaise ne fait pas échec à l'imposition en France des revenus de M. C....

Sur l'application de la convention franco-portugaise et l'élimination de la double imposition :

11. Si M. C... revendique l'application de l'article 19 de la convention franco-portugaise, aux termes duquel " sous réserve des dispositions du paragraphe 1 de l'article 20, les pensions et autres rémunérations similaires versées à un résident d'un État contractant, au titre d'un emploi antérieur, ne sont imposables que dans cet État ", il résulte de ces stipulations que les pensions de retraite privées ne sont imposables que dans l'État dont le bénéficiaire est le résident. Or, ainsi qu'il a été dit, M. C... doit être regardé comme résident français, tant au regard des dispositions du code général des impôts que des stipulations de la convention fiscale franco-portugaise, lesquelles ne font pas échec à l'imposition en France. De surcroît, il ressort des propres écritures de M. C... que ce dernier n'a pas été imposé au Portugal sur ses pensions de retraite, qui ont été exonérées de tout impôt sur le revenu en vertu de la législation fiscale portugaise. Par suite et en tout état de cause, M. C... n'est pas fondé à revendiquer l'application des stipulations de la convention franco-portugaise relative à l'élimination de la double imposition, laquelle n'existe pas en l'espèce.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté ses conclusions tendant à la décharge de la cotisation primitive d'impôt sur le revenu et de contribution sociale à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2016.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. L'Etat n'étant pas partie perdante à l'instance, les conclusions de M. C... tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à l'administrateur général chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

Délibéré après l'audience publique du 16 mars 2023 à laquelle siégeaient :

- M. Mathieu Sauveplane, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. E... D..., premier-conseiller,

- M. G... A..., premier-conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 mars 2023.

Le président, rapporteur,

Signé : M. F...Le conseiller le plus ancien,

Signé : B. D...

La greffière,

Signé : N. Roméro

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière,

Nathalie Roméro

N°21DA02907 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21DA02907
Date de la décision : 30/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Sauveplane
Rapporteur ?: M. Mathieu Sauveplane
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : BORDET

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-03-30;21da02907 ?
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