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16/03/2023 | FRANCE | N°21DA01900

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 16 mars 2023, 21DA01900


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) DLC a demandé au tribunal administratif de Rouen de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des cotisations sur la valeur ajoutée des entreprises auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2014 à 2016, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement no 1902641 du 15 juin 2021, le tribunal administratif de Rouen a rejeté cette demande.

Pr

océdure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 6 août 2021, la SARL DLC, représenté...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) DLC a demandé au tribunal administratif de Rouen de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des cotisations sur la valeur ajoutée des entreprises auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2014 à 2016, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement no 1902641 du 15 juin 2021, le tribunal administratif de Rouen a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 6 août 2021, la SARL DLC, représentée par Me Boudin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés mise à sa charge au titre de l'année 2014 du fait de la réévaluation de son fonds de commerce ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés mise à sa charge au titre de l'année 2014 du fait de la réévaluation de son fonds de commerce ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'administration aurait dû déterminer la valeur vénale du fonds de commerce de la société à responsabilité limitée VL Maçonnerie par comparaison avec la cession de biens similaires dans un périmètre géographique approprié ;

- la détermination de la valeur vénale de ce fonds de commerce par application d'un coefficient de 17,5 % au chiffre d'affaires global de la société n'est pas révélatrice de la valeur de son fonds de commerce ;

- la valorisation du fonds de commerce en fonction du bénéfice reconstitué intègre à tort la rémunération de son gérant en sa qualité de chef de chantier ;

- la méthode de valorisation du fonds de commerce dite de la " survaleur " ou du " goodwill " est plus adaptée que la méthode à laquelle l'administration a eu recours ;

- l'administration a méconnu l'article 38 quinquies de l'annexe III au code général des impôts dès lors que les immobilisations acquises à titre onéreux doivent être inscrites au bilan de la société pour le prix d'achat et non pour leur valeur vénale;

- les principes résultant de la décision n° 254556 du 5 janvier 2005 du Conseil d'Etat ne lui sont pas applicables, en l'absence de toute libéralité caractérisée ou de revenu distribué.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 octobre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par la SARL DLC ne sont pas fondés ;

- à supposer que la méthode dite du " Goodwill " soit retenue, il y aurait lieu d'établir la valorisation du fonds de commerce en faisant la moyenne de trois méthodes ;

- à titre subsidiaire, la sous-évaluation du fonds de commerce devrait être déterminée par rapport à la seule valeur de cession du fonds de commerce, soit 114 353 euros.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bertrand Baillard, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Le 19 décembre 2013, la société à responsabilité limitée (SARL) DLC a procédé à l'acquisition, auprès de la SARL VL Maçonnerie, d'un fonds de commerce de maçonnerie pour un prix total de 150 000 euros comprenant le fonds commercial, d'une valeur de 114 353 euros, et le matériel, d'une valeur de 35 647 euros. Le 31 décembre 2013, la SARL DLC a porté à l'actif de son bilan la somme de 114 353 euros en tant que fonds commercial. A la suite d'une vérification de la comptabilité de la SARL DLC portant sur la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016, l'administration fiscale a remis en cause, notamment, le bénéfice net déclaré par cette société en raison de la sous-évaluation de la valeur de ce fonds de commerce. En conséquence, par une proposition de rectification du 15 novembre 2017, l'administration fiscale a mis à la charge de la SARL DLC des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, assorties de pénalités, au titre des années 2014 à 2016. Après le rejet de sa réclamation, la SARL DLC a saisi le tribunal administratif de Rouen d'une demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2014 à 2016, ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement du 15 juin 2021, le tribunal administratif de Rouen a rejeté cette demande. La SARL DLC relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2014 du fait de la réévaluation de son fonds de commerce.

2. Aux termes du 2 de l'article 38 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. / (...) ". Aux termes de l'article 38 quinquies de l'annexe III au même code : " 1. Les immobilisations sont inscrites au bilan pour leur valeur d'origine. / Cette valeur d'origine s'entend : / a. Pour les immobilisations acquises à titre onéreux, du coût d'acquisition (...) ".

3 Il résulte de ces dispositions que dans le cas où le prix d'acquisition d'une immobilisation a été volontairement minoré par les parties pour dissimuler une libéralité faite par le vendeur à l'acquéreur, l'administration est fondée à corriger la valeur d'origine de l'immobilisation, comptabilisée par l'entreprise acquéreuse pour son prix d'acquisition, pour y substituer sa valeur vénale, augmentant ainsi son actif net dans la mesure de l'acquisition faite à titre gratuit. La preuve d'une telle libéralité doit être regardée comme apportée par l'administration lorsqu'est établie l'existence, d'une part, d'un écart significatif entre le prix convenu et la valeur vénale du bien apporté et, d'autre part, d'une intention, pour l'apporteur d'octroyer, et, pour la société bénéficiaire de recevoir une libéralité du fait des conditions de l'apport. Cette intention est présumée lorsque les parties sont en relation d'intérêts.

4. En premier lieu, il résulte de l'instruction qu'au moment de la cession, M. A... était gérant de la SARL VL Maçonnerie et en détenait 99,85 % des parts, le reliquat étant détenu par Mme B..., sa compagne. M. A... détenait également 35 % des parts de la SARL DLC, et Mme B... 45 %, cette dernière en étant par ailleurs la gérante. Compte-tenu de la détention majoritaire du capital et de la gérance des deux sociétés par le couple, l'existence d'une relation d'intérêts est établie et l'intention libérale doit être regardée comme présumée.

5. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que, pour déterminer la valeur vénale du fonds de commerce de maçonnerie acquis par la SARL DLC, le service vérificateur a dans un premier temps, recherché s'il existait des ventes similaires dans le même secteur géographique et dans un délai d'un an précédent la vente. Après avoir effectué vainement cette recherche dans un rayon de 50 kilomètres de la commune d'implantation de ce fonds de commerce, à Saint-Pierre-lès-Elbeuf, ainsi qu'en fait état la proposition de rectification du 15 novembre 2017, l'administration a élargi le champ de sa recherche, à l'occasion de l'examen de la réclamation de la SARL DLC, à toute la région Hauts-de-France et à la Normandie, sans pour autant qu'un bien comparable en termes de chiffre d'affaires, de bénéfices, de bien cédé ou d'emplois ne soit identifié. L'administration fiscale a alors procédé à l'évaluation de la valeur vénale du fonds de commerce selon deux méthodes, la première en fonction de la moyenne du chiffre d'affaires réalisé par la société vendeuse entre 2010 et 2012, ce qui a abouti à une évaluation d'un montant de 605 684 euros, et la seconde, par le bénéfice reconstitué sur la même période, qui a abouti à une valorisation du fonds de commerce à hauteur de 499 444 euros. Enfin, l'administration a fait la moyenne de ces deux évaluations, soit 552 564 euros, pour en déduire, en retenant d'ailleurs le prix total de cession, que le prix d'acquisition du fonds de commerce avait été sous-évalué à hauteur de 402 564 euros.

6. Tout d'abord, ainsi qu'il a été dit au point précédent, l'administration a recherché dans un large secteur géographique des ventes similaires sans en identifier. A ce titre, si la SARL DLC émet des réserves sur la réalité de ces recherches, elle n'apporte aucun élément permettant d'établir que des ventes comparables auraient été effectuées dans ce secteur avant l'acquisition du fonds de commerce. Dès lors, contrairement à ce qui est soutenu, l'administration pouvait recourir à d'autres méthodes pour évaluer la valeur de ce fonds de commerce.

7. Ensuite, la SARL DLC soutient que, pour évaluer la valeur de son fonds de commerce en fonction de la moyenne du chiffre d'affaires réalisée par la société vendeuse, l'administration ne pouvait appliquer un coefficient de 17,5 %, lequel est trop important compte-tenu de la spécificité de la clientèle de la SARL VL Maçonnerie. Toutefois, s'il résulte de l'instruction que 85 % de la clientèle de cette société étaient constitués de constructeurs de maisons individuelles, et, à supposer que cette spécificité entraîne des taux de marge très inférieurs à ceux des sociétés travaillant pour le compte d'une clientèle constituée de particuliers, l'administration fait valoir, sans être sérieusement contredite, que la spécificité de cette clientèle générait une grande stabilité du chiffre d'affaires de la SARL VL Maçonnerie. Par ailleurs, la société requérante ne démontre pas en quoi le taux de 17,5 %, qui est le taux médian du chiffre d'affaires retenu dans le secteur de la maçonnerie pour procéder à l'évaluation du fonds de commerce selon cette méthode, laquelle est reconnue et admise par les professionnels, serait inadapté.

8. De même, s'agissant de la seconde méthode d'évaluation en fonction du bénéfice reconstitué de la SARL VL Maçonnerie, si la société requérante soutient que l'administration a pris en compte à tort l'intégralité des rémunérations versées à M. A..., gérant de cette société, alors qu'il y exerçait également les fonctions de chef de chantier, l'intégralité du salaire perçu par l'intéressé, à supposer cette dernière activité réelle, devait, ainsi que le fait valoir l'administration, être réintégrée dans le bénéfice de la SARL VL Maçonnerie dès lors qu'en sa qualité de gérant et de détenteur de plus de 99 % des parts, M. A... pouvait librement choisir sa rémunération. Par ailleurs, si la SARL DLC soutient que, compte-tenu du secteur très concurrentiel au sein duquel la SARL VL Maçonnerie exerçait son activité, laquelle aurait été soumise à de fortes fluctuations, il y avait lieu d'appliquer au bénéfice reconstitué un coefficient de 3, le coefficient de 3,75 qui a été retenu par l'administration est, ainsi que le fait valoir le ministre, adapté à la situation financière de cette société qui connaissait un chiffre d'affaires et un résultat en croissance, et disposait d'une clientèle stable.

9. En troisième et dernier lieu, la SARL DLC propose une méthode alternative d'évaluation du fonds de commerce dite de la " survaleur " ou du " goodwill " qui aboutit, selon ses propres calculs, à une valorisation de son fonds de commerce à 157 611 euros à la date du 31 décembre 2012, cette méthode ayant été utilisée par un cabinet de conseil privé pour évaluer la valeur du fonds de commerce de la SARL VL Maçonnerie en 2010. La SARL DLC en déduit que l'évaluation du fonds de commerce ainsi obtenue par cette méthode est de nature à démontrer l'absence d'écart significatif entre le prix de cession du fonds de commerce et sa valeur vénale. Toutefois, la SARL DLC n'expose pas le choix du taux de rémunération de l'actif de 1 % ou du taux d'actualisation de 8 %, pas plus que le choix d'une durée de 4 ans, lesquels ont permis, sans qu'une justification ne soit apportée sur ces points par la société requérante, d'aboutir à cette évaluation. Dès lors, cette méthode ne peut être regardée comme mieux adaptée que l'une ou l'autre des deux méthodes retenues par l'administration, lesquelles ont présenté des résultats cohérents, et dont il a été fait une moyenne dans un souci d'harmonisation.

10. Il résulte de ce qui a été dit aux points 5 à 9 que l'administration a pu, à bon droit, fixer la valeur du fonds de commerce, sur la base de la moyenne des deux méthodes évoquées précédemment, à la somme de 552 564 euros, pour en déduire que, compte-tenu de la sous-évaluation du prix d'acquisition de ce fonds de commerce, la SARL DLC avait bénéficié d'une libéralité, et procéder, en conséquence, à un rehaussement en base de 402 564 euros s'agissant de l'assiette de l'impôt sur les sociétés assignée à cette société au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2014.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL DLC n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté ses conclusions tendant à la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2014 du fait de la réévaluation de son fonds de commerce. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SARL DLC est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL DLC et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

Délibéré après l'audience publique du 2 mars 2023 à laquelle siégeaient :

- M. Christian Heu, président de chambre,

- M. Mathieu Sauveplane, président-assesseur,

- M. Bertrand Baillard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 mars 2023.

Le rapporteur,

Signé : B. BaillardLe président de chambre,

Signé : Heu

La greffière,

Signé : N. Roméro

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

La greffière,

Nathalie Roméro

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N°21DA01900

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21DA01900
Date de la décision : 16/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Heu
Rapporteur ?: M. Bertrand Baillard
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : KPMG AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-03-16;21da01900 ?
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