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02/03/2023 | FRANCE | N°22DA02102

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 02 mars 2023, 22DA02102


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, d'annuler l'arrêté du 1er juin 2021 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, d'autre part, d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de quinze jours à compter de la date de notification du juge

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, d'annuler l'arrêté du 1er juin 2021 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, d'autre part, d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de quinze jours à compter de la date de notification du jugement à intervenir, ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation, dans un délai d'un mois à compter de la date de notification du jugement à intervenir.

Par un jugement n° 2200334 du 28 juin 2022, le tribunal administratif de Rouen a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 14 octobre 2022, M. B..., représenté par Me Bidault, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 1er juin 2021 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour, dans un délai d'un mois à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :

- cette décision est entachée d'une insuffisance de motivation ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations du 1. de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- cette décision est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations du 1. de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

- cette décision est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 novembre 2022, le préfet de la Seine-Maritime conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle par une décision du 20 septembre 2022.

Par une ordonnance du 29 novembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 29 décembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Mathieu Sauveplane, président assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., ressortissant nigérian né le 25 mars 1974 à Lagos (Nigeria), est entré en France pour la dernière fois en août 2018, selon ses déclarations. Il a sollicité, le 3 mai 2019, la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en se prévalant de la présence en France de sa compagne, ressortissante nigériane titulaire d'un titre de séjour, et de leur fils. Par un arrêté du 6 novembre 2019, le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par un jugement du 29 mai 2020, confirmé par une ordonnance du 3 décembre 2020 du président de la 4ème chambre de la cour administrative d'appel de Douai, le tribunal administratif de Rouen a rejeté la demande de M. B... tendant à l'annulation de cet arrêté. M. B..., qui s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français, a sollicité, le 2 avril 2021, la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, repris sous l'article L. 423-23 du même code. Par un arrêté du 1er juin 2021, le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. B... relève appel du jugement du 28 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la décision de refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté du 1er juin 2021 en tant que, par cet arrêté, le préfet de la Seine-Maritime a refusé de délivrer un titre de séjour à M. B... doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges au point 2 du jugement attaqué.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / (...) ". Aux termes de l'article L. 434-2 du même code : " L'étranger qui séjourne régulièrement en France depuis au moins dix-huit mois, sous couvert d'un des titres d'une durée de validité d'au moins un an prévus par le présent code ou par des conventions internationales, peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial : / 1° Par son conjoint, si ce dernier est âgé d'au moins dix-huit ans ; / (...) ".

4. M. B..., en sa qualité de conjoint d'une ressortissante étrangère titulaire d'un titre de séjour et séjournant régulièrement en France depuis plus de dix-huit mois, entre dans les prévisions de l'article L. 432-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui lui ouvrent droit au regroupement familial, et ne peut, à ce titre, bénéficier d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-23 du même code. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

6. Il ressort des pièces du dossier que M. B... est titulaire d'un droit au séjour en Italie, ce qui lui permet de rendre régulièrement visite à sa compagne et à ses enfants. Si le requérant est également éligible au regroupement familial, il n'apporte pas la preuve, par les seules photographies et attestations récentes produites au dossier, du caractère ancien et intense de la vie commune avec la ressortissante nigériane dont il a eu deux enfants, alors qu'il est constant qu'il a quitté le territoire français de 2015 à 2018 et laissé sa compagne seule avec leur premier enfant né en 2015. Dans ces conditions, le préfet de la Seine-Maritime, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale au regard des buts poursuivis par cette décision et n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de ce que cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. B... ne peut qu'être écarté.

7. En quatrième lieu, aux termes du 1. de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Ces stipulations sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.

8. Eu égard aux circonstances que la cellule familiale peut se reconstituer au Nigeria, pays dont M. B... et sa compagne ont la nationalité, que ce dernier, qui est titulaire d'un droit au séjour en Italie, peut rendre régulièrement visite à sa compagne et à ses enfants, qu'il est admissible au titre du regroupement familial et, enfin, en l'absence de justification de liens étroits entre l'intéressé et les deux enfants nés de sa relation avec cette ressortissante nigériane, le préfet de la Seine-Maritime, en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, n'a pas méconnu les stipulations précitées de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

9. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 8 que M. B..., à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français, n'est pas fondé à invoquer, par la voie de l'exception, l'illégalité de la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour.

10. En second lieu, les moyens tirés de ce que la décision faisant obligation à M. B... de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les stipulations du 1. de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doivent être écartés par les mêmes motifs que ceux énoncés, respectivement, aux points 6 et 8. De même, le moyen tiré de ce que cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. B... doit être écarté par les mêmes motifs que ceux énoncés précédemment.

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

11. Il résulte de ce qui a été dit aux points 9 et 10 que M. B..., à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision fixant le pays de renvoi, n'est pas fondé à invoquer, par la voie de l'exception, l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte et celles qu'il présente sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Bidault.

Copie en sera transmise au préfet de la Seine-Maritime.

Délibéré après l'audience publique du 9 février 2023 à laquelle siégeaient :

- M. Christian Heu, président de chambre,

- M. Mathieu Sauveplane, président-assesseur,

- M. Jean-François Papin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 mars 2023.

Le président, rapporteur,

Signé : M. SauveplaneLe président de chambre,

Signé : C. Heu

La greffière,

Signé : N. Roméro

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière,

Nathalie Roméro

N°22DA02102 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22DA02102
Date de la décision : 02/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Heu
Rapporteur ?: M. Mathieu Sauveplane
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : BIDAULT

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-03-02;22da02102 ?
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