La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/03/2023 | FRANCE | N°22DA01424

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 02 mars 2023, 22DA01424


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen de prononcer la décharge des cotisations d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2015.

Par un jugement n° 2002216 du 24 mai 2022, le tribunal administratif de Rouen a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 5 juillet 2022, et un mémoire, enregistré le 21 décembre 2022, qui n'a pas été communiqué, Mme A..., représent

ée par Me Wibaut, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge des...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen de prononcer la décharge des cotisations d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2015.

Par un jugement n° 2002216 du 24 mai 2022, le tribunal administratif de Rouen a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 5 juillet 2022, et un mémoire, enregistré le 21 décembre 2022, qui n'a pas été communiqué, Mme A..., représentée par Me Wibaut, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2015 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- en s'abstenant de répondre au moyen tiré de ce que le véhicule terrestre à moteur en cause avait été acquis au cours de l'année 2014, année antérieure à l'année 2015 en litige, le tribunal administratif a entaché le jugement d'une insuffisance de motivation ;

- il appartenait au service vérificateur d'indiquer, dans la proposition de rectification du 13 décembre 2018, la possibilité pour le contribuable d'exercer un recours hiérarchique dans les conditions prévues par les dispositions de l'article L. 54 C du livre des procédures fiscales ;

- le service, en s'abstenant de communiquer le courrier électronique du 2 mai 2019, a méconnu les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ;

- le service a notifié la proposition de rectification avant l'expiration du délai de trente jours en méconnaissance de l'article L. 11 du livre des procédures fiscales ;

- le service, en prenant en compte un bien immobilier qui ne lui appartenait pas, a méconnu les dispositions de l'article 168 du code général des impôts ;

- l'administration a retenu une valeur erronée du véhicule lui appartenant ;

- il résulte de la réserve d'interprétation formulée par le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 21 janvier 2011 n° 2010-88 QPC relative à l'article 168 du code général des impôts, que le contribuable peut prouver que le financement des éléments de patrimoine qu'il détient n'implique pas la possession des revenus définis forfaitairement ; or, elle a justifié avoir disposé de revenus lui permettant de financer son train de vie.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 novembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 8 novembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 30 décembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la décision n° 2010-88 QPC du 21 janvier 2011 du Conseil constitutionnel ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Sauveplane, président assesseur,

- les conclusions de M. Arruebo-Mannier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... a fait l'objet d'un contrôle sur pièces à l'issue duquel l'administration a constaté qu'elle n'avait déclaré aucun revenu au titre de l'année 2015 et l'a assujettie à l'impôt sur le revenu dans le cadre de la procédure d'évaluation forfaitaire minimale du train de vie prévue par les articles L. 63 du livre des procédures fiscales et 168 du code général des impôts. Les bases retenues par l'administration ont été portées à la connaissance de Mme A... par lettre du 12 décembre 2018. Par une proposition de rectification du 13 décembre 2018, l'administration a fixé à 75 465 euros le revenu imposable de Mme A... au titre de l'année 2015. En conséquence, l'administration l'a assujettie à des cotisations d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux au titre de l'année 2015. Mme A... demande l'annulation du jugement du 24 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions.

Sur la régularité du jugement :

2. Contrairement à ce que soutient la requérante, le moyen tiré de ce que le véhicule terrestre à moteur en cause avait été acquis au cours de l'année 2014, année précédant l'année d'imposition en litige, n'a pas été soulevé devant les premiers juges. Par suite, le jugement n'est pas entaché d'irrégularité pour ne pas avoir répondu à ce moyen, qui est dépourvu de tout caractère d'ordre public.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 54 C du livre des procédures fiscales : " Hormis lorsqu'elle est adressée dans le cadre des procédures mentionnées aux articles L. 12, L. 13 et L. 13 G et aux I et II de la section V du présent chapitre, la proposition de rectification peut faire l'objet, dans le délai imparti pour l'introduction d'un recours contentieux, d'un recours hiérarchique qui suspend le cours de ce délai. ".

4. D'une part, aucune disposition législative ou réglementaire n'impose à l'administration de reproduire les dispositions précitées de l'article L. 54 C du livre des procédures fiscales dans la proposition de rectification ou dans la réponse faite aux observations du contribuable et de rappeler ainsi au contribuable la faculté qui lui est ainsi offerte de présenter un recours hiérarchique. D'autre part, Mme A... ne saurait utilement se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la doctrine administrative énoncée sous la référence BOI-CF-PGR-30-10 publiée le 30 octobre 2019, soit d'ailleurs postérieurement à la proposition de rectification, qui est relative à la procédure d'imposition et ne comporte, ainsi, aucune interprétation d'un texte fiscal au sens de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande. ".

6. Il résulte de ces dispositions qu'il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en œuvre, et au plus tard avant la mise en recouvrement des impositions, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des documents et renseignements obtenus auprès de tiers, qu'elle a utilisés pour fonder les impositions, avec une précision suffisante pour mettre à même l'intéressé d'y avoir accès avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent.

7. Il ressort de la proposition de rectification adressée à Mme A... que le service a exercé son droit de communication auprès de la société Porsche France afin d'obtenir le prix de vente public d'un véhicule de cette marque. Le service s'est effectivement fondé sur ce document pour asseoir l'imposition en litige et ce document, ainsi que l'ensemble des documents sur lesquels s'est fondé le service pour établir les rectifications notifiées le 13 décembre 2018, ont été communiqués à Mme A... par un courrier du 28 janvier 2019. La circonstance que Mme A... n'a pas eu communication d'un courriel d'une employée de la société Porsche France qui se borne à authentifier un document précédent adressé au service et communiqué à Mme A..., attestant du prix de vente public du véhicule évalué dans le cadre de la mise en œuvre de l'article 168 du code général des impôts, est sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition dès lors que ce courriel, qui a été obtenu postérieurement à la notification de la proposition de rectification, n'a pas, en lui-même, fondé l'imposition en litige et n'a été sollicité par le service que pour répondre aux observations de la contribuable. Mme A... n'est donc pas fondée à soutenir que les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ont été méconnues.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 11 du livre des procédures fiscales : " A moins qu'un délai ne soit prévu par le présent livre, le délai accordé aux contribuables pour répondre aux demandes de renseignements, de justifications ou d'éclaircissements et, d'une manière générale, à toute notification émanant d'un agent de l'administration des impôts est fixé à trente jours à compter de la réception de cette notification. ".

9. Les bases retenues par l'administration ont été portées à la connaissance de Mme A... par lettre du 12 décembre 2018. Par une proposition de rectification du 13 décembre 2018, l'administration a fixé à 75 465 euros le revenu imposable de l'année 2015. Si Mme A... fait grief au service de n'avoir pas attendu le délai de trente jours, prévu à l'article L. 11 du livre des procédures fiscales, avant de lui notifier la proposition de rectification, d'une part, aucun texte ne s'oppose à ce que la proposition de rectification soit adressée au contribuable avant l'expiration du délai de trente jours qui lui a été accordé, par le courrier l'informant de l'évaluation forfaitaire minimale de son revenu imposable, pour présenter ses observations. D'autre part, il résulte de l'instruction que Mme A... a pu présenter ses observations avant la mise en recouvrement des impositions en litige. Dès lors, le délai de trente jours accordé au contribuable pour répondre à la proposition de rectification a été respecté et le moyen doit être écarté. Enfin Mme A... ne saurait utilement se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la doctrine administrative énoncée sous la référence BOI-CF-IOR-60-20-10, qui est relative à la procédure d'imposition et ne comporte ainsi aucune interprétation d'un texte fiscal au sens de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

Sur le bien-fondé des impositions en litige :

10. Aux termes de l'article 168 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable : " 1. En cas de disproportion marquée entre le train de vie d'un contribuable et ses revenus, la base d'imposition à l'impôt sur le revenu est portée à une somme forfaitaire déterminée en appliquant à certains éléments de ce train de vie le barème ci-après, lorsque cette somme est supérieure ou égale à 45 358 € ; cette limite est relevée chaque année dans la même proportion que la limite supérieure de la première tranche du barème de l'impôt sur le revenu : / 1. Valeur locative cadastrale de la résidence principale, déduction faite de celle s'appliquant aux locaux ayant un caractère professionnel : Cinq fois la valeur locative cadastrale. / (...) / 4. Voitures automobiles destinées au transport des personnes : La valeur de la voiture neuve avec abattement de 50 % après trois ans d'usage. / (...) / 3. Le contribuable peut apporter la preuve que ses revenus ou l'utilisation de son capital ou les emprunts qu'il a contractés lui ont permis d'assurer son train de vie. ".

11. Il résulte de la réserve d'interprétation posée par le Conseil constitutionnel au point 8 de sa décision n° 2010-88 QPC du 21 janvier 2011, que le contribuable peut contester l'évaluation forfaitaire faite par l'administration en apportant la preuve de la manière dont il a pu financer le train de vie ainsi évalué, sans qu'il soit nécessaire pour lui de prouver la manière dont il a financé chacun des éléments retenus pour cette évaluation. Les dispositions du 3. de l'article 168 du code général des impôts ne sauraient toutefois, sans porter une atteinte disproportionnée au principe d'égalité devant les charges publiques, faire obstacle à ce que le contribuable soumis à la procédure de l'article 168 puisse être mis à même de prouver que le financement des éléments de patrimoine qu'il détient n'implique pas la possession des revenus définis forfaitairement.

12. Il résulte des dispositions de l'article 168 du code général des impôts que la base d'imposition forfaitaire à l'impôt sur le revenu est déterminée en prenant en compte notamment la valeur locative cadastrale de la résidence principale et la valeur neuve des voitures automobiles destinées au transport des personnes, avec abattement de 50 % après trois ans d'usage.

13. En premier lieu, pour le calcul de la taxation sur le fondement de l'article 168 du code général des impôts, il peut être fait état des résidences qui sont à la disposition du contribuable, même s'il n'en est ni propriétaire ni locataire. Il est constant que Mme A... a déclaré résider depuis de nombreuses années avec le père de ses deux enfants au domicile de celui-ci situé à Fécamp. Par suite, quand bien même elle a déclaré aux services fiscaux une adresse " poste restante " à Ypreville-Biville et qu'elle n'est pas propriétaire du logement en cause, elle doit être regardée comme ayant eu la disposition du logement situé à Fécamp et ce logement ne présentait aucun caractère précaire. Est également sans incidence la circonstance que son concubin, propriétaire du logement, a assumé seul les dépenses relatives à la propriété et à l'entretien de cet immeuble. En conséquence, l'administration a pu légalement prendre en compte ce bien immobilier pour l'évaluation de la base forfaitaire à l'impôt sur le revenu de Mme A... en application des dispositions précitées de l'article 168 du code général des impôts.

14. En deuxième lieu, il est constant que Mme A... a acquis, le 10 avril 2014, un véhicule de marque Porsche, mis en service pour la première fois en 2013. L'exercice par l'administration du droit de communication auprès du concessionnaire de la marque a permis d'établir un prix de vente public neuf de 68 765 euros en 2013 pour ce modèle, d'après le numéro de châssis du véhicule acquis par Mme A... communiqué par le service au concessionnaire. La circonstance que le véhicule a été acquis en 2014 alors que l'année d'imposition en litige est immédiatement postérieure à cette année est sans incidence dès lors que la détention d'un véhicule automobile, quelle que soit l'année de son acquisition, permet à l'administration de retenir la valeur vénale ou une fraction de cette valeur dans les bases forfaitaires imposables à l'impôt sur le revenu. Dès lors, l'administration n'a pas commis d'erreur de droit en prenant en compte la valeur neuve de ce véhicule de moins de trois ans d'usage pour l'évaluation de la base forfaitaire à l'impôt sur le revenu assignée à Mme A... en application des dispositions précitées de l'article 168 du code général des impôts.

15. En troisième et dernier lieu, Mme A... ne démontre pas avoir disposé de revenus déclarés lui ayant permis de financer son train de vie. Dès lors, elle se saurait utilement invoquer à son profit la réserve d'interprétation formulée par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2010-88 QPC du 21 janvier 2011 relative à l'article 168 du code général des impôts.

16. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions en litige.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

17. L'Etat n'étant pas partie perdante à l'instance, les conclusions de Mme A... tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

Délibéré après l'audience publique du 9 février 2023 à laquelle siégeaient :

- M. Christian Heu, président de chambre,

- M. Mathieu Sauveplane, président-assesseur,

- M. Jean-François Papin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 mars 2023.

Le président, rapporteur,

Signé : M. SauveplaneLe président de chambre,

Signé : C. Heu

La greffière,

Signé : N. Roméro

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière,

Nathalie Roméro

N°22DA01424 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22DA01424
Date de la décision : 02/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Heu
Rapporteur ?: M. Mathieu Sauveplane
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : SELARL WIBLAW

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-03-02;22da01424 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award