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07/02/2023 | FRANCE | N°22DA00122

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 07 février 2023, 22DA00122


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... E... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 23 novembre 2018 par laquelle la directrice des ressources humaines de l'établissement public de santé mentale (EPSM) de l'agglomération lilloise a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie dont il est atteint, ensemble la décision en date du 14 mars 2019 par laquelle le directeur de cet établissement a rejeté son recours administratif.

Par un jugement n° 1903735 du 16 décembre 2021, le tr

ibunal administratif de Lille a fait droit à sa demande et a enjoint à l'EPSM de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... E... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 23 novembre 2018 par laquelle la directrice des ressources humaines de l'établissement public de santé mentale (EPSM) de l'agglomération lilloise a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie dont il est atteint, ensemble la décision en date du 14 mars 2019 par laquelle le directeur de cet établissement a rejeté son recours administratif.

Par un jugement n° 1903735 du 16 décembre 2021, le tribunal administratif de Lille a fait droit à sa demande et a enjoint à l'EPSM de l'agglomération lilloise de reconnaître l'imputabilité au service de la fibromyalgie dont il souffre.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 19 janvier et 23 mai 2022, l'EPSM de l'agglomération lilloise, représenté par Me Jean-François Ségard, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et de rejeter la demande présentée par M. E... ;

2°) d'enjoindre à M. E... de communiquer les rapports d'expertise médicaux visés par le docteur B..., ayant permis l'instruction de sa demande de mise à la retraite pour invalidité ;

3°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise médicale collégiale en vue de rechercher l'existence d'un lien de causalité entre la pathologie de M. E... et la vaccination contre le virus de l'hépatite B ;

4°) de mettre à la charge de M. E... une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il n'y a aucun lien de causalité entre l'injection du vaccin et la pathologie alléguée par M. E..., qui ne figure pas dans les tableaux des maladies professionnelles ;

- une incertitude persiste sur la nature de la pathologie dont souffrirait l'intéressé ;

- les avis de la commission de réforme et du Dr B... concluent à l'absence de lien de causalité.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 mai 2022, M. C... E..., représenté par Me François Jegu, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) de mettre à la charge de l'EPSM de l'agglomération lilloise une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que les moyens soulevés par l'EPSM de l'agglomération lilloise ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 31 mai 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 4 juillet 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. G... H...,

- les conclusions de M. Guillaume Toutias, rapporteur public ;

- et les observations de Me Justine Chochois, pour l'EPSM de l'agglomération lilloise et de Me François Jégu, pour M. E....

Considérant ce qui suit :

1. M. C... E..., technicien supérieur hospitalier à l'établissement public de santé mentale (EPSM) de l'agglomération Lilloise, a été vacciné contre le virus de l'hépatite B les 8 décembre 1992, 3 février 1993 et 15 mars 1993. Il a présenté quelques semaines après la dernière injection des douleurs qu'il impute à cette vaccination obligatoire. M. E... a demandé vingt ans plus tard, en 2014, à son employeur de reconnaître l'imputabilité au service de son état de santé, ce que l'EPSM a refusé en dernier lieu par des décisions des 23 novembre 2018 et 14 mars 2019. L'EPSM de l'agglomération Lilloise relève appel du jugement n° 1903735 du 16 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Lille a annulé ces décisions et lui a enjoint de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie dont souffre M. E....

Sur le moyen d'annulation retenu par les premiers juges :

2. Aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière : " Le fonctionnaire en activité a droit : / (...) / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. / (...) ". Aux termes de l'article L. 10 du code de la santé publique, alors en vigueur : " Toute personne qui, dans un établissement ou organisme public ou privé de prévention ou de soins, exerce une activité professionnelle l'exposant à des risques de contamination doit être immunisée contre l'hépatite B (...) ".

3. Pour apprécier si une maladie est imputable au service, il incombe au juge de l'excès de pouvoir, saisi de conclusions tendant à l'annulation de la décision par laquelle l'autorité administrative a placé un agent en congé de maladie ordinaire au motif que sa maladie n'était pas imputable au service, non pas de rechercher si le lien de causalité entre l'administration du vaccin et les différents symptômes attribués à l'affection dont souffre l'intéressé est ou non établi, mais de s'assurer, au vu du dernier état des connaissances scientifiques en débat devant le juge, qu'il n'y a aucune probabilité qu'un tel lien existe. Il appartient ensuite au juge, après avoir procédé à la recherche mentionnée au point précédent, soit, s'il en était ressorti, en l'état des connaissances scientifiques en débat devant lui, qu'il n'y a aucune probabilité qu'un tel lien existe, de rejeter la demande, soit, dans l'hypothèse inverse, de procéder à l'examen des circonstances de l'espèce et de ne retenir alors l'existence d'un lien de causalité entre les vaccinations obligatoires subies par l'intéressé et les symptômes qu'il avait ressentis que si ceux-ci étaient apparus, postérieurement à la vaccination, dans un délai normal pour ce type d'affection, ou s'étaient aggravés à un rythme et une ampleur qui n'étaient pas prévisibles au vu de son état de santé antérieur ou de ses antécédents et, par ailleurs, qu'il ne ressortait pas du dossier qu'ils pouvaient être regardés comme résultant d'une autre cause que ces vaccinations.

4. D'une part, il ressort des pièces du dossier que M. E... souffre d'une fibromyalgie, diagnostiquée pour la première fois par le Pr F... dans son rapport du 20 mai 1999, provoquant des douleurs rachidiennes, articulaires et musculaires ainsi qu'une fatigue chronique. Cette pathologie est majorée par une dépression et un syndrome d'apnée obstructive du sommeil comme l'affirme le certificat de son médecin traitant du 10 février 2013. S'il ressort de l'avis émis par le docteur A..., médecin généraliste, le 25 mars 2014 dans le cadre de l'instruction de la demande de reconnaissance au service de la pathologie de M. E..., qu'il n'y a aucune probabilité qu'un lien existe entre l'administration du vaccin contre l'hépatite B et la fibromyalgie dont souffre l'intéressé, aucune autre pièce versée au dossier ne permet d'étayer cette absence totale de probabilité au vu du dernier état des connaissances scientifiques en débat devant la cour.

5. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que si M. E... a ressenti des douleurs rachidiennes dès l'année 1993, aucun signe clinique n'a été identifié avant que le diagnostic de fibromyalgie soit posé par défaut en 1999, six ans après la dernière injection. En outre, les douleurs ressenties par l'intéressé après la dernière injection de vaccin le 15 mars 1993 ne l'ont pas empêché de continuer à travailler, le premier arrêt de travail significatif n'étant intervenu que le 31 janvier 2005.

6. Il résulte de ce qui vient d'être dit que compte tenu de la longueur du délai séparant la vaccination du diagnostic de fibromyalgie et la survenance de la pathologie de M. E..., et alors qu'il ne peut être exclu que d'autres causes soient également à l'origine de cette fibromyalgie, le lien de causalité entre l'une et l'autre ne peut pas être regardé comme établi de manière suffisamment directe et certaine. C'est donc à tort que les premiers juges ont considéré qu'il convenait de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie dont souffre M. E....

7. Toutefois, lorsque le juge d'appel, saisi par le défendeur de première instance, censure le motif retenu par les premiers juges, il lui appartient, en vertu de l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'ensemble des moyens présentés par l'intimé en première instance, alors même qu'ils ne seraient pas repris dans les écritures produites, le cas échéant, devant lui, à la seule exception de ceux qui auraient été expressément abandonnés en appel.

Sur les autres moyens de première instance et d'appel :

8. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que, par décision du 1er novembre 2017, le directeur de l'EPSM de l'agglomération Lilloise a donné délégation à Mme D..., directrice des ressources humaines de l'établissement, aux fins de signer toutes décisions se rapportant à ses fonctions et, notamment, les décisions relatives à la carrière des agents et les décisions de reconnaissance des accidents imputables au service. Dès lors, M. E... n'est pas fondé à soutenir que la décision du 23 novembre 2018 a été prise par une autorité incompétente.

9. En second lieu, le moyen tiré de ce que la décision du 14 mars 2019 rejetant le recours gracieux formé par M. E... le 8 février 2019 contre la décision du 23 novembre 2018, ne précise pas les voies et délais de recours est inopérant dès lors que l'absence de mention des voies et délais de recours est sans incidence sur la légalité de la décision.

10. Il résulte de tout ce qui précède que l'ESPM de l'agglomération Lilloise est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé la décision du 23 novembre 2018 et lui a enjoint de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie dont souffre M. E.... Il y a donc lieu d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lille et de rejeter la demande de M. E..., sans qu'il soit besoin d'enjoindre à M. E... de produire les rapports demandés par l'EPSM.

Sur les frais liés à l'instance

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'EPSM de l'agglomération Lilloise, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée à ce titre par M. E.... Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. E... la somme demandée par l'EPSM de l'agglomération Lilloise au même titre.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1903735 du tribunal administratif de Lille du 16 décembre 2021 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. E... et ses conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de l'établissement public de santé mentale de l'agglomération Lilloise est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'établissement public de santé mentale de l'agglomération Lilloise et à M. C... E....

Délibéré après l'audience publique du 24 janvier 2023 à laquelle siégeaient :

- Mme Anne Seulin, présidente de chambre,

- M. Marc Baronnet, président-assesseur,

- M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 février 2023.

Le rapporteur,

Signé : G. H...La présidente de chambre,

Signé : A. Seulin

La greffière,

Signé : A.S Villette

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

La greffière,

Anne-Sophie Villette

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N°22DA00122


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22DA00122
Date de la décision : 07/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Seulin
Rapporteur ?: M. Guillaume Vandenberghe
Rapporteur public ?: M. Toutias
Avocat(s) : SHBK AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-02-07;22da00122 ?
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