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30/01/2023 | FRANCE | N°22DA02037

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 30 janvier 2023, 22DA02037


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, d'annuler l'arrêté non daté, notifié le 7 décembre 2021, par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire dans un délai de 30 jours et a fixé le pays de destination et, d'autre part, d'enjoindre sous astreinte au préfet de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai de 30 jours à compter du jugement à intervenir.

Par un jugement n

2200846 du 7 juillet 2022, le tribunal administratif de Rouen a rejeté cette demande.

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, d'annuler l'arrêté non daté, notifié le 7 décembre 2021, par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire dans un délai de 30 jours et a fixé le pays de destination et, d'autre part, d'enjoindre sous astreinte au préfet de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai de 30 jours à compter du jugement à intervenir.

Par un jugement n° 2200846 du 7 juillet 2022, le tribunal administratif de Rouen a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 5 octobre 2022 et un mémoire enregistré le 21 octobre 2022, M. A... B..., représenté par Me Antoine Mary, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté notifié le 6 décembre 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet de Seine-Maritime de lui délivrer une carte de séjour temporaire, valable un an, dans un délai de trente jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à verser à son conseil qui renonce, dans ce cas, à percevoir la part contributive de l'Etat.

Il soutient que :

- les mémoires du 22 mars et du 2 mai 2022 ne sont pas visés par le jugement, qui doit en conséquence être annulé pour ce motif ;

- la décision lui refusant un titre de séjour est insuffisamment motivée ;

- le préfet aurait dû consulter la commission du titre de séjour ;

- le refus de titre est entaché d'un défaut d'examen de sa situation ;

- cette décision viole les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît également les dispositions de l'article L. 435-1 du même code ;

- elle viole aussi les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'un défaut d'examen de sa situation ;

- cette décision est dépourvue de base légale, la décision de refus de séjour étant illégale ;

- elle viole aussi les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision fixant le pays de destination est entachée d'un défaut d'examen de sa situation ;

- cette décision est illégale par voie d'exception de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 novembre 2022, le préfet de la Seine-Maritime conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

M. A... B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 6 septembre 2022 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Douai.

Par une ordonnance du 23 novembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 20 décembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Denis Perrin, premier conseiller.

Considérant ce qui suit :

Sur l'objet du litige :

1. M. B..., ressortissant de la République du Congo, relève appel du jugement du 7 juillet 2022 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à titre principal à l'annulation de l'arrêté non daté, notifié selon lui le 6 décembre 2021, par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire dans un délai de 30 jours et a fixé le pays de destination.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " La requête et les mémoires, ainsi que les pièces produites par les parties, sont déposés ou adressés au greffe. / La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-2 à R. 611-6. / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux. " et aux termes de l'article R. 741-2 du même code : " La décision mentionne que l'audience a été publique, sauf s'il a été fait application des dispositions de l'article L. 731-1. Dans ce dernier cas, il est mentionné que l'audience a eu lieu ou s'est poursuivie hors la présence du public. / Elle contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application. ".

3. Il résulte des pièces du dossier de première instance que les mémoires enregistrés le 22 mars 2022 et le 3 mai 2022 avaient pour seul objet de produire des pièces qui sont toutes postérieures à la décision contestée et qui ne rendent pas compte de situations de faits antérieures. Ces pièces étaient donc sans incidence sur l'appréciation par le juge de l'excès de pouvoir de la légalité de la décision contestée. Par suite, le jugement n'était pas tenu de viser ces deux mémoires qui ne comportaient pas d'éléments nouveaux pour statuer sur la demande de M. B.... Le moyen tiré de l'irrégularité du jugement contesté doit donc être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :

S'agissant de la légalité externe :

4. La décision de refus de séjour vise les textes dont elle fait application et comporte les considérations de fait qui en constituent le fondement. En particulier, elle considère que l'intéressé n'apporte pas la preuve de sa présence continue en France depuis 2013, ni de son concubinage depuis le 12 mars 2021, ni de sa participation à l'éducation et à l'entretien de ses enfants. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation ne peut qu'être écarté.

S'agissant de la légalité interne :

5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. / Les modalités d'application du présent article sont définies par décret en Conseil d'Etat. ".

6. En premier lieu, si M. B... soutient qu'il est entré en France en août 2011, il ne l'établit pas. Il se borne à produire, pour prouver sa présence en France en 2012 et en 2013, une attestation d'affiliation à la sécurité sociale à compter d'octobre 2012, ses avis d'imposition sur les revenus de 2012 et de 2013 et la souscription d'un livret A en mars 2013. Il n'établit donc pas qu'il résidait depuis plus de dix ans en France à la date de la décision, le 6 décembre 2021.

7. En deuxième lieu, si M. B... soutient qu'il vit en concubinage depuis 2017 avec une compatriote, titulaire d'une carte de résident valable jusqu'en février 2023, il se contente de produire pour l'établir un contrat de souscription d'énergie établi en octobre 2018 à leurs deux noms, des lettres de relance pour impayés du même fournisseur d'énergie de décembre 2018 et octobre 2019 et une facture d'électricité de décembre 2020, les preuves de vie commune n'étant plus nombreuses et probantes qu'à compter de l'année 2021.

8. En troisième lieu, le fils de M. B... de nationalité française né en 2012 est placé à l'aide sociale à l'enfance. Si M. B... a reconnu la fille née en août 2020 de sa relation avec sa concubine, il est également père d'une fille née au Congo en 2010.

9. En quatrième lieu, si l'intéressé soutient également que ses parents, titulaires de cartes de résidents et son frère et sa sœur de nationalité française vivent en France, il n'établit pas la réalité de ce lien familial, contesté en première instance, et au demeurant il n'a rejoint sa famille en France qu'à l'âge de vingt-deux ans.

10. Enfin si M. B... a travaillé notamment en contrat à durée indéterminée comme agent de sécurité d'octobre 2015 à novembre 2016, il n'établit ni avoir travaillé, ni avoir recherché du travail depuis cette date, à l'exception de quelques missions d'intérim en novembre et décembre 2021. S'il a suivi des formations professionnelles ou obtenu le CACES, ces éléments sont postérieurs à la décision attaquée et ne sauraient donc être pris en compte pour apprécier sa légalité.

11. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, M. B... n'établit pas l'existence de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels qui justifieraient son séjour en France. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L.435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut donc qu'être écarté.

12. En cinquième lieu, il ne résulte pas de la décision attaquée que le préfet ne se serait pas livré à un examen sérieux de la demande de M. B... tendant à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

13. En sixième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, compte tenu de ce qui précède et notamment de la durée réduite, à la date de la décision attaquée, de la vie commune de M. B... avec sa concubine, que le préfet ait porté une atteinte disproportionnée à la vie privée et familiale de l'intéressé en lui refusant un titre de séjour.

14. Si M. B... a souscrit, le 20 octobre 2022, un pacte civil de solidarité avec sa concubine, cette circonstance est postérieure à la décision contestée.

15. Dans ces conditions, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peuvent qu'être écartés.

16. En septième lieu, si M. B... établit avoir exercé ponctuellement son droit de visite auprès de son fils de nationalité française, confié à l'aide sociale à l'enfance, il ne justifie pas de l'intensité de sa relation avec celui-ci, ni qu'il contribue à son entretien et à son éducation. Par ailleurs, l'intéressé n'a pas travaillé depuis novembre 2016 et sa concubine ne dispose pas de revenus réguliers, en dehors des aides sociales. Le requérant n'établit donc pas qu'il dispose de ressources lui permettant d'assurer l'entretien de sa dernière fille. Enfin, l'intéressé est également père d'une première fille qui est demeurée au Congo.

17. Dans ces conditions, il n'est pas établi que le préfet a méconnu l'intérêt supérieur des enfants de M. B... en lui refusant un titre de séjour. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ne peut donc qu'être écarté.

18. En huitième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés ci-dessus, le moyen tiré de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision attaquée sur la situation personnelle de M. B... ne peut qu'être écarté.

19. En neuvième lieu, ainsi qu'il a été dit, M. B... ne produit aucun élément établissant sa présence en France avant le 30 octobre 2012 et il n'établit donc pas sa résidence habituelle en France depuis plus de dix ans à la date de la décision contestée. Par ailleurs, il résulte également de ce qui précède que l'intéressé ne remplissait pas les conditions pour se voir délivrer de plein droit un titre de séjour. Le préfet n'était donc pas tenu de recueillir l'avis de la commission du titre de séjour, préalablement à sa décision.

En ce qui concerne la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

20. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait dépourvue de base légale du fait de l'illégalité de la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour doit être écarté.

21. En deuxième lieu, il ne résulte pas de ce qui précède que le préfet ne se serait pas livré à un examen sérieux de la situation de M. B..., qui n'établit pas remplir les conditions pour se voir délivrer de plein droit un titre de séjour, notamment parce qu'il ne justifie pas de l'ancienneté de sa vie commune avec sa concubine à la date de la décision contestée.

22. En troisième lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés précédemment, l'obligation faite à M. B... de quitter le territoire français n'est pas intervenue en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant, et n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé.

En ce qui concerne la légalité des décisions fixant le pays de destination :

23. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination serait dépourvue de base légale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

24. En deuxième lieu, il ne résulte pas de ce qui précède que le préfet ne se serait pas livré à un examen sérieux de la situation de M. B... en fixant, comme pays de destination, le pays dont il a la nationalité ou tout pays pour lequel il établit être légalement admissible.

25. En troisième lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés précédemment, la décision fixant le pays de destination n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée.

26. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 décembre 2021 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire dans un délai de 30 jours et a fixé son pays de destination.

27. Par voie de conséquence, les conclusions de M. B... à fin d'annulation de cet arrêté, celles à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer, et à Me Antoine Mary.

Copie en sera transmise pour information au préfet de la Seine-Maritime.

Délibéré après l'audience publique du 5 janvier 2023 à laquelle siégeaient :

- M. Marc Heinis, président de chambre,

- Mme Corinne Baes-Honoré, présidente-assesseure,

- M. Denis Perrin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 janvier 2023.

Le rapporteur,

Signé : D. PerrinLe président de la 1ère chambre,

Signé : M. C...

La greffière,

Signé : C. Sire

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Christine Sire

N° 22DA02037 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22DA02037
Date de la décision : 30/01/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: M. Denis Perrin
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : SELARL MARY et INQUIMBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 12/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-01-30;22da02037 ?
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