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26/01/2023 | FRANCE | N°22DA01123

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 26 janvier 2023, 22DA01123


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 21 avril 2021 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, d'autre part, d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer un certificat de résidence, dans le délai de trente jours à compter du jugement à interv

enir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 21046...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 21 avril 2021 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, d'autre part, d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer un certificat de résidence, dans le délai de trente jours à compter du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 2104633 du 24 février 2022, le tribunal administratif de Rouen a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 30 mai 2022 et le 7 novembre 2022, Mme C..., représentée par la SELARL Mary et Inquimbert, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 21 avril 2021 du préfet de la Seine-Maritime ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer un certificat de résidence, dans le délai de trente jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :

- pour écarter le moyen tiré de ce que la décision de refus de titre de séjour n'avait pas été précédée d'un examen sérieux de sa demande, le tribunal administratif a insuffisamment motivé son jugement ;

- le tribunal administratif a omis de se prononcer sur son moyen tiré de la méconnaissance, par la décision portant obligation de quitter le territoire français, des dispositions désormais codifiées au 2° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :

- cette décision est intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière, faute pour le préfet d'avoir recueilli l'avis de la commission départementale du titre de séjour, alors que sa demande de certificat de résidence se fondait notamment sur les stipulations du 1. de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et que l'autorité préfectorale n'ignorait pas qu'elle résidait habituellement en France depuis plus de dix ans ;

- contrairement à ce qu'a retenu, au terme d'une analyse succincte, le tribunal administratif, cette décision n'a pas été précédée d'un examen suffisamment sérieux et complet de sa situation, alors que les termes de sa demande de titre de séjour, qui comportait un formulaire et une lettre, auraient dû conduire le préfet de la Seine-Maritime à apprécier son droit au séjour au regard des stipulations des 1, 4 et 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- cette décision méconnaît les stipulations du 1. de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, dont elle avait invoqué le bénéfice, dès lors qu'elle justifie résider habituellement en France depuis plus de dix ans ;

- contrairement à ce qu'a retenu, à tort, le tribunal administratif, cette décision méconnaît les stipulations du 5. de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, ainsi que celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- pour refuser de l'admettre, à titre exceptionnel, au séjour, le préfet de la Seine-Maritime a commis une erreur manifeste d'appréciation ;

- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

En ce qui concerne la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français :

- cette décision devra être annulée par voie de conséquence de l'annulation du refus de titre de séjour sur lequel elle se fonde ;

- elle méconnaît le 2° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- cette décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 octobre 2022, le préfet de la Seine-Maritime conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés.

Par une décision du 28 avril 2022, Mme C... a été admise à l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... C..., ressortissante algérienne née le 25 février 1987 à Arzew (Algérie), est entrée sur le territoire français au cours de l'année 1988, alors qu'elle était âgée d'un an à peine, en compagnie de sa mère, afin d'y rejoindre ses parents, qui y résidaient tous deux sous couvert d'un certificat de résidence de dix ans en cours de validité, ainsi que ses deux frères et deux sœurs, alors mineurs. Mme C... a été mise en possession d'un document de circulation pour mineur et a effectué sa scolarité en France. A sa majorité, Mme C... a sollicité la délivrance d'un certificat de résidence, qui a lui a été accordé. Toutefois, ce certificat de résidence n'a pu lui être remis au motif qu'elle avait quitté, dans le contexte de fortes difficultés personnelles, l'adresse qu'elle avait fait connaître à l'administration dans sa demande. Mme C... a formé, le 5 janvier 2021, une demande auprès du préfet de la Seine-Maritime tendant à la délivrance d'un certificat de résidence. Par un arrêté du 21 avril 2021, cette autorité a refusé de faire droit à sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme C... relève appel du jugement du 24 février 2022 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, il ressort des motifs du jugement attaqué que les premiers juges, après avoir relevé que Mme C... n'avait pas invoqué, dans sa demande de titre de séjour, les stipulations du 1. de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, ont estimé qu'il ressortait des mentions de l'arrêté préfectoral contesté que la situation de l'intéressée avait fait l'objet d'un examen sérieux. Ce faisant, les premiers juges ont apporté une réponse suffisante au moyen, dirigé contre la décision de refus de titre de séjour, tiré de ce que la demande de Mme C... tendant à la délivrance d'un certificat de résidence n'avait pas fait l'objet d'un examen sérieux.

3. En second lieu, il ressort du dossier de première instance que Mme C... avait, par son mémoire en réplique, enregistré au greffe du tribunal administratif de Rouen le 24 janvier 2022, soulevé, à l'encontre de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français, un moyen, tiré de ce qu'elle figurait, à la date de l'arrêté contesté, parmi les ressortissants étrangers visés par les dispositions désormais codifiées au 2° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui, justifiant d'un séjour habituel en France depuis qu'ils ont atteint au plus l'âge de treize ans, ne peuvent légalement faire l'objet d'une telle mesure d'éloignement. Or il ressort des mentions du jugement attaqué que le tribunal administratif n'a pas visé ce moyen et qu'il n'y a apporté aucune réponse expresse, alors que celui-ci n'était pas inopérant. Dès lors, il y a lieu d'annuler ce jugement, en tant qu'il se prononce sur les conclusions de Mme C... à fin d'annulation de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français, comme insuffisamment motivé et, par suite, entaché d'irrégularité.

4. Il y a lieu, pour la cour, d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions de la demande de Mme C... dirigées contre la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français et de se prononcer sur le surplus du litige par l'effet dévolutif de l'appel.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :

S'agissant de la légalité externe :

5. En vertu de l'article L. 313-14, alors en vigueur, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission départementale du titre de séjour la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. Toutefois, dès lors que l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, qui régit de manière complète les titres de séjour qui sont susceptibles d'être délivrés aux ressortissants algériens, ne prévoit pas semblable dispositif d'admission exceptionnelle au séjour, ni ne renvoie aux dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur ce point, les ressortissants algériens ne peuvent utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-14 de ce code. Il suit de là que le moyen tiré, par Mme C..., de ce que la décision refusant son admission exceptionnelle au séjour a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière, en l'absence de consultation de la commission départementale du titre de séjour, doit être écarté comme inopérant, quand bien même Mme C... justifierait d'un séjour habituel en France de plus de dix ans.

S'agissant de la légalité interne :

6. Il ressort de la demande de titre de séjour que Mme C... a formée, le 5 janvier 2021, laquelle est composée du formulaire que l'intéressée a renseigné, ainsi que d'une lettre manuscrite, que celle-ci précise, parmi les motifs justifiant sa demande, la vie privée et familiale, plus précisément, la situation de majeur âgé de dix-huit ans et entré en France avant l'âge de treize ans, ainsi que sa situation de conjointe de Français et de parent d'enfant français. Cette demande précise, en outre, qu'elle tend à la délivrance d'un titre de séjour dans le cadre de l'admission exceptionnelle au séjour. Enfin, dans la lettre jointe au formulaire de demande, Mme C... indique ne pas être en mesure de fournir tous les documents qu'elle souhaiterait produire, n'ayant plus aucun contact avec ses parents et ses frères et sœurs, et précise qu'elle n'a pas quitté la France depuis 1992.

7. Il ressort des motifs de l'arrêté contesté que le préfet de la Seine-Maritime, après avoir énuméré les motifs de cette demande, tels que mentionnés par Mme C... dans le formulaire qu'elle a renseigné et tels qu'ils sont rappelés au point précédent, a regardé celle-ci comme tendant exclusivement au bénéfice de l'admission exceptionnelle au séjour, au titre de la vie privée et familiale, en précisant que, ressortissante algérienne, Mme C... ne pouvait utilement invoquer les dispositions, alors en vigueur, de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mais que sa demande devait, dès lors que l'accord franco-algérien ne prévoit pas pareil dispositif d'admission exceptionnelle au séjour, être examinée dans le cadre du pouvoir de régularisation reconnu à l'autorité préfectorale. En analysant ainsi la demande formée par Mme C... et en estimant que celle-ci n'invoquait pas les stipulations des 1, 4 et 5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, le préfet de la Seine-Maritime ne s'est pas mépris sur l'objet de cette demande, qui a ainsi fait l'objet d'un examen sérieux et complet.

8. Il résulte de ce qui a été dit aux points 6 et 7 que Mme C... a été regardée à bon droit comme n'ayant pas invoqué, dans sa demande de titre de séjour, les stipulations du 1. de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Il ne ressort pas davantage des motifs de l'arrêté contesté que le préfet de la Seine-Maritime aurait examiné d'office si l'intéressée pouvait être admise au séjour sur ce fondement. Par suite, le moyen tiré, par Mme C..., de la méconnaissance, par la décision de refus de titre de séjour, des stipulations du 1. de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 doit être écarté comme inopérant.

9. Aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) / Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : / (...) / 5. Au ressortissant algérien qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; / (...) ".

10. Il ressort des pièces du dossier que, comme il a été dit au point 1, Mme C..., entrée sur le territoire français en 1988, à l'âge d'un an à peine, y a rejoint ses parents, ainsi que ses deux frères et ses deux sœurs, alors mineurs, et y a poursuivi toute sa scolarité. A l'approche de sa majorité, elle a quitté le domicile familial, dans un contexte de difficultés relationnelles consécutives au divorce de ses parents. Placée dans un foyer, elle a donné naissance, le 16 décembre 2002, à un fils. Par la suite, ayant rencontré des difficultés personnelles, elle a quitté l'adresse qu'elle avait fait connaître à l'administration dans la demande de titre de séjour formée par elle à sa majorité, de sorte que le certificat de résidence d'un an qu'elle a alors obtenu ne lui a pas été remis. Elle s'est ensuite rendue coupable de faits de vol aggravé et de violences volontaires qui ont justifié sa condamnation, à deux reprises, en 2014, puis, de nouveau, en 2017. Si Mme C... soutient entretenir des liens avec sa mère, qui réside régulièrement en France, et avec ses frères et sœurs, qui ont obtenu la nationalité française, les seules attestations et photographies qu'elle verse au dossier ne peuvent suffire à l'établir, alors qu'elle a indiqué, dans la lettre annexée au formulaire de demande de titre de séjour, ne plus avoir aucun contact avec ses parents, ni avec ses frères et sœurs. Mme C... n'établit pas davantage, par les seules photographies qu'elle verse au dossier, qu'elle continuait d'entretenir, à la date de l'arrêté contesté, des liens réguliers avec son fils, né le 16 décembre 2002, qui avait été confié à l'aide sociale à l'enfance. Enfin, si Mme C... se prévaut de la relation sentimentale qu'elle indique avoir nouée, depuis 2009, avec un ressortissant français et de ce qu'un enfant est né, le 29 janvier 2020, de leur union, puis est décédé le jour-même de sa naissance, les attestations, établies par le père de cet enfant, ne peuvent suffire, même rapprochées des quelques pièces mentionnant leurs deux noms, à établir l'existence, à la date de l'arrêté contesté, d'une vie commune stable et ancienne entre les intéressés. Dans ces conditions et dès lors que Mme C..., qui a notamment été détenue en 2014 et 2015 à la suite de sa condamnation pour des faits de vol aggravé et de violences volontaires, et qui a de nouveau effectué une période de trois mois de détention en 2017, ne justifie pas, à la date de l'arrêté contesté, de perspectives sérieuses d'insertion professionnelle, ni même d'une intégration notable dans la société française, la seule ancienneté de son séjour en France, en la tenant même pour établie, ne peut suffire à établir que la décision de refus de titre de séjour aurait porté une atteinte excessive à son droit au respect de la vie privée et familiale, quand bien même il n'est pas contesté que l'intéressée est dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine, dans lequel elle n'a jamais vécu. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance, par cette décision, des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et, en tout état de cause, des stipulations du 5. de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 doivent être écartés. Pour les mêmes motifs, il n'est pas établi que le préfet de la Seine-Maritime, en refusant de délivrer un certificat de résidence à Mme C..., aurait entaché cette décision d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée.

11. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier, compte tenu des éléments mentionnés au point 10, que le préfet de la Seine-Maritime, pour refuser de faire bénéficier Mme C..., dans le cadre de l'exercice du pouvoir de régularisation qui lui est reconnu, d'une admission, à titre exceptionnel, au séjour, aurait entaché cette décision d'erreur manifeste d'appréciation.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de destination :

12. Aux termes de l'article L. 511-4, alors en vigueur, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) / 2° L'étranger qui justifie par tous moyens résider habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans ; / (...) ".

13. Il ressort des pièces du dossier que, comme il a été dit au point 10, Mme C... est entrée sur le territoire français en compagnie de sa mère, au cours de l'année 1988, à l'âge d'un an à peine, qu'elle y a été scolarisée et qu'elle y a vécu, auprès de ses parents et de ses frères et sœurs, jusqu'à son départ du domicile familial, à l'approche de sa majorité. Si, comme le relève le préfet de la Seine-Maritime, pour ce qui concerne la période plus récente, Mme C... n'a produit que quelques documents pour justifier de sa présence habituelle en France au cours des années 2018 et 2019, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressée aurait quitté le territoire français durant ces années dans des conditions telles qu'elle ne pourrait être regardée comme résidant habituellement en France, alors d'ailleurs qu'il n'est pas contesté qu'elle est dépourvue d'attaches familiales en Algérie, où elle n'a jamais vécu. Dès lors, il doit être tenu pour établi que Mme C... était, à la date de l'arrêté contesté, au nombre des ressortissants étrangers visés par les dispositions précitées de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui, résidant habituellement en France depuis qu'ils ont atteint l'âge de treize ans, ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français. Il suit de là, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés par Mme C... à l'appui de ses conclusions dirigées contre cette mesure, qu'il y a lieu de prononcer l'annulation, pour ce motif, de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours. Par voie de conséquence, la décision du même jour fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement doit être annulée.

14. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C..., d'une part, est fondée à demander l'annulation de la décision du 21 avril 2021 par laquelle le préfet de la Seine-Maritime lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, d'autre part, qu'elle est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté les conclusions de sa demande dirigées contre la décision fixant le pays de destination de cette mesure.

Sur les conclusions aux fins d'injonction sous astreinte :

15. Aux termes de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si la décision portant obligation de quitter le territoire français est annulée, (...) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas. ".

16. Eu égard au motif qui la fonde, l'annulation prononcée par le présent arrêt implique nécessairement que le préfet de la Seine-Maritime procède au réexamen de la situation de Mme C..., après l'avoir mise en possession d'une autorisation provisoire de séjour valable le temps nécessaire à ce réexamen. Il y a lieu, en conséquence, d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de délivrer à Mme C... une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la date de notification du présent arrêt et de procéder au réexamen de la situation de cette dernière dans un délai de deux mois à compter de cette même date. Par ailleurs, il n'y pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

17. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, le paiement d'une somme au conseil de Mme C... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2104633 du 24 février 2022 du tribunal administratif de Rouen est annulé en tant qu'il se prononce sur les conclusions à fin d'annulation de la décision, contenue dans l'arrêté du 21 avril 2021 du préfet de la Seine-Maritime, faisant obligation à Mme C... de quitter le territoire français.

Article 2 : L'arrêté du 21 avril 2021 du préfet de la Seine-Maritime est annulé, en tant qu'il fait obligation à Mme C... de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et qu'il fixe le pays de destination de cette mesure.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Maritime de procéder, dans un délai de deux mois à compter de la date de notification du présent arrêt, au réexamen de la situation de Mme C..., après avoir délivré à celle-ci, dans un délai de quinze jours à compter de cette date, une autorisation provisoire de séjour valable le temps nécessaire à ce réexamen.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme C... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer, au préfet de la Seine-Maritime et à la SELARL Mary et Inquimbert.

Délibéré après l'audience publique du 12 janvier 2023 à laquelle siégeaient :

- M. Christian Heu, président de chambre,

- M. Mathieu Sauveplane, président-assesseur,

- M. Jean-François Papin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 janvier 2023.

Le rapporteur,

Signé : J.-F. PapinLe président de chambre,

Signé : C. Heu

La greffière,

Signé : N. Roméro

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

La greffière,

Nathalie Roméro

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N°22DA01123

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22DA01123
Date de la décision : 26/01/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Heu
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : SELARL MARY et INQUIMBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 05/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-01-26;22da01123 ?
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