Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée (SARL) CEDILEC, agissant tant en son nom propre qu'en tant que mandataire de la société anonyme (SA) Natixis Lease Immo, a, par trois demandes successives, demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires de taxe foncière auxquelles ces sociétés ont été assujetties au titre des années 2015 et 2016 et de la cotisation primitive de taxe foncière 2017 à laquelle elles ont été assujetties dans les rôles de la commune du Havre, d'autre part, de prononcer la décharge des suppléments de cotisation foncière des entreprises (CFE) auxquelles la SARL CEDILEC a été assujettie au titre des années 2013 à 2016 dans les rôles de la même commune.
Par un jugement nos 1902084, 1902086, 1902500 du 23 février 2021, le tribunal administratif de Rouen, après avoir joint ces trois demandes, a constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions de ces demandes à concurrence du dégrèvement prononcé en cours d'instance, à hauteur des sommes respectives de 1 786 euros et de 1 804 euros, en ce qui concerne les cotisations supplémentaires de taxe foncière établies au titre des années 2015 et 2016, et a rejeté le surplus des conclusions de ces demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 26 avril 2021 et le 26 janvier 2022, la SARL CEDILEC, agissant tant en son nom propre qu'en tant que mandataire de la SA Natixis Lease Immo, représentée par la SELAS LetA, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il ne lui donne pas entière satisfaction ;
2°) de prononcer la décharge des impositions demeurant en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de même que les dépens de l'instance.
Elle soutient que :
- les premiers juges n'ont pas apporté de réponse ou n'ont apporté qu'une réponse insuffisante à plusieurs des moyens qu'elle avait soulevés, tirés de l'absence de justification des bases d'imposition qui leur ont été assignées et d'erreurs dans la détermination de ces bases, du fait notamment de la prise en compte d'une seule unité cadastrale, et faute de justification suffisante de l'appréciation selon laquelle les moyens techniques qu'elle met en œuvre sont prépondérants ; le jugement attaqué est ainsi entaché d'insuffisance de motivation ;
- le bâtiment d'origine lui appartenant et l'extension Sud qu'elle prend en crédit-bail auprès de la SA Natixis Lease Immo auraient dû, chacun, faire l'objet d'une évaluation séparée, dès lors qu'ils constituent deux unités cadastrales distinctes ; le paragraphe n°130 de la doctrine administrative publiée le 6 septembre 2017 sous la référence BOI-IF-TFB-20-10-10-30 conforte sa position sur ce point ;
- ces bâtiments ont été regardés à tort par l'administration comme constituant un établissement industriel, dès lors que l'utilisation, dans le cadre de l'exercice de son activité, des moyens techniques mis en œuvre dans ces entrepôts n'est pas prépondérante ; la fiche illustrative n°8 publiée le 20 septembre 2018 sur le site internet de l'administration des impôts, qui complète la doctrine administrative antérieurement publiée, conforte sa position sur ce point ;
- dans l'hypothèse où la cour estimerait que les bâtiments ont été regardés à bon droit comme constituant un établissement industriel, les modalités de détermination de la valeur locative entrant dans les bases ayant servi à établir les impositions en litige devraient être tenues comme n'ayant pas été suffisamment explicitées par l'administration, de sorte qu'elle n'a pas été mise à même d'en discuter utilement ;
- dans cette même hypothèse, les modalités de détermination de la valeur locative de son entrepôt devraient être regardées comme entachées d'erreur, dès lors qu'elles prennent en compte, à tort, certains biens qui auraient dû en être exclus.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 décembre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- tant la partie de l'entrepôt appartenant à la SARL CEDILEC que celle que celle-ci prend à crédit-bail auprès de la SA Natixis Lease Immo concourent à la même exploitation et font partie d'un même groupement topographique ; en conséquence, ces locaux ne peuvent être regardés comme destinés à une utilisation distincte, au sens des dispositions de l'article 1494 du code général des impôts et de celles de l'article 324 A de l'annexe III à ce code ; ces locaux ont, dès lors, fait à bon droit l'objet d'une évaluation commune ;
- l'exploitation, par la SARL CEDILEC, de ces locaux pour les besoins de son activité met en œuvre des moyens techniques importants ;
- compte-tenu notamment du flux de marchandises et de l'optimisation du volume de stockage auquel se livre la SARL CEDILEC à l'aide de ces moyens techniques, ces derniers, dont l'usage n'a pas pour seul objet de diminuer la pénibilité du travail mais s'avère, en réalité, indispensable compte-tenu de la configuration du site de stockage et des modalités choisies pour son exploitation, doivent être regardés comme prépondérants dans l'exploitation de ce site ; la SARL CEDILEC ne peut, à cet égard, invoquer, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, les énonciations de la fiche n°8, intitulée " Les entrepôts - stockage de marchandises ", dès lors que cette fiche, qui décrit au demeurant une activité distincte de celle mise en œuvre par l'appelante, a été publiée à une date postérieure à celle à laquelle les impositions en litige ont été mises en recouvrement et, qui plus est, postérieure au fait générateur de ces impositions, de sorte que la SARL CEDILEC ne peut être regardée comme ayant entendu faire application de ces énonciations ; cette fiche ne peut davantage être regardée comme comportant une prise de position formelle de l'administration sur une situation de fait au regard de la loi fiscale, au sens de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales ;
- la SARL CEDILEC, qui a été clairement informée, par la lettre qui lui a été adressée le 16 juin 2016 par l'administration pour lui faire connaître les rectifications de valeur locative alors envisagées, des éléments retenus pour déterminer ses bases imposables, ne précise toujours pas, à ce stade de la procédure, les immobilisations qu'elle estime avoir été prises en compte à tort pour cette détermination, ni le fondement d'un tel retrait.
Par deux ordonnances du 28 avril 2021, la présidente de la cour administrative d'appel de Douai a transmis au Conseil d'Etat le jugement des conclusions de la requête de la SARL CEDILEC, agissant tant en son nom propre qu'en tant que mandataire de la SA Natixis Lease Immo, tendant à la décharge des cotisations supplémentaires de taxe foncière et de la cotisation primitive de taxe foncière auxquelles ces deux sociétés ont été assujetties au titre, d'une part, des années 2015 et 2016 et, d'autre part, de l'année 2017, dans les rôles de la commune du Havre.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société à responsabilité limitée (SARL) CEDILEC, qui exerce une activité de logistique au sein d'un entrepôt situé sur la Pointe du Hoc au Havre, y réceptionne des produits du secteur de la mode afin de les expédier aux centrales d'achat des magasins de l'enseigne Leclerc. Cet entrepôt, dont la surface exploitée est de 55 000 m², a été édifié par la société Fructicomi, devenue la société anonyme (SA) Natixis Lease Immo, désormais appelée BPCE Lease, sur un terrain appartenant à l'État et au port autonome du Havre, devenu le Grand Port Maritime du Havre. La SARL CEDILEC est devenue propriétaire de la partie Nord de l'entrepôt, à la suite de la levée d'option intervenue en mars 2010, tandis qu'elle exploite l'extension Sud en qualité de crédit-preneur auprès de la SA Natixis Lease Immo. La SARL CEDILEC a fait l'objet d'une vérification de comptabilité diligentée par la direction des vérifications nationales et internationales (DVNI), qui a porté sur la période allant du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2016. A l'issue de ce contrôle, le service a estimé qu'il y avait lieu de procéder à une nouvelle évaluation de la valeur locative cadastrale de l'entrepôt exploité par la SARL CEDILEC au Havre, en mettant en œuvre la méthode d'évaluation industrielle en lieu et place de la méthode commerciale, qui avait été précédemment utilisée. L'administration a fait connaître à la SARL CEDILEC, par une lettre qu'elle lui a adressée le 16 juin 2016, les conséquences de ce changement de méthode sur la détermination de la valeur locative cadastrale du site. La SARL CEDILEC a présenté des observations qui n'ont pas convaincu le service. Elle a, ensuite, demandé que ses responsables soient reçus par le supérieur hiérarchique du vérificateur, puis par l'interlocuteur fiscal départemental, et elle a demandé un nouvel examen de sa situation par le ministre, mais ces démarches n'ont pas conduit l'administration à revoir sa position. Dans ces conditions, les cotisations supplémentaires de taxe foncière sur les propriétés bâties mises à la charge de la SARL CEDILEC et de la SA Natixis Lease Immo au titre des années 2015 et 2016, la cotisation primitive de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles chacune de ces sociétés a été assujettie au titre de l'année 2017, ainsi que les suppléments de cotisation foncière des entreprises auxquelles la SARL CEDILEC a été assujettie au titre des années 2013 à 2016 dans les rôles de la même commune ont été mis en recouvrement le 26 avril 2018 pour un montant total de 1 561 062 euros, exempt de pénalités.
2. Les trois réclamations successivement présentées par la SARL CEDILEC, les deux premières, en son nom et pour son compte et, la dernière, en tant que mandataire de la SA Natixis Lease Immo, ayant été rejetées, cette société a, en ces mêmes qualités, porté le litige devant le tribunal administratif de Rouen, par trois demandes successives, en lui demandant, d'une part, de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires de taxe foncière auxquelles ces sociétés ont été assujetties au titre des années 2015 et 2016 et de la cotisation primitive de taxe foncière 2017 à laquelle elles ont été assujetties dans les rôles de la commune du Havre, d'autre part, de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires de cotisation foncière des entreprises auxquelles la SARL CEDILEC a été assujettie au titre des années 2013 à 2016 dans les rôles de la même commune. Par un jugement du 23 février 2021, le tribunal administratif de Rouen a constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions de ces demandes à concurrence du dégrèvement prononcé par l'administration, à hauteur des sommes respectives de 1 786 euros et de 1 804 euros, en ce qui concerne les cotisations supplémentaires de taxe foncière sur les propriétés bâties établies au titre des années 2015 et 2016, et a rejeté le surplus des conclusions de ces demandes. La SARL CEDILEC, agissant en son nom propre et en tant que mandataire de la SA Natixis Lease Immo, relève appel de ce jugement en tant qu'il ne lui donne pas entière satisfaction.
Sur l'étendue du litige :
3. Par deux ordonnances du 28 avril 2021, la présidente de la cour administrative d'appel de Douai a transmis au Conseil d'Etat le jugement des conclusions de la requête de la SARL CEDILEC tendant à la décharge des cotisations supplémentaires de taxe foncière auxquelles cette société et la SA Natixis Lease Immo ont été assujetties au titre des années 2015, 2016 et 2017 dans les rôles de la commune du Havre. Le litige dont la cour demeure saisie a, dès lors, pour objet les suppléments de cotisation foncière des entreprises mis à la charge de la SARL CEDILEC au titre des années 2013 à 2016, pour un montant total de 867 200 euros.
Sur la régularité du jugement attaqué :
4. En vertu de l'article L. 9 du code de justice administrative, les jugements des tribunaux administratifs sont motivés. En outre, en vertu de l'article R. 741-2 du même code, ces jugements contiennent l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont il est fait application.
5. La SARL CEDILEC soutient que les premiers juges ont omis d'apporter une réponse explicite à ses moyens tirés, d'une part, de ce que les deux parties composant l'entrepôt qu'elle exploite constituent des unités cadastrales distinctes devant faire l'objet d'une évaluation séparée, d'autre part, de ce que des erreurs affectent la détermination des nouvelles bases imposables qui lui ont été assignées, enfin, de l'absence de justification suffisante, par l'administration, de celles-ci. La SARL CEDILEC fait, en outre, grief aux premiers juges d'avoir insuffisamment justifié leur appréciation selon laquelle les moyens techniques qu'elle met en œuvre, dans cet entrepôt, pour les besoins de son exploitation, jouent un rôle prépondérant dans son activité.
6. Il ressort du dossier de première instance transmis à la cour que la SARL CEDILEC avait effectivement soulevé, devant le tribunal administratif, le moyen tiré de ce que les deux parties de l'entrepôt qu'elle exploite au Havre formaient, à son sens, des unités cadastrales distinctes et de ce que son établissement avait, dès lors, fait l'objet à tort d'une évaluation globale, qui avait, de surcroît, influé sur l'appréciation, par l'administration, de l'importance et du caractère prépondérant des moyens techniques mis en œuvre. Il ressort des mentions du jugement attaqué que le tribunal administratif n'a apporté aucune réponse à ce moyen, qu'il n'a d'ailleurs pas visé et qui n'était pas inopérant. Il suit de là, et sans qu'il soit besoin d'examiner ses autres griefs, que la SARL CEDILEC est fondée à soutenir que, en tant qu'il statue sur les conclusions dont il était saisi en matière de cotisation foncière des entreprises, le jugement dont elle relève appel est insuffisamment motivé au regard des exigences posées par les dispositions, rappelées au point précédent, des articles L. 9 et R. 741-2 du code de justice administrative et qu'il doit, dès lors, être annulé pour irrégularité.
7. Il y a lieu, dans les limites du litige d'appel, d'évoquer et de statuer immédiatement sur les demandes présentées par la SARL CEDILEC devant le tribunal administratif de Rouen.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
8. Si la procédure de rectification contradictoire prévue aux articles L. 55 et suivants du livre des procédures fiscales ne trouve pas à s'appliquer en matière d'impositions locales telles la cotisation foncière des entreprises, l'administration doit néanmoins respecter le droit du contribuable, dont elle envisage de rehausser les bases assujetties à cette imposition, de pouvoir présenter d'utiles observations avant la mise en recouvrement des suppléments d'impôt.
9. Il ressort des termes de la lettre d'information adressée le 16 juin 2016 à la SARL CEDILEC que ce document expose les motifs de droit et de fait qui fondent les impositions en litige. En particulier, cette lettre d'information énonce les motifs de droit et de fait sur lesquels l'administration s'est appuyée pour estimer que l'établissement que cette société exploite au Havre devait être regardé comme présentant un caractère industriel au sens et pour l'application de l'article 1499 du code général des impôts, ainsi que les modalités suivant lesquelles la base d'imposition qui lui a été assignée à raison de cet établissement a été déterminée. Il suit de là que la SARL CEDILEC a été mise à même de présenter d'utiles observations sur les rehaussements portés à sa connaissance. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de cette lettre d'information manque en fait et doit être écarté.
Sur le bien-fondé des impositions en litige :
En ce qui concerne le principe d'une évaluation unique des deux parties de l'entrepôt :
10. En vertu de l'article 1494 du code général des impôts, la valeur locative des biens passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties ou d'une taxe établie sur les mêmes bases est déterminée, conformément aux règles définies par les articles 1495 à 1508 du même code, pour chaque propriété ou fraction de propriété normalement destinée à une utilisation distincte. En outre, aux termes de l'article 324 A de l'annexe III à ce code : " Pour l'application de l'article 1494 du code général des impôts on entend : / 1° Par propriété normalement destinée à une utilisation distincte : / a. En ce qui concerne les biens autres que les établissements industriels l'ensemble des sols terrains et bâtiments qui font partie du même groupement topographique et sont normalement destinés à être utilisés par un même occupant en raison de leur agencement ; / b. En ce qui concerne les établissements industriels l'ensemble des sols terrains bâtiments et installations qui concourent à une même exploitation et font partie du même groupement topographique. / (...) ".
11. Il résulte de l'instruction que l'entrepôt exploité, au Havre, par la SARL CEDILEC est, ainsi qu'il a été dit au point 1, composé d'une partie Nord, plus ancienne, dont elle a acquis la propriété, et d'une extension Sud, de construction plus récente, qu'elle prend en crédit-bail. Si la SARL CEDILEC soutient que ces deux parties forment des unités cadastrales distinctes qui auraient dû faire l'objet, chacune, d'une évaluation cadastrale spécifique, d'une part, les photographies qu'elle a produites devant les premiers juges ne sont pas de nature à corroborer ses allégations sur ce point, d'autre part, la SARL CEDILEC n'allègue pas que ces parties de bâtiment seraient physiquement séparées, qu'elles bénéficieraient chacune d'un aménagement spécifique ou qu'elles seraient affectées à des activités distinctes. Au contraire, il résulte de l'instruction, et il n'est pas contesté, que ces deux parties de bâtiment concourent à une même exploitation, mise en œuvre, dans le cadre de l'exercice de son activité, par un même occupant, à savoir la SARL CEDILEC, et qu'elles font partie d'un même groupement topographique, la circonstance qu'elles n'ont pas le même propriétaire étant indifférente à cet égard. Par suite, ces deux parties de bâtiment ont pu, sans qu'il en résulte une méconnaissance des dispositions susmentionnées de l'article 1494 du code général des impôts ou de celles de l'article 324 A de l'annexe III à ce code, faire l'objet d'une évaluation unique pour la détermination de leur valeur locative cadastrale. La SARL CEDILEC n'est pas fondée à invoquer, sur ce point, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, les énonciations du paragraphe n°130 de la doctrine administrative publiée le 6 septembre 2017 sous la référence BOI-IF-TFB-20-10-10-30, qui, en tout état de cause, ne comportent pas une interprétation de la loi fiscale différente de celle dont le présent arrêt fait application.
En ce qui concerne la méthode de détermination de la valeur locative de l'établissement :
12. Aux termes de l'article 1467 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au présent litige : " La cotisation foncière des entreprises a pour base la valeur locative des biens passibles d'une taxe foncière situés en France, à l'exclusion des biens exonérés de taxe foncière sur les propriétés bâties en vertu des 11° et 12° de l'article 1382, dont le redevable a disposé pour les besoins de son activité professionnelle pendant la période de référence définie aux articles 1467 A et 1478, à l'exception de ceux qui ont été détruits ou cédés au cours de la même période. / (...) ". En outre, en vertu de l'article 1388 de ce code, la taxe foncière sur les propriétés bâties est établie d'après la valeur locative cadastrale de ces propriétés, déterminée conformément aux principes définis notamment par les articles 1494 à 1508. Les règles suivant lesquelles est déterminée la valeur locative des biens passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties sont définies à l'article 1496 du code général des impôts pour les " locaux affectés à l'habitation ou servant à l'exercice soit d'une activité salariée à domicile, soit d'une activité professionnelle non commerciale ", à l'article 1498 pour " tous les biens autres que les locaux visés au I de l'article 1496 et que les établissements industriels visés à l'article 1499 " et à l'article 1499 pour les " immobilisations industrielles ". Revêtent un caractère industriel, au sens de ces articles, les établissements dont l'activité nécessite d'importants moyens techniques, non seulement lorsque cette activité consiste dans la fabrication ou la transformation de biens corporels mobiliers, mais aussi lorsque le rôle des installations techniques, matériels et outillages mis en œuvre, fût-ce pour les besoins d'une autre activité, est prépondérant.
13. Il résulte de l'instruction, et il n'est d'ailleurs pas contesté, que l'établissement dont disposait, au Havre, la SARL CEDILEC, au cours des années d'imposition en litige, pour l'exercice de son activité couvrait, ses deux parties confondues, une surface de 55 000 m². Cet établissement recevait des marchandises qui lui étaient livrées par camion et les réexpédiait, selon une fréquence de trente camions entrants et de vingt-huit camions sortants par jour. Afin de prendre en charge ces importants flux entrants et sortants et d'assurer le stockage des marchandises, l'entrepôt était équipé d'un trieur de colis automatisé, piloté par un logiciel spécialisé dans la gestion des stocks et des flux de marchandises et composé d'un portique équipé d'un lecteur optique, ainsi que d'un tapis roulant, ces équipements alimentant 29 100 racks disposés dans neuf cellules d'une surface de 6 000 m² et sur quatre niveaux, la hauteur maximale de stockage pouvant atteindre huit mètres, ces rayonnages étant complétés par 34 871 emplacements de palettes. En outre, il n'est pas contesté que l'entrepôt disposait de six élévateurs, de cinq chariots, de vingt-quatre transpalettes pilotés, de six transpalettes électriques, d'un tracteur portuaire, d'une nacelle et de quatorze filmeuses. Dans ces conditions, la SARL CEDILEC doit être regardée comme ayant mis en œuvre, au cours des années d'imposition en litige, d'importants moyens techniques sur son site du Havre pour l'exercice de ses activités.
14. Ainsi qu'il a été dit au point 1, l'activité exercée par la SARL CEDILEC sur ce site consiste exclusivement à recevoir, à stocker, puis à réexpédier des marchandises destinées aux centrales d'achats d'une enseigne de magasins de grande surface. Cette société réalise ainsi des prestations de service et ne peut, dès lors, être regardée comme se livrant à la fabrication ou à la transformation de biens corporels mobiliers. En application des principes rappelés au point 12, son activité ne peut ainsi être regardée comme revêtant un caractère industriel, au sens et pour l'application de l'article 1499 du code général des impôts, que si le rôle des importantes installations techniques, et des matériels et outillages qu'elle met en œuvre pour les besoins de cette activité, est regardé comme prépondérant.
15. Il résulte de l'instruction, et il n'est d'ailleurs pas contesté, que les importants moyens techniques, décrits au point 13, que la SARL CEDILEC met en œuvre dans l'entrepôt qu'elle exploite, pour les besoins de son activité, au Havre, n'ont pas pour objet de réduire la pénibilité de tâches de manutention qui seraient exclusivement assurées par son personnel, mais que ces moyens sont inhérents aux modalités particulières d'exercice de son activité, dans un entrepôt de grande capacité et connaissant des mouvements de marchandises importants. Ainsi, dans le cadre de cette activité, les colis entrants sont systématiquement identifiés, dès leur arrivée dans l'entrepôt par tapis roulant, au moyen d'un lecteur optique monté sur un portique. A la réception de l'information correspondante, le logiciel de gestion des flux et des stocks détermine la répartition des marchandises par palettes et définit un lieu de stockage optimal pour ces marchandises. La préparation des expéditions, qui est également assurée par ce logiciel qui établit la liste des marchandises à collecter, en précisant leur emplacement de stockage et en déterminant l'ordre de chargement optimal en fonction de la destination des marchandises, est principalement assurée automatiquement par le trieur de colis, le stock étant disposé sur une surface et une hauteur importantes, de sorte que l'utilisation de ces équipements spécifiques est indispensable à la réalisation de ces différentes phases inhérentes à l'activité de la SARL CEDILEC. Ainsi, quand bien même des salariés de cette société interviennent dans l'entrepôt pour effectuer des tâches de levage et de manutention, ainsi que pour disposer des films en matière plastique autour des palettes, la gestion de l'activité logistique mise en œuvre sur le site est organisée autour d'un système informatisé qui permet une plus grande rationalisation de la gestion des flux et des stocks, en faisant intervenir, à titre principal, des équipements automatisés, les levages et transports effectués par les salariés, qui ont au demeurant recours à des engins de levage et de manutention pilotés, étant accessoires. Dans ces conditions, la SARL CEDILEC doit être regardée comme ayant mis en œuvre, dans le cadre de l'exercice de son activité dans l'établissement du Havre, des moyens techniques non seulement importants, mais dont le rôle, dans son processus d'exploitation, a été prépondérant. Il suit de là que l'administration était fondée à estimer qu'elle exerçait une activité industrielle au sens et pour l'application des dispositions de l'article 1499 du code général des impôts et que la valeur locative de cet établissement devait être établie selon les règles fixées par ces dispositions, en ce qui concerne les établissements industriels.
16. Aucune des impositions faisant l'objet du présent litige n'a été mise en recouvrement postérieurement à la date du 20 septembre 2018 à laquelle a été mise en ligne, sur le site www.impots.gouv.fr, la fiche d'exemples et de bonnes pratiques n° 8 relative à la qualification des " entrepôts - stockage de marchandises ". Par ailleurs, cette fiche, diffusée postérieurement à la date du fait générateur des impôts locaux contestés, n'a pu être appliquée par la SARL CEDILEC. Par suite, la SARL CEDILEC n'est, en tout état de cause, pas fondée à se prévaloir de cette fiche sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales. Enfin, les énonciations de cette fiche, purement illustrative, ne peuvent être regardées comme ayant la nature d'une prise de position formelle de l'administration sur une situation de fait, d'ailleurs différente de celle de la SARL CEDILEC, au regard du texte fiscal, au sens de l'article L. 80 B du même livre.
En ce qui concerne les modalités de détermination de la valeur locative :
17. Si la SARL CEDILEC soutient, à titre subsidiaire, que l'évaluation à laquelle s'est livré l'administration pour déterminer la valeur locative cadastrale de son établissement, s'il était regardé comme industriel, est erronée, dès lors que cette évaluation prend en compte, à tort, certains biens, elle n'assortit pas ce moyen de précisions permettant à la cour d'en apprécier le bien-fondé. Ce moyen doit donc être écarté.
18. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL CEDILEC n'est pas fondée à demander la décharge des suppléments de cotisation foncière des entreprises auxquels elle a été assujettie au titre des années 2013 à 2016 dans les rôles de la commune du Havre. Par suite, les conclusions des demandes en décharge qu'elle a présentées devant le tribunal administratif de Rouen doivent, dans la mesure du litige faisant l'objet de la présente instance d'appel, être rejetées. Par voie de conséquence, le surplus des conclusions de sa requête et, notamment, celles qu'elle présente sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées et il doit en être de même, en tout état de cause, de ses conclusions afférentes à la charge des dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement nos 1902084, 1902086, 1902500 du 23 février 2021 du tribunal administratif de Rouen est annulé en tant qu'il statue sur les conclusions des demandes de la SARL CEDILEC tendant à la décharge des suppléments de cotisation foncière des entreprises auxquels cette société a été assujettie au titre des années 2013 à 2016 dans les rôles de la commune du Havre.
Article 2 : Les conclusions des demandes présentées par la SARL CEDILEC devant le tribunal administratif de Rouen tendant à la décharge des impositions définies à l'article 1er ci-dessus, ainsi que le surplus des conclusions de la requête de cette société, dont celles tendant, dans le litige correspondant, à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et celles relatives aux dépens, sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL CEDILEC, à la SA Natixis Lease Immo, désormais appelée BPCE Lease, et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience publique du 12 janvier 2023 à laquelle siégeaient :
- M. Christian Heu, président de chambre,
- M. Mathieu Sauveplane, président-assesseur,
- M. Jean-François Papin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 janvier 2023.
Le rapporteur,
Signé : J.-F. PapinLe président de chambre,
Signé : C. Heu
La greffière,
Signé : N. Roméro
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
La greffière,
Nathalie Roméro
1
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N°21DA00894