Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La commune de Lillers a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner plusieurs entreprises à indemniser les dommages causés à la suite de la construction d'un complexe sportif.
Par un jugement n° 1900981 du 5 mai 2021, le tribunal administratif de Lille a condamné les sociétés Artprim et Sergeant à verser solidairement la somme de 86 902,30 euros HT au titre des désordres affectant les salles du dojo, puis a condamné les mêmes sociétés ainsi que la société Socotec à lui verser solidairement la somme de 133 710,38 euros HT au titre des désordres et malfaçons affectant la salle dédiée au javelot et au jeu de boules. La société Sergeant a, en outre, été condamnée à garantir la société Artprim de 80 % des condamnations prononcées à son encontre au titre des désordres affectant les salles du dojo, et 60 % des condamnations prononcées à son encontre au titre des désordres affectant la salle dédiée au javelot et au jeu de boules.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 1er juillet 2021 et 20 juin 2022, la SARL Sergeant, représentée par Me Sylvie de Saintignon, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de mettre à la charge de la SARL d'architecture Artprim, de la mutuelle des architectes français (MAF) et de la commune de Lillers une somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa responsabilité contractuelle ne peut pas être engagée dès lors que l'ouvrage a fait l'objet d'un procès-verbal de réception le 30 juillet 2010 et le lot n° 3 a été résilié, ce qui emporte réception des travaux ;
- l'appel en garantie de la société Artprim à son encontre ne pouvait pas être accueilli dès lors que le préjudice subi par le maître d'ouvrage découle d'un manquement du maître d'œuvre dans son devoir de conseil et n'est pas directement imputable aux malfaçons commises par elle, chargée de l'exécution des travaux ;
- sa responsabilité ne peut être supérieure à 50 % dès lors que la société Artprim et le contrôleur Socotec ont commis plusieurs manquements relatifs à la conception de l'ouvrage, l'obligation de surveillance du chantier et l'obligation de conseil ;
- elle est seulement responsable de la fourniture de plateaux trop courts, d'une couvertine trop courte, des relevés acrotères défaillants et de la fixation de panneaux déformés, déboîtés, qui ont eu une incidence sur la rigidité de l'ensemble ;
- l'appel incident présenté par la commune de Lillers est irrecevable dès lors que les conclusions tendant à ce que les condamnations prononcées par la cour soient assorties de la TVA sont nouvelles en appel ;
- la commune de Lillers a commis deux fautes qui l'exonèrent en partie de sa responsabilité, en raison d'une définition imprécise du programme des travaux et de l'absence de détection d'anomalies dans la rédaction du cahier des charges ;
- le préjudice de 28 891,91 euros demandé par la commune au titre des frais d'assistance technique ne peut pas être indemnisé.
Par des mémoires, enregistrés les 3 août 2021, 1er février 2022 et 13 juillet 2022, la commune de Lillers, représentée par Me Gilles Grardel, demande à la cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) de condamner les sociétés Artprim et Sergeant à lui verser les sommes de 86 902,29 euros HT correspondant aux désordres affectant le dojo ainsi qu'une somme de 11 380,52 euros TTC au titre des honoraires de M. A..., assorties de la TVA et des intérêts à compter du 20 janvier 2015 ;
3°) de condamner les sociétés Artprim, Sergeant et Socotec à lui verser les sommes de 133 710,38 euros HT correspondant aux désordres affectant le boulodrome ainsi qu'une somme de 17 511,39 euros TTC au titre des honoraires de M. A..., assorties de la TVA et des intérêts à compter du 20 janvier 2015 ;
4°) de revaloriser ces sommes en fonction de l'évolution de l'indice BT01 ;
5°) de condamner solidairement les sociétés Artprim, Sergeant et Socotec aux entiers dépens ;
6°) de mettre à la charge solidaire des sociétés Artprim, Sergeant et Socotec une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les sommes allouées par le tribunal peuvent être assorties pour la première fois en appel de la TVA ;
- il résulte du rapport d'expertise que la responsabilité des sociétés Sergeant et Artprim est engagée pour les désordres constatés en partie dojo et, outre celle de la société Socotec, pour la partie boulodrome ;
- son action n'est pas prescrite ;
- à titre subsidiaire, la responsabilité des constructeurs est engagée sur le terrain de la garantie décennale ;
- les sommes évaluées par l'expert doivent être revalorisées suivant l'évolution de l'indice BT01 compte tenu de l'augmentation des coûts des travaux.
Par un mémoire, enregistré le 1er septembre 2021, la société Sitex, représentée par Me Jean-François Pille, demande à la cour :
1°) de rejeter les conclusions de la société Artprim et de toute autre partie dirigées contre elle ;
2°) à titre subsidiaire, de condamner solidairement les sociétés Artprim et Socotec à la garantir de toutes les condamnations qui seraient prononcées à son encontre ;
3°) de mettre à la charge de la société Artprim et de tout succombant la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la réception des travaux qu'elle a réalisés est intervenue le 16 juillet 2010, faisant obstacle à ce que sa responsabilité soit engagée sur un autre fondement que celui quasi-délictuel ;
- l'absence de raccordement électrique de l'extracteur, mission qui n'était pas à sa charge, était visible au moment de la réception des travaux et la société Socotec n'a pas émis de réserve à ce propos.
Par un mémoire, enregistré le 8 septembre 2021, le bureau de contrôle Socotec, représenté par Me Estelle Denecker-Verhaeghe, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement et de rejeter les appels en garantie présentés par la société Artprim et son assureur la mutuelle des architectes français (MAF) ;
2°) à titre subsidiaire, de confirmer le jugement en tant qu'il a jugé qu'elle devait être garantie par la société Artprim à hauteur de 30 % des condamnations prononcées à son encontre ;
3°) de condamner la société Artprim et son assureur MAF à la garantir de toutes les condamnations qui seraient prononcées à son encontre ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Lillers, de la société Artprim, de la compagnie MAF et de la société Sergeant une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est entaché d'une contradiction dès lors que le tribunal a jugé le 4 avril 2017 que l'action de la commune sur le fondement de la responsabilité contractuelle des constructeurs était irrecevable ;
- le tribunal aurait dû rejeter l'appel en garantie formé par la société Artprim dès lors que le préjudice du maître d'ouvrage découlant d'un manquement du maître d'œuvre à son devoir de conseil n'est pas directement imputable aux manquements aux règles de l'art commis par les constructeurs ;
- l'action de la commune était prescrite depuis le 7 juin 2017 ;
- les négligences de la commune ont concouru au dommage qu'elle prétend subir ;
- le rapport d'expertise le met hors de cause.
Par des mémoires, enregistrés les 4 janvier 2022 et 23 mai 2022, la SARL Artprim et la mutuelle des architectes français (MAF), représentées par Me Véronique Ducloy, demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement en tant qu'il a retenu la responsabilité de la société Artprim ;
2°) de les mettre hors de cause ;
3°) à titre subsidiaire, de condamner les sociétés Sergeant, FCB, Sitex et Socotec solidairement ou l'une à défaut de l'autre, à les garantir de toutes condamnations qui seraient prononcées à leur encontre au profit de la commune de Lillers ;
4°) à titre infiniment subsidiaire, de juger que la responsabilité de la société Artprim ne saurait excéder la clé de répartition établie par les premiers juges ;
5°) de mettre à la charge solidaire de la société Sergeant et de tout succombant une somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- les conclusions dirigées contre la MAF doivent être rejetées comme étant portées devant une juridiction incompétente pour en connaître ;
- la MAF doit être mise hors de cause ;
- la société Artprim n'a commis aucun manquement, les malfaçons étant le fait de défauts d'exécution imputables à la société Sergeant et à son sous-traitant, la société Picardie étanchéité ;
- la société Sergeant devra la garantir de toutes condamnations qui seraient prononcées à son encontre ;
- la société Sitex, qui est responsable de l'apparition de condensation dans le bâtiment en raison d'une ventilation insuffisante, la société FCB, qui, en tant que titulaire du lot gros œuvre, est responsable des malfaçons affectant les acrotères en maçonnerie et la société Socotec, qui a omis de repérer l'incompatibilité des éléments de couverture, devront la garantir de toutes condamnations qui seraient prononcées à son encontre.
Par des mémoires, enregistrés les 29 avril 2022 et 20 juillet 2022, la société fabrication construction bâtiment (FCB), représentée par la société d'avocats Gros - Hicter - D'Halluin, demande à la cour :
1°) de rejeter l'appel en garantie présenté par les sociétés Artprim et MAF à son encontre ;
2°) de mettre à la charge de ces sociétés une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- l'appel en garantie formée contre elle par les sociétés Artprim et MAF est atteint par la prescription quinquennale depuis le 18 décembre 2018 ou le 20 janvier 2020 s'il est tenu compte de la suspension du délai par la procédure d'expertise ;
- elle n'a commis aucune faute, les recouvrements des acrotères sont seuls défaillants et non leur réalisation ;
- elle n'est pas responsable de la fourniture des couvertines trop courtes ;
- à titre subsidiaire, une éventuelle défaillance de sa part n'aurait qu'une incidence limitée par rapport à l'étendue des désordres.
Par une ordonnance du 20 juin 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 29 juillet 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller,
- les conclusions de M. Guillaume Toutias, rapporteur public,
- et les observations de Me Antoine Hivet, représentant la commune de Lillers, Me Anaïs Bertincourt, représentant la société Artprim, Me Ségolène Chavda, représentant la société FCB et de Me Jean-François Pille, représentant la société Sitex.
Considérant ce qui suit :
1. La commune de Lillers a entrepris, en 2005, la construction d'un complexe sportif, rue du Château, comprenant une partie dojo et une partie dédiée aux jeux de boules et de javelot. La maîtrise d'œuvre du projet a été assurée par la société d'architecture Artprim, le contrôle technique par la société Socotec, tandis que la réalisation des travaux du lot " couverture, zinguerie, étanchéité " a été attribuée, par un acte d'engagement du 12 décembre 2007, à la société Sergeant. Cette dernière a elle-même sous-traité une partie de ses prestations d'étanchéité à la société Picardie Etanchéité. Les lots " gros œuvre " et " climatisation " ont quant à eux été attribués, respectivement, aux sociétés Fabrication Construction Bâtiment (FCB) et Sitex. Un procès-verbal de réception de l'ouvrage a été dressé le 30 juillet 2010, avec effet au 16 juillet 2010, en étant assorti d'une réserve générale sur la couverture du bâtiment et de réserves relatives à la production d'un document sur la réparation de la descente d'eaux pluviales dans le compartiment de rangement des boules du boulodrome et à l'absence d'essais des dispositifs de désenfumage. Par un courrier du 6 décembre 2011, la commune de Lillers a informé la société Sergeant de la résiliation du marché dont elle était titulaire. La collectivité a ensuite saisi, le 18 janvier 2012, le tribunal administratif de Lille d'une requête tendant à ce qu'il prescrive une expertise portant sur des infiltrations et autres malfaçons affectant le dojo et la salle " javelot et jeu de boules " du complexe sportif. Par une ordonnance du 7 juin suivant, le juge des référés a fait droit à cette demande et désigné M. C... B... en qualité d'expert. Celui-ci a rendu son rapport le 28 janvier 2015. Entre temps, le 18 décembre 2013, la commune de Lillers a saisi le tribunal d'un recours tendant à la condamnation solidaire, d'une part, de la société Aviva assurances au titre de la police " dommages-ouvrage " souscrite auprès d'elle, d'autre part, et sur le fondement de la responsabilité décennale des constructeurs, de la société Sergeant, de la société d'architecture Artprim et de la société Socotec ainsi que de leurs assureurs respectifs, à l'indemniser des conséquences dommageables des infiltrations d'eau précitées. Par un jugement n° 1307327 du 4 avril 2017, le tribunal a rejeté cette requête et mis les frais de l'expertise à la charge définitive de la commune de Lillers. Par un arrêt n° 17DA01030 rendu le 8 octobre 2020, la cour administrative d'appel de Douai a confirmé ce jugement.
2. La commune de Lillers a ensuite demandé au tribunal, sur le fondement de la responsabilité contractuelle, de condamner solidairement, d'une part, la société d'architecture Artprim, la compagnie d'assurance MAF et la société Sergeant à lui verser la somme de 86 902,29 euros hors taxes (HT) en réparation des désordres affectant les salles du dojo ainsi qu'une somme de 11 380,52 euros toutes taxes comprises (TTC) en règlement des honoraires de M. A..., d'autre part, la société Artprim, la compagnie d'assurance MAF, la société Sergeant, la SMABTP et la société Socotec à lui verser une somme de 133 710,38 HT en réparation des désordres affectant le boulodrome du même complexe sportif ainsi qu'une somme de 17 511,39 euros TTC en règlement des honoraires de M. Hogedez, conseiller technique de la commune.
3. La SARL Sergeant relève appel du jugement du 24 janvier 2021 par lequel le tribunal l'a condamnée à verser à solidairement avec la société d'architecture Artprim, la somme de 86 902,30 euros au titre des désordres affectant les salles du dojo et, avec la société d'architecture Artprim et la société Socotec, la somme de 133 710,38 euros au titre des désordres et malfaçons affectant la salle dédiée au javelot et au jeu de boules.
Sur la compétence de la juridiction administrative :
4. Il n'appartient qu'aux tribunaux de l'ordre judiciaire de connaître des actions tendant au paiement de sommes dues par un assureur au titre de ses obligations de droit privé en raison du fait dommageable commis par son assuré, alors même que l'appréciation de la responsabilité de cet assuré dans la réalisation du fait dommageable relève du juge administratif. Il s'ensuit que l'appel en garantie formé par la société Socotec à l'encontre de la société MAF, assureur de la société Artprim, doit être rejeté comme porté devant une juridiction incompétente pour en connaître.
Sur la responsabilité contractuelle :
5. Il résulte de l'instruction que les travaux du lot " couverture, zinguerie, étanchéité " ont fait l'objet d'un procès-verbal de réception du 30 juillet 2010 assorti d'une réserve générale sur la couverture du bâtiment qui n'a pas été levée. Ainsi, en l'absence de réception de l'ouvrage ou de la levée des réserves l'assortissant, les désordres doivent être appréciés sur le fondement du régime de la responsabilité contractuelle des constructeurs, sans que la société appelante puisse utilement soutenir que le jugement du tribunal administratif de Lille du 4 avril 2017 aurait constaté l'irrecevabilité de l'action de la commune de Lillers sur ce fondement. En outre, si la société Sergeant soutient que la résiliation du marché emporte réception des travaux, il résulte des dispositions de l'article 46.2 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés publics de travaux, annexé au décret du 21 janvier 1976, que seul l'établissement d'un procès-verbal des opérations d'inventaire emporte réception de l'ouvrage, ce qui n'a pas été fait en l'espèce. Le moyen sera donc écarté.
En ce qui concerne l'exception de prescription :
6. La société Socotec se borne à opposer l'exception de prescription quinquennale comme elle l'a fait en première instance. Il y a lieu d'écarter cette exception par adoption des motifs retenus par les premiers juges.
En ce qui concerne les désordres :
7. Il résulte de l'instruction que la couverture des deux salles composant le dojo, comme celle de la salle de javelot et de jeu de boules, est constituée de deux versants réalisés en panneaux métalliques dotés d'une isolation " sandwich " de type Monolaine. Ces couvertures reçoivent des lanterneaux placés en haut de versant, près de la ligne de faîtage. Les autres salles sont surmontées par une toiture plate entourée d'acrotères.
8. Il résulte du rapport d'expertise qu'ont été constatées, d'une part, des infiltrations dans la salle dojo 1, à proximité des lanterneaux, et dans la salle dojo 2, à l'aplomb des chéneaux et, d'autre part, de très nombreuses zones d'humidité dans la salle de javelot et du jeu de boules, à l'aplomb des chéneaux et en rives. L'expert a relevé des malfaçons sur l'ensemble des couvertures du dojo et de la salle de jeux ayant pour origine la fourniture et l'installation de plateaux de couverture trop courts, de couvertines d'acrotère trop courtes et de chéneaux défaillants. L'expert a également estimé que les lanterneaux n'étaient pas compatibles avec les panneaux Monolaine et ne reposaient pas sur des supports adaptés. Il a également remarqué, s'agissant particulièrement de la salle de jeu de boules et de javelot, que les panneaux de couverture sont mal emboîtés, qu'un défaut de liaison existe entre la rive du chéneau et la bande solin ainsi qu'une forte humidité causée par l'arrosage régulier de la terre battue recouvrant le sol, le chauffage rayonnant au plafond et l'insuffisante isolation.
En ce qui concerne l'imputabilité des désordres :
9. Il résulte de l'instruction et, notamment, du rapport d'expertise que les désordres en litige sont imputables à de nombreux manquements dans la réalisation des travaux de couverture et d'étanchéité par la société Picardie Etanchéité, sous-traitante de la société Sergeant, ces travaux étant non conformes aux prescriptions du marché et aux règles de l'art. La société Sergeant a ainsi manqué à son obligation contractuelle au titre des travaux réalisés par son sous-traitant. L'appelante reconnaît d'ailleurs être responsable de la fourniture de plateaux trop courts, d'une couvertine trop courte, de relevés d'acrotères défaillants et de la fixation de panneaux déformés, déboîtés ayant eu une incidence sur la rigidité de l'ensemble.
10. Par ailleurs, il résulte de l'instruction et, notamment, du rapport d'expertise que si la société Artprim a relancé à de nombreuses reprises la société Sergeant après avoir constaté les premières infiltrations dans le bâtiment, le maître d'œuvre a manqué à ses obligations de direction de l'exécution des travaux faute de s'être assuré que les ouvrages en cours de réalisation respectaient les études préalables et avoir vérifié la compatibilité des éléments de couverture.
11. Quant au contrôleur technique, la société Socotec était chargée d'une mission portant seulement sur la solidité des ouvrages et des éléments d'équipement indissociables, sur la sécurité des personnes et sur l'accessibilité des personnes handicapées. Il résulte de l'instruction que celle-ci a demandé la prolongation des couvertines en cours de chantier et, si le rapport d'expertise indique que l'isolant Monolaine n'est pas compatible avec l'importante hygrométrie de la salle de jeu de boules et de javelot, il est constant que la mission de la société Socotec ne portait pas sur le contrôle thermique ni sur la ventilation. Dès lors, ce dommage n'est pas imputable à la société Socotec, qui doit être mise hors de cause. Il est en revanche imputable à la société Artprim qui a commis une faute en prescrivant l'isolant monolaine alors qu'elle aurait dû recommander le recours à un isolant adapté au taux d'hygrométrie de la salle de jeu de boules et de javelot et qui a été défaillante dans la direction du chantier.
12. Il résulte de ce qui précède que les désordres relevés sur le complexe sportif de la commune de Lillers doivent être imputés à hauteur de 80 % à la société Sergeant et à hauteur de 20 % à la société Artprim pour les deux salles du dojo et à hauteur de 60 % à la société Sergeant et de 40 % à la société Artprim pour la salle abritant le jeu de boules et de javelot.
13. Enfin, il ne résulte pas de l'instruction que la commune de Lillers aurait commis des manquements de nature à exonérer ses cocontractants d'une partie de leur responsabilité, la rédaction du cahier des clauses techniques particulières et le contrôle du programme de travaux ayant été attribués à la maîtrise d'œuvre.
Sur la réparation :
14. La commune de Lillers, qui ne récupère pas la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) acquittée sur les travaux, a le droit de demander pour la première fois en appel que ces sommes soient augmentées du montant de la TVA. Il en résulte que la fin de non-recevoir opposée par la société Sergeant doit être écartée.
15. Il résulte du rapport d'expertise, dont les constatations ne sont pas sérieusement contestées sur ce point, que le montant des travaux de reprise des désordres en litige s'élève à la somme 86 902,30 euros HT en ce qui concerne les salles composant la partie dojo du complexe sportif et 133 710,38 euros HT en ce qui concerne la salle de javelot et de jeu de boules, soit une somme totale de 220 612,68 euros HT, laquelle sera augmentée de la TVA et des intérêts au taux légal à compter du 29 décembre 2016. La commune de Lillers est ainsi fondée à demander à être indemnisée à hauteur de ces sommes.
16. En revanche, si la commune de Lillers demande à la cour de majorer ses indemnités en fonction de l'évolution de l'indice BT 01, elle n'apporte aucun élément permettant d'établir que le coût des travaux de réparation du complexe sportif se serait renchéri depuis l'estimation de l'expert.
Sur les appels en garantie :
17. Il incombe au juge administratif, en vue de la répartition finale de la dette, de prendre en compte l'importance respective des fautes contractuelles commises par les constructeurs condamnés à indemniser le maître d'ouvrage, à l'exclusion des fautes susceptibles d'être imputées à des tiers qui n'ont pas été mis en cause dans l'instance.
18. Compte tenu de ce qui a été dit au point 12, il sera fait une juste appréciation des responsabilités en présence dans la survenance des désordres affectant le complexe sportif en fixant les quoteparts de responsabilité des sociétés Sergeant et Artprim à hauteur, respectivement, de 80 % et 20 % pour les salles dédiées au dojo et de 60 % et 40 % pour la salle dédiée au jeu de boules et javelot. Les sociétés Sergeant et Artprim sont donc fondées à s'appeler mutuellement en garantie dans les limites de leurs responsabilités respectives.
19. Si la société Artprim appelle en garantie la société Fabrication Construction Bâtiment (FCB) qui était chargée des travaux de gros-œuvre, il ne résulte pas du rapport d'expertise que l'édification des acrotères sur la partie plate de la toiture par la société FCB aurait été défaillante mais qu'au contraire, c'est la mauvaise dimension des couvertines installées sur ces acrotères par la société Sergeant qui est à l'origine d'infiltrations. Par suite, la société Artprim n'est pas fondée à appeler en garantie la société FCB.
20. Si la société Artprim appelle également en garantie la société Sitex chargée de la fourniture et l'installation d'un extracteur d'air dans les salles de javelot et jeu de boules, cette société fait valoir sans être contredite que le raccordement au réseau électrique de l'extracteur ne lui incombait pas mais était à la charge d'une société d'électricité. Par suite, la société Artprim n'est pas fondée à appeler en garantie la société Sitex.
21. Comme il a été dit au point 12, la responsabilité de la société Socotec n'étant pas engagée dans la présente instance, la société Artprim n'est pas fondée à l'appeler en garantie.
22. Il résulte de tout ce qui précède que la société Socotec est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 5 mai 2021, le tribunal administratif de Lille l'a reconnue en partie responsable des désordres affectant la salle n° 3 du complexe sportif de la commune de Lillers dédiée au jeu de boules et de javelot. En revanche, les sociétés Sergeant et Arprim ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le même jugement, le tribunal administratif de Lille les a reconnues contractuellement responsables des désordres affectant les salles n° 1, 2 et 3 du complexe sportif et les ont solidairement condamnées à verser à la commune de Lillers les sommes de 86 902,30 euros en réparation des désordres affectant les salles n° 1 et 2 dédiées au dojo et de 133 710,38 euros au titre des désordres de la salle n° 3 dédiée au jeu de boules et de javelot. Pour les salles n° 1 et 2, il y a lieu de confirmer le jugement ayant fixé à 80 % la part de responsabilité imputable à la société Sergeant et à 20 % celle imputable à la société Artprim. Pour la salle n° 3, il y a lieu de confirmer la part de 60 % de responsabilité pour la société Sergeant et de porter à 40 % la part de responsabilité de la société Artprim. Ces deux sociétés doivent être condamnées à se garantir mutuellement dans la limite de leurs parts respectives de responsabilité.
Sur les dépens :
23. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. (...) ".
24. La commune de Lillers est fondée à demander le versement d'une somme totale de 28 891,91 euros au titre des frais de l'assistance technique à laquelle elle a eu recours, pour la défense de ses intérêts, en la personne de M. A..., représentant la société ADR, lors des opérations d'expertise. Cette somme, qui doit être regardée comme des dépens au sens de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, doit être mise à la charge de la société Sergeant à hauteur de 60 % et de la société Artprim, à hauteur de 40 %.
Sur les frais liés au litige :
25. Il y a lieu de mettre à la charge des sociétés Artprim et Sergeant une somme de 2 000 euros à verser solidairement à la commune de Lillers et une somme de 2 000 euros à verser solidairement à la société Socotec, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
26. Il y a lieu de mettre à la charge de la société Artprim une somme de 2 000 euros à verser à la société Sitex et une autre somme de 2 000 euros à verser à la société FCB, sur le fondement des mêmes dispositions. En revanche, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par les société Sergeant, Artprim et MAF qui sont, dans la présente instance, les parties principalement perdantes.
DÉCIDE :
Article 1er : Les conclusions dirigées contre la société mutuelle des architectes français sont rejetées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître.
Article 2 : Les sociétés Artprim et Sergeant sont solidairement condamnées à verser à la commune de Lillers une somme de 86 902,30 euros HT au titre des désordres affectant les salles dédiées au dojo, augmentée de la taxe sur la valeur ajoutée et des intérêts au taux légal à compter du 29 décembre 2016.
Article 3 : Les sociétés Artprim et Sergeant sont solidairement condamnées à verser à la commune de Lillers une somme de 133 710,38 euros HT au titre des désordres et malfaçons affectant la salle dédiée au javelot et au jeu de boules, augmentée de la taxe sur la valeur ajoutée et des intérêts au taux légal à compter du 29 décembre 2016.
Article 4 : Les sociétés Artprim et Sergeant sont condamnées à verser à la commune de Lillers la somme totale de 28 891,91 euros au titre des dépens.
Article 5 : Les sociétés Sergeant et Artprim sont condamnées à se garantir mutuellement à hauteur, respectivement, de 80 % et 20 % de la condamnation prononcée à l'article 2, et à hauteur respectivement de 60 % et 40 % de la condamnation prononcée à l'article 3.
Article 6 : Le jugement n° 1900981 du tribunal administratif de Lille du 5 mai 2021 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 7 : Les sociétés Artprim et Sergeant verseront solidairement à la société Socotec une somme de 2 000 euros et à la commune de Lillers, une somme de 2 000 euros, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 8 : La société Artprim versera à la société Sitex une somme de 2 000 euros et à la société Fabrication Construction Bâtiment, une somme de 2 000 euros, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 9 : La requête de la société Sergeant et le surplus des conclusions des parties sont rejetés.
Article 10 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Sergeant, à la commune de Lillers, à la société d'architecture Artprim, à la société mutuelle des architectes français, à la société Fabrication Contruction Bâtiment, à la société Sitex et à la société Socotec.
Délibéré après l'audience publique du 10 janvier 2023 à laquelle siégeaient :
- Mme Anne Seulin, présidente de chambre,
- M. Marc Baronnet, président-assesseur,
- M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 janvier 2023.
Le rapporteur,
Signé : G. VandenbergheLa présidente de chambre,
Signé : A. Seulin
La greffière,
Signé : A.S. Villette
La République mande et ordonne au préfet du Pas-de-Calais en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
La greffière,
Anne-Sophie Villette
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N°21DA01541