La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/01/2023 | FRANCE | N°21DA02753

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 05 janvier 2023, 21DA02753


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 28 décembre 2018 par lequel le maire de la commune de Wissant a refusé de lui délivrer un permis de construire pour la réalisation d'une maison individuelle ainsi que la décision implicite de rejet du recours gracieux formé contre cet arrêté.

Par un jugement n°1905273 du 5 octobre 2021, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistr

e le 1er décembre 2021, et un mémoire, enregistré le 27 juin 2022, M. B... A..., représentée pa...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 28 décembre 2018 par lequel le maire de la commune de Wissant a refusé de lui délivrer un permis de construire pour la réalisation d'une maison individuelle ainsi que la décision implicite de rejet du recours gracieux formé contre cet arrêté.

Par un jugement n°1905273 du 5 octobre 2021, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 1er décembre 2021, et un mémoire, enregistré le 27 juin 2022, M. B... A..., représentée par Me Jean-François Rouhaud, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 28 décembre 2018 ainsi que la décision implicite de rejet du recours gracieux formé contre cet arrêté ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Wissant la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement a omis de statuer sur le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 151-21 du code de l'urbanisme ;

- les règles du plan d'occupation des sols devaient s'apprécier à l'échelle de l'ensemble de l'opération d'aménagement et non à celle de la seule demande de permis de construire une maison individuelle ;

- l'opération d'aménagement réalisée par la division foncière, objet de la non-opposition tacite à déclaration préalable, respectaient les règles du plan d'occupation des sols.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 mai 2022, la commune de Wissant, représentée par Me Alex Dewattine, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de M. A... de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les moyens de la requête ne sont pas fondés ;

- subsidiairement, la demande de première instance était tardive et aurait dû être rejetée pour ce motif ;

- M. A... n'était pas titulaire d'un permis tacite, la décision du 28 décembre 2018 ne constituait donc pas une décision de retrait et ne devait dès lors pas faire l'objet d'une procédure contradictoire ;

- la non-opposition tacite dont M. A... était bénéficiaire ne produisait plus d'effets à la date du refus de permis de construire.

Par une ordonnance du 20 septembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au même jour en application de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Denis Perrin, premier conseiller,

- les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public,

- et les observations de Me Luc Basili, substituant Me Jean-François Rouhaud représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A... a déposé le 9 août 2018 un permis de construire pour la réalisation d'une maison individuelle sur le territoire de la commune de Wissant. Le maire lui a refusé ce permis par un arrêté du 28 décembre 2018. M. A... relève appel du jugement du tribunal administratif de Lille du 5 octobre 2021 qui a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de cet arrêté et du rejet implicite du recours gracieux formé contre cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la fin de non-recevoir opposée par la commune de Wissant à la demande de première instance :

2. D'une part, aux termes de l'article R. 421-5 du code de justice administrative : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision. ".

3. D'autre part, aux termes du premier alinéa de l'article L. 112-3 du code des relations ente le public et l'administration : " Toute demande adressée à l'administration fait l'objet d'un accusé de réception ". Aux termes de l'article L. 112-6 du même code : " Les délais de recours ne sont pas opposables à l'auteur d'une demande lorsque l'accusé de réception ne lui a pas été transmis ou ne comporte pas les indications exigées par la réglementation. / Le défaut de délivrance d'un accusé de réception n'emporte pas l'inopposabilité des délais de recours à l'encontre de l'auteur de la demande lorsqu'une décision expresse lui a été régulièrement notifiée avant l'expiration du délai au terme duquel est susceptible de naître une décision implicite. ".

4. D'une part, il ressort des pièces du dossier que M. A... a formé un recours gracieux le 18 février 2019, soit avant l'expiration du délai de recours contentieux ouvert contre la décision du 28 décembre 2018.

5. D'autre part, il n'est pas sérieusement contesté que ce recours gracieux puis sa confirmation, par un courrier du 25 février 2019 du conseil de M. A..., n'ont fait l'objet ni d'un accusé de réception ni d'une décision expresse. Par ailleurs, le refus de permis lui-même n'a pas fait état des voies et délais de recours en cas de recours administratif.

6. Dans ces conditions, le délai de recours contentieux, interrompu par le recours gracieux du 18 février 2019, n'était pas expiré à la date de dépôt de la requête, le 24 juin 2019. Par suite, la commune de Wissant n'est pas fondée à soutenir que la demande de M. A... aurait dû être rejetée comme irrecevable car tardive.

En ce qui concerne la légalité de l'arrêté du 28 décembre 2018 :

7. Aux termes de l'article L. 443-1 du code de l'urbanisme : " Constitue un lotissement la division en propriété ou en jouissance d'une unité foncière ou de plusieurs unités foncières contiguës ayant pour objet de créer un ou plusieurs lots destinés à être bâtis ".

8. Aux termes de l'article R. 151-21 du même code : " Dans les zones U et AU, le règlement peut, à l'intérieur d'une même zone, délimiter des secteurs dans lesquels les projets de constructions situés sur plusieurs unités foncières contiguës qui font l'objet d'une demande de permis de construire ou d'aménager conjointe sont appréciés comme un projet d'ensemble et auxquels il est fait application de règles alternatives édictées à leur bénéfice par le plan local d'urbanisme. / Ces règles alternatives définissent notamment les obligations faites à ces projets lorsque le règlement prévoit sur ces secteurs, en application de l'article L. 151-15, qu'un pourcentage des programmes de logements doit être affecté à des catégories de logement en précisant ce pourcentage et les catégories prévues. / Dans le cas d'un lotissement ou dans celui de la construction, sur une unité foncière ou sur plusieurs unités foncières contiguës, de plusieurs bâtiments dont le terrain d'assiette doit faire l'objet d'une division en propriété ou en jouissance, l'ensemble du projet est apprécié au regard de la totalité des règles édictées par le plan local d'urbanisme, sauf si le règlement de ce plan s'y oppose ".

S'agissant de l'absence de déclaration préalable de division foncière :

9. Si le maire de Wissant s'est opposé, par un arrêté du 9 janvier 2012, à la déclaration préalable déposée par M. A... pour détacher de sa propriété deux lots de terrain à bâtir, le tribunal administratif de Lille a annulé cet arrêté par un jugement du 6 mars 2014 devenu définitif qui a relevé que M. A..., ayant déposé sa déclaration le 10 novembre 2011, était devenu bénéficiaire d'une décision tacite de non-opposition un mois plus tard, le 10 décembre 2011, et que la décision du 9 janvier 2012 constituait en réalité le retrait d'une non-opposition tacite.

10. Il suit de là que M. A..., ainsi bénéficiaire d'une non-opposition tacite, n'avait pas besoin de réitérer sa demande à la suite de cette annulation contentieuse, contrairement à ce qu'a indiqué l'arrêté de refus de permis du 28 décembre 2018. Cette non-opposition permettait en conséquence la division de la propriété de M. A... constituée par les parcelles AE 196, AB 91 et AB 92 en deux lots, l'un pour l'édification de constructions à l'usage d'habitations et l'autre pour l'implantation d'une maison individuelle.

11. Il résulte de ce qui précède que le premier motif de l'arrêté, tiré de ce que M. A... n'était pas titulaire d'une déclaration préalable de division foncière en cours de validité, était entaché d'illégalité.

S'agissant de la méconnaissance du plan d'occupation des sols :

12. Il résulte des dispositions rappelées au point 8 que les autorisations pour chacune des opérations prévues par la division foncière doivent s'apprécier au regard de l'ensemble du projet envisagé sur la division foncière ainsi obtenue.

13. Aux termes de l'article 30 NA 1 du règlement du plan d'occupation des sols de la commune, applicable en raison de l'annulation du plan local d'urbanisme intercommunal de la Terre des deux caps par un jugement du tribunal administratif de Lille devenu définitif : " Sont admis sous conditions (...) les opérations d'aménagement portant sur un terrain ou un ensemble de terrains d'une superficie minimale de : / (...) 9 000 m² pour le secteur 30 NAc, Les Pâtures (...) Et comprenant (...) des constructions à destination d'habitation, de service ou d'équipement collectif (...) ".

14. Il ressort des pièces du dossier que la propriété de M. A... avait initialement une superficie de 11 053 m2. La division foncière ayant consisté à édifier des habitations sur un lot de 9 053 m2 et une maison individuelle sur l'autre lot d'une superficie de 2 000 m2 ne méconnaissait donc pas la règle fixée par le plan d'occupation des sols puisque, ainsi qu'il a été dit au point 12, la demande de permis de construire une maison individuelle déposée par M. A... devait s'apprécier au regard de l'ensemble du projet envisagé sur la division foncière.

15. Il ne pouvait pas non plus être opposé à M. A... la circonstance que " le projet de maison individuelle ne fait pas partie des occupations et utilisations des sols autorisées dans la zone 30NA ", dès lors que le projet se rapportait en réalité à une opération d'aménagement comportant sur un lot de la division foncière le projet litigieux et sur l'autre lot la construction de 23 logements individuels autorisée par un permis du 16 janvier 2017.

16. Il suit de là qu'il ne peut davantage être reproché à M. A..., comme le fait la commune, de n'avoir voulu réaliser qu'une maison destinée à son propre usage ou qu'une construction isolée, interdite par le préambule du règlement du plan d'occupation de la zone.

17. Il résulte de ce qui précède que le deuxième motif de l'arrêté, tiré de la méconnaissance du plan d'occupation des sols, était entaché d'illégalité.

S'agissant de la caducité de la non-opposition tacite :

18. La commune fait valoir en défense que la non-opposition tacite à la déclaration préalable détenue par M. A... ne pouvait pas produire d'effets au-delà du 10 décembre 2016. Elle entend donc demander à la cour de substituer ce motif à celui tiré de la méconnaissance des dispositions du plan d'occupation des sols.

19. D'une part, aux termes de l'article R. 424-18 du code de l'urbanisme : " Lorsque la déclaration porte sur un changement de destination ou sur une division de terrain, la décision devient caduque si ces opérations n'ont pas eu lieu dans le délai de trois ans à compter de la notification mentionnée à l'article R424-10 ou de la date à laquelle la décision tacite est intervenue ". Aux termes de l'article R. 424-21 du même code : " Le permis de construire, d'aménager ou de démolir ou la décision de non-opposition à une déclaration préalable peut être prorogé deux fois pour une durée d'un an, sur demande de son bénéficiaire si les prescriptions d'urbanisme et les servitudes administratives de tous ordres auxquelles est soumis le projet n'ont pas évolué de façon défavorable à son égard. ".

20. D'autre part, lorsqu'une décision créatrice de droits est retirée et que ce retrait est annulé, la décision initiale est rétablie à compter de date de la décision juridictionnelle prononçant cette annulation. Une telle annulation n'a, en revanche, pas pour effet d'ouvrir un nouveau délai de quatre mois pour retirer la décision initiale, alors même que celle-ci comporterait des irrégularités pouvant en justifier légalement le retrait.

21. Par son jugement définitif lu le 6 mars 2014, le tribunal administratif de Lille a annulé la décision du 9 janvier 2012 par laquelle le maire de Wissant s'était opposé à la déclaration préalable déposée le 10 novembre 2011 par M. A... en vue de la division de sa propriété en deux lots. Cette décision constituait le retrait d'une non-opposition tacite. Cette non-opposition tacite a donc été rétablie à compter du 6 mars 2014, date de la décision juridictionnelle définitive.

22. Par suite, la commune n'est pas fondée à soutenir que cette non-opposition était devenue caduque à la date du permis de construire du 28 décembre 2018 et qu'elle ne permettait pas alors le dépôt d'un permis de construire sur l'un des deux lots issus de la division foncière à laquelle cette non-opposition permettait de procéder.

23. Au surplus, la commune n'établit pas que les opérations de division foncière n'ont pas eu lieu dans le délai de validité de la déclaration préalable, alors que M. A... a obtenu un permis de construire pour réaliser des constructions sur le premier lot dès le 16 janvier 2017, sans que le motif aujourd'hui invoqué par la commune ait été alors opposé à cette demande.

S'agissant de la cristallisation des dispositions applicables au permis :

24. Si la commune se prévaut de l'article L. 442-14 du code de l'urbanisme relatif à la cristallisation des dispositions applicables au permis pendant une durée de cinq ans suivant l'obtention d'une non-opposition à déclaration, ce délai n'a couru qu'à compter de la lecture du jugement du tribunal administratif de Lille du 6 mars 2014 et, au surplus, cet article est inopérant en l'espèce, puisque la demande de permis ne se fondait pas sur des règles d'urbanisme en vigueur à la date de la non-opposition qui seraient devenues obsolètes.

25. Il résulte de ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que le refus de permis de construire, opposé le 28 décembre 2018, est entaché d'illégalité.

26. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lille, par le jugement contesté, a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 28 décembre 2018. Ce jugement doit donc être annulé, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur sa régularité. L'arrêté du 28 décembre 2018 ainsi que la décision implicite ayant rejeté le recours gracieux formé contre cet arrêté doivent également être annulés.

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

27. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la commune de Wissant demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

28. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Wissant la somme de 2 000 euros à verser à M. A... au même titre.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 5 octobre 2021 du tribunal administratif de Lille, l'arrêté du 28 décembre 2018 par lequel le maire de Wissant a refusé un permis de construire à M. A... ainsi que la décision implicite ayant rejeté le recours gracieux formé contre cet arrêté sont annulés.

Article 2 : La commune de Wissant versera la somme de 2 000 euros à M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions de la commune de Wissant présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la commune de Wissant.

Copie en sera transmise, pour information, au préfet du Pas-de-Calais.

Délibéré après l'audience publique du 8 décembre 2022 à laquelle siégeaient :

- M. Marc Heinis, président de chambre,

- Mme Corinne Baes-Honoré, présidente-assesseure,

- M. Denis Perrin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 janvier 2023.

Le rapporteur,

Signé : D. Perrin

Le président de la 1ère chambre,

Signé : M. C...

La greffière,

Signé : C. Sire

La République mande et ordonne au préfet du Pas-de-Calais en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Christine Sire

N°21DA02753 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21DA02753
Date de la décision : 05/01/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: M. Denis Perrin
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : LLC ASSOCIES AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-01-05;21da02753 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award