La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/12/2022 | FRANCE | N°22DA01182

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 15 décembre 2022, 22DA01182


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... se disant Baba C... a demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 10 juin 2021 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, d'autre part, d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", dans u

n délai d'un mois à compter du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 e...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... se disant Baba C... a demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 10 juin 2021 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, d'autre part, d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai d'un mois à compter du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, enfin, de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Par un jugement no 2105038 du 10 mai 2022, le tribunal administratif de Rouen a, d'une part, annulé l'arrêté du 10 juin 2021 du préfet de la Seine-Maritime, d'autre part, enjoint au préfet territorialement compétent de délivrer à M. A... se disant C... un titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de la date de notification dudit jugement, enfin, mis à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 900 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 7 juin 2022, le préfet de la Seine-Maritime demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A... se disant C... devant le tribunal administratif de Rouen.

Il soutient que :

- les premiers juges ont retenu à tort que la décision refusant de délivrer un titre de séjour à M. A... se disant C... était entachée d'erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors, d'une part, que l'intéressé s'est prévalu de documents d'état civil qui se sont avérés contrefaits et, d'autre part, que ses perspectives d'intégration sont faibles ;

- pour les motifs exposés dans les écritures produites au nom de l'Etat en première instance, les autres moyens soulevés par M. A... se disant C... devant le tribunal administratif de Rouen ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 juillet 2022, M. A... se disant C..., représenté par la SELARL Mary et Inquimbert, conclut au rejet de la requête, au maintien de l'injonction prononcée par le tribunal administratif et à ce que soit mise à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- en l'absence de justification du contraire, la requête doit être regardée comme tardive et, par suite, irrecevable ;

- le préfet lui ayant, en exécution du jugement attaqué, délivré un titre de séjour, il n'y a plus lieu, pour la cour, de statuer sur cette requête ;

- les premiers juges ont retenu à juste titre que la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour était entachée d'erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors qu'il a été pris en charge par le service de l'aide sociale à l'enfance, ce qui n'est possible qu'au regard d'une identité et d'une minorité certaines, et que les constatations opérées par le service de la police aux frontières ne peuvent suffire à établir qu'il aurait eu recours à une identité et une nationalité usurpées, ni même que l'acte de naissance qu'il a produit serait contrefait ; en outre, ayant suivi une formation professionnelle dans le domaine de la boulangerie et ayant obtenu un contrat d'apprentissage et donné toute satisfaction à son employeur et à son maître d'apprentissage, il a été embauché en contrat de travail à durée indéterminée et justifie d'un réel projet d'insertion professionnelle, ainsi que d'un projet de vie avec sa compagne, de nationalité française, avec laquelle il justifie d'une vie commune, tandis qu'il n'a conservé aucun lien dans son pays d'origine ;

- la décision de refus de titre de séjour est insuffisamment motivée ;

- cette décision a été prise en méconnaissance de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;

- elle devra être annulée par voie de conséquence de l'annulation du refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision fixant le pays de destination a été prise en méconnaissance de son droit à être préalablement entendu ;

- elle devra être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle méconnaît le dernier alinéa de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

M. A... se disant C... a été maintenu de plein droit au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 8 juillet 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller, a été entendu, au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Un ressortissant étranger se présentant sous l'identité de M. B... C..., ressortissant malien né le 4 avril 2002 à Sefeto, est entré en France le 7 février 2017, selon ses déclarations. Il a été pris en charge, en tant que mineur non accompagné, par les services de l'aide sociale à l'enfance du département de la Seine-Maritime, du 4 mai 2017 au 3 avril 2020. Il a sollicité, le 15 juin 2020, la délivrance d'une carte de séjour temporaire en se prévalant de cette prise en charge. Par un arrêté du 10 juin 2021, le préfet de la Seine-Maritime a refusé de faire droit à cette demande, a fait obligation à M. A... se disant C... de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Le préfet de la Seine-Maritime relève appel du jugement du 10 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Rouen, saisi par M. A... se disant C..., a annulé, pour excès de pouvoir, cet arrêté, lui a enjoint de délivrer un titre de séjour à l'intéressé et a mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 900 euros au conseil de cet étranger sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Sur la recevabilité de la requête :

2. Il ressort des pièces du dossier de première instance que le jugement attaqué du 10 mai 2022 du tribunal administratif de Rouen a été mis à la disposition du préfet de la Seine-Maritime, par l'application Télérecours, le 12 mai 2022 et que les services de la préfecture en ont pris connaissance le 13 mai 2022. En vertu des dispositions de l'article R. 751-4-1 du code de justice administrative, les parties qui, comme le préfet de la Seine-Maritime, sont inscrites dans cette application sont réputées avoir reçu notification d'un jugement à la date de première consultation dudit jugement, certifiée par l'accusé de réception délivré par l'application informatique. En conséquence, la requête du préfet de la Seine-Maritime, enregistrée au greffe de la cour le 7 juin 2022, soit avant l'expiration du délai d'appel d'un mois prévu à l'article R. 779-7 du code de justice administrative, qui a commencé à courir le 14 mai 2022 à zéro heure, n'est pas tardive. Il suit de là que la fin de non-recevoir opposée par M. A... se disant C... n'est pas fondée et doit être écartée.

Sur l'exception de non-lieu :

3. La seule circonstance que le préfet de la Seine-Maritime a, en exécution de l'injonction prononcée par jugement frappé d'appel, délivré à M. A... se disant C... une carte de séjour temporaire n'a pas fait perdre son objet à la requête introduite par le préfet de la Seine-Maritime contre ce jugement. Il suit de là que l'exception de non-lieu opposée par M. A... se disant C... doit être écartée.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4. D'une part, aux termes de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " Dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou s'il entre dans les prévisions de l'article L. 421-35, l'étranger qui a été confié au service de l'aide sociale à l'enfance au plus tard le jour de ses seize ans se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Cette carte est délivrée sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation qui lui a été prescrite, de la nature des liens de l'étranger avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur son insertion dans la société française. ".

5. D'autre part, aux termes de l'article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande : / 1° Les documents justifiants de son état civil ; / 2° Les documents justifiants de sa nationalité ; / (...) / La délivrance du premier récépissé et l'intervention de la décision relative au titre de séjour sollicité sont subordonnées à la production de ces documents. / (...) ". Aux termes de l'article L. 811-2 du même code : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies à l'article 47 du code civil. ". Aux termes de l'article 47 du code civil, dans sa rédaction alors en vigueur : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ". Ces dernières dispositions posent une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère. Il incombe cependant à l'administration, si elle entend renverser cette présomption, d'apporter la preuve du caractère irrégulier, falsifié ou non-conforme à la réalité des actes en cause.

6. Pour refuser la délivrance, à M. A... se disant C..., du titre de séjour qu'il sollicitait, le préfet de la Seine-Maritime a, selon les motifs mêmes de l'arrêté du 10 juin 2021, retenu notamment que l'acte de naissance et la carte d'identité consulaire, que l'intéressé avait produits à l'administration à l'appui de sa demande de titre de séjour, avaient fait l'objet d'une analyse documentaire par le service compétent de la direction interdépartementale de la police aux frontières, qui avait émis un avis défavorable à ce que ces documents soient pris en compte comme probants, de sorte qu'il était impossible de regarder comme établies avec certitude l'identité et la nationalité de l'intéressé, cette situation faisant obstacle à ce qu'il soit admis au séjour.

7. Il ressort du rapport d'analyse technique établi le 19 avril 2021 pour rendre compte au préfet de la Seine-Maritime des résultats de l'analyse documentaire mentionnée au point précédent, que le service, au terme d'un examen approfondi de l'acte de naissance qui lui était soumis, a constaté que les mentions pré-imprimées utilisées pour établir l'acte de naissance étaient, de même que le fond d'impression, réalisés au moyen d'une imprimante à jet d'encre, alors que les documents authentiques utilisent une mode d'impression en offset. Le service a relevé, en outre, que l'acte analysé comporte, à la ligne n°16, une faute d'orthographe, la mention " date d'établissement de l'acte " étant orthographiée " date d'étblissement de l'acte ". Il a relevé, par ailleurs, qu'alors que l'article 126 du code malien des personnes et de la famille impose que les dates mentionnées dans un tel acte le soient en toutes lettres, la date de naissance et la date d'établissement figurant sur l'acte présenté par l'intéressé sont mentionnées en chiffres. Enfin, le service a indiqué que l'acte analysé ne comporte, en méconnaissance de la législation malienne, aucun numéro d'identification nationale des personnes physiques et morales (NINA), le champ prévu, dans cet acte, pour recevoir ce numéro NINA n'étant pas renseigné. Au vu de ces constats, le service a indiqué au préfet que l'acte de naissance était contrefait. Compte-tenu des éléments d'analyse précis qui lui ont ainsi été communiqués, le préfet de la Seine-Maritime était fondé à retenir que le document d'état-civil dont M. A... se disant C... s'était prévalu au soutien de sa demande de titre de séjour, à savoir un acte de naissance qui s'est avéré contrefait, ne pouvait justifier de l'identité de l'intéressé, quand bien même celui-ci avait été antérieurement pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance, qui avaient accepté de le reconnaître sous cette identité. Le préfet était également fondé à écarter la carte d'identité consulaire délivrée au vu de ce document. Ce motif, tiré de ce que l'identité du demandeur n'était pas établie, suffisait à justifier légalement le refus du préfet de la Seine-Maritime de délivrer à l'intéressé le titre de séjour qu'il sollicitait sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sans qu'il ait été nécessaire à cette autorité de se livrer, en tenant compte des autres éléments qui la caractérisent, à une appréciation de la situation de l'étranger au regard de ces dispositions. Il suit de là que le préfet de la Seine-Maritime est fondé à soutenir que le tribunal administratif de Rouen, pour annuler l'arrêté contesté, a retenu à tort que la décision refusant de délivrer à l'intéressé un titre de séjour est entachée d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

8. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. A... se disant C..., tant devant le tribunal administratif de Rouen que devant elle.

Sur la décision de refus de titre de séjour :

9. L'arrêté contesté comporte l'énoncé des motifs de droit et de fait justifiant le refus opposé à M. A... se disant C..., de délivrance du titre de séjour qu'il sollicitait, ces motifs étant tirés, après citation des dispositions de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de ce que l'état civil de l'intéressé ne pouvait être tenu pour établi et de ce qu'il ne pouvait prétendre à une admission au séjour sur ce fondement. En outre, les motifs de l'arrêté contesté permettent d'établir que le préfet de la Seine-Maritime a examiné l'atteinte portée par sa décision sur la vie privée et familiale de l'intéressé, au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, le moyen de légalité externe soulevé par l'intéressé, tiré de l'insuffisante motivation de la décision de refus de titre de séjour, doit, en tout état de cause, être écarté.

10. Pour les motifs énoncés au point 7, le moyen tiré de ce que la décision de refus de titre de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté.

11. M. A... se disant C..., entré en France, selon ses déclarations, le 7 février 2017, fait état de son investissement dans une formation en apprentissage au métier de boulanger, dans le cadre de laquelle il a fait preuve de sérieux, cette formation lui ouvrant des perspectives d'insertion professionnelle dans la société française, au sein de laquelle il indique être déjà bien intégré. Il ajoute avoir obtenu un contrat de travail à durée indéterminée. Il fait état, en outre, de la relation qu'il a nouée avec une ressortissante française, avec laquelle il précise vivre maritalement. Toutefois, l'intéressé n'établit pas, par la production d'une attestation d'hébergement, établie par sa compagne, appuyée de bulletins de salaire délivrés au nom de M. C..., lesquels documents ont tous été établis après la date à laquelle l'arrêté contesté a été édicté, que cette vie commune présentait, à cette date, un caractère stable et ancien. En outre, M. A... se disant C... n'établit pas, par ses seules allégations, être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, dans lequel réside, selon les propres indications portées dans sa demande de titre de séjour, sa mère. Dans ces conditions, en dépit de l'investissement réel de l'intéressé dans sa formation professionnelle et malgré l'aboutissement de ses démarches d'insertion professionnelle, la décision de refus de titre de séjour ne peut, eu égard à l'ensemble des circonstances de l'espèce et, en particulier, à la durée et aux conditions du séjour de l'intéressé en France, être regardée comme portant à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise, ni comme étant contraire aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, cette décision ne peut davantage être regardée comme entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

12. Si, en vertu des dispositions de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision faisant obligation à un étranger de quitter le territoire français doit être motivée, ces dispositions n'imposent pas qu'elle le soit de façon spécifique lorsqu'elle est adossée à un refus de titre de séjour. Or, il ressort des motifs de l'arrêté contesté que ceux-ci comportent, comme il a été dit au point 9, l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles le préfet de la Seine-Maritime s'est fondé pour refuser de délivrer un titre de séjour à M. A... se disant C.... La décision de refus de titre de séjour doit donc être regardée comme suffisamment motivée, de sorte que la décision portant obligation de quitter le territoire français doit également être tenue comme telle.

13. Ainsi qu'il a été dit aux points 4 à 11, les moyens dirigés contre le refus de titre de séjour doivent être écartés. Il en résulte que le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français devrait être annulée par voie de conséquence de l'annulation de ce refus de titre de séjour n'est pas fondé.

14. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 11, les moyens tirés de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé doivent être écartés.

Sur la décision fixant le pays de destination :

15. M. A... se disant C... a sollicité son admission au séjour en tant que jeune majeur précédemment confié à l'aide sociale à l'enfance, sur le fondement de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il a donc été mis à même de faire valoir, avant l'intervention de l'arrêté par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi, tous éléments d'information ou arguments de nature à influer sur le contenu de ces mesures. Par suite, la garantie consistant dans le droit à être entendu préalablement à la mesure d'éloignement, telle qu'elle est notamment protégée par le droit de l'Union européenne, n'a pas été méconnue. Le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure à l'issue de laquelle la décision fixant le pays de renvoi a été prise doit donc être écarté.

16. Ainsi qu'il a été dit aux points 12 à 14, les moyens dirigés contre la décision portant obligation de quitter le territoire français doivent être écartés. Il en résulte que le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination de cette mesure devrait être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas fondé.

17. En vertu du dernier alinéa de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950.

18. En faisant état de la situation générale d'insécurité prévalant au Mali, M. A... se disant C..., qui n'a d'ailleurs pas formellement établi être originaire de ce pays, n'établit pas qu'il encourrait, à titre personnel, des risques avérés pour sa sécurité si, en exécution de l'obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet, qui ne se borne d'ailleurs pas à désigner le Mali comme la destination de cette mesure, il était acheminé d'office au Mali. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination aurait été prise en méconnaissance des dispositions du dernier alinéa de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier, compte tenu de ce qui a été dit précédemment, que cette décision serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

19. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Seine-Maritime est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a annulé, pour excès de pouvoir, son arrêté du 10 juin 2021, lui a enjoint de délivrer un titre de séjour à l'intéressé et a mis la somme de 900 euros à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Par voie de conséquence, la demande présentée par M. A... se disant C... devant le tribunal administratif de Rouen doit être rejetée et il doit en être de même des conclusions que l'intéressé présente en appel sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement no 2105038 du 10 mai 2022 du tribunal administratif de Rouen est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A... se disant C... devant le tribunal administratif de Rouen, de même que les conclusions qu'il présente en appel au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer, au préfet de la Seine-Maritime, à M. A... se disant C... et à Me Mary.

Délibéré après l'audience publique du 1er décembre 2022 à laquelle siégeaient :

- M. Christian Heu, président de chambre,

- M. Mathieu Sauveplane, président-assesseur,

- M. Jean-François Papin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 décembre 2022.

Le rapporteur,

Signé : J.-F. PapinLe président de chambre,

Signé : C. Heu

La greffière,

Signé : N. Roméro

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière,

Nathalie Roméro

1

2

No 22DA01182


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22DA01182
Date de la décision : 15/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Heu
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : SELARL MARY et INQUIMBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 15/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-12-15;22da01182 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award