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15/12/2022 | FRANCE | N°22DA00938

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 15 décembre 2022, 22DA00938


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, d'annuler l'arrêté du 15 octobre 2021 par lequel le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination, d'autre part, d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer une carte de séjour temporaire ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation, dans le délai de quinze jours à compter de la date d

e notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, d'annuler l'arrêté du 15 octobre 2021 par lequel le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination, d'autre part, d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer une carte de séjour temporaire ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation, dans le délai de quinze jours à compter de la date de notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard., enfin, de mettre à charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Par un jugement n° 2200104 du 13 avril 2022, le tribunal administratif de Lille a, d'une part, annulé l'arrêté du 15 octobre 2021, d'autre part, enjoint au préfet du Nord de délivrer à M. B... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans le délai d'un mois à compter de la date de notification dudit jugement, enfin, mis à la charge de l'Etat le versement au conseil de M. B... d'une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 2 mai 2022, sous le n° 22DA00938, le préfet du Nord demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Lille.

Il soutient que les premiers juges ont estimé à tort que son arrêté du 15 octobre 2021 était entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. B....

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 mai 2022, M. B..., représenté par Me Dewaele, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros, à verser à son avocat, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que le préfet du Nord n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement du 13 avril 2022.

En ce qui concerne l'ensemble des décisions contenues dans l'arrêté en litige :

- l'arrêté a été signé par une autorité incompétente ;

- il est insuffisamment motivé ;

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

- cette décision est entachée d'un défaut d'examen complet de sa situation ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- cette décision est entachée d'illégalité, par voie d'exception, du fait de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne la décision fixant le délai de départ volontaire :

- cette décision est entachée d'illégalité, par voie d'exception, du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

- cette décision est entachée d'illégalité, par voie d'exception, du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

M. B... a été maintenu de plein droit au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 juin 2022.

II. Par une requête enregistrée le 2 mai 2022, sous le n° 22DA00939, le préfet du Nord demande à la cour de prononcer, sur le fondement de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, le sursis à exécution du jugement n° 2200104 du 13 avril 2022 du tribunal administratif de Lille, jusqu'à ce qu'il soit statué sur sa requête au fond.

Il soutient que les premiers juges ont estimé à tort que son arrêté du 15 octobre 2021 était entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. B....

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 mai 2022, M. B..., représenté par Me Dewaele, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros, à verser à son avocat, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 juin 2022.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Bertrand Baillard, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes n° 22DA00938 et n° 22DA00939 du préfet du Nord présentent à juger les mêmes questions et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un même arrêt.

2. M. A... B..., ressortissant guinéen né le 7 juin 2000 à Dixinn (République de Guinée), est entré irrégulièrement en France en novembre 2016, selon ses déclarations. Il a sollicité, le 20 juillet 2020, la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, " étudiant ". Toutefois, par un arrêté du 1er décembre 2020, le préfet du Nord l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Par un jugement du 4 février 2021, le tribunal administratif de Lille a annulé cet arrêté pour un motif tiré du défaut d'examen particulier de la situation de M. B... et a enjoint au préfet du Nord de procéder au réexamen de sa situation. Par un arrêté du 15 octobre 2021, le préfet du Nord a de nouveau refusé de faire droit à la demande de M. B... tendant à la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par la requête enregistrée sous le n° 22DA00938, le préfet du Nord relève appel du jugement du 13 avril 2022 par lequel le tribunal administratif de Lille, d'une part, a annulé cet arrêté, d'autre part, lui a enjoint de délivrer à M. B... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la date de notification dudit jugement. Par la requête enregistrée sous le n° 22DA00939, le préfet du Nord demande à la cour de prononcer le sursis à exécution de ce jugement.

Sur la requête n° 22DA00938 :

3. Il ressort des pièces du dossier que M. B..., qui est entré en France à l'âge de seize ans alors qu'il était encore mineur, a entamé une scolarité au titre de l'année scolaire 2017/2018, et a obtenu en juin 2019 un certificat d'aptitude professionnelle " agent de propreté et d'hygiène ", puis en juin 2021 un baccalauréat professionnel spécialité " hygiène, propreté et stérilisation ", avant d'intégrer en septembre 2021 la première année du brevet de technicien supérieur " BioQualité ". Les attestations établies par le personnel éducatif ainsi que par l'assistante de service sociale académique témoignent du sérieux, de la motivation et de l'implication de M. B... dans ses études. La volonté d'insertion professionnelle de l'intéressé est quant à elle démontrée par la promesse d'embauche qui lui avait été faite en 2019 par une société spécialisée dans la propreté mais à laquelle il ne pouvait être donnée suite, faute pour M. B... d'être en possession d'un titre de séjour. Par ailleurs, celui-ci bénéficie d'un suivi social et éducatif depuis son arrivée en France. Aussi, alors même que M. B... ne serait pas isolé dans son pays d'origine, l'arrêté du 15 octobre 2021 du préfet du Nord avait pour effet d'interrompre un parcours scolaire et d'intégration professionnelle cohérent et sérieux. Par ailleurs, le préfet du Nord ne peut utilement se prévaloir de ce que M. B... ne remplirait pas les conditions de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les premiers juges ne s'étant pas fondés sur ce motif pour annuler son arrêté du 15 octobre 2021. Dès lors, dans les circonstances de l'espèce, en refusant d'admettre au séjour M. B..., le préfet du Nord a entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé. C'est donc à bon droit que les premiers juges ont annulé pour ce motif l'arrêté du préfet du Nord du 15 octobre 2021.

4. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Nord n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté du 15 octobre 2021 et lui a enjoint de délivrer à M. B... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ".

Sur la requête n° 22DA00939 :

5. La cour se prononçant, par le présent arrêt, sur les conclusions du préfet du Nord tendant à l'annulation du jugement du 13 avril 2022, les conclusions de sa requête, enregistrée sous le n° 22DA00939, tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont privées d'objet. Il n'y a donc pas lieu d'y statuer.

Sur les frais d'instance :

6. M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Dewaele, avocat de M. B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Dewaele de la somme totale de 1 500 euros.

DECIDE :

Article 1er : La requête n° 22DA00938 du préfet du Nord est rejetée.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n°22DA00939 du préfet du Nord.

Article 3 : L'Etat versera à Me Dewaele, conseil de M. B..., une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer, au préfet du Nord, à M. A... B... et à Me Dewaele.

Délibéré après l'audience publique du 1er décembre 2022 à laquelle siégeaient :

- M. Christian Heu, président de chambre,

- M. Mathieu Sauveplane, président-assesseur,

- M. Bertrand Baillard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 décembre 2022.

Le rapporteur,

Signé : B. BaillardLe président de chambre,

Signé : C. Heu

La greffière,

Signé : N. Roméro

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière,

Nathalie Roméro

N°22DA00938, 22DA00939 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22DA00938
Date de la décision : 15/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Heu
Rapporteur ?: M. Bertrand Baillard
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : DEWAELE;DEWAELE;DEWAELE

Origine de la décision
Date de l'import : 14/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-12-15;22da00938 ?
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