Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... A... et Mme C... B... ont demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2012.
Par un jugement n° 1803218 du 27 novembre 2020, le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 27 janvier 2021, et un mémoire, enregistré le 6 juillet 2022, qui n'a pas été communiqué, M. A... et Mme B..., représentés par Me Gardin, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer, à titre principal, la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2012, à titre subsidiaire, la décharge de la seule majoration pour manquement délibéré dont les droits en litige ont été assortis ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- ils ont vainement demandé à l'administration communication de l'acte de cession de parts, du 29 décembre 2012, lorsqu'ils ont indiqué qu'ils n'en trouvaient pas copie ;
- l'acte de cession de parts daté du 29 décembre 2012 est un faux ; ils sollicitent, en tant que de besoin, une expertise sur ce document qui ne leur a pas été communiqué ;
- M. A... n'avait plus la qualité d'associé au 31 décembre 2013, ayant cédé ses parts au cours de l'année 2013 ; il avait, en revanche, la qualité d'associé au 31 décembre 2012 ;
- les pénalités pour manquement délibéré ne sont pas fondées.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 juillet 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... et Mme B... ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 14 juin 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 15 juillet 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention conclue entre la France et la Belgique en vue d'éviter les doubles impositions et d'établir des règles d'assistance administrative et juridique réciproque en matière d'impôts sur les revenus, signée le 10 mars 1964 ;
- le code civil ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Sauveplane, président assesseur,
- les conclusions de M. Arruebo-Mannier, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. E... A... et Mme C... B... ont fait l'objet d'un contrôle sur pièces à l'issue duquel l'administration a rehaussé leur revenu imposable de l'année 2012 en raison de de la plus-value réalisée par les intéressés lors de la cession des vingt-cinq actions que M.A... détenait au sein de la société Hol Immobilier. En conséquence, l'administration les a assujettis, en suivant la procédure de rectification contradictoire prévue à l'article L. 55 du livre des procédures fiscales, à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux, assorties de pénalités, au titre de l'année 2012. M. A... et Mme B... relèvent appel du jugement du 27 novembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande tendant à la décharge de ces impositions.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ". Il résulte de ces dispositions qu'il incombe à l'administration, d'une part, d'informer le contribuable, dans la notification de la proposition de rectification ou dans la réponse à ses observations, de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus auprès de tiers qui ont motivé l'engagement du contrôle fiscal et ont servi à l'établissement des redressements, d'autre part, de communiquer au contribuable les documents contenant les renseignements en cause s'il en a formulé la demande avant la mise en recouvrement des impositions mises à sa charge.
3. Il n'est pas contesté par M. A... et Mme B... que le vérificateur les a suffisamment informés de l'origine et de la teneur des documents obtenus par l'administration auprès des autorités fiscales belges et qui ont servi à fonder les impositions en litige, notamment l'acte de cession de parts sociales en date du 29 décembre 2012. En indiquant, dans le courrier du 25 novembre 2015, que l'administration fait état d'un acte de cession de parts sociales du 29 décembre 2012 " dont [M. A...] ne retrouve pas copie " alors que l'opération lui " semble " avoir été effectuée ultérieurement, les contribuables ne peuvent être regardés comme ayant demandé à l'administration fiscale communication de ce document. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales doit être écarté.
Sur le bien-fondé des impositions :
4. Il résulte des mentions de la proposition de rectification du 28 septembre 2015 adressée à M. A... et Mme B... que l'administration a indiqué avoir obtenu de la part des autorités fiscales belges, dans le cadre de la coopération administrative en matière fiscale, la copie d'un acte de cession de titres de la société Hol Immobilier dont M. A... était associé, daté du 29 décembre 2012, aux termes duquel ce dernier avait cédé les vingt-cinq actions qu'il détenait moyennant un prix de 167 486,78 euros payé à concurrence de 14 362 euros en espèces, à concurrence de 133 423,24 euros par reprise du compte courant d'associé débiteur au nom de la société PH Holding et à concurrence de 19 701,54 euros par reprise du compte courant d'associé débiteur au nom de M. A..., le cessionnaire ayant donné quittance du paiement le même jour. L'administration a estimé que la plus-value, calculée par ses soins à hauteur de 151 986,78 euros, était imposable en France à l'impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux sur le fondement de l'article 150-0 A du code général des impôts, quand bien même la cession avait été faite en Belgique, en raison de la domiciliation, non contestée en France, de M. A... au titre de l'année 2012, qui est l'année de la cession.
5. Aux termes du premier alinéa de l'article 4 A du code général des impôts : " Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus. ". Aux termes de l'article 4 B de ce code : " 1. Sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France au sens de l'article 4 A : / a) Les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal ; / (...) ". L'article 150-0 A du même code, dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition en litige, dispose : " I.-1. Sous réserve des dispositions propres aux bénéfices industriels et commerciaux, aux bénéfices non commerciaux et aux bénéfices agricoles ainsi que des articles 150 UB et 150 UC, les gains nets retirés des cessions à titre onéreux, effectuées directement, par personne interposée ou par l'intermédiaire d'une fiducie, de valeurs mobilières, de droits sociaux, de titres mentionnés au 1° de l'article 118 et aux 6° et 7° de l'article 120, de droits portant sur ces valeurs, droits ou titres ou de titres représentatifs des mêmes valeurs, droits ou titres, sont soumis à l'impôt sur le revenu. / (...) ". Enfin, en vertu de l'article 1583 du code civil, la vente est parfaite entre les parties et la propriété est acquise de plein droit à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n'ait pas encore été livrée ni le prix payé.
6. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que l'année au titre de laquelle une plus-value de cession de valeurs mobilières doit être imposée est celle du fait générateur de l'imposition de la plus-value, constituée par la vente réputée parfaite par l'accord sur la chose et le prix, les modalités de paiement du prix de cession étant sans incidence sur la date de réalisation de la cession. En outre, aux termes de l'article 18 de la convention fiscale franco-belge conclue le 10 mars 1964 : " Dans la mesure où les articles précédents de la présente convention n'en disposent pas autrement, les revenus des résidents de l'un des Etats contractants ne sont imposables que dans cet Etat ".
7. En premier lieu, si M. A... soutient avoir signé l'acte de cession le 20 mars 2013 et non le 29 décembre 2012 et que le document obtenu par l'administration des autorités fiscales belges serait, selon lui, " un faux ", il ne produit pas à l'instance l'exemplaire qui lui a été remis et qui porterait, selon lui, la date du 20 mars 2013. Par suite, en l'absence de production à l'instance par M. A... de l'exemplaire du contrat qui lui a été remis, les attestations des cessionnaires faisant état, pour des questions comptables, de la rectification de la date de la cession portée sur l'acte ne présentent aucune valeur probante. Dès lors, le moyen doit être écarté.
8. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 633-1 du code de justice administrative : " Dans le cas d'une demande en inscription de faux contre une pièce produite, la juridiction fixe le délai dans lequel la partie qui l'a produite sera tenue de déclarer si elle entend s'en servir. / Si la partie déclare qu'elle n'entend pas se servir de la pièce, ou ne fait pas de déclaration, la pièce est rejetée. Si la partie déclare qu'elle entend se servir de la pièce, la juridiction peut soit surseoir à statuer sur l'instance principale jusqu'après le jugement du faux rendu par le tribunal compétent, soit statuer au fond, si elle reconnaît que la décision ne dépend pas de la pièce arguée de faux. ".
9. A supposer que M. A... puisse être regardé comme demandant le bénéfice des dispositions de l'article R. 633-1 du code de justice administrative relatives à l'inscription de faux, ce dernier ne produit pas à l'instance, ainsi qu'il a été dit précédemment, l'exemplaire du contrat de cession des parts sociales qui lui a été remis et qui porterait, selon lui, la date du 20 mars 2013. Or, il revenait à M. A... de produire à l'instance l'exemplaire du contrat de cession des parts sociales en sa possession. Par suite, la demande " d'expertise " doit être écartée.
10. En troisième lieu, la circonstance que les documents comptables de la société Hol Immobilier font état au 31 décembre 2012 d'un compte courant d'associé ouvert au nom de M. A..., alors que ces mêmes documents comptables ne font plus état d'un tel compte courant d'associé au 31 décembre 2013, ne saurait valoir preuve que la cession n'a pas eu lieu le 29 décembre 2012. Dès lors, le moyen doit être écarté.
11. En quatrième lieu, en l'absence de preuve, qui incombe à M. A..., que la cession n'a pas eu lieu en 2012, c'est à bon droit que l'administration a soumis à l'impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux la plus-value de 151 986,78 euros, dont le montant n'est pas contesté, sur le fondement de l'article 150-0 A du code général des impôts.
Sur les pénalités :
12. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; / (...) ".
13. Pour justifier l'application de la majoration de 40 % prévue par le a. de l'article 1729 du code général des impôts, l'administration fait valoir que M. A... ne pouvait ignorer, au moment de l'établissement de la déclaration de revenus au titre de l'année 2012, qu'il avait cédé en décembre 2012 la totalité des titres de la société Hol Immobilier et réalisé, en cette occasion, une plus-value de 167 486,78 euros, laquelle représente 75 % du total des revenus imposables de l'intéressé au titre de l'année 2012. Par ailleurs, si M. A... soutient que c'est seulement à l'occasion de la réception en 2015 de la proposition de rectification qu'il a appris que la plus-value était taxable au titre de l'année 2012, il n'est pas contesté qu'il s'est pareillement abstenu de déclarer ladite plus-value au titre de l'année 2013, date alléguée par M. A... de la cession. Par suite, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve, qui lui incombe, de l'intention délibérée de M. A... et Mme B... de se soustraire au paiement de l'impôt dû, justifiant l'application de la majoration de 40 %, pour manquement délibéré, prévue par le a. de l'article 1729 du code général des impôts.
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande tendant à la décharge des impositions en litige.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
15. L'Etat n'étant pas partie perdante à l'instance, les conclusions de M. A... et Mme B... tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... et Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... A... et Mme C... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.
Délibéré après l'audience publique du 17 novembre 2022 à laquelle siégeaient :
- M. Christian Heu, président de chambre,
- M. Mathieu Sauveplane, président-assesseur,
- M. F... D..., premier-conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er décembre 2022.
Le président, rapporteur,
Signé : M. SauveplaneLe président de chambre,
Signé : C. Heu
La greffière,
Signé : S. Pinto Carvalho
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
La greffière,
Suzanne Pinto Carvalho
N°21DA00172 2