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29/11/2022 | FRANCE | N°22DA01343

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 29 novembre 2022, 22DA01343


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme D... ont demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler les arrêtés du 10 juin 2021 par lesquels le préfet de la Seine-Maritime a refusé de renouveler leurs titres de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de destination de cette mesure.

Par deux jugements n° 2104835 et 2104836 du 29 avril 2022, le tribunal administratif de Rouen a rejeté leurs demandes.

Procédures devant la cour :

I. Par une

requête, enregistrée le 24 juin 2022, sous le n° 22DA01343, Mme C... B... épouse D..., repr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme D... ont demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler les arrêtés du 10 juin 2021 par lesquels le préfet de la Seine-Maritime a refusé de renouveler leurs titres de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de destination de cette mesure.

Par deux jugements n° 2104835 et 2104836 du 29 avril 2022, le tribunal administratif de Rouen a rejeté leurs demandes.

Procédures devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 24 juin 2022, sous le n° 22DA01343, Mme C... B... épouse D..., représentée par Me Cécile Madeline, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2104836 du 29 avril 2022 ;

2°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de cent euros par jour de retard ou, à défaut, d'enjoindre au préfet de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente du réexamen de sa situation, dans un délai de huit jours à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de cent euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à la société Eden avocats de la somme de 1 500 euros hors taxes au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, ladite condamnation valant renonciation au versement de l'aide juridictionnelle ou, à titre subsidiaire, de verser la même somme à la requérante sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le préfet aurait dû consulter la commission du titre de séjour ;

- le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et intégration (OFII) s'est fondé sur des documents médicaux ne correspondant pas à sa situation ;

- le préfet n'a pas sérieusement examiné sa situation en se fondant notamment sur un avis médical datant de l'année 2018, une nouvelle expertise médicale est indispensable ;

- le préfet a commis une erreur de droit dès lors qu'il s'est cru lié par l'avis du collège de médecins de l'OFII et a méconnu son pouvoir de régularisation ;

- il a méconnu l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile car son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et les soins ne sont pas disponibles dans le pays d'origine ;

- le préfet a commis une erreur de fait quant à la présence des enfants du couple en Arménie ;

- la décision refusant le renouvellement de son titre de séjour est contraire à l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est contraire à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- l'obligation de quitter le territoire français est illégale dès lors que le préfet s'est fondé sur un avis médical datant de l'année 2018 ;

- l'illégalité de la décision de refus de séjour entraîne celle de l'obligation de quitter le territoire français ;

- l'obligation de quitter le territoire français est contraire aux paragraphes 3° et 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est contraire à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, elle est aussi entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- l'illégalité de la décision de refus de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français entraînent celle de la décision fixant le pays de destination ;

- la décision fixant le pays de destination est contraire à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et à l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, elle est également entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire, enregistré le 8 septembre 2022, le préfet de la Seine-Maritime conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que la requête d'appel n'est pas fondée.

Mme D... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 juin 2022.

Par ordonnance du 6 octobre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 28 octobre 2022.

II. Par une requête, enregistrée le 24 juin 2022, sous le n° 22DA01344, M. E..., représenté par Me Madeline, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2104835 du 29 avril 2022 ;

2°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de cent euros par jour de retard ou, à défaut, d'enjoindre au préfet de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente du réexamen de sa situation, dans un délai de huit jours à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de cent euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à la société Eden avocats de la somme de 1 500 euros hors taxes au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, ladite condamnation valant renonciation au versement de l'aide juridictionnelle ou, à titre subsidiaire, de verser la même somme à la requérante sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le préfet aurait dû consulter la commission du titre de séjour ;

- le collège de médecins de l'OFII s'est fondé sur des documents médicaux ne correspondant pas à sa situation ;

- le préfet n'a pas sérieusement examiné sa situation, en se fondant notamment sur un avis médical datant de l'année 2018, une nouvelle expertise médicale est indispensable ;

- le préfet a commis une erreur de droit dès lors qu'il s'est cru lié par l'avis du collège de médecins de l'OFII et a méconnu son pouvoir de régularisation ;

- le préfet a commis une erreur de fait quant à la présence des enfants du couple en Arménie ;

- il a méconnu l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile car son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et les soins ne sont pas disponible dans son pays d'origine ;

- la décision refusant le renouvellement d'un titre de séjour est contraire à l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est contraire à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, elle est aussi entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- l'obligation de quitter le territoire français est illégale dès lors que le préfet s'est fondé sur un avis médical datant de l'année 2018 ;

- l'illégalité de la décision de refus de séjour entraîne celle de l'obligation de quitter le territoire français ;

- l'obligation de quitter le territoire français est contraire aux paragraphes 3° et 9° de l'article L. 611-3 3° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est contraire à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, elle est également entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- l'illégalité de la décision de refus de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français entraîne celle de la décision fixant le pays de destination ;

- la décision fixant le pays de destination est contraire à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et à l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, elle est également entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire, enregistré le 8 septembre 2022, le préfet de la Seine-Maritime conclut aux rejet de la requête.

Il fait valoir que la requête d'appel n'est pas fondée.

M. D... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 juin 2022.

Par ordonnance du 6 octobre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 28 octobre 2022.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique, le rapport de M. Vandenberghe, premier conseiller.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... D... et Mme C... D..., ressortissants arméniens nés respectivement le 12 avril 1952 et le 5 mars 1959, sont entrés en France le 20 juillet 2007 pour y demander l'asile, ils ont été définitivement déboutés de leur demande le 29 janvier 2009. Ayant demandé le 16 avril 2009 des titres de séjour en raison de leur état de santé, ils ont été munis d'autorisations provisoires de séjour. Mme D... a obtenu le 7 novembre 2011 une carte de séjour temporaire " vie privée et familiale " en raison de son état de santé, régulièrement renouvelée jusqu'au 6 août 2018. Elle a sollicité, le 2 novembre 2018, le renouvellement de son titre de séjour. M. D... a également obtenu le 7 novembre 2011 un titre de séjour " vie privée et familiale " en raison de son état de santé, régulièrement renouvelé jusqu'au 27 juillet 2019. Il a sollicité le 24 juillet 2019 le renouvellement de son titre de séjour. M. et Mme D... relèvent appel des jugements des 29 avril 2022 par lesquels le tribunal administratif de Rouen a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés pris le 10 juin 2021 refusant de renouveler leur titre de séjour " vie privée et familiale " en raison de leur état de santé.

2. Les requêtes n° 22DA01343 et 22DA01344 présentées par M. et Mme D... concernent la même famille. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.

3. Il ressort des pièces du dossier que M. et Mme D... résident régulièrement en France depuis treize années à la date de l'arrêté attaqué, en ayant d'abord été munis d'autorisations provisoires de séjour puis, pendant sept ans, de titres de séjour " vie privée et familiale " en raison de leur état de santé. Contrairement à ce qu'indique le préfet de la Seine-Maritime dans ses arrêtés, deux de leurs trois enfants vivent en France, dont leur fille ..., entrée en 2009, qui a obtenu la nationalité française le 8 juillet 2021 et qui bénéficiait d'un titre de séjour à la date des arrêtés contestés. Leur fils ... vit également en France de manière régulière et a donné naissance à trois enfants nés en France en 2014, 2018 et 2019. Ainsi, alors même que M. et Mme D... ont vécu dans leur pays d'origine jusqu'à l'âge de 55 et 48 ans et qu'un de leurs enfants vit en Arménie, compte tenu de leur longue durée de séjour régulier sur le territoire français ainsi que de l'intérêt pour les requérants de bénéficier d'une continuité dans leur prise en charge médicale par les médecins qui les suivent désormais depuis sept et huit ans, l'autorité préfectorale, en prenant les décisions refusant de renouveler leurs titres de séjour, a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de ces décisions sur la situation personnelle des appelants.

4. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme D... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Rouen a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés préfectoraux du 10 juin 2021, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de leurs requêtes.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

5. Eu égard au motif d'annulation retenu par la cour, il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de délivrer à M. et à Mme D... un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans le délai de trois mois suivant la notification du présent arrêt. En revanche, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés à l'instance :

6. M. et Mme D... ont obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, leur avocate peut se prévaloir des dispositions indiquées. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à la société EDEN avocats de la somme de 1 000 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

DÉCIDE :

Article 1er : Les jugements n° 2104835 et n° 2104836 du 29 avril 2022 et les arrêtés du préfet de la Seine-Maritime du 10 juin 2021 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Maritime de délivrer à M. et Mme D... un titre de séjour dans le délai de trois mois suivant la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à la société EDEN avocats la somme de 1 000 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D..., à Mme C... D..., à Me Cécile Madeline, au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au préfet de la Seine-Maritime.

Délibéré après l'audience publique du 15 novembre 2022 à laquelle siégeaient :

- Mme Anne Seulin, présidente de chambre,

- M. Marc Baronnet, président-assesseur,

- M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 novembre 2022.

Le rapporteur,

Signé : G. VandenbergheLa présidente de chambre,

Signé : A. Seulin

La greffière,

Signé : A.S. Villette

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaire de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière

Anne-Sophie Villette

N°22DA01343,22DA01344 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22DA01343
Date de la décision : 29/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Seulin
Rapporteur ?: M. Guillaume Vandenberghe
Rapporteur public ?: M. Toutias
Avocat(s) : EDEN AVOCATS;EDEN AVOCATS;EDEN AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 04/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-11-29;22da01343 ?
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