La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/11/2022 | FRANCE | N°21DA01911

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 29 novembre 2022, 21DA01911


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet du Nord a rejeté sa demande du 29 septembre 2017 de prise en compte d'une scission d'exploitation lui ouvrant droit au bénéfice des aides agricoles communautaires, d'enjoindre à l'Etat, à titre principal, de rétablir l'ensemble de ses droits à paiement de base ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre

des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

P...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet du Nord a rejeté sa demande du 29 septembre 2017 de prise en compte d'une scission d'exploitation lui ouvrant droit au bénéfice des aides agricoles communautaires, d'enjoindre à l'Etat, à titre principal, de rétablir l'ensemble de ses droits à paiement de base ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1800892 du 8 juin 2021, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 8 août 2021, M. A..., représenté par Me Valérie Robert, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision implicite du préfet du Nord rejetant sa demande du 29 septembre 2017 de prise en compte d'une scission d'exploitation lui ouvrant droit au bénéfice des aides agricoles communautaires ;

3°) d'enjoindre à l'Etat, à titre principal, de rétablir l'ensemble de ses droits à paiement de base ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761 1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le silence gardé par l'administration pendant deux mois sur sa demande de prise en compte d'une scission d'exploitation aux fins d'attribution " du ticket d'entrée " pour l'obtention des droits à paiement de base déposée le 12 juin 2015, valait acceptation en application de la loi n° 2013-1005 du 12 novembre 2013 dès lors qu'une telle demande ne présentait pas un caractère financier, les droits à paiement existant préalablement à la scission du GAEC ;

- le refus de prise en compte de la scission d'exploitation méconnaît l'article 14 du règlement n° 639/2014 de la commission européenne du 11 mars 2014 dès lors que le transfert des droits à paiement unique entre le GAEC de la Colme et lui-même a été régulièrement effectué ;

- l'instruction technique DGPE/SDPAC/2016-660 du 9 août 2016 relative à l'attribution des droits à paiement de base qui prévoit que la scission ne couvre pas le cas d'une installation d'un nouvel agriculteur ne lui est pas applicable dès lors qu'elle ajoute une condition à l'article 14 du règlement n° 639/2014 de la commission européenne du 11 mars 2014 et qu'elle n'était pas publiée à la date à laquelle il a déposé sa demande de prise en compte d'une scission d'exploitation ;

- en tout état de cause, l'administration n'a pas respecté les dispositions de l'instruction DGPE/SDPAC/2016-660 du 9 août 2016 et de l'instruction DGPE/SDPAC/2015 du 29 juillet 2015 recommandant de prendre contact avec l'agriculteur lorsque sa demande de droits à paiement n'est pas formulée sur la bonne clause afin qu'il dépose la clause appropriée ;

- le refus de prise en compte de la scission d'exploitation est illégal dès lors qu'il avait acquis des droits à paiement de base dès le mois d'octobre 2015 qui lui ont été implicitement retirés à compter d'octobre 2017, il s'agit d'un retrait illégal d'une décision créatrice de droit ;

- contrairement à ce que lui a opposé le préfet devant les premiers juges, d'une part, il était un exploitant actif en 2013, cette condition n'était pas requise en 2015 s'agissant du GAEC de la Colme dès lors qu'il a récupéré le ticket d'entrée par une clause de subrogation et non par une clause de transfert, d'autre part, la scission n'implique pas que tous les associés du GAEC reprennent une exploitation individuelle et, enfin, la condition du périmètre équivalent a été parfaitement respectée lors de la scission du GAEC de la Colme.

Le ministre de l'agriculture et de l'alimentation n'a pas produit de mémoire en défense malgré une mise en demeure en ce sens.

Par une ordonnance du 19 juillet 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 26 août 2022 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (UE) n° 1307/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 ;

- le règlement délégué (UE) n° 639/2014 de la Commission du 11 mars 2014 ;

- le règlement d'exécution (UE) n° 641/2014 de la Commission du 16 juin 2014 ;

- le décret n° 2015-871 du 16 juillet 2015 relatif à un apport de trésorerie remboursable au bénéfice des agriculteurs ;

- l'instruction technique DGPE/SDPAC/2016-660 du 9 août 2016 relative à l'attribution des droits à paiement de base ;

- le code des relations entre le public et d'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Sylvie Stefanczyk, première conseillère,

- et les conclusions de M. Guillaume Toutias, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., exploitant agricole sur le territoire de la commune de Hoymille dans le Nord, exerçait son activité en association avec son frère depuis 1977 dans le cadre du groupement agricole d'exploitation en commun (GAEC) de la Colme, lequel bénéficiait du dispositif d'aide agricole européenne découplée dénommée droit au paiement unique (DPU). A la suite de la dissolution du GAEC, le 31 décembre 2013, l'intéressé a repris une exploitation individuelle de ses terres à compter du 1er janvier 2014 et a perçu les DPU sur la base de sa déclaration de surface établie en mai 2014 tandis que son frère a cessé son activité pour permettre à son fils de s'installer sur ses terres en tant que jeune agriculteur. La réforme du régime des aides découplées mise en œuvre en 2015 a remplacé le DPU par trois aides parmi lesquelles le droit au paiement de base (DPB) qui est versé proportionnellement aux surfaces détenues par l'exploitant agricole et nécessite un ticket d'entrée. M. B... A... a déposé, le 19 juin 2015, une demande de prise en compte, au 31 décembre 2013, d'une scission d'exploitation du GAEC de la Colme et de transfert du ticket d'entrée lui permettant de percevoir les DPB se rapportant à la surface d'exploitation reprise par son exploitation individuelle. La consultation de son portefeuille de DPB sur le site internet des " téléservices des aides de la PAC " du ministère de l'agriculture lui ayant révélé qu'aucun DPB ne lui avait été octroyé au titre de la campagne 2015, l'intéressé a, par courrier en date du 26 septembre 2017, demandé à la direction départementale des territoires et de la mer du Nord le retrait de la décision implicite de rejet de sa demande de transfert du ticket d'entrée par clause de scission sollicitée en 2015. Sa demande a fait l'objet d'une décision implicite de rejet. M. A... relève appel du jugement du 8 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision implicite de rejet.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article 14 du règlement (UE) n° 639/2014 de la Commission du 11 mars 2014 fixant les modalités d'application du règlement (UE) n° 1307/2013 du Parlement européen et du Conseil établissant les règles relatives aux paiements directs en faveur des agriculteurs au titre des régimes de soutien relevant de la politique agricole commune : " (...) Une fusion ou une scission n'a pas d'incidence sur le nombre total et la valeur des droits au paiement à attribuer à l'exploitation ou aux exploitations. Dans le cas d'une scission, lorsqu'un État membre applique l'article 24, paragraphe 4 ou 5, du règlement (UE) n° 1307/2013, le nombre de droits au paiement à attribuer à chaque exploitation résultant de la scission est déterminé en multipliant le nombre d'hectares admissibles à la disposition de la nouvelle exploitation concernée par la réduction moyenne du nombre de droits qui aurait été appliquée à l'exploitation initiale conformément à l'article 24, paragraphe 4 ou 5, du règlement (UE) n° 1307/2013. Aux fins du présent paragraphe, on entend par: (...) b) " scission ": la scission d'un agriculteur au sens de l'article 4, paragraphe 1, point a), du règlement (UE) n°1307/2013 en : i) au moins deux nouveaux agriculteurs distincts au sens dudit article, dont au moins l'un d'entre eux reste contrôlé, en ce qui concerne la gestion, les bénéfices et les risques financiers, par au moins une des personnes physiques ou morales qui assumait initialement la gestion de l'exploitation ; ou ii) l'agriculteur initial et au moins un nouvel agriculteur distinct au sens dudit article ". Par ailleurs, selon le point 2.1 .1 de l'instruction technique DGPE/SDPAC/2016-660 du 9 août 2016 relative à l'attribution des droits à paiement de base : " (...) La scission ne peut en aucun cas couvrir le cas d'une installation d'un nouvel agriculteur (JA ou non) (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier qu'à la suite de la dissolution du GAEC de la Colme, en décembre 2013, M. B... A... a repris l'exploitation individuelle de ses terres tandis que son neveu, fils de son ancien associé, a procédé à son installation en qualité d'agriculteur sur une partie des terres auparavant exploitées par le GAEC. Si les dispositions précitées l'article 14 du règlement (UE) n° 639/2014 de la Commission du 11 mars 2014 éclairées par l'instruction technique DGPE/SDPAC/2016-660 du 9 août 2016 font obstacle à ce que le neveu de M. A... puisse, en raison de son installation comme jeune agriculteur, se voir transférer automatiquement des droits à paiement de base au titre de la scission du GAEC, ces dispositions n'ont, cependant, pas pour effet d'exclure M. B... A... d'un tel transfert à proportion des terres qu'il a conservées, l'intéressé ayant poursuivi son activité, après la dissolution du GAEC, sous une autre forme juridique. Par suite, le préfet du Nord a commis une erreur de droit en estimant que l'installation du fils de son ancien associé en tant que jeune agriculteur excluait toute possibilité de prise en compte de la scission du GAEC de la Colme dans le cadre de l'attribution des DPB à M. B... A.... Il suit de là que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Il y a donc lieu d'annuler ce jugement et la décision implicite du préfet du Nord rejetant la demande de M. B... A... du 29 septembre 2017 de prendre en compte la scission d'exploitation du GAEC de la Colme dans le cadre de l'attribution des aides agricoles communautaires.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

4. Le présent arrêt implique que le préfet du Nord procède au réexamen de la situation de M. B... A... au regard des motifs de la présente décision, dans un délai de deux mois à compter de la notification de celle-ci.

Sur les frais liés au litige :

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. B... A... de la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1800892 du 8 juin 2021 du tribunal administratif de Lille est annulé.

Article 2 : La décision implicite par laquelle le préfet du Nord a rejeté la demande de M. A... du 29 septembre 2017 de prise en compte d'une scission d'exploitation lui ouvrant droit au bénéfice des aides agricoles communautaires est annulée.

Article 3 : Il est enjoint au préfet du Nord de procéder au réexamen de la demande de M. A... de prise en compte de la scission d'exploitation lui ouvrant droit au bénéfice des aides agricoles communautaires, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à M. A... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.

Délibéré après l'audience publique du 15 novembre 2022 à laquelle siégeaient :

- Mme Anne Seulin, présidente chambre,

- M. Marc Baronnet, président-assesseur,

- Mme Sylvie Stefanczyk, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 novembre 2022.

La rapporteure,

Signé : S. StefanczykLa présidente de chambre,

Signé : A. Seulin

La greffière,

Signé : A.S. Villette

La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière

Anne-Sophie Villette

2

N°21DA01911


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21DA01911
Date de la décision : 29/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Seulin
Rapporteur ?: Mme Sylvie Stefanczyk
Rapporteur public ?: M. Toutias
Avocat(s) : SCP THIENPOENT - ROBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 04/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-11-29;21da01911 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award