Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'EARL B..., M. A... B... et M. F... B... ont demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet de la région Hauts-de-France a autorisé Mme G... E... à exploiter des parcelles agricoles d'une surface de 25 ha 70 a 20 ca situées sur le territoire de la commune de Vaux-sur-Somme, ensemble la décision portant rejet implicite de leur recours gracieux.
Par un jugement n° 1902540 du 25 mars 2021, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 3 mai 2021, l'EARL B..., M. A... B... et M. F... B..., représentés par Me Gonzague de Limerville, demandent à la cour :
1°) de réformer ce jugement ;
2°) d'annuler cette décision d'autorisation d'exploitation, ainsi que la décision de rejet de leur recours gracieux ;
3°) et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le tribunal répond à un moyen que les requérants n'ont pas soulevé, tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration, alors que les requérants se fondent sur l'article L. 331-3-1 du code rural et de la pêche maritime et l'instruction technique DGPE/SDPE/2016-561 du 7 juillet 2016 dont il résulte que les intéressés pouvaient exiger de l'administration qu'elle fournisse les motifs justifiant sa décision d'autorisation même implicite ;
- la décision par laquelle le préfet a autorisé Mme E... à exploiter les parcelles litigieuses est insuffisamment motivée ;
- le préfet n'était pas tenu par l'avis de la commission départementale d'orientation de l'agriculture, il a commis une erreur de droit en s'estimant en situation de compétence liée ;
- l'analyse de la pluriactivité de Mme E... n'a pas été réalisée et il n'est pas établi qu'elle participe de façon effective et permanente aux travaux de son exploitation, ni que celle-ci serait viable ;
- le préfet a entaché ses décisions d'une erreur d'appréciation au regard des orientations fixées par le schéma directeur régional des exploitations agricoles (SDREA) dont il résulte que l'orientation première est de maintenir le plus grand nombre d'exploitations professionnelles viables, alors que Mme E... tente de récupérer les terres familiales afin qu'elles ne soient pas affermées et non pour en assurer une véritable exploitation ;
- la surface reprise obère la continuité de l'EARL B... ;
- sur le fondement des articles L. 312-1 et R. 331-3 du code rural et de la pêche maritime, le preneur en place est prioritaire pour le maintien de l'exploitation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 mai 2022, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
La requête a été communiquée à Mme E..., qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- l'arrêté du préfet de la région Nord Pas-de-Calais Picardie du 29 juin 2016 portant schéma directeur régional des exploitations agricoles (SDREA) en Picardie ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Marc Baronnet, président-assesseur,
- et les conclusions de M. Guillaume Toutias, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Par acte notarié des 16 janvier et 4 juin 2002, Mme H... D... épouse E... a donné à bail à M. A... B... des parcelles agricoles d'une surface totale de 25 ha 70 a 20 ca situées sur le territoire de la commune de Vaux-sur-Somme (Somme). Par acte du 25 mars 2014, Mme D... épouse E... et Mme G... E..., sa fille, ont délivré congé à M. B.... Ce congé a toutefois été annulé par jugement du tribunal paritaire des baux ruraux du 18 mai 2015, confirmé par un arrêt de la cour d'appel d'Amiens du 12 septembre 2017. M. B... a sollicité et obtenu la cession à son fils de son bail, dont la validité a été confirmée par jugement du tribunal paritaire des baux ruraux du 6 janvier 2020. Le 28 septembre 2018, Mme G... E... a sollicité l'autorisation d'exploiter les parcelles agricoles mentionnées ci-dessus. En l'absence de réponse expresse à cette demande, une autorisation tacite est née le 28 janvier 2019, que l'EARL B..., M. A... B... et M. F... B... ont contestée par un recours gracieux le 26 mars 2019. Par un jugement du 25 mars 2021, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leur demande.
Sur la régularité du jugement :
2. La circonstance que les premiers juges auraient écarté un moyen qui n'avait pas été soulevé est, en tout état de cause, sans incidence sur la régularité du jugement.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. Aux termes de l'article R. 331-6 du code rural et de la pêche maritime : " I. Le préfet de région dispose d'un délai de quatre mois à compter de la date d'enregistrement du dossier complet mentionnée dans l'accusé de réception pour statuer sur la demande d'autorisation. (...) II. La décision d'autorisation ou de refus d'autorisation d'exploiter prise par le préfet de région doit être motivée au regard du schéma directeur régional des exploitations agricoles et des motifs de refus énumérés à l'article L. 331-3-1. (...) III. Le préfet de région notifie sa décision aux demandeurs, aux propriétaires et aux preneurs en place par lettre recommandée avec accusé de réception ou remise contre récépissé. (...) A défaut de notification d'une décision dans le délai de quatre mois à compter de la date d'enregistrement du dossier ou, en cas de prorogation de ce délai, dans les six mois à compter de cette date, l'autorisation est réputée accordée (...) ".
4. En premier lieu, une décision implicite d'acceptation ne saurait, par sa nature même, être motivée. En outre, aucun texte ni aucun principe ne conditionne la légalité d'une telle autorisation implicite à la transmission à un tiers intéressé de ses motifs.
5. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier et, notamment, des écritures du préfet de la région Hauts-de-France en première instance, ni que le préfet se soit estimé en situation de compétence liée du fait de l'avis de la commission départementale d'orientation agricole du 3 décembre 2018, ni qu'il ait omis de prendre en compte, dans son examen particulier de la demande, la pluriactivité de Mme E..., dont il avait nécessairement connaissance lors de l'instruction de la demande, dès lors que la déclaration de revenus de l'intéressée figurait au dossier de cette demande.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 312-1 du code rural et de la pêche maritime : " (...) III. Le schéma directeur régional des exploitations agricoles établit, pour répondre à l'ensemble des objectifs et orientations mentionnés au I du présent article, l'ordre des priorités entre les différents types d'opérations concernées par une demande d'autorisation mentionnée à l'article L. 331-2, en prenant en compte l'intérêt économique et environnemental de l'opération (...) ". Les dispositions de cet article définissent les critères d'appréciation de l'intérêt économique et environnemental d'une opération, en fonction duquel est établi l'ordre des priorités, au nombre desquels figurent notamment : " 1° La dimension économique et la viabilité des exploitations agricoles concernées ; (...) 4° Le degré de participation du demandeur ou, lorsque le demandeur est une personne morale, de ses associés à l'exploitation directe des biens objets de la demande au sens du premier alinéa de l'article L. 411-59 ; 5° Le nombre d'emplois non-salariés et salariés, permanents ou saisonniers, sur les exploitations agricoles concernées ; (...) 7° La structure parcellaire des exploitations concernées ; 8° La situation personnelle des personnes mentionnées au premier alinéa du V. (...) V. Pour l'application du présent article, sont considérées comme concernées par la demande d'autorisation mentionnée à l'article L. 331-2 les exploitations agricoles du demandeur, des autres candidats à la reprise et celle du preneur en place (...) ".
7. Aux termes de l'article L. 331-1 du code rural et de la pêche maritime : " (...) L'objectif principal du contrôle des structures est de favoriser l'installation d'agriculteurs, y compris ceux engagés dans une démarche d'installation progressive. / Ce contrôle a aussi pour objectifs de : 1° Consolider ou maintenir les exploitations afin de permettre à celles-ci d'atteindre ou de conserver une dimension économique viable au regard des critères du schéma directeur régional des exploitations agricoles ; / 2° Promouvoir le développement des systèmes de production permettant de combiner performance économique et performance environnementale (...) ". Et aux termes de l'article L. 331-3-1 du même code : " I.- L'autorisation mentionnée à l'article L. 331-2 peut être refusée : 1° Lorsqu'il existe un candidat à la reprise ou un preneur en place répondant à un rang de priorité supérieur au regard du schéma directeur régional des structures agricoles mentionné à l'article L. 312-1 ; 2° Lorsque l'opération compromet la viabilité de l'exploitation du preneur en place (...) ". Aux termes de l'article 3 du schéma directeur régional des exploitations agricoles en Picardie : " Les autorisations d'exploiter sont délivrées selon un ordre de priorité établi en prenant en compte : la nature de l'opération, au regard des objectifs du contrôle des structures et des orientations définies par le présent schéma ; l'intérêt économique et environnemental de l'opération, selon les critères définis ci-dessous (...) 5° Agrandissement et maintien de la surface entre 1 et 1,5 fois (inclus)/UTANS le seuil de contrôle après reprise le cas échéant. (...) 7° Autre situation ".
8. En l'espèce, la reprise porte sur 25,9464 hectares, soit un peu plus de 6,3 % de la surface exploitée par l'EARL B.... Il en résulte des superficies après reprise de 386 hectares pour l'EARL B... et de 132,75 hectares pour Mme E.... Il ne ressort pas des pièces du dossier que cette reprise serait de nature à mettre en péril la viabilité économique de l'EARL B.... En se fondant sur le résultat déficitaire au titre de l'année 2016 de l'exploitation de Mme E..., les appelants n'établissent pas que l'intéressée ne participerait pas de manière effective et permanente aux travaux de son exploitation, ni que celle-ci ne serait pas viable.
9. Par ailleurs, si les orientations définies à l'article 2 du schéma directeur régional des exploitations agricoles applicable au présent litige ne sont pas hiérarchisées, il ressort des pièces du dossier que dans l'ordre de priorité défini à l'article 3, Mme E... relève de l'ordre de priorité n° 5 " Agrandissement et maintien de la surface entre 1 et 1,5 fois (inclus)/UTANS le seuil de contrôle après reprise le cas échéant ", tandis que l'EARL B... relève de l'ordre de priorité n° 7 " Autre situation ". Dans ces circonstances, Mme E... étant prioritaire par rapport à l'EARL B..., c'est sans entacher ses décisions d'une erreur d'appréciation que le préfet de la région Hauts-de-France a délivré l'autorisation implicite en cause et rejeté le recours gracieux dirigé contre cette décision.
10 Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leur demande. Par suite, la requête de l'EARL B..., de M. A... B... et de M. F... B... doit être rejetée, y compris leurs conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de l'EARL B..., de M. A... B... et de M. F... B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'EARL B..., à M. A... B..., à M. F... B..., à Mme G... E... et au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Copie sera adressée au préfet de la région Hauts-de-France.
Délibéré après l'audience publique du 15 novembre 2022 à laquelle siégeaient :
Mme Anne Seulin, présidente de chambre,
M. Marc Baronnet, président-assesseur,
Mme Sylvie Stefanczyk, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 novembre 2022.
Le président-rapporteur,
Signé : M. C...La présidente de chambre,
Signé : A. Seulin
La greffière,
Signé : A.S. Villette
La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
Anne-Sophie Villette
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N°21DA00961