Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiée (SAS) Société de distribution Camblizarde a demandé au tribunal administratif d'Amiens de prononcer la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2013.
Par un jugement n° 1900093 du 15 juillet 2021, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 5 août 2021 et 3 décembre 2021, la SAS Société de distribution Camblizarde, représentée par Me Lelièvre, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge des impositions en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'administration a mis implicitement en œuvre la procédure de répression de l'abus de droit sans la faire bénéficier des garanties attachées à cette procédure ;
- les charges relatives à l'exploitation du navire, dont elle est propriétaire, sont justifiées alors que, en outre, la charge de la preuve appartient à l'administration fiscale car la commission départementale des impôts s'est prononcée, sur ce point, en faveur de la décharge.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 novembre 2021, et un mémoire, enregistré le 30 décembre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la SAS Société de distribution Camblizarde ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 8 décembre 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 7 janvier 2022.
La SAS Société de distribution Camblizarde, représentée par Me Lelièvre, a produit, le 10 juin 2022, après la clôture de l'instruction, un mémoire qui n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Sauveplane, président assesseur,
- les conclusions de M. Arruebo-Mannier, rapporteur public,
- et les observations de Me Lelièvre, représentant la société de distribution Camblizarde.
Considérant ce qui suit :
1. La société Camblisienne de services a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014, au terme de laquelle elle a notamment fait l'objet de rehaussements concernant l'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2013, lesquels ont été mis en recouvrement auprès de la société par actions simplifiée (SAS) Société de distribution Camblizarde en sa qualité de société mère en application des dispositions des articles 223 A et suivants du code général des impôts. La société de distribution Camblizarde relève appel du jugement du 15 juillet 2021 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales : " Afin d'en restituer le véritable caractère, l'administration est en droit d'écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, si ces actes n'avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles ".
3. Il résulte de l'instruction que, pour établir les impositions en litige, le service ne s'est fondé ni sur la remise en cause d'un acte, ni sur l'existence d'un montage destiné à éluder l'impôt, et notamment pas la modification de l'objet social de la société Camblisienne de services, mais a remis en cause les justifications de l'exploitation commerciale du navire, propriété de cette société. A cet effet, le service s'est fondé sur l'acte anormal de gestion résultant de l'utilisation de ce navire à des fins privées, au regard notamment des dispositions du 4. de l'article 39 du code général des impôts qui excluent des charges déductibles pour l'établissement de l'impôt, les dépenses et charges de toute nature résultant de l'achat, de la location ou de toute autre opération faite en vue d'obtenir la disposition de yachts ou de bateaux de plaisance à voile ou à moteur, ou encore de leur entretien. Dès lors, l'administration n'a pas fait, même implicitement, application des dispositions précitées de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales. Le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure d'imposition doit donc être écarté.
Sur le bien-fondé des impositions :
4. D'une part, aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : / (...) / 4. Qu'elles soient supportées directement par l'entreprise ou sous forme d'allocations forfaitaires ou de remboursements de frais, sont exclues des charges déductibles pour l'établissement de l'impôt (...) les charges, à l'exception de celles ayant un caractère social, résultant de l'achat, de la location ou de toute autre opération faite en vue d'obtenir la disposition de résidences de plaisance ou d'agrément, ainsi que de l'entretien de ces résidences ; les dépenses et charges ainsi définies comprennent notamment les amortissements. / Sauf justifications, les dispositions du premier alinéa sont applicables : / (...) / c) Aux dépenses de toute nature résultant de l'achat, de la location ou de toute autre opération faite en vue d'obtenir la disposition de yachts ou de bateaux de plaisance à voile ou à moteur ainsi que de leur entretien ; les amortissements sont regardés comme faisant partie de ces dépenses. / (...) ".
5. En vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, s'il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits nécessaires au succès de sa prétention, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des créances de tiers, amortissements, provisions et charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité.
6. D'autre part, qu'aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'un redressement, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. / Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou le redressement est soumis au juge. / Elle incombe également au contribuable à défaut de comptabilité ou de pièces en tenant lieu, comme en cas de taxation d'office à l'issue d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle en application des dispositions des articles L. 16 et L. 69 ". En adoptant le premier alinéa de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, éclairé, au demeurant, par les travaux préparatoires auxquels celui-ci a donné lieu, le législateur a seulement entendu mettre fin, sous réserve du cas prévu au deuxième alinéa du même article, à l'état du droit antérieur sous l'empire duquel l'avis rendu par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur les chiffres d'affaires avait pour effet, s'il était favorable à l'administration fiscale, d'attribuer au contribuable la charge d'une preuve que l'intéressé n'aurait pas supportée en l'absence de saisine de cette commission et n'a pas entendu déroger aux principes généraux ci-dessus énoncés en exigeant de l'administration fiscale qu'elle justifie qu'une charge n'est pas déductible dans son principe, dès lors que la commission départementale des impôts directs et des taxes sur les chiffres d'affaires, saisie, a rendu un avis favorable au contribuable.
7. Il résulte des mentions de la proposition de rectification adressée à la société Camblisienne de services, qui exerçait jusqu'alors une activité de nettoyage et de prestations de services, que cette société a modifié le 30 septembre 2013 son objet social pour y inclure l'acquisition, la gestion et la location de bateaux de plaisance. A cet effet, elle a pris en crédit-bail le 3 décembre 2013 un navire de plaisance, le " Lucas Delli ", d'un coût d'acquisition de 2 171 707 euros, et a comptabilisé à ce titre des charges d'un montant total de 17 775 euros au titre de l'exercice 2013. Au cours des opérations de contrôle, le service a constaté que le navire avait été mis à l'eau pendant une période de six mois en 2014 et que le navire avait été donné en location pendant seulement six semaines, dont quatre semaines au profit de la gérante de la société Camblisienne de services, alors que les factures des six semaines de location avaient été payées par cette dernière. En conséquence, le service, après avoir considéré que le navire n'avait pas été offert en location en 2013, n'a admis aucune charge en déduction du bénéfice imposable au titre de l'exercice 2013 et a réintégré les charges comptabilisées à ce titre, soit la somme de 17 775 euros, au bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés de l'exercice 2013.
8. Pour contester le rejet de cette charge, la société de distribution Camblizarde fait valoir que l'exploitation du navire " Lucas Delli " a été confiée à la société Santarelli Marine, sous la forme d'un contrat de gestion-location, et a été proposé à la location pendant toute la saison 2014. Toutefois, il est constant que ce navire n'a pas été offert à la location en 2013 et n'a donc généré aucune recette. Par suite, le moyen est inopérant et doit être écarté. Dès lors, c'est à bon droit que l'administration a réintégré les charges ainsi comptabilisées par la société Camblisienne de services, d'un montant de 17 775 euros, au bénéfice imposable de cette société à l'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice 2013.
9. Il résulte de tout ce qui précède que la société de distribution Camblizarde n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté ses conclusions tendant à la décharge des impositions en litige. Par voie de conséquence, les conclusions de la société de distribution Camblizarde tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SAS Société de distribution Camblizarde est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Société de distribution Camblizarde et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.
Délibéré après l'audience publique du 27 octobre 2022 à laquelle siégeaient :
- M. Christian Heu, président de chambre,
- M. Mathieu Sauveplane, président-assesseur,
- M. Jean-François Papin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 novembre 2022.
Le président, rapporteur,
Signé : M. SauveplaneLe président de chambre,
Signé : C. Heu
La greffière,
Signé : S. Pinto Carvalho
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
La greffière,
Suzanne Pinto Carvalho
N°21DA01881 2