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15/11/2022 | FRANCE | N°21DA01217

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 15 novembre 2022, 21DA01217


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Les consorts D... ont demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet de l'Aisne a refusé de faire droit à leur demande tendant au versement d'une somme de 10 548 euros au titre de leur adhésion à la mesure agroenvironnementale dite des " corridors écologiques " et d'enjoindre à l'Etat de leur verser cette somme.

Par un jugement n° 1903898 du 25 mars 2021, le tribunal administratif d'Amiens a annulé cette décision et enjoint au préfet de l'Ais

ne de réexaminer leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête som...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Les consorts D... ont demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet de l'Aisne a refusé de faire droit à leur demande tendant au versement d'une somme de 10 548 euros au titre de leur adhésion à la mesure agroenvironnementale dite des " corridors écologiques " et d'enjoindre à l'Etat de leur verser cette somme.

Par un jugement n° 1903898 du 25 mars 2021, le tribunal administratif d'Amiens a annulé cette décision et enjoint au préfet de l'Aisne de réexaminer leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête sommaire et un mémoire ampliatif, enregistrés les 31 mai 2021 et 6 juillet 2021, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation demande à la cour d'annuler ce jugement et de rejeter la demande présentée par les consorts D... devant le tribunal.

Il soutient que les demandes présentées par une indivision ne sont pas éligibles au dispositif d'aide prévu par l'article 28 du règlement n° 1305/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 relatif au soutien au développement rural par le Fonds européen agricole pour le développement rural et abrogeant le règlement n° 1698/2005 du Conseil.

Par un mémoire en défense, enregistré le 31 mai 2022, M. G... D..., M. A... D..., Mme B... D... épouse C... et Mme F... D..., représentés par Me Jean Emmanuel Robert, demandent à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils font valoir que :

- les agriculteurs regroupés en indivision peuvent bénéficier du dispositif d'aide prévu par les dispositions du règlement n° 1305/2013 du 17 décembre 2013 ;

- pour exclure les indivisions de ce dispositif, l'administration a fait application d'une instruction technique DGPE/SDPAC/2017-654 du 31 juillet 2017 alors que leur situation doit être examinée au regard de la précédente instruction DGPE/SDPAC/2015-1070 du 10 décembre 2015 et du règlement précité ;

- les membres de l'indivision D..., qui perçoivent d'autres aides de la politique agricole commune que celle qui est en litige, détiennent nécessairement la qualité d'agriculteur.

Par une ordonnance du 22 septembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 26 octobre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement n° 1305/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 ;

- le règlement n°1307/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Guillaume Toutias, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. G... D..., M. A... D..., Mme B... D... épouse C... et Mme F... D... exploitent en indivision une parcelle agricole située dans l'Aisne acquise au décès de Mme E... D... le 15 janvier 2001. En 2016, 2017 et 2018, ils ont présenté un dossier tendant à l'obtention des aides prévues à l'article 28 du règlement (UE) n° 1305/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 et reprises par l'arrêté du préfet de la région Picardie du 2 septembre 2015, au titre de leur engagement à mettre en œuvre les mesures agroenvironnementales et climatiques relatives aux corridors écologiques. Toutefois, n'ayant perçu aucune aide au titre de ces trois années, ils ont sollicité, par lettre du 2 août 2019 adressée au préfet de l'Aisne le 5 août suivant, le versement d'une somme totale de 10 548 euros, soit 600 euros par hectare sur trois années. Le ministre de l'agriculture et de l'alimentation relève appel du jugement n° 1903898 du 25 mars 2021 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a annulé la décision implicite de rejet qui leur a été opposée par le préfet de l'Aisne et a enjoint au préfet de réexaminer leur demande.

Sur le bien-fondé du jugement contesté :

2. Aux termes du 1° de l'article 4 du règlement (UE) n° 1307/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 établissant les règles relatives aux paiements directs en faveur des agriculteurs au titre des régimes de soutien relevant de la politique agricole commune et abrogeant le règlement (CE) n° 637/2008 du Conseil et le règlement (CE) n° 73/2009 du Conseil : " Aux fins du présent règlement, on entend par : / a) "agriculteur", une personne physique ou morale ou un groupement de personnes physiques ou morales, quel que soit le statut juridique conféré selon le droit national à un tel groupement et à ses membres, dont l'exploitation se trouve dans le champ d'application territoriale des traités, tel que défini à l'article 52 du traité sur l'Union européenne, en liaison avec les articles 349 et 355 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, et qui exerce une activité agricole ". L'article 28 du règlement (UE) n° 1305/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 relatif au soutien au développement rural par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) et abrogeant le règlement (CE) n° 1698/2005 du Conseil, institue une aide pour l'agroenvironnement et le climat qui fait partie du " second pilier " des aides de la politique agricole commune (PAC). Cet article dispose que : " 1. Les États membres prévoient une aide, au titre de cette mesure, disponible sur l'ensemble de leur territoire, conformément à leurs besoins et priorités nationales, régionales ou locales spécifiques. Cette mesure vise à maintenir les pratiques agricoles qui apportent une contribution favorable à l'environnement et au climat et à encourager les changements nécessaires à cet égard. Son intégration dans les programmes de développement rural est obligatoire au niveau national et/ou régional. / 2. Les paiements agroenvironnementaux et climatiques sont accordés aux agriculteurs, aux groupements d'agriculteurs ou aux groupements d'agriculteurs et d'autres gestionnaires de terres qui s'engagent volontairement à exécuter des opérations consistant en un ou plusieurs engagements agroenvironnementaux et climatiques sur des terres agricoles à définir par les États membres, comprenant la surface agricole telle qu'elle est définie à l'article 2 du présent règlement, mais non limitées à celle-ci. (...) / 5. Les engagements au titre de la présente mesure seront exécutés sur une période de cinq à sept ans. Toutefois, si nécessaire, dans le but d'obtenir ou de préserver les bénéfices environnementaux recherchés, les États membres peuvent décider, dans leurs programmes de développement rural, d'allonger la durée de certains types d'engagements, notamment en prévoyant une prolongation annuelle après la fin de la période initiale. (...) ".

3. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que constitue un agriculteur une personne physique ou morale ou un groupement de personnes physiques ou morales, quel que soit le statut juridique conféré selon le droit national à un tel groupement et à ses membres, et que la circonstance qu'une structure agricole soit exploitée par un groupement de personnes physiques tel qu'une indivision, qui a la qualité d'agriculteur au sens des dispositions précitées, ne s'oppose pas, par elle-même, à ce que cette indivision bénéficie des aides instituées pour l'agroenvironnement et le climat. Si les dispositions de l'article 28 du règlement (UE) n° 1305/2013 précité du 17 décembre 2013 précisent que les agriculteurs doivent s'engager, pour une période de cinq à sept ans, à maintenir des pratiques qui apportent une contribution favorable à l'environnement et au climat, une indivision ne présente pas moins de garantie de pérennité qu'une autre forme juridique d'exploitation agricole. A cet égard, il résulte de l'instruction que l'indivision D... avait une durée d'existence d'au moins quinze années à la date à laquelle elle a sollicité le bénéfice des aides prévues par l'article 28 du règlement précité et qu'elle bénéficiait déjà, par ailleurs, de droits au paiement de la politique agricole commune. Ainsi, c'est à tort que le préfet de l'Aisne a rejeté les demandes d'aide présentées par l'indivision pour le motif tiré de l'absence de pérennité de celle-ci.

4. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'agriculture et de l'alimentation n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont annulé la décision implicite née du silence gardé pendant deux mois par le préfet de l'Aisne sur la demande présentée par les consorts D... le 9 août 2019. Par suite, il y a lieu de rejeter la requête.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser aux consorts D... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du ministre de l'agriculture et de l'alimentation est rejetée.

Article 2 : Le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire versera aux consorts D... une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, à M. G... D..., à M. A... D..., à Mme B... D... épouse C... et à Mme F... D....

Copie sera adressée au préfet de l'Aisne.

Délibéré après l'audience publique du 2 novembre 2022 à laquelle siégeaient :

- Mme Anne Seulin, présidente de chambre,

- M. Marc Baronnet, président-assesseur,

- M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 novembre 2022.

Le rapporteur,

Signé : G. VandenbergheLa présidente de chambre,

Signé : A. Seulin

La greffière,

Signé : A.S. Villette

La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

La greffière,

Anne-Sophie Villette

2

N°21DA01217


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21DA01217
Date de la décision : 15/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Seulin
Rapporteur ?: M. Guillaume Vandenberghe
Rapporteur public ?: M. Toutias
Avocat(s) : ROBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 20/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-11-15;21da01217 ?
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