Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) au versement d'une somme totale de 469 996,50 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis en conséquence de l'accident médical dont son mari a été victime à la suite de l'intervention chirurgicale réalisée le 3 août 2016 au centre hospitalier universitaire de Rouen.
Par un jugement n° 1904239 du 10 juin 2021, le tribunal administratif de Rouen a condamné l'ONIAM, au titre de la solidarité nationale, à verser à Mme B... une somme de 37 942,95 euros en indemnisation des préjudices résultant de l'accident médical non fautif subi par son époux.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 10 août 2021 et le 7 avril 2022, Mme A... D..., représentée par Me Renaud de Bézenac, demande à la cour :
1°) de condamner l'ONIAM à lui verser la somme de 15 000 euros au titre du préjudice d'accompagnement et la somme de 207 546,29 euros au titre de sa perte de revenus ;
2°) de réformer le jugement en conséquence et de le confirmer pour le surplus ;
3°) de mettre à la charge de l'ONIAM une somme de 900 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle demande 15 000 euros au titre du préjudice d'accompagnement car elle a accompagné Henri B..., son époux, entre le 6 et le 13 août 2016, période au cours de laquelle son état de santé était dégradé ;
- elle demande 207 546,29 euros au titre de la perte de revenus en application du barème de capitalisation de la Gazette du Palais ;
- l'ensemble des frais funéraires est justifié, et tout au plus la moitié seulement du coût de réalisation du caveau pourrait en être déduit s'il était établi qu'il pourrait recevoir deux cercueils.
Par un mémoire en défense, enregistré le 31 octobre 2021, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), représenté par Me Sylvie Welsch, conclut au rejet de la requête de Mme B... et à la confirmation du jugement, sauf en ce qui concerne les frais funéraires dont le montant devra être ramené à une somme ne pouvant excéder 4 354,50 euros.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés et qu'il convient de ramener le montant des frais funéraires à une somme ne pouvant excéder 4 350 euros après déduction des frais de construction du caveau et de concession, qui ne présentent pas un lien direct avec l'accident médical.
Par un mémoire, enregistré le 7 avril 2022, le centre hospitalier de Rouen, représenté par Me Didier Le Prado-Gilbert, demande sa mise hors de cause.
Il soutient que la requérante ne forme aucune conclusion à l'encontre du centre hospitalier universitaire de Rouen.
La procédure a été communiquée à la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine qui n'a pas présenté de mémoire.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Marc Baronnet, président-assesseur,
- les conclusions de M. Guillaume Toutias, rapporteur public,
- et les observations de Me Hubert Demailly, représentant le centre hospitalier
universitaire de Rouen.
Considérant ce qui suit :
1. Henri B..., alors âgé de 54 ans, a subi, le 3 août 2016, une segmentectomie pulmonaire à visée diagnostique et thérapeutique réalisée au centre hospitalier universitaire de Rouen, qui s'est déroulée normalement et il a pu sortir de l'hôpital le 6 août 2016. L'analyse des prélèvements a révélé la présence d'un adénocarcinome pulmonaire primitif probablement invasif. Le 13 août 2016, Henri B... a été admis en urgence au centre hospitalier universitaire de Rouen pour une hémoptysie avec tachycardie et est décédé, le 14 août 2016, au matin, d'une hémoptysie massive. Par un jugement du 10 juin 2021, le tribunal administratif de Rouen a condamné l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), au titre de la solidarité nationale, à verser à Mme B... une somme de 37 942,95 euros en indemnisation de ses préjudices résultant de l'accident médical non fautif subi par son époux.
Sur la responsabilité :
2. Ni Mme D..., ni l'ONIAM ne présentent en appel de conclusions à l'encontre du centre hospitalier universitaire de Rouen. La complication de la chirurgie pulmonaire subie par Henri B... à l'origine de son décès étant un accident médical non fautif, dont la survenue présentait une probabilité faible et qui a entraîné le décès du patient, Mme B... est fondée à solliciter la mise en œuvre du dispositif de prise en charge des dommages au titre de la solidarité nationale, sur le fondement du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique. Ni Mme D..., ni l'ONIAM, qui se bornent en appel à discuter les montants alloués au titre de l'indemnisation des préjudices, ne contestent ce fondement de responsabilité.
Sur les préjudices :
En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux :
S'agissant de la perte de revenus du conjoint survivant :
3. Le préjudice économique subi par une personne du fait du décès de son conjoint est constitué par la perte des revenus de la victime qui étaient consacrés à son entretien compte tenu de ses propres revenus. Il résulte de l'instruction et, notamment, des avis d'imposition produits par la requérante que le couple formé par Henri B... et Mme A... B... percevait un revenu annuel s'élevant à 30 676 euros en 2015, antérieurement à l'année 2016 marquée par le décès d'Henri B..., montant dont il convient de déduire la part d'autoconsommation du défunt. Si la requérante soutient que cette part devrait être réduite à 25 %, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, eu égard notamment à la circonstance que le couple n'avait pas d'enfant, de confirmer l'évaluation de cette part faite par les premiers juges à 30%, de sorte que le revenu moyen annuel dont pouvait effectivement bénéficier la requérante antérieurement au décès de son époux peut être évalué à 21 473,20 euros. Il ressort par ailleurs de l'avis d'imposition de 2018 et de la déclaration d'impôts de 2019 versés au dossier de première instance que Mme B... a perçu, au titre de ces deux années, un revenu moyen annuel s'élevant à 14 635,50 euros. Par suite, la perte de revenus subie par la requérante s'élève à 6 837,70 euros par an.
4. Si la requérante soutient qu'à cette somme devrait être appliqué un coefficient de capitalisation de 24,797 compte tenu de l'âge de 54 ans d'Henri B..., il résulte de l'instruction qu'en l'absence d'accident médical non fautif, l'espérance de vie d'Henri B..., atteint d'un cancer du poumon invasif, était, en tout état de cause, très réduite, l'expert ayant estimé à 20% les chances de survie du patient sur les cinq prochaines années. Dès lors, l'indemnisation du préjudice de perte de revenus du conjoint survivant ne peut donner lieu à l'application d'un barème de capitalisation à l'euro viager fondé sur l'âge de 54 ans d'Henri B... à la date de son décès, mais doit être calculée dans la limite du taux de chance de survie à cinq ans mentionné précédemment. Il en sera fait une juste appréciation en appliquant à la perte de revenu un coefficient de capitalisation de 3. Par suite, la perte de revenus de Mme B... strictement imputable à l'accident médical non fautif subi par son époux doit être fixée à 20 513,10 euros. Il convient donc de porter de 4 278, 45 euros à 20 513,10 euros la somme que l'ONIAM a été condamnée à verser à Mme B... au titre de la perte de revenus du conjoint survivant.
S'agissant des frais funéraires :
5. D'une part, les frais de concession de 600 euros n'ont pas été inclus par le tribunal dans le montant de l'indemnité allouée en première instance au titre des frais funéraires. D'autre part, Mme B... justifie avoir déboursé pour les frais d'obsèques un montant de 13 644,50 euros, dont il convient de déduire la moitié du coût de réalisation d'un caveau comportant deux cases, soit 1 120 euros. Compte tenu du taux de chance de survie de 20 % sur les cinq années à venir d'Henri B..., qui rendaient probable à 80 % la nécessité de devoir exposer à court terme de tels frais funéraires, il sera fait une juste appréciation de l'indemnité due en retenant une part limitée à 20 % des frais exposés à ce titre. Il y a donc lieu de faire droit aux conclusions d'appel incident de l'ONIAM et de ramener à 2 504,90 euros la somme mise à sa charge au titre des frais funéraires.
En ce qui concerne les préjudices extrapatrimoniaux :
S'agissant du préjudice d'accompagnement :
6. En l'espèce, il ne résulte pas du rapport d'expertise judiciaire que l'état de santé d'Henri B... à sa sortie d'hospitalisation aurait été notablement plus dégradé qu'il n'est communément rencontré au décours de ce type de chirurgie pulmonaire. Or, le décès est survenu brutalement le 14 août 2016 des suites d'une hémoptysie massive survenue le 13 août 2016, dix jours après l'intervention chirurgicale. Dès lors, il y a lieu de confirmer le jugement du 10 juin 2021 du tribunal administratif de Rouen qui a rejeté les conclusions tendant à l'indemnisation du préjudice d'accompagnement.
7. Il résulte de tout ce qui précède, compte tenu de la somme de 20 000 euros allouée par les premiers juges au titre du préjudice d'affection et non contestée en appel, de l'indemnisation de la perte de revenus portée à 20 513,10 euros et de la réduction à 2 504,90 euros de l'indemnité allouée au titre des frais funéraires, que la somme totale mise à la charge de l'ONIAM au titre de la solidarité nationale doit être portée à 43 018 euros.
Sur les frais liés à l'instance :
8. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions des parties présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le centre hospitalier universitaire de Rouen est mis hors de cause.
Article 2 : L'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales est condamné, au titre de la solidarité nationale, à verser à Mme D..., en indemnisation de ses préjudices résultant de l'accident médical non fautif subi par son époux, une somme de 43 018 euros.
Article 3 : Le jugement du 10 juin 2021 n° 1904239 du tribunal administratif de Rouen est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme D... et des conclusions d'appel incident de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... D..., à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et au centre hospitalier universitaire de Rouen.
Copie sera adressée à la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts de Seine.
Délibéré après l'audience publique du 7 octobre 2022, à laquelle siégeaient :
- Mme Anne Seulin, présidente de chambre,
- M. Marc Baronnet, président-assesseur,
- Mme Sylvie Stefanczyk, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 novembre 2022.
Le président-rapporteur,
Signé : M. C...La présidente de chambre,
Signé : A. SeulinLa greffière,
Signé : A.S. Villette La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
La greffière,
Anne-Sophie Villette
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N° 21DA01950