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18/10/2022 | FRANCE | N°21DA02270

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 18 octobre 2022, 21DA02270


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière de construction vente (SCCV) Isneauville-route de Neufchâtel a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler la délibération du 13 février 2020 par laquelle le conseil de la métropole Rouen Normandie a approuvé son plan local d'urbanisme intercommunal ainsi que la décision du 3 août 2020 ayant rejeté son recours gracieux contre cette délibération.

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Par une requête enregistrée le 23 septembre 2021 et un mémo...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière de construction vente (SCCV) Isneauville-route de Neufchâtel a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler la délibération du 13 février 2020 par laquelle le conseil de la métropole Rouen Normandie a approuvé son plan local d'urbanisme intercommunal ainsi que la décision du 3 août 2020 ayant rejeté son recours gracieux contre cette délibération.

Par un jugement n° 2003877 du 23 juillet 2021, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 23 septembre 2021 et un mémoire enregistré le 14 juin 2022, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué aux autres parties, la SCCV Isneauville-route de Neufchâtel, représentée par Me Benoît Raimbert, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) à titre principal, d'annuler cette délibération du 13 février 2020 et cette décision du 3 août 2020 ;

3°) à titre subsidiaire, d'annuler cette délibération en tant qu'elle classe les parcelles cadastrées AD n° 36 et n° 158 à Isneauville en zone UBB2, qu'elle applique aux communes de Duclair et du Trait les mêmes zones et règles que celles applicables aux espaces urbains et qu'elle applique aux communes de Boos et Isneauville les mêmes zones et règles que celles applicables aux bourgs et villages ;

4°) de mettre à la charge de la métropole Rouen Normandie la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement n'est pas régulièrement signé ;

- il omet de statuer sur le moyen tiré de l'incompatibilité avec le schéma de cohérence territoriale du régime d'urbanisation dans les communes de Duclair, Trait, Boos et Isneauville et sur le moyen tiré de l'incohérence de ce régime avec le plan d'aménagement et de développement durables ;

- il est insuffisamment motivé ;

- la délibération attaquée est entachée d'un vice de procédure dès lors les conseillers métropolitains n'ont pas été régulièrement informés ;

- elle est entachée d'un vice de procédure dès lors que le rapport, les conclusions et l'avis de la commission d'enquête sont entachés d'insuffisances et n'ont pas été mis en ligne en temps utile ;

- elle est illégale en raison des modifications apportées au projet à l'issue de l'enquête publique ;

- elle est illégale en raison de l'incompatibilité du régime d'urbanisation appliqué aux communes d'Isneauville, de Boos, du Duclair et du Trait et du classement des parcelles litigieuses en zone UBB2 avec le schéma de cohérence territoriale du 12 octobre 2015 et en raison de leur incohérence avec le PADD ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation en tant qu'elle classe en zone UBB2 les parcelles cadastrées AD n os 36 et 158.

Par un mémoire en défense enregistré le 31 mai 2022, la métropole Rouen Normandie, représentée par Me Jean-François Rouhaud, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge des appelants de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Stéphane Eustache, premier conseiller,

- les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public,

- et les observations de Me Jany Thao représentant, la SCCV Isneauville-route de Neuchâtel et de Me Hélène Detrez-Cambrai substituant Me Jean-François Rouhaud, représentant la métropole Rouen Normandie.

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération du 13 février 2020, le conseil de la Métropole Rouen Normandie a approuvé son plan local d'urbanisme intercommunal. La société civile immobilière de construction vente (SCCV) Isneauville-route de Neufchâtel, qui est propriétaire à Isneauville des parcelles cadastrées AD n os 36 et 158, classées en zone UBB2, a demandé au tribunal administratif de Rouen l'annulation de cette délibération et de la décision du 3 août 2020 ayant rejeté son recours gracieux contre cette délibération. Le tribunal a rejeté sa demande par un jugement du 23 juillet 2021, dont elle relève appel.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort des pièces du dossier que la société Isneauville-route de Neufchâtel a soulevé devant les premiers juges, dans le dernier état de ses écritures, le moyen tiré de l'incohérence du règlement, en tant qu'il définit le " régime d'urbanisation " applicable à Isneauville et Boos, avec le projet d'aménagement et de développement durables, ainsi que le moyen tiré de l'incompatibilité de ce règlement, en tant qu'il définit le " régime d'urbanisation " applicable à Duclair et Trait, avec le schéma de cohérence territoriale de la métropole Rouen Normandie. Or il ressort des termes mêmes du jugement attaqué que les premiers juges n'ont ni visé ni analysé ces deux moyens. Par suite, le jugement doit être annulé et, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens d'irrégularité soulevés, il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la société Isneauville-route de Neufchâtel.

Sur la légalité des décisions attaquées :

En ce qui concerne le rapport, les conclusions et l'avis de la commission d'enquête :

3. En premier lieu, aux termes de l'article R. 123-19 du code de l'environnement : " Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête établit un rapport qui relate le déroulement de l'enquête et examine les observations recueillies. / Le rapport comporte le rappel de l'objet du projet, plan ou programme, la liste de l'ensemble des pièces figurant dans le dossier d'enquête, une synthèse des observations du public, une analyse des propositions produites durant l'enquête et, le cas échéant, les observations du responsable du projet, plan ou programme en réponse aux observations du public. / Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête consigne, dans une présentation séparée, ses conclusions motivées, en précisant si elles sont favorables, favorables sous réserves ou défavorables au projet (...) ". Si ces dispositions n'imposent pas à la commission d'enquête de répondre à chacune des observations présentées lors de l'enquête publique, elles l'obligent à indiquer en livrant ses conclusions, les raisons qui déterminent le sens de cet avis.

4. Il ressort des pièces du dossier que le premier volume du document élaboré par la commission d'enquête publique, après avoir présenté les conditions d'accès au dossier et le contenu du projet de plan, a exposé un bilan quantitatif de la participation du public et a comporté un recensement complet des observations déposées. En un deuxième volume, ce document a présenté de manière synthétique les observations émises par le public et les réponses apportées par la métropole, en les regroupant en 23 thématiques assorties chacune d'un commentaire. En outre, pour les principales contributions individuelles, le rapport a présenté la " réponse du maître d'ouvrage ", assortie également d'un commentaire. Si certains de ces commentaires ont été succincts ou ont consisté à prendre acte des modifications proposées par la métropole, la commission n'était pas tenue, ainsi qu'il a été dit, de répondre à chacune des observations émises par le public, mais seulement d'établir une synthèse de ces observations et des réponses qui y ont été apportées, ce qu'elle a fait avec une précision suffisante.

5. Par ailleurs, en son troisième volume, le document élaboré par la commission d'enquête a exposé ses conclusions sur le déroulement de l'enquête, sur chacune des 23 thématiques mentionnées ci-dessus et sur chacun des avis des communes consultées, en analysant les enjeux soulevés et les propositions de la métropole. Contrairement à ce que soutient l'appelante, la commission ne s'est pas bornée à prendre acte de ces propositions, mais elle les a replacées dans leur contexte et analysées avec une précision suffisante, avant de se prononcer, favorablement ou défavorablement, sur leur contenu, le cas échéant, en exprimant des regrets ou des demandes. Enfin, le même document, après un rappel synthétique des " points positifs " et des " points négatifs " du projet, a énoncé neuf " recommandations " puis un " avis favorable assorti de trois réserves " qui ont été définies de manière précise et dénuée d'ambiguïté.

6. Contrairement à ce que soutient l'appelante, l'ensemble de ces éléments exposaient de manière suffisamment détaillée les raisons qui ont déterminé le sens de l'avis et des réserves exprimés par la commission d'enquête publique. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 123-19 du code de l'environnement doit être écarté.

7. En second lieu, aux termes de l'article R. 123-21 du code de l'environnement : " L'autorité compétente pour organiser l'enquête publie le rapport et les conclusions du commissaire enquêteur ou de la commission d'enquête sur le site internet où a été publié l'avis mentionné au I de l'article R. 123-11 et le tient à la disposition du public pendant un an ".

8. En l'espèce, si l'appelante soutient que le rapport de la commission d'enquête publique, qui a été signé par ses auteurs le 28 novembre 2019, n'a pas été publié en ligne en temps utile, la métropole produit en défense une attestation établie le 12 mars 2021 par son président, dont la valeur probante n'est pas sérieusement contestée, selon laquelle ce rapport a été mis en ligne le 12 décembre 2019, soit deux mois avant la séance au cours de laquelle a été approuvé le projet de plan. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 123-21 du code de l'environnement doit être écarté.

En ce qui concerne les modifications du projet à l'issue de l'enquête publique :

9. Aux termes de l'article L. 153-21 du code de l'urbanisme : " A l'issue de l'enquête, le plan local d'urbanisme, éventuellement modifié pour tenir compte des avis qui ont été joints au dossier, des observations du public et du rapport du commissaire ou de la commission d'enquête, est approuvé par : / 1° L'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale à la majorité des suffrages exprimés après que les avis qui ont été joints au dossier, les observations du public et le rapport du commissaire ou de la commission d'enquête aient été présentés lors d'une conférence intercommunale rassemblant les maires des communes membres de l'établissement public de coopération intercommunale et, le cas échéant, après que l'avis des communes sur le plan de secteur qui couvre leur territoire a été recueilli (...) ".

10. Il résulte de ces dispositions que le projet de plan ne peut subir de modifications, entre la date de sa soumission à l'enquête publique et celle de son approbation, qu'à la double condition que ces modifications ne remettent pas en cause l'économie générale du projet et qu'elles procèdent de l'enquête. Doivent être regardées comme procédant de l'enquête les modifications destinées à tenir compte des réserves et recommandations du commissaire enquêteur ou de la commission d'enquête, des observations du public et des avis émis par les autorités, collectivités et instances consultées et joints au dossier de l'enquête. Il ne résulte pas en revanche de ces dispositions que la délibération par laquelle l'organe délibérant approuve un projet de plan local d'urbanisme devrait comporter une présentation des modifications apportées au projet à l'issue de l'enquête publique.

11. En l'espèce, la seule circonstance que de nombreuses modifications ont été apportées au plan à l'issue de l'enquête publique ne suffit pas à caractériser une remise en cause de son économie générale, laquelle doit être appréciée à l'aune de l'objet et de la portée de ces modifications. A cet égard, si l'appelante relève qu'à l'issue de l'enquête publique, des espaces boisés classés ont été supprimés à proximité du contournement routier situé à l'est de Rouen, il ressort des pièces du dossier que cette modification a procédé d'une réserve émise par les services de l'Etat dans leur avis versé dans le dossier d'enquête publique, qu'elle n'a porté que sur une partie limitée du territoire métropolitain et que ce classement, qui aurait fait obstacle à la réalisation d'un projet déclaré d'utilité publique, a résulté, selon la réponse fournie par la métropole qui n'est pas sérieusement contredite, d'une " erreur matérielle ".

12. En outre, si l'appelante souligne qu'à l'issue de l'enquête publique, des travaux d'extension d'une superficie maximale de 50 m² ont été autorisés dans l'ensemble de la " zone des coteaux ", hors secteur UCO-1, il ressort des pièces du dossier que cette modification a procédé d'une demande formulée par la commune de Rouen dans son avis versé dans le dossier d'enquête publique et qu'eu égard à son objet et à sa portée, cette modification ne remet pas en cause l'économie générale du projet. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 153-21 du code de l'urbanisme doit être écarté.

En ce qui concerne l'information des conseillers métropolitains :

13. D'une part, aux termes de l'article L. 2121-10 du code général des collectivités territoriales : " Toute convocation est faite par le maire. Elle indique les questions portées à l'ordre du jour. Elle est mentionnée au registre des délibérations, affichée ou publiée. Elle est transmise de manière dématérialisée ou, si les conseillers municipaux en font la demande, adressée par écrit à leur domicile ou à une autre adresse ". Aux termes de l'article L. 2121-12 du même code : " Dans les communes de 3 500 habitants et plus, une note explicative de synthèse sur les affaires soumises à délibération doit être adressée avec la convocation aux membres du conseil municipal ". Aux termes de l'article L. 2121-13 du même code : " Tout membre du conseil municipal a le droit, dans le cadre de sa fonction, d'être informé des affaires de la commune qui font l'objet d'une délibération ".

14. Il résulte de ces dispositions que, dans les communes de 3 500 habitants et plus, la convocation aux réunions du conseil municipal doit être accompagnée d'une note explicative de synthèse portant sur chacun des points de l'ordre du jour. Cette obligation, qui doit être adaptée à la nature et à l'importance des affaires, doit permettre aux conseillers municipaux de connaître le contexte et de comprendre les motifs de fait et de droit ainsi que les implications des mesures envisagées. Elle n'impose pas de joindre à la convocation adressée aux intéressés une justification détaillée du bien-fondé des propositions qui leur sont soumises.

15. D'autre part, en vertu de l'article L. 5211-1 du code général des collectivités territoriales, les dispositions précitées sont applicables à " l'organe délibérant des établissements publics de coopération intercommunale " et, s'agissant de l'application des dispositions de l'article L. 2121-12, " ces établissements sont soumis aux règles applicables aux communes de 3 500 habitants et plus s'ils comprennent au moins une commune de 3 500 habitants et plus. Ils sont soumis aux règles applicables aux communes de moins de 3 500 habitants dans le cas contraire ".

16. En premier lieu, le dossier documentaire, qui, comme le justifie de manière probante le constat d'huissier produit, a été remis dans le délai imparti aux conseillers métropolitains, comportait, outre un rappel du déroulement de la procédure d'élaboration du projet de plan et des différentes pièces le composant, d'une part, une synthèse des consultations réalisées, en précisant le sens des avis émis par les communes et les personnes publiques associées ou consultées ainsi que les principales remarques et réserves qu'elles avaient formulées, d'autre part, une présentation du déroulement de l'enquête publique et une synthèse des recommandations et réserves émises par la commission d'enquête, enfin, les suites données à ces consultations et les modifications apportées par la métropole au projet de plan arrêté. En complément, le dossier documentaire comportait en annexe, sous forme de tableaux, un recensement exhaustif et une présentation synthétique des avis des communes concernées et des personnes publiques associées ou consultées, ainsi que des observations du public et, en regard, les éléments de réponse formulés par la métropole. Par suite, l'appelante n'est pas fondée à soutenir que ce dossier documentaire, alors même qu'il n'était pas formellement intitulé notice explicative de synthèse, était lacunaire.

17. En second lieu, à supposer même, comme le soutient l'appelante, que l'ordre du jour de la séance du 13 février 2020 n'ait pas été adressé avec la convocation aux membres du conseil métropolitain, ces derniers, qui ont reçu avec la convocation le projet de délibération et les réponses apportées aux contributions du public et aux avis des communes et des personnes publiques associées, doivent être regardés comme ayant été avertis de l'examen du projet de plan lors de cette séance. Par suite, l'irrégularité invoquée ne saurait en tout état de cause avoir exercé en l'espèce une influence sur le sens de la délibération approuvée, ni avoir privé les conseillers communautaires d'une garantie.

18. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales doit être écarté.

En ce qui concerne la compatibilité du plan avec le schéma de cohérence territoriale :

19. Aux termes de l'article L. 131-4 du code de l'urbanisme : " Les plans locaux d'urbanisme et les documents en tenant lieu ainsi que les cartes communales sont compatibles avec : / 1° Les schémas de cohérence territoriale prévus à l'article L. 141-1 (...) ".

20. Il résulte de ces dispositions qu'à l'exception des cas limitativement prévus par la loi dans lesquels les schémas de cohérence territoriale peuvent contenir des normes prescriptives, ceux-ci doivent se borner à fixer des orientations et des objectifs. Les plans locaux d'urbanisme sont soumis à une simple obligation de compatibilité avec ces orientations et objectifs. Si ces derniers peuvent être en partie exprimés sous forme quantitative, il appartient aux auteurs des plans locaux d'urbanisme, qui déterminent les partis d'aménagement à retenir en prenant en compte la situation existante et les perspectives d'avenir, d'assurer, ainsi qu'il a été dit, non leur conformité aux énonciations des schémas de cohérence territoriale, mais leur compatibilité avec les orientations générales et les objectifs qu'ils définissent.

21. Pour apprécier la compatibilité d'un plan local d'urbanisme avec un schéma de cohérence territoriale, il appartient au juge administratif de rechercher, dans le cadre d'une analyse globale le conduisant à se placer à l'échelle du territoire pertinent en prenant en compte les prescriptions du document supérieur, si le plan ne contrarie pas les objectifs qu'impose le schéma, compte tenu des orientations adoptées et de leur degré de précision, sans rechercher l'adéquation du plan à chaque disposition ou objectif particulier.

22. En l'espèce, d'une part, le schéma de cohérence territoriale, adopté par une délibération du 12 octobre 2015 du conseil de la métropole Rouen Normandie, distingue, au sein de l'armature urbaine du territoire de la métropole, quatre niveaux d'urbanisation, à savoir les " cœurs d'agglomération ", constitués par " les centralités historiques de Rouen et d'Elbeuf et leurs quartiers urbains mixtes alentours ", les " espaces urbains ", constitués " des tissus bâtis continus (tâche urbaine) ", les " pôles de vie ", consistant en des " centralités de l'espace rural " servant de " points d'appui pour polariser le développement urbain (habitat, services, équipements) au service des territoires ruraux, et relayer les fonctions urbaines de proximité (bouquet de commerces, services et équipements) ", enfin, les " bourgs et villages ", correspondant à des " groupes d'habitations ou à de petits ensemble urbains organisés autour d'un noyau traditionnel (...) dont la fonction est essentiellement résidentielle ". Le schéma de cohérence territoriale classe les communes d'Isneauville, Boos, Duclair et Trait dans la catégorie des " pôles de vie ", en précisant leurs particularités locales.

23. Pour " garantir un fonctionnement durable du territoire à travers l'armature urbaine ", le document d'orientation et d'objectifs de ce schéma fixe des perspectives de développement urbain différentiées selon les niveaux de cette armature. A ce titre, " (...) le développement urbain est intensifié dans les cœurs d'agglomération, amplifié dans les espaces urbains, conforté dans les pôles de vie, modéré dans les bourgs et villages, et très limité dans les hameaux ". Le même document relève en particulier que les pôles de vie doivent conforter " une logique de densification des tissus urbains et de diversification du parc de logements " et accueillir " des activités économiques (...) afin de conforter leur rôle d'animation et de service ". Il fixe aussi pour objectif de " conforter l'urbanisation dans les espaces urbains et les pôles de vie autour des transports en commun réguliers ".

24. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que, pour organiser le développement urbain à l'échelle de la métropole, les auteurs du plan local d'urbanisme intercommunal ont utilisé comme cadre de référence l'armature urbaine ainsi définie par le schéma de cohérence territoriale. A ce titre, le projet d'aménagement et de développement durables du plan relève que " l'intensification urbaine se doit d'être adaptée aux différents contextes locaux, reflétant la diversité des formes urbaines de la métropole. Dans cette perspective, l'armature urbaine définie par le SCoT, qui distingue les cœurs d'agglomération, les espaces urbains, les pôles de vie et les bourgs et villages, constitue le cadre de référence pour envisager les évolutions urbaines au sein du territoire ". Ce projet fixe ainsi comme objectif de " conforter les pôles de vie (Le Trait, Duclair, Boos et Isneauville) en renforçant leur offre de services, d'équipements et de commerces de proximité " et de " soutenir leur dynamique de construction en privilégiant une diversification des typologies d'habitat et des formes urbaines compactes et économes du foncier ", ainsi que d'" instaurer des densités bâties adaptées à la diversité du territoire ". Pour l'ensemble des pôles de vie, le projet d'aménagement et de développement durables fixe, sans distinction ni modulation, le même objectif d'une densité de " 40 logements par hectare ".

25. Pour mettre en œuvre cet objectif du projet d'aménagement et de développement durables, le rapport de présentation indique que si le règlement a délimité, " dans tous les espaces de l'armature " urbaine, des zones de hameaux (UBH), de coteaux (UCO) et d'habitat collectif (UD), il a défini, pour les quatre pôles de vie du territoire métropolitain, un régime d'utilisation des sols différencié.

26. S'agissant des communes de Duclair et du Trait, le règlement a délimité, dans leurs espaces urbains, des zones urbaines de centralité à dominante d'habitat (UAB), des zones urbaines mixte à dominante d'habitat individuel dense (UBA1) et des zones urbaines mixtes à dominante d'habitat individuel peu dense mais avec des formes homogènes (UBB1). La métropole fait valoir, sans être sérieusement contredite, que ces zonages se justifient par le développement urbain dense et équilibré de ces communes en matière d'équipements, de services et de mixité urbaine.

27. S'agissant des communes d'Isneauville et de Boos, le règlement a délimité, dans leurs espaces urbains, des zones de centralité historique (UAC), des zones urbaines mixte à dominante d'habitat individuel moyennement dense (UBA2) et des zones urbaines mixtes à dominante d'habitat individuel peu dense (UBB2). La métropole fait valoir, sans être sérieusement contredite, que les limitations particulières au droit de construire prévues dans ces zones se justifient par l'inadéquation des niveaux d'équipements et de services à la rapide croissance urbaine d'Isneauville et de Boos, notamment dans cette dernière par l'absence de desserte en transport en commun structurante.

28. Il ressort ainsi des pièces du dossier que ces régimes différenciés d'urbanisation permettront de conforter le développement des quatre pôles de vie, en tenant compte, d'une part, de leur degré et dynamique d'urbanisation et, d'autre part, de leurs capacités de croissance équilibrée, afin qu'ils présentent une densité, une diversité d'activités et un niveau d'équipements et de services leur permettant, conformément aux objectifs du schéma de cohérence territoriale, de polariser le développement urbain au service des territoires ruraux et de relayer les fonctions urbaines de proximité.

29. Si l'appelante conteste en particulier la compatibilité du règlement qu'en tant qu'il classe en zone UBB2 les parcelles lui appartenant à Isneauville, il ressort des pièces du dossier que le règlement crée dans cette commune plusieurs zones qui permettront de conforter de manière équilibrée le développement urbain de ce pôle de vie, à savoir une zone 1AUR1 correspondant à des secteurs d'urbanisation future couverts par une zone d'aménagement concerté, une zone de renouvellement urbain et de projets mixtes à dominante d'habitat (UR3), ainsi que des zones de projet à dominante d'activités économiques (URX1). En outre, si le schéma de cohérence territoriale fixe comme objectif de développer l'urbanisation autour des stations de transports en commun réguliers, le classement en zone UBB2 des parcelles litigieuses, qui se trouvent à proximité de telles stations, permettra de satisfaire cet objectif, en tenant compte des caractéristiques locales mentionnées ci-dessus.

30. Dans ces conditions, alors même que les zonages appliqués, d'une part, à Duclair et Trait et, d'autre part, à Isneauville et Boos ont été par ailleurs utilisés, respectivement, dans les espaces urbains et dans les bourgs et villages, l'appelante n'est pas fondée à soutenir que le plan local d'urbanisme intercommunal n'est pas compatible avec les orientations et objectifs du schéma de cohérence territoriale de la métropole Rouen Normandie. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 131-4 du code de l'urbanisme doit être écarté.

En ce qui concerne la cohérence du règlement avec le projet d'aménagement et de développement durables :

31. Aux termes de l'article L. 151-8 du code de l'urbanisme : " Le règlement fixe, en cohérence avec le projet d'aménagement et de développement durables, les règles générales et les servitudes d'utilisation des sols permettant d'atteindre les objectifs mentionnés aux articles L. 101-1 à L. 101-3 ".

32. Pour apprécier la cohérence ainsi exigée au sein du plan local d'urbanisme entre le règlement et le projet d'aménagement et de développement durables, il appartient au juge administratif de rechercher, dans le cadre d'une analyse globale le conduisant à se placer à l'échelle du territoire couvert par le document d'urbanisme, si le règlement ne contrarie pas les orientations générales et objectifs que les auteurs du document ont définis dans le projet d'aménagement et de développement durables, compte tenu de leur degré de précision. Par suite, l'inadéquation d'une disposition du règlement du plan local d'urbanisme à une orientation ou un objectif du projet d'aménagement et de développement durables ne suffit pas nécessairement, compte tenu de l'existence d'autres orientations ou objectifs au sein de ce projet, à caractériser une incohérence entre ce règlement et ce projet.

33. En l'espèce, le projet d'aménagement et développement durables, qui identifie Isneauville, Boos, Trait et Duclair comme des " pôles de vie ", fixe comme objectifs, repris du schéma de cohérence territoriale, de " conforter les pôles de vie (...) et de soutenir leur dynamique de construction " ainsi que d'" instaurer des densités bâties adaptées à la diversité du territoire ". Pour les mêmes motifs que ceux énoncés ci-dessus, l'appelante n'est pas fondée à soutenir que les régimes d'urbanisation définis dans ces pôles de vie par le règlement ne sont pas cohérents avec les objectifs du projet d'aménagement et de développement durables.

34. S'agissant en particulier des parcelles appartenant à l'appelante, leur classement en zone UBB2 emporte certes des restrictions particulières au droit de construire, notamment une emprise au sol maximale de 25 %, une hauteur maximale de 9,50 mètres et, pour les nouvelles constructions à usage de commerce et d'activités de service, une surface de plancher maximale de 500 m² et une surface minimale non imperméabilisée de 25 %. Toutefois, ces restrictions se justifient par les circonstances locales énoncées ci-dessus et répondent ainsi à l'objectif, fixé par le projet d'aménagement et de développement durables, d'un développement urbain " maîtrisé " du pôle de vie que constitue Isneauville.

35. Il s'ensuit que l'appelante n'est pas fondée à soutenir que le règlement n'est pas cohérent avec les objectifs fixés par le plan d'aménagement et de développement durables, pris globalement. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 151-8 du code de l'urbanisme doit être écarté.

En ce qui concerne le classement en zone UBB2 des parcelles cadastrées AD nos 36 et 158 :

36. D'une part, aux termes de l'article R. 151-18 du code de l'urbanisme : " Les zones urbaines sont dites " zones U ". Peuvent être classés en zone urbaine, les secteurs déjà urbanisés et les secteurs où les équipements publics existants ou en cours de réalisation ont une capacité suffisante pour desservir les constructions à implanter ".

37. D'autre part, il ressort du rapport de présentation que " Les zones commençant par UBB correspondent à la zone urbaine mixte à dominante d'habitat individuel où l'objectif est : / - soit d'encadrer la densification des tissus peu denses, / - soit de préserver les tissus denses existants " et que " sont classées en zone UBB2 les tissus urbains composé d'habitat individuel peu dense, réalisés sous différentes formes : opérations de lotissement, divisions parcellaires dans le diffus ".

38. Il ressort des pièces du dossier que les parcelles cadastrées AD n os 36 et 158, classées en zone UBB2, consistent en des terrains non bâtis, d'une superficie respective de 8 621 et 10 976 m², encadrés à l'ouest par la route départementale n° 928, au sud par la route départementale n° 47A, au nord-est par des habitations individuelles peu denses et, à l'est et au sud-est, par des parcelles agricoles qui s'étirent sur quelques kilomètres jusqu'à l'autoroute A 28. Par leur localisation, ces parcelles appartiennent ainsi à un secteur peu densément bâti d'habitats individuels.

39. En outre, ainsi qu'il a été dit, leur classement en zone UBB2 vise à permettre un développement équilibré de l'urbanisation à l'échelle d'Isneauville, en cohérence avec les objectifs du projet d'aménagement et de développement durables, conformément aux objectifs du schéma de cohérence territoriale. A cet égard, l'appelante ne peut utilement faire valoir que des parcelles voisines, qui ne sont pas contiguës à celles litigieuses et qui présentent des caractéristiques urbaines différentes, ont été classées en zones UR3 ou URX1.

40. Dans ces conditions, alors même que ces parcelles étaient auparavant classées en zone UbA par le plan local d'urbanisme d'Isneauville, les auteurs du plan local d'urbanisme intercommunal ont pu les classer en zone UBB2 sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation. Par suite, ce moyen doit être écarté.

41. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions, principales et subsidiaires, présentées par la société Isneauville-route de Neufchâtel tendant à l'annulation, totale ou partielle, de la délibération du 13 février 2020 de la métropole Rouen Normandie doivent être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, celles tendant à l'annulation de la décision du 3 août 2020 ayant rejeté son recours gracieux contre cette délibération.

Sur les frais liés à l'instance :

42. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la métropole Rouen Normandie, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, au titre des frais exposés par la société Isneauville-route de Neufchâtel et non compris dans les dépens.

43. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société Isneauville-route de Neufchâtel le versement d'une somme de 1 000 euros à la métropole Rouen Normandie au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 23 juillet 2021 du tribunal administratif de Rouen est annulé.

Article 2 : Les demandes présentées par la société Isneauville-route de Neufchâtel devant le tribunal administratif de Rouen ainsi que ses conclusions présentées devant la cour sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La société Isneauville-route de Neufchâtel versera à la métropole Rouen Normandie une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Isneauville-route de Neufchâtel et à la métropole Rouen Normandie.

Copie en sera transmise pour information à la commune d'Isneauville.

Délibéré après l'audience publique du 8 septembre 2022 à laquelle siégeaient :

- M. Marc Heinis, président de chambre,

- Mme Corinne Baes-Honoré, présidente assesseure,

- M. Stéphane Eustache, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 octobre 2022.

Le rapporteur,

Signé : S. Eustache

Le président de la 1ère chambre,

Signé : M. A...

La greffière,

Signé : C. Sire

La République mande et ordonne au préfet de la Seine-Maritime en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Christine Sire

N°21DA02270 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21DA02270
Date de la décision : 18/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: M. Stéphane Eustache
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : SIMON ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 06/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-10-18;21da02270 ?
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