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18/10/2022 | FRANCE | N°21DA01901

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 18 octobre 2022, 21DA01901


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 26 octobre 2018 par lequel le maire d'Ostricourt a opposé un sursis à statuer d'une durée de deux ans à sa déclaration préalable déposée le 17 octobre 2018 en vue de la division pour construire d'un terrain situé 35 rue Charles Saint Venant.

Par un jugement n° 1811187 du 17 juin 2021, le tribunal administratif de Lille a annulé cette décision.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mém

oire, enregistrés le 6 août 2021 et le 11 mars 2022, la commune d'Ostricourt, représentée par Me L...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 26 octobre 2018 par lequel le maire d'Ostricourt a opposé un sursis à statuer d'une durée de deux ans à sa déclaration préalable déposée le 17 octobre 2018 en vue de la division pour construire d'un terrain situé 35 rue Charles Saint Venant.

Par un jugement n° 1811187 du 17 juin 2021, le tribunal administratif de Lille a annulé cette décision.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 6 août 2021 et le 11 mars 2022, la commune d'Ostricourt, représentée par Me Laurent Fillieux, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande de M. B... ;

3°) de mettre à la charge de M. B... la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le sursis à statuer pris sur le fondement de l'article L. 424-1 du code de l'urbanisme était légal ;

- en tout état de cause, le sursis à statuer aurait pu être pris sur le fondement de l'article L. 153-11 du code de l'urbanisme.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 février 2022, M. B..., représenté par Me Rodolphe Piret, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la commune d'Ostricourt de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que l'arrêté du maire d'Ostricourt est entaché d'erreur de droit, ainsi que d'erreur manifeste d'appréciation et de détournement de pouvoir.

Par une ordonnance du 15 mars 2022, la clôture de l'instruction a été fixée, la dernière fois, au 11 avril 2022 à 12 heures.

Les parties ont été informées que l'arrêt à intervenir est susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de la substitution, comme base légale de l'arrêté du 26 octobre 2018, de l'article L. 153-11 du code de l'urbanisme en lieu et place de l'article L. 424-1 du même code. Elles ont été invitées à faire valoir leurs observations. Me Fillieux pour la commune d'Ostricourt et Me Piret pour M. B... ont fait part de leurs observations par courriers respectifs des 1er juillet 2022 et 23 juin 2022, qui ont été communiquées à l'autre partie.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Denis Perrin, premier conseiller,

- les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public,

- et les observations de Me Rodolphe Piret pour M. A... B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B... a déposé une déclaration préalable pour détacher un terrain des parcelles dont il est propriétaire sur la commune d'Ostricourt en vue d'y réaliser neuf maisons individuelles. Par arrêté du 26 octobre 2018, le maire d'Ostricourt a opposé un sursis à statuer à cette demande. Le tribunal administratif de Lille a annulé cet arrêté par un jugement du 17 juin 2021. La commune d'Ostricourt relève appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la substitution de motifs demandée par la commune d'Ostricourt :

2. Lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée. Une telle substitution relevant de l'office du juge, celui-ci peut y procéder de sa propre initiative, au vu des pièces du dossier, mais sous réserve, dans ce cas, d'avoir au préalable mis les parties à même de présenter des observations sur ce point. L'administration peut, par ailleurs, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.

3. Aux termes de l'article L. 153-11 du code de l'urbanisme : " L'autorité compétente mentionnée à l'article L. 153-8 prescrit l'élaboration du plan local d'urbanisme et précise les objectifs poursuivis et les modalités de concertation, conformément à l'article L. 103-3. / (...) / L'autorité compétente peut décider de surseoir à statuer, dans les conditions et délai prévus à l'article L. 424-1, sur les demandes d'autorisation concernant des constructions, installations ou opérations qui seraient de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan dès lors qu'a eu lieu le débat sur les orientations générales du projet d'aménagement et de développement durable. ". Un sursis à statuer ne peut être opposé à une demande de permis de construire, sur le fondement de ces dispositions, postérieurement au débat sur les orientations générales du projet d'aménagement et de développement durables, qu'en vertu d'orientations ou de règles que le futur plan local d'urbanisme pourrait légalement prévoir et à la condition que la construction, l'installation ou l'opération envisagée soit de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse son exécution.

4. Le sursis à statuer du 26 octobre 2018 était fondé sur l'article L. 424-1 du code de l'urbanisme et avait pour motif que le projet de M. B... était de nature à rendre plus onéreux l'exécution de travaux publics d'extension de l'école Pierre et Marie Curie. En cause d'appel, la commune demande que soit substitué au motif initialement retenu, le motif tiré de ce que le projet envisagé par la déclaration préalable est de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan local d'urbanisme. Ce nouveau motif est de nature à fonder l'arrêté du 26 octobre 2018 en application des dispositions rappelées au point 3. Une telle substitution de motifs implique nécessairement que soit substituée, comme base légale de l'arrêté, l'article L. 153-11 du code de l'urbanisme à l'article L. 424-1 du même code, seul visé dans l'arrêté.

5. La mise en œuvre des dispositions citées au point 3 repose sur le même pouvoir d'appréciation que celui résultant de l'application de l'article L. 424-1 du code de l'urbanisme. Elle n'est soumise à la mise en œuvre d'aucune garantie particulière à l'égard du destinataire de la décision. Dans ces conditions, il y a lieu de substituer l'article L. 153-11 du code de l'urbanisme comme base légale du sursis à statuer, prononcé le 26 octobre 2018.

6. Il ressort des pièces du dossier que le conseil municipal s'est prononcé dans sa séance du 15 décembre 2017 sur le projet d'aménagement et de développement durables porté à sa connaissance en vue de la révision simplifiée du plan local d'urbanisme, engagée par délibération du 24 juin 2016. Le projet d'aménagement et de développement durables, tel qu'annexé à cette délibération, était suffisamment précis dans ses orientations comme dans ses documents graphiques, même si ceux-ci n'étaient pas établis sur des fonds de carte faisant apparaître le parcellaire existant, pour permettre d'apprécier la portée exacte des orientations projetées et la compatibilité du projet soumis à déclaration préalable avec ces orientations.

7. En l'espèce, le projet d'aménagement et de développement durables entend renforcer la centralité de la ville et les équipements publics existants, notamment l'école Pierre et Marie Curie. A ce titre, il délimite sur un document graphique, faisant apparaître les principales rues de la commune, une zone " comportant le secteur d'extension de l'école Pierre et Marie Curie jusqu'à la place Albert Thomas ". Il n'est pas sérieusement contesté que cette zone porte notamment sur les terrains détenus par M. B.... En outre, les orientations du projet d'aménagement de développement durables prévoient de favoriser sur cette zone " l'intégration des cheminements doux dans la logique de création des nouveaux projets ".

8. Le projet de M. B... tel qu'il est exposé dans son dossier de déclaration préalable consiste à détacher un terrain de 5 847 mètres carrés des parcelles AK 17, 229, 230, 231 et 232 pour la réalisation de neuf maisons d'habitation. Dans sa dernière version qui a fait l'objet du sursis à statuer du 26 octobre 2018, ce projet, tel qu'il est retranscrit dans le document graphique, ne porte pas sur les parcelles AK 12 et AK 13, mais ces terrains demeurent mentionnés dans la déclaration.

9. Ces deux parcelles sont les plus proches de l'école à l'est, en direction de la place Albert-Thomas, et supportent une construction bâtie pour la parcelle AK 12. Toutefois, à supposer même que ces parcelles en soient exclues, le projet prend place juste derrière l'école au nord et a pour objectif à terme de permettre des constructions individuelles sur l'ensemble de l'espace situé à l'arrière de l'école dans la direction d'une part de la place Albert-Thomas et d'autre part de la rue Charles Saint-Venant. Il est ainsi de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse, par son ampleur et l'occupation de l'ensemble de l'espace non bâti situé à l'arrière de l'école Pierre et Marie Curie, l'exécution du futur plan local d'urbanisme.

10. La circonstance que l'accès au terrain ainsi détaché se fasse par la rue Charles Saint-Venant, à l'opposé de l'école, est sans incidence sur le fait que le projet se déploie sur l'ensemble de l'espace non bâti situé à l'arrière de l'école. L'arrêté du 26 octobre 2018 a d'ailleurs fait état de la délibération du 15 décembre 2017 sur le projet d'aménagement et de développement durables et de la délimitation dans ce projet d'une zone d'extension de l'école Pierre et Marie Curie jusqu'à la place Albert-Thomas.

11. Il résulte ainsi de l'instruction que le maire d'Ostricourt aurait pris la même décision de sursis à statuer s'il s'était fondé initialement sur le motif tiré de ce que le projet compromet la réalisation de l'orientation retenue par le projet d'aménagement et de développement durables.

En ce qui concerne l'autre moyen soulevé par M. B... :

12. M. B... soutient que l'arrêté du 26 octobre 2018 est entaché de détournement de pouvoir. Toutefois, il n'apporte aucun élément de nature à établir ses allégations. S'il prétend qu'il n'a pas pu obtenir d'indications sur la règlementation d'urbanisme applicable à ses propriétés, il ne justifie pas de la réalité de ses allégations qui, en tout état de cause ne suffiraient pas à démontrer le détournement de pouvoir allégué. Ce moyen doit donc être écarté.

13. Il résulte de tout ce qui précède que, compte tenu de la substitution au motif censuré par le tribunal administratif de Lille du motif tiré de ce que le projet de M. B... compromet ou rend plus onéreuse l'exécution du futur plan local d'urbanisme et alors qu'aucun autre moyen de M. B... n'est susceptible d'entraîner l'annulation de l'arrêté du 26 octobre 2018, il y a lieu d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lille et de rejeter la demande de M. B....

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

14. La commune d'Ostricourt n'étant pas partie perdante dans la présente instance, la demande présentée par M. B..., sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doit être rejetée. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la commune d'Ostricourt présentées au même titre.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lille du 17 juin 2021 est annulé.

Article 2 : Les demandes de M. B... devant le tribunal administratif de Lille comme devant la cour administrative d'appel de Douai sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions de la commune d'Ostricourt au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune d'Ostricourt et à M. A... B....

Délibéré après l'audience publique du 8 septembre 2022 à laquelle siégeaient :

- M. Marc Heinis, président de chambre,

- Mme Corinne Baes-Honoré, présidente-assesseure,

- M. Denis Perrin, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 octobre 2022.

Le rapporteur,

Signé : D. Perrin

Le président de la 1ère chambre,

Signé : M. C...

La greffière,

Signé : C. Sire

La République mande et ordonne au préfet du Nord en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Christine Sire

N°21DA01901 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21DA01901
Date de la décision : 18/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: M. Denis Perrin
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : SELARL RESSOURCES PUBLIQUES AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 06/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-10-18;21da01901 ?
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