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18/10/2022 | FRANCE | N°21DA01223

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 18 octobre 2022, 21DA01223


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La communauté d'agglomération du Douaisis a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 23 février 2018 par lequel le préfet du Pas-de-Calais a accordé un permis de construire à la société Bioénergie de Férin pour la construction d'une unité de méthanisation sur le territoire de la commune de Gouy-sous-Bellonne.

Par un jugement n°1803510 du 30 mars 2021, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requ

te et des mémoires, enregistrés le 1er juin 2021, le 16 juin 2021 et le 14 février 2022, la commun...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La communauté d'agglomération du Douaisis a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 23 février 2018 par lequel le préfet du Pas-de-Calais a accordé un permis de construire à la société Bioénergie de Férin pour la construction d'une unité de méthanisation sur le territoire de la commune de Gouy-sous-Bellonne.

Par un jugement n°1803510 du 30 mars 2021, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 1er juin 2021, le 16 juin 2021 et le 14 février 2022, la communauté d'agglomération du Douaisis, représentée par Me Marie-Yvonne Benjamin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 23 février 2018 du préfet du Pas-de-Calais ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle a intérêt à agir compte tenu de sa compétence en matière d'eau potable et de la localisation de l'installation à proximité de champs captants de l'agglomération ;

- le préfet aurait dû recueillir l'avis de l'exploitant du réseau électrique en application de l'article R. 432-50 du code de l'urbanisme ;

- le permis délivré méconnaît l'article A 1 du plan local d'urbanisme de la commune de Gouy-sous-Bellonne ;

- il méconnaît également l'article A 3 du même document ;

- il méconnaît enfin l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 novembre 2021 et un mémoire enregistré le 8 mars 2022 et non communiqué, la société Bioénergie de la Motte, venant aux droits de la société Bioénergie de Férin, représentée par Me Stéphanie Gandet, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la communauté d'agglomération du Douaisis de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la requête est irrecevable en ce qu'elle est identique à la demande de première instance ;

- elle tient également son irrecevabilité du défaut d'intérêt à agir des requérants ;

- les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 27 janvier 2022, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que la communauté d'agglomération du Douaisis n'a pas intérêt à agir et qu'au surplus les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 15 février 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 10 mars 2022 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Denis Perrin, premier conseiller,

- les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public,

- et les observations de Me Edouard Samin pour la communauté d'agglomération du Douaisis et de Me Lou Deldique pour la société Bioénergie de la Motte.

Considérant ce qui suit :

1. La communauté d'agglomération du Douaisis relève appel du jugement du tribunal administratif de Lille du 30 mars 2021 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 février 2018 par lequel le préfet du Pas-de-Calais a accordé un permis de construire à la société Bioénergie de Férin, devenue depuis Bioénergie de la Motte, pour la construction d'une unité de méthanisation sur le territoire de la commune de Gouy-sous-Bellonne.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 423-50 du code de l'urbanisme : " L'autorité compétente recueille auprès des personnes publiques, services ou commissions intéressés par le projet, les accords, avis ou décisions prévus par les lois ou règlements en vigueur ". Les articles R. 423-51 à R. 423-56-1 du même code qui recensent de manière limitative les consultations obligatoires ne prévoient pas la saisine pour avis du gestionnaire du réseau électrique. Si la communauté d'agglomération entend se prévaloir des dispositions de l'article L. 111-11 du code de l'urbanisme, elle n'établit pas, en tout état de cause, que le projet nécessitait des travaux sur les réseaux publics de distribution d'électricité qui conditionnent la mise en œuvre de cet article. La communauté d'agglomération ne saurait à cet égard se prévaloir d'un compte-rendu de visite dans une autre unité de méthanisation qui fait état d'une consommation importante d'électricité, dès lors qu'il n'est pas démontré que ce constat puisse être transposé à l'unité de méthanisation ici en cause, la société faisant valoir qu'aucun raccordement électrique n'a été demandé pour le projet. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure du fait du défaut d'avis de l'exploitant du réseau électrique ne peut qu'être écarté.

3. En deuxième lieu, l'article A 1 du plan local d'urbanisme de Gouy-sous-Bellonne dispose que les occupations et utilisations du sol interdites dans la zone A sont " les constructions et installations qui ne sont pas nécessaires aux services publics ou d'intérêt collectif et à l'exploitation agricole ". Il résulte de ces dispositions que dès lors qu'elles sont nécessaires à un service public ou d'intérêt collectif ou à l'exploitation agricole, ces constructions et autorisations peuvent être autorisées. D'ailleurs l'article A 2 du même document soumet à des conditions particulières les occupations et utilisations nécessaires aux services publics ou d'intérêt collectif, sans exiger que celles-ci soient nécessaires à l'activité agricole. Par ailleurs, une unité de méthanisation a pour objectif de produire de l'énergie à partir de la valorisation de déchets d'origine biologique et d'injecter cette énergie sur le réseau public de distribution. Elle constitue donc un service d'intérêt collectif. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article A 1 du plan local d'urbanisme ne peut donc qu'être écarté, sans qu'il soit besoin d'apprécier si le projet est nécessaire à l'exploitation agricole.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article A 3 du plan local d'urbanisme de la commune de Gouy-sous-Bellonne : " Le permis de construire peut être refusé si les accès présentent un risque pour la sécurité des usagers, des voies publiques ou pour celle des personnes utilisant ces accès. Les accès et

voiries doivent présenter les caractéristiques permettant de satisfaire aux exigences de la

circulation des handicapés et personnes à mobilité réduite (cf. décrets n° 99-756, n° 99-757 du 31 août 1999) de la défense contre l'incendie, et de la protection civile, et aux besoins

des constructions et installations envisagées. (...) ".

5. Il résulte du constat d'huissier du 29 mai 2018 que l'accès à l'unité de méthanisation prévu dans le permis de construire se fait par un chemin rural d'une largeur de trois mètres vingt, ce chemin étant plat, " parfaitement praticable " selon ce constat et présentant une bonne visibilité. Il ressort également de ce constat que cet accès est situé à moins de cent-trente-sept mètres de la route départementale 45. Si la maire de Gouy-sous-Bellonne, dans son courrier au directeur des territoires et de la mer du Pas-de-Calais a évoqué la dangerosité de l'accès depuis la route départementale, il ressort du même constat d'huissier que l'accès depuis la route départementale présente une largeur de treize mètres et quatre-vingt centimètres et bénéficie d'une grande visibilité même s'il se situe avant un virage. Il ne résulte donc pas de ces éléments que l'accès au projet depuis la route départementale présenterait un risque pour la sécurité. Par ailleurs si la maire de Gouy-sous-Bellonne faisait également valoir dans ce courrier comme dans son avis défavorable sur le permis du 25 septembre 2017 que le chemin rural d'accès n'est pas adapté pour la circulation des poids lourds, la société fait valoir que le projet, qui a reçu un avis favorable du service d'incendie et de secours, notamment pour l'accessibilité des engins de secours, n'entraîne la circulation que de deux poids lourds en moyenne par jour ouvré. Cette estimation est confirmée par les chiffres postérieurs à la date de délivrance du permis, fournis par la communauté d'agglomération. Il n'est donc pas démontré que l'accès au projet présenterait des risques. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article A 3 du plan local d'urbanisme ne peut qu'être écarté.

6. En quatrième lieu, aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions

spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa

situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres

installations ". Il résulte de cette disposition que lorsqu'un projet de construction est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique, le permis de construire ne peut être refusé que si l'autorité compétente estime, sous le contrôle du juge, qu'il n'est pas légalement possible, au vu du dossier et de l'instruction de la demande de permis, d'accorder le permis en l'assortissant de prescriptions spéciales qui, sans apporter au projet de modifications substantielles nécessitant la présentation d'une nouvelle demande, permettraient d'assurer la conformité de la construction aux dispositions législatives et règlementaires dont l'administration est chargée d'assurer le respect.

7. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la construction autorisée par le permis en litige présenterait un risque pour la sécurité et la salubrité qui nécessiterait l'édiction de prescriptions portant sur la construction et l'occupation des sols, sachant qu'elle est parallèlement soumise à la législation des installations classées pour la protection de l'environnement.

8. En particulier, si la communauté d'agglomération fait état de la proximité du champ captant de Férin qui fournit une partie de l'eau potable sur le territoire de la communauté, il est constant que le projet ne se trouve dans aucun périmètre de protection même éloignée de captage d'eau. L'hydrogéologue consulté par la société Bioénergie a conclu, dans son rapport d'octobre 2018, à un risque très faible et acceptable pour la qualité des eaux. Si la communauté d'agglomération évoque aussi la régulation des eaux pluviales, le projet a prévu un fossé d'infiltration dont il n'est pas établi qu'il serait contraire aux règles applicables à l'évacuation des eaux de pluie. Au surplus, le permis modificatif du 13 juin 2019 a remplacé ce fossé d'infiltration par un bassin de régulation des eaux pluviales, qui assure une meilleure prise en compte de ce risque et qui permet un contrôle de la qualité des eaux pluviales. Ce permis modificatif a également renforcé l'imperméabilisation du site notamment en réduisant la profondeur des pré fosses et le stockage d'intrants. Ce permis modificatif a aussi intégré les recommandations facultatives que faisait l'hydrogéologue dans son rapport. L'appelante ne démontre pas que ces mesures sont insuffisantes. Au surplus, dans un courrier du 24 avril 2019 sur le permis modificatif, l'agence régionale de santé des Hauts-de-France a indiqué que le bassin de régulation des eaux pluviales ne présentait pas d'enjeux sanitaires liés aux périmètres de captage d'eau potable.

9. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, le préfet du Pas-de-Calais n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article R.111-2 du code de l'urbanisme en accordant le permis et en ne l'assortissant pas de prescriptions.

10. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées en première instance et en appel, que la communauté d'agglomération du Douaisis n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Bioénergie de la Motte, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la communauté d'agglomération du Douaisis demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

12. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la communauté d'agglomération du Douaisis une somme de 2 000 euros à verser à la société Bioénergie de la Motte au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la communauté d'agglomération du Douaisis est rejetée.

Article 2 : La communauté d'agglomération du Douaisis versera une somme de 2 000 euros à la société Bioénergie de la Motte au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la communauté d'agglomération du Douaisis et à la société Bioénergie de la Motte et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Copie en sera transmise pour information au préfet du Pas-de-Calais.

Délibéré après l'audience publique du 8 septembre 2022 à laquelle siégeaient :

- M. Marc Heinis, président de chambre,

- M. Denis Perrin, premier conseiller,

- M. Stéphane Eustache, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 octobre 2022.

Le rapporteur,

Signé : D. Perrin

Le président de la 1ère chambre,

Signé : M. A...

La greffière,

Signé : C. Sire

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Christine Sire

N°21DA01223 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21DA01223
Date de la décision : 18/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: M. Denis Perrin
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : GREENLAW AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 06/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-10-18;21da01223 ?
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