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13/10/2022 | FRANCE | N°20DA01459

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 13 octobre 2022, 20DA01459


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... et Mme C... B..., son épouse, ont demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2011 ainsi que de la cotisation primitive de contribution sur les hauts revenus mise à leur charge au titre de l'année 2011, d'autre part, de condamner l'Etat au paiement d'intérêts moratoires en application de l'art

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... et Mme C... B..., son épouse, ont demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2011 ainsi que de la cotisation primitive de contribution sur les hauts revenus mise à leur charge au titre de l'année 2011, d'autre part, de condamner l'Etat au paiement d'intérêts moratoires en application de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales, enfin, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement no 1801116 du 16 juin 2020, le tribunal administratif de Rouen a, d'une part, prononcé la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales en litige ainsi que de la cotisation primitive de contribution sur les hauts revenus en litige, d'autre part, mis à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, enfin rejeté le surplus des conclusions de cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 14 septembre 2020 et le 13 janvier 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de remettre à la charge de M. et Mme B... les impositions, contributions sociales et pénalités correspondantes dont la décharge a été prononcée par le tribunal administratif de Rouen.

Il soutient que :

- pour apprécier le seuil d'exonération prévu à l'article 151 septies du code général des impôts, la moyenne des recettes annuelles doit être évaluée à proportion des droits de l'associé dans les bénéfices de la société ; l'administration fiscale n'a donc pas à tenir compte de la donation en usufruit de parts dans la société civile d'exploitation agricole (SCEA) D... faite par Mme B... à son époux, celle-ci en étant toujours nue-propriétaire ;

- il y avait lieu de tenir compte du fait que les époux B... détenaient l'intégralité des parts de la société et faisaient l'objet d'une imposition commune ;

- les moyens tirés de l'absence de dialogue contradictoire et de l'absence de réunion avec l'interlocuteur départemental ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 novembre 2020, M. et Mme B..., représentés par Me Quéré, concluent au rejet de la requête.

Ils soutiennent que :

- c'est à bon droit que les premiers juges ont prononcé la décharge des impositions contestées ;

- la procédure d'imposition est irrégulière dès lors que le dialogue contradictoire avec le vérificateur, prévu à la charte des droits et obligations du contribuable vérifié, n'a pas eu lieu ;

- la procédure d'imposition est également irrégulière en ce qu'ils n'ont pas été reçus par l'interlocuteur départemental après la seconde proposition de rectification.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Baillard, premier conseiller,

- les conclusions de M. Arruebo-Mannier, rapporteur public,

- et les observations de Me Quéré, représentant M. et Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme B... ont fait l'objet d'un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle portant sur l'année 2011. A la suite de ce contrôle, l'administration fiscale, par une proposition de rectification du 15 septembre 2014, a remis en cause, sur le fondement de la procédure de répression des abus de droit prévue à l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, le régime d'exonération d'impôt sur le revenu sous lequel M. et Mme B... avaient placé la plus-value réalisée par Mme B... à l'occasion de la cession des 499 parts qu'elle détenait sur le total des 500 parts composant le capital de la société civile d'exploitation agricole (SCEA) D.... Par une seconde proposition de rectification du 12 mai 2016, l'administration a maintenu le redressement mais en abandonnant le motif tiré de l'abus de droit pour retenir que la plus-value ne pouvait être exonérée d'imposition sur le fondement de l'article 151 septies du code général des impôts dès lors que le montant des recettes perçu par Mme B..., au cours de la période de référence, excédait le seuil d'exonération. Leur réclamation ayant été rejetée, M. et Mme B... ont porté le litige devant le tribunal administratif de Rouen en lui demandant, notamment, de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales et de la cotisation primitive de contribution sur les hauts revenus auxquelles ils ont ainsi été assujettis au titre de l'année 2011. Le ministre de l'économie, des finances et de la relance relève appel du jugement du 16 juin 2020 en tant que, par ce jugement, le tribunal administratif de Rouen a prononcé la décharge, en droits et pénalités, des impositions en litige et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2. D'une part, aux termes du I de l'article 151 septies du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " Les dispositions du présent article s'appliquent aux activités (...) agricoles, exercées à titre professionnel ". En vertu du II de ce même article, certaines plus-values de cession réalisées dans le cadre d'une des activités mentionnées au I, dont notamment les activités agricoles, sont, à condition que l'activité ait été exercée pendant au moins cinq ans, exonérées en totalité si le montant des recettes annuelles est inférieur à 250 000 euros. Aux termes du IV du même article : " Le montant des recettes annuelles s'entend de la moyenne des recettes, appréciées hors taxes, réalisées au titre des exercices clos, ramenés le cas échéant à douze mois, au cours des deux années civiles qui précèdent l'exercice de réalisation des plus-values. / (...) / Il est également tenu compte des recettes réalisées par les sociétés mentionnées aux articles 8 et 8 ter et les groupements non soumis à l'impôt sur les sociétés dont [le contribuable] est associé ou membre, à proportion de ses droits dans les bénéfices de ces sociétés et groupements. / (...) ". Aux termes du second alinéa de l'article 70 du même code : " Pour l'application de l'article 151 septies, les plus-values réalisées par une société civile agricole non soumise à l'impôt sur les sociétés sont imposables au nom de chaque associé visé au I de l'article 151 nonies selon les règles prévues pour les exploitants individuels en tenant compte de sa quote-part dans les recettes de la société. ". Il résulte de ces dispositions que la fraction des recettes réalisées par une société ou un groupement dont il est tenu compte pour ses associés, en application du quatrième alinéa du IV de l'article 151 septies du code général des impôts, est calculée en fonction de la proportion de leurs droits dans les bénéfices comptables de la société ou du groupement, tels qu'ils résultent du pacte social.

3. D'autre part, aux termes du premier alinéa de l'article 8 du code général des impôts, applicable aux membres des sociétés civiles d'exploitation agricole : " Sous réserve des dispositions de l'article 6, les associés des sociétés en nom collectif et les commandités des sociétés en commandite simple sont, lorsque ces sociétés n'ont pas opté pour le régime fiscal des sociétés de capitaux, personnellement soumis à l'impôt sur le revenu pour la part de bénéfices sociaux correspondant à leurs droits dans la société. En cas de démembrement de la propriété de tout ou partie des parts sociales, l'usufruitier est soumis à l'impôt sur le revenu pour la quote-part correspondant aux droits dans les bénéfices que lui confère sa qualité d'usufruitier. Le nu-propriétaire n'est pas soumis à l'impôt sur le revenu à raison du résultat imposé au nom de l'usufruitier. (...) ".

4. Il résulte de la combinaison de ces dispositions qu'en cas de donation en usufruit de parts sociales d'une société civile d'exploitation agricole, si le nu-propriétaire conserve la qualité d'associé au titre desdites parts sociales, ses droits dans les bénéfices sociaux de la société sont diminués à hauteur de la donation faite à l'usufruitier, lequel est d'ailleurs soumis à l'impôt sur le revenu pour la quote-part correspondant aux droits dans les bénéfices que lui confère cette qualité. Dès lors, il convient également de tenir compte de cette répartition afin d'apprécier le montant des recettes annuelles, tel que prévu par l'article 151 septies du code général des impôts pour l'appréciation du seuil d'exonération de certaines plus-values, sans qu'ait d'incidence sur ce point le fait que le nu-propriétaire et l'usufruitier détiendraient l'ensemble du capital social de la société et feraient, compte tenu de leur situation au regard de l'impôt sur le revenu, l'objet d'une imposition commune.

5. Il résulte de l'instruction que Mme B... a, le 30 janvier 2002, fait donation à son époux, alors lui-même détenteur en pleine propriété d'une unique part du capital de la SCEA D..., de l'usufruit de 224 des 499 parts sociales qu'elle détenait dans cette société de personnes pour une période de cinq années, puis a renouvelé cette donation, le 30 janvier 2006, pour une même durée. Dès lors, pour apprécier la moyenne des recettes annuelles des deux années civiles ayant précédé la date de clôture de l'exercice de réalisation de la plus-value, soit les années 2009 et 2010, la répartition des droits financiers de M. et Mme B... dans les résultats de la société étaient respectivement de 45 % et de 55 %. Aussi, l'activité de la SCEA D... ayant généré des recettes moyennes, au titre de ces deux années, d'un montant de 360 338,50 euros, la fraction des recettes dont il devait être tenu compte s'agissant de Mme B... est de 198 186 euros, laquelle est inférieure au seuil d'exonération de 250 000 euros prévu au II de l'article 151 septies du code général des impôts. Par ailleurs, la circonstance selon laquelle l'intégralité des parts de la SCEA D... était détenue par M. et Mme B..., lesquels déclaraient en commun leurs revenus, est sans incidence sur les modalités de cette évaluation. C'est donc à bon droit que les premiers juges ont estimé que la plus-value réalisée par Mme B..., à l'occasion de la cession des 499 parts qu'elle détenait sur le total des 500 parts composant le capital de la SCEA D..., était exonérée en application des dispositions de l'article 151 septies du code général des impôts et n'avait donc pas lieu d'être intégrée dans leurs revenus de l'année 2011.

6. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de la relance n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a, d'une part, déchargé M. et Mme B... des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux, ainsi que des pénalités correspondantes, et de la cotisation primitive de contribution sur les hauts revenus auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2011, d'autre part, mis à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du ministre de l'économie, des finances et de la relance est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à M. et Mme A... B....

Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

Délibéré après l'audience publique du 15 septembre 2022 à laquelle siégeaient :

- M. Christian Heu, président de chambre,

- M. Mathieu Sauveplane, président-assesseur,

- M. Bertrand Baillard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 octobre 2022.

Le rapporteur,

Signé : B. BaillardLe président de chambre,

Signé : C. Heu

La greffière,

Signé : N. Roméro

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

La greffière,

Nathalie Roméro

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N°20DA01459

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20DA01459
Date de la décision : 13/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Heu
Rapporteur ?: M. Bertrand Baillard
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : VILLEMOT WTS

Origine de la décision
Date de l'import : 30/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-10-13;20da01459 ?
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