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06/10/2022 | FRANCE | N°21DA02278

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 06 octobre 2022, 21DA02278


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B... A... ont demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler la délibération du 13 février 2020 par laquelle le conseil de la métropole Rouen Normandie a approuvé son plan local d'urbanisme intercommunal, ainsi que la décision du 7 juillet 2020 rejetant leur recours gracieux contre cette délibération.

Par un jugement n° 2002286 du 22 juillet 2021, le tribunal administratif de Rouen a annulé cette délibération en tant qu'elle identifie un verger à protéger sur une partie de la

parcelle cadastrée AK n° 59 à La Londe.

Procédure devant la cour :

Par une requ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B... A... ont demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler la délibération du 13 février 2020 par laquelle le conseil de la métropole Rouen Normandie a approuvé son plan local d'urbanisme intercommunal, ainsi que la décision du 7 juillet 2020 rejetant leur recours gracieux contre cette délibération.

Par un jugement n° 2002286 du 22 juillet 2021, le tribunal administratif de Rouen a annulé cette délibération en tant qu'elle identifie un verger à protéger sur une partie de la parcelle cadastrée AK n° 59 à La Londe.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 24 septembre 2021 et des mémoires enregistrés les 7 mars 2022, 23 mars 2022, 1er juillet 2022, 12 juillet 2022 et 22 août 2022, ce dernier mémoire, n'ayant pas été communiqué, la métropole Rouen Normandie, représentée par Me Jean-François Rouhaud, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 22 juillet 2021 en tant qu'il annule partiellement la délibération du 13 février 2020 et la décision du 7 juillet 2020 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. et Mme A... ;

3°) de mettre à la charge de M. et Mme A... la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- son président est régulièrement habilité à représenter la métropole dans l'instance ;

- la délibération du 13 février 2020 n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation en tant qu'elle identifie un verger sur la parcelle cadastrée AK n° 59 à La Londe ;

- M. et Mme A... ne bénéficient d'aucun droit au maintien du précédent zonage sous l'empire du plan local d'urbanisme ;

- le verger identifié sur leur parcelle n'est pas en contradiction avec le projet d'aménagement et de développement durables ;

Par des mémoires en défense enregistrés les 20 octobre 2021, 2 mars 2022, 11 avril 2022, 28 juin 2022 et 28 juillet 2022, M. et Mme A..., représentés par Me Hélène Colliou, concluent au rejet de la requête, à titre incident, à l'annulation du jugement du 22 juillet 2021 en tant qu'il n'annule pas la délibération du 13 février 2020 en tant qu'elle identifie un verger à protéger sur la parcelle cadastrée AK n° 59 à La Londe, et à la mise à la charge de la métropole Rouen Normandie de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le président de la métropole n'est pas habilité à la représenter en justice ;

- les moyens de la requête ne sont pas fondés ;

- la délibération est entachée d'inexactitude matérielle et d'erreur d'appréciation en tant qu'elle identifie un verger sur leur parcelle ;

- elle porte atteinte, de manière disproportionnée, à la constructibilité de leur parcelle ;

- elle méconnaît l'article L. 151-8 du code de l'urbanisme en raison de l'incohérence du règlement avec le projet d'aménagement et de développement durables.

Par une ordonnance du 13 juillet 2022, l'instruction a été rouverte et la clôture de l'instruction a été reportée au 22 août 2022 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Stéphane Eustache, premier conseiller,

- les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public,

- et les observations de Me Hélène Detrez-Cambrai substituant Me Jean-François Rouhaud, représentant la métropole Rouen Normandie, et de Me Hélène Colliou, représentant M. et Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération du 13 février 2020, le conseil de la métropole Rouen Normandie a approuvé son plan local d'urbanisme intercommunal. M. et Mme A..., qui sont propriétaires à La Londe d'une parcelle cadastrée AK n° 59, ont demandé au tribunal administratif de Rouen l'annulation de cette délibération et de la décision du 7 juillet 2020 rejetant leur recours gracieux. Par un jugement du 22 juillet 2021, le tribunal administratif a annulé cette délibération et cette décision en tant qu'elles identifient un verger à protéger sur les terrains situés au sud-ouest de cette parcelle. La métropole Rouen Normandie relève appel de ce jugement en tant qu'il annule partiellement cette délibération et cette décision du 7 juillet 2022. A titre incident, M. et Mme A... interjettent appel contre ce jugement et doivent être regardés comme demandant l'annulation de la délibération du 13 février 2020 en tant qu'elle identifie un verger à protéger sur la parcelle cadastrée AK n° 59.

Sur l'appel principal :

En ce qui concerne la fin de non-recevoir opposée par M. et Mme A... :

2. Aux termes de l'article L. 5211-9 du code général des collectivités territoriales : " Le président est l'organe exécutif de l'établissement public de coopération intercommunale. / (...) / Il représente en justice l'établissement public de coopération intercommunale (...) ". Aux termes de l'article L. 5211-10 du même code : " (...) Le président, les vice-présidents ayant reçu délégation ou le bureau dans son ensemble peuvent recevoir délégation d'une partie des attributions de l'organe délibérant (...) ". Aux termes de l'article L. 2122-22 du même code : " Le président, les vice-présidents (...) peuvent recevoir délégation d'une partie des attributions de l'organe délibérant : / (...) / 16° D'intenter au nom de la commune les actions en justice ou de défendre la commune dans les actions intentées contre elle, dans les cas définis par le conseil municipal, et de transiger avec les tiers dans la limite de 1 000 € pour les communes de moins de 50 000 habitants et de 5 000 € pour les communes de 50 000 habitants et plus (...) ". Il résulte de ces dispositions que l'organe délibérant d'un établissement public de coopération intercommunale peut légalement donner à l'organe exécutif une délégation générale pour ester en justice au nom de l'établissement.

3. En l'espèce, par une délibération du 15 juillet 2020, le conseil de la métropole Rouen Normandie a délégué à son président, de manière permanente et jusqu'à la fin de son mandat, la capacité de défendre la métropole dans les actions en justice engagées contre lui. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par M. et Mme A... doit être écartée.

En ce qui concerne le moyen accueilli par le tribunal administratif :

4. Aux termes de l'article L. 151-19 du code de l'urbanisme : " Le règlement peut identifier et localiser les éléments de paysage et identifier, localiser et délimiter les (...) sites et secteurs à protéger, à conserver, à mettre en valeur ou à requalifier pour des motifs d'ordre culturel, historique ou architectural et définir, le cas échéant, les prescriptions de nature à assurer leur préservation leur conservation ou leur restauration (...) ". Aux termes de l'article L. 151-23 du même code : " Le règlement peut identifier et localiser les éléments de paysage et délimiter les sites et secteurs à protéger pour des motifs d'ordre écologique, notamment pour la préservation, le maintien ou la remise en état des continuités écologiques et définir, le cas échéant, les prescriptions de nature à assurer leur préservation. Lorsqu'il s'agit d'espaces boisés, il est fait application du régime d'exception prévu à l'article L. 421-4 pour les coupes et abattages d'arbres. / Il peut localiser, dans les zones urbaines, les terrains cultivés et les espaces non bâtis nécessaires au maintien des continuités écologiques à protéger et inconstructibles quels que soient les équipements qui, le cas échéant, les desservent ".

5. Il résulte de ces dispositions que la localisation des éléments du paysage à protéger, leur délimitation et les prescriptions le cas échéant qui y sont applicables, qui ne sauraient avoir de portée au-delà du territoire couvert par le plan, doivent être proportionnées et ne peuvent excéder ce qui est nécessaire à l'objectif recherché. Une interdiction de toute construction ne peut être imposée que s'il s'agit du seul moyen permettant d'atteindre l'objectif poursuivi.

6. Il ressort du rapport de présentation que les auteurs du plan local d'urbanisme ont entendu protéger, parmi les éléments du paysage métropolitain, les terrains dévolus " à la culture d'arbres fruitiers " et ainsi qualifiables de " vergers " aux motifs qu'ils représentent " des corridors écologiques importants " et constituent " un patrimoine important à l'échelle régionale du fait de leurs ancrages historiques et de leurs contributions à l'identité paysagère du territoire ". A ce titre, le projet d'aménagement et de développement durables fixe comme objectifs de " maintenir, voire renforcer les structures paysagères en place (haies bocagères, vergers, bois, ...) " ainsi que de " protéger le maraîchage, les vergers et les jardins familiaux existants, relevant d'une agriculture non intensive, participant à la diversité des paysages de la métropole et au développement d'une agriculture de proximité ". Pour mettre en œuvre cet objectif, les vergers présents sur le territoire métropolitain ont fait l'objet d'un inventaire au cours de la procédure d'élaboration du plan local d'urbanisme intercommunal. Selon cet inventaire, 257 vergers ont été recensés, représentant une superficie totale de 241 hectares.

7. Le règlement graphique du plan local d'urbanisme intercommunal identifie un verger à protéger sur une grande partie de la parcelle cadastrée AK n° 59 à La Londe, appartenant à M. et Mme A....

S'agissant de la présence d'un verger :

8. Il ressort des pièces du dossier et notamment des photographies produites que les terrains non bâtis de la parcelle cadastrée AK n° 59 à La Londe, qui se situe en zone urbaine, étaient dévolus en 2013 et 2016, à l'exception de bandes de terrain situées en limites parcellaires au sud et au nord, à la culture d'arbres qui, par leur disposition en alignement ou leur aspect, présentaient le caractère d'arbres fruitiers et composaient ainsi un verger. Il est constant que ce verger, encore visible sur une photographie aérienne qui, comme elle l'indique, a été prise le 22 août 2019, a été inscrit, en raison de son intérêt patrimonial et naturel, sur l'inventaire réalisé par la métropole pour l'adoption du plan local d'urbanisme intercommunal.

9. Il ressort par ailleurs des photographies et du constat d'huissier produits que cette parcelle ne présentait plus en 2020 d'arbres fruitiers sur les terrains où le verger mentionné ci-dessus avait été identifié, mais comportait seulement de tels arbres, récemment plantés, en bordure de haies situées en limites parcellaires. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'abattage très récent des arbres composant le verger inventorié ait été justifié par la perte ou la remise en cause de son caractère patrimonial ou naturel. A cet égard, si M. et Mme A... soutiennent que certains de ces arbres étaient " malades " et qu'ils ont dû être abattus, ils ne produisent pas d'éléments à l'appui de leurs allégations. Dans ces conditions, les auteurs du plan local d'urbanisme intercommunal ont pu à bon droit identifier un verger sur la parcelle appartenant à M. et Mme A..., en se référant à l'état de cette parcelle qui prévalait à l'ouverture de la procédure d'élaboration du plan.

S'agissant de la délimitation du verger et des prescriptions applicables :

10. Il ressort des pièces du dossier que si la parcelle cadastrée AK n° 59 présentait une forte densité d'arbres fruitiers disposés en alignement dans sa partie nord-est, elle comportait également, de manière plus éparse, de tels arbres dans sa partie centrale et sud-ouest, sans toutefois que le verger couvre toute la surface de cette parcelle, notamment pas ses parties bâties et des bandes de terrain situées le long des limites parcellaires au nord et au sud. Or il ne ressort pas des pièces du dossier que la surface des terrains sur lesquels le plan a délimité un verger à protéger, dont le périmètre a d'ailleurs été réduit, excèderaient la surface des espaces qui étaient dévolus à cette culture à l'ouverture de la procédure d'élaboration du plan. Si M. et Mme A... se prévalent en particulier d'une photographie prise en 2016 montrant des terrains enherbés dépourvus d'arbre sur la parcelle cadastrée AK n° 59, ces terrains se situent en limite de leur propriété dans une zone qui n'a pas été classée en verger par le plan. En outre, ils ne peuvent utilement se prévaloir des dispositions du plan local d'urbanisme de La Londe, en vigueur avant l'approbation du plan litigieux, dès lors que les auteurs de ce dernier plan ne sont pas liés par les choix retenus dans les documents d'urbanisme antérieurs.

11. Par ailleurs, au sein des vergers à protéger, le règlement dispose, en ses " dispositions communes applicables à toutes les zones ", que " les travaux, installations et aménagements ayant pour effet de modifier ou de supprimer un élément composant le verger sont interdits sauf si : / - le propriétaire procède à l'enlèvement des arbres dangereux, des chablis et des bois morts ; / - les vergers sont liés à une exploitation agricole ". Les restrictions qu'apportent ces dispositions au droit de construire sont justifiées par le caractère patrimonial et l'intérêt naturel des vergers auxquels elles s'appliquent et elles n'apparaissent pas disproportionnées aux objectifs d'intérêt général énoncés au point 6.

12. Il résulte de ce qui précède que la métropole Rouen Normandie est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a annulé la délibération du 13 février 2020 et la décision du 7 juillet 2020 rejetant le recours gracieux formé par M. et Mme A..., en tant qu'elles identifient un verger sur une partie de la parcelle cadastrée AK n° 59 à La Londe.

13. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. et Mme A... devant le tribunal administratif de Rouen.

En ce qui concerne le rapport, les conclusions et l'avis de la commission d'enquête :

14. Aux termes de l'article R. 123-19 du code de l'environnement : " Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête établit un rapport qui relate le déroulement de l'enquête et examine les observations recueillies. / Le rapport comporte le rappel de l'objet du projet, plan ou programme, la liste de l'ensemble des pièces figurant dans le dossier d'enquête, une synthèse des observations du public, une analyse des propositions produites durant l'enquête et, le cas échéant, les observations du responsable du projet, plan ou programme en réponse aux observations du public. / Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête consigne, dans une présentation séparée, ses conclusions motivées, en précisant si elles sont favorables, favorables sous réserves ou défavorables au projet (...) ". Si ces dispositions n'imposent pas à la commission d'enquête de répondre à chacune des observations présentées lors de l'enquête publique, elles l'obligent à indiquer en livrant ses conclusions, les raisons qui déterminent le sens de cet avis.

15. Il ressort des pièces du dossier que le premier volume du document élaboré par la commission d'enquête publique, après avoir présenté les conditions d'accès au dossier et le contenu du projet de plan, expose un bilan quantitatif de la participation du public et comporte un recensement complet des observations déposées. En un deuxième volume, ce document présente de manière synthétique les observations émises par le public et les réponses apportées par la métropole, en les regroupant en 23 thématiques assorties chacune d'un commentaire. En outre, pour les principales contributions individuelles, le rapport présente la " réponse du maître d'ouvrage ", assortie également d'un commentaire. Si certains de ces commentaires sont succincts ou consistent à prendre acte des modifications proposées par la métropole, la commission d'enquête n'était pas tenue, ainsi qu'il a été dit, de répondre à chacune des observations émises par le public, mais seulement d'établir une synthèse de ces observations et des réponses qui y ont été apportées, ce qu'elle a fait avec une précision suffisante.

16. Par ailleurs, en son troisième volume, le document élaboré par la commission d'enquête expose ses conclusions sur le déroulement de l'enquête, sur chacune des 23 thématiques mentionnées ci-dessus et sur chacun des avis des communes consultées, en analysant les enjeux soulevés et les propositions de la métropole. Contrairement à ce que soutiennent M. et Mme A..., la commission ne s'est pas bornée à prendre acte de ces propositions, mais elle les a replacées dans leur contexte et analysées avec une précision suffisante, avant de se prononcer, favorablement ou défavorablement, sur leur contenu, le cas échéant, en exprimant des regrets ou des demandes. Enfin, le même document, après un rappel synthétique des " points positifs " et des " points négatifs " du projet, énonce neuf " recommandations " puis un " avis favorable assortis de trois réserves " qui sont définies de manière précise et dénuée d'ambiguïté.

17. Il s'ensuit que la commission d'enquête publique a exposé de manière suffisamment détaillée les raisons qui ont déterminé le sens de son avis et des réserves exprimées. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 123-19 du code de l'environnement doit être écarté.

En ce qui concerne les modifications du projet à l'issue de l'enquête publique :

18. Aux termes de l'article L. 153-21 du code de l'urbanisme : " A l'issue de l'enquête, le plan local d'urbanisme, éventuellement modifié pour tenir compte des avis qui ont été joints au dossier, des observations du public et du rapport du commissaire ou de la commission d'enquête, est approuvé par : / 1° L'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale à la majorité des suffrages exprimés après que les avis qui ont été joints au dossier, les observations du public et le rapport du commissaire ou de la commission d'enquête aient été présentés lors d'une conférence intercommunale rassemblant les maires des communes membres de l'établissement public de coopération intercommunale et, le cas échéant, après que l'avis des communes sur le plan de secteur qui couvre leur territoire a été recueilli (...) ".

19. Il résulte de ces dispositions que le projet de plan ne peut subir de modifications, entre la date de sa soumission à l'enquête publique et celle de son approbation, qu'à la double condition que ces modifications ne remettent pas en cause l'économie générale du projet et qu'elles procèdent de l'enquête. Doivent être regardées comme procédant de l'enquête les modifications destinées à tenir compte des réserves et recommandations du commissaire enquêteur ou de la commission d'enquête, des observations du public et des avis émis par les autorités, collectivités et instances consultées et joints au dossier de l'enquête. Il ne résulte pas en revanche de ces dispositions que la délibération par laquelle l'organe délibérant approuve un projet de plan local d'urbanisme devrait comporter une présentation des modifications apportées au projet à l'issue de l'enquête publique.

20. En l'espèce, la seule circonstance que de nombreuses modifications ont été apportées au plan à l'issue de l'enquête publique ne suffit pas à caractériser une remise en cause de son économie générale, laquelle doit être appréciée à l'aune de l'objet et de la portée de ces modifications. En outre, peuvent être regardées comme procédant de l'enquête publique les modifications qui ne sont pas dépourvues de tout lien avec les avis émis par les communes consultées et les personnes publiques associées, dès lors que ces avis ont été joints au dossier d'enquête publique. Par ailleurs, contrairement à ce que soutiennent M. et Mme A..., la modification des limites du verger identifié par le projet de plan arrêté par le conseil communautaire sur une partie de la parcelle cadastrée AK n° 59 à La Londe a été décidée en réponse à leur observation exprimée au cours de l'enquête publique et doit ainsi être regardée comme en procédant, même si cette modification ne satisfaisait pas intégralement leur demande. De plus, eu égard à la modeste superficie des terrains concernés, cette modification n'a pas été susceptible de remettre en cause l'économie générale du plan. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 153-21 du code de l'urbanisme doit être écarté.

En ce qui concerne l'information des conseillers métropolitains :

21. D'une part, aux termes de l'article L. 2121-10 du code général des collectivités territoriales : " Toute convocation est faite par le maire. Elle indique les questions portées à l'ordre du jour. Elle est mentionnée au registre des délibérations, affichée ou publiée. Elle est transmise de manière dématérialisée ou, si les conseillers municipaux en font la demande, adressée par écrit à leur domicile ou à une autre adresse ". Aux termes de l'article L. 2121-12 du même code : " Dans les communes de 3 500 habitants et plus, une note explicative de synthèse sur les affaires soumises à délibération doit être adressée avec la convocation aux membres du conseil municipal ". Aux termes de l'article L. 2121-13 du même code : " Tout membre du conseil municipal a le droit, dans le cadre de sa fonction, d'être informé des affaires de la commune qui font l'objet d'une délibération ".

22. Il résulte de ces dispositions que, dans les communes de 3 500 habitants et plus, la convocation aux réunions du conseil municipal doit être accompagnée d'une note explicative de synthèse portant sur chacun des points de l'ordre du jour. Cette obligation, qui doit être adaptée à la nature et à l'importance des affaires, doit permettre aux conseillers municipaux de connaître le contexte et de comprendre les motifs de fait et de droit ainsi que les implications des mesures envisagées. Elle n'impose pas de joindre à la convocation adressée aux intéressés une justification détaillée du bien-fondé des propositions qui leur sont soumises.

23. D'autre part, en vertu de l'article L. 5211-1 du code général des collectivités territoriales, les dispositions précitées sont applicables à " l'organe délibérant des établissements publics de coopération intercommunale " et, s'agissant de l'application des dispositions de l'article L. 2121-12, " ces établissements sont soumis aux règles applicables aux communes de 3 500 habitants et plus s'ils comprennent au moins une commune de 3 500 habitants et plus. (...) ".

24. En l'espèce, le dossier documentaire, qui a été remis dans le délai imparti aux conseillers métropolitains, comportait, outre un rappel du déroulement de la procédure d'élaboration du projet de plan et des différentes pièces le composant, d'une part, une synthèse des consultations réalisées, en précisant le sens des avis émis par les communes et les personnes publiques associées ou consultées ainsi que les principales remarques et réserves qu'elles ont formulées, d'autre part, une présentation du déroulement de l'enquête publique et une synthèse des recommandations et réserves émises par la commission d'enquête, enfin, les suites données à ces consultations et les modifications apportées par la métropole au projet de plan arrêté. En complément, le dossier documentaire comportait en annexe, sous forme de tableaux, un recensement exhaustif et une présentation synthétique des avis des communes concernées et des personnes publiques associées ou consultées, ainsi que des observations du public et, en regard, les éléments de réponse formulés par la métropole. Contrairement à ce que soutiennent M. et Mme A..., le rapport d'enquête publique, remis aux conseillers communautaires, indique de manière suffisamment claire et précise que seuls les terrains qui appartiennent à la parcelle cadastrée AK n° 59 à La Londe et qui supportent des arbres fruitiers seront classés en verger.

25. Par suite, M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que ce dossier documentaire, alors même qu'il n'était pas formellement intitulé notice explicative de synthèse, est lacunaire. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales doit être écarté.

En ce qui concerne la compatibilité du plan avec le schéma de cohérence territoriale :

26. Aux termes de l'article L. 131-4 du code de l'urbanisme : " Les plans locaux d'urbanisme et les documents en tenant lieu ainsi que les cartes communales sont compatibles avec : / 1° Les schémas de cohérence territoriale prévus à l'article L. 141-1 (...) ".

27. Il résulte de ces dispositions qu'à l'exception des cas limitativement prévus par la loi dans lesquels les schémas de cohérence territoriale peuvent contenir des normes prescriptives, ceux-ci doivent se borner à fixer des orientations et des objectifs. Les plans locaux d'urbanisme sont soumis à une simple obligation de compatibilité avec ces orientations et objectifs. Si ces derniers peuvent être en partie exprimés sous forme quantitative, il appartient aux auteurs des plans locaux d'urbanisme, qui déterminent les partis d'aménagement à retenir en prenant en compte la situation existante et les perspectives d'avenir, d'assurer, ainsi qu'il a été dit, non leur conformité aux énonciations des schémas de cohérence territoriale, mais leur compatibilité avec les orientations générales et les objectifs qu'ils définissent.

28. Pour apprécier la compatibilité d'un plan local d'urbanisme avec un schéma de cohérence territoriale, il appartient au juge administratif de rechercher, dans le cadre d'une analyse globale le conduisant à se placer à l'échelle de l'ensemble du territoire couvert en prenant en compte l'ensemble des prescriptions du document supérieur, si le plan ne contrarie pas les objectifs qu'impose le schéma, compte tenu des orientations adoptées et de leur degré de précision, sans rechercher l'adéquation du plan à chaque disposition ou objectif particulier.

29. En l'espèce, le schéma de cohérence territoriale, approuvé le 12 octobre 2015 par le conseil de la métropole Rouen Normandie et librement accessible sur son site internet, identifie, sur la partie méridionale du territoire de La Londe, des espaces urbains caractéristiques de " bourgs et villages " ainsi que des espaces " naturels ou agricoles ". Contrairement à ce que soutiennent M. et Mme A..., les éléments cartographiques de ce schéma ne permettent pas, compte tenu de leur échelle, d'identifier la localisation précise de la parcelle cadastrée AK n° 59. En outre, pour " garantir un fonctionnement durable du territoire à travers l'armature urbaine ", le document d'orientation et d'objectifs de ce schéma fixe des perspectives de développement urbain différentiées selon les niveaux de cette armature et, s'agissant des " bourgs et villages ", un objectif d'urbanisation " modéré[e] ".

30. Par ailleurs, le projet d'aménagement et de développement durables du même schéma fixe comme objectif de promouvoir " la nature en ville au cœur du tissu urbain ", en s'appuyant sur " la présence des éléments naturels dans les espaces urbanisés ". Ce projet recommande notamment, au sein d'une " trame urbaine naturelle ", comme celle qui couvre le territoire de La Londe, de " conserver autant que possible la biodiversité déjà en place lorsqu'elle présente une qualité écologique, et de favoriser le développement des espaces de jardinage existants (du type des jardins familiaux) au sein ou à proximité des zones urbaines ". En outre, le document d'orientation et d'objectifs du schéma préconise de " protéger les espaces agricoles à enjeux particuliers ", parmi lesquels figurent les " près-vergers " et les " vergers ", reconnus comme des " composantes essentielles des paysages ruraux ". Le même document recommande, dans les bourgs et villages, de " conserver à des fins paysagère (...) et environnementale (...) les espaces libres dans le tissu urbain existant (...) ".

31. Dans ces conditions, en identifiant un verger sur une partie de la parcelle cadastrée AK n° 59, le règlement ne saurait être regardé comme incompatible avec les orientations du schéma de cohérence territoriale. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 131-4 du code de l'urbanisme doit être écarté.

En ce qui concerne la cohérence du règlement avec le projet d'aménagement et de développement durables :

32. Aux termes de l'article L. 151-8 du code de l'urbanisme : " Le règlement fixe, en cohérence avec le projet d'aménagement et de développement durables, les règles générales et les servitudes d'utilisation des sols permettant d'atteindre les objectifs mentionnés aux articles L. 101-1 à L. 101-3 ".

33. Pour apprécier la cohérence ainsi exigée au sein du plan local d'urbanisme entre le règlement et le projet d'aménagement et de développement durables, il appartient au juge administratif de rechercher, dans le cadre d'une analyse globale le conduisant à se placer à l'échelle du territoire couvert par le document d'urbanisme, si le règlement ne contrarie pas les orientations générales et objectifs que les auteurs du document ont définis dans le projet d'aménagement et de développement durables, compte tenu de leur degré de précision. Par suite, l'inadéquation d'une disposition du règlement du plan local d'urbanisme à une orientation ou un objectif du projet d'aménagement et de développement durables ne suffit pas nécessairement, compte tenu de l'existence d'autres orientations ou objectifs au sein de ce projet, à caractériser une incohérence entre ce règlement et ce projet.

34. En l'espèce, si, comme le relèvent M. et Mme A..., le projet d'aménagement et de développement durables vise à " améliorer la qualité des entrées de ville et d'agglomération ", notamment en maintenant " les structures paysagères en place (haies bocagères, vergers, bois, etc.) " et préservant " les perspectives visuelles et les panoramas ", le même projet entend " faire de la nature en ville un gage de qualité du cadre de vie " et, à ce titre, recommande de " protéger durablement les cœurs de nature en ville ", " maintenir et valoriser les jardins familiaux ", " affirmer un principe d'équilibre entre espaces construits et espaces de respiration (...) en développant la présence végétale (...) dans les espaces privatifs ", ainsi que de " préserver durablement une trame de jardins pour favoriser le maintien des corridors écologiques (...) et conserver les zones refuge pour les espèces ordinaires en maintenant des espaces de pleine terre au sein des espaces urbanisés ". Contrairement à ce que soutiennent M. et Mme A..., le projet d'aménagement et développement durables, dont les éléments cartographiques ne permettent pas, compte tenu de leur échelle, d'identifier la localisation précise de la parcelle cadastrée AK n° 59, ne saurait être interprété comme limitant la protection des seuls vergers implantés en entrée de ville.

35. Dans ces conditions, en identifiant un verger sur une partie de la parcelle cadastrée AK n° 59, le règlement ne saurait être regardé comme incohérent avec les orientations du projet d'aménagement et de développement durables. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 151-8 du code de l'urbanisme doit être écarté.

36. Il résulte de tout ce qui précède que la métropole Rouen Normandie est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a partiellement annulé la délibération du 13 février 2020 et la décision du 7 juillet 2020 rejetant le recours gracieux formé contre cette délibération. Il s'ensuit que ce jugement doit être annulé dans cette mesure et que la demande présentée par M. et Mme A... doit être rejetée.

Sur l'appel incident :

37. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés ci-dessus, M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir qu'aucun verger ne pouvait être identifié sur la parcelle cadastrée AK n° 59 à La Londe, que le classement est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation et qu'il n'est pas cohérent avec le projet d'aménagement et de développement durables. Par suite, leurs conclusions d'appel incident doivent être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

38. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la métropole Rouen Normandie, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, au titre des frais exposés par M. et Mme A... et non compris dans les dépens.

39. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de M. et Mme A... le versement d'une somme de 1 000 euros à la métropole Rouen Normandie au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 22 juillet 2021 du tribunal administratif de Rouen est annulé en tant qu'il a annulé partiellement la délibération du 13 février 2020 de la métropole Rouen Normandie et la décision de rejet du recours gracieux formé par M. et Mme A....

Article 2 : La demande présentée par M. et Mme A... devant le tribunal, leurs conclusions d'appel incident et leurs conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative devant la cour sont rejetées.

Article 3 : M. et Mme A... verseront une somme de 1 000 euros à la métropole Rouen Normandie en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la métropole Rouen Normandie, ainsi qu'à M. et Mme B... A....

Copie en sera transmise pour information à la commune de La Londe.

Délibéré après l'audience publique du 22 septembre 2022 à laquelle siégeaient :

- Mme Corinne Baes-Honoré, présidente-assesseure, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. Denis Perrin, premier conseiller,

- M. Stéphane Eustache, premier conseiller.

.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 octobre 2022.

Le rapporteur,

Signé: S. Eustache

La présidente de la formation de jugement,

Signé: C. Baes-Honoré

La greffière,

Signé: C. Sire

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Christine Sire

N° 21DA02278 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21DA02278
Date de la décision : 06/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Baes Honoré
Rapporteur ?: M. Stéphane Eustache
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : SELARL LEXCAP

Origine de la décision
Date de l'import : 11/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-10-06;21da02278 ?
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