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04/10/2022 | FRANCE | N°21DA02826

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 04 octobre 2022, 21DA02826


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir, l'arrêté du 11 décembre 2020 par lequel le préfet de l'Eure a notamment rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi de cette mesure d'éloignement, d'enjoindre au préfet de lui délivrer une carte de séjour temporaire en qualité d'" étranger malade " ou à défaut, de réexaminer sa situation et dans l'at

tente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, en toute hypothèse d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir, l'arrêté du 11 décembre 2020 par lequel le préfet de l'Eure a notamment rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi de cette mesure d'éloignement, d'enjoindre au préfet de lui délivrer une carte de séjour temporaire en qualité d'" étranger malade " ou à défaut, de réexaminer sa situation et dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, en toute hypothèse dans un délai d'un mois suivant la notification du jugement, sous astreinte de 155 euros par jour de retard et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Par un jugement n° 2100975 du 13 août 2021 le tribunal administratif de Rouen a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 9 décembre 2021, M. B... A..., représenté par Me Boyle, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 11 décembre 2020 par lequel le préfet de l'Eure a notamment rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi de cette mesure d'éloignement ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer une carte de séjour temporaire en qualité d'" étranger malade " ou à défaut, de réexaminer sa situation et dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, en toute hypothèse dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt, sous astreinte de cent euros par jour de retard, ou, à défaut, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente du réexamen de sa situation, dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à venir, sous astreinte de cent euros par jour de retard ;

4°) de rendre son passeport ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- sa requête est recevable ;

- le tribunal administratif a commis une erreur d'appréciation car les éléments qu'il a fournis concernant les soins au Nigéria suffisent à renverser la décision contestée du préfet ;

- le préfet de l'Eure aurait dû saisir la Commission du séjour, compte tenu de l'ancienneté de son séjour ;

- l'arrêté attaqué est entaché d'une erreur d'appréciation s'agissant de ses liens familiaux et de son insertion en France ;

- son père est mort en 2019 et sa mère est trop âgée pour l'assister.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 avril 2022, le préfet de l'Eure conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 novembre 2021.

Par ordonnance du 3 juin 2022 la date de clôture de l'instruction a été fixée au 21 juin 2022 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., ressortissant nigérian né le 25 décembre 1972, est entré en France le 31 mai 2011 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de court séjour. Le 24 juillet 2018, il a demandé un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En dépit d'un avis favorable, temporaire pour une durée de huit mois du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 27 décembre 2018, et en l'absence de présentation par M. A... d'un passeport en cours de validité, le préfet a, par arrêté du 11 octobre 2019, rejeté sa demande de titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français. Par jugement n° 2000243 du 28 mai 2020, le tribunal administratif de Rouen a annulé cet arrêté et enjoint au préfet de l'Eure de réexaminer la situation de M. A.... Le préfet de l'Eure, par arrêté du 11 décembre 2020, a notamment rejeté la demande de titre de séjour de M. A..., lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi de cette mesure d'éloignement. Par un jugement du 13 août 2021 le tribunal administratif de Rouen a notamment rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté précité du 11 décembre 2020. M. A... relève appel de ce jugement.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. (...) ".

3. Il ressort des dispositions précitées qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de vérifier, au vu de l'avis émis par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, que cette décision ne peut avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire. Lorsque ce défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Si de telles possibilités existent mais que l'intéressé fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou en l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.

4. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

5. Le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans son avis du 17 septembre 2020, produit en première instance par l'administration, relève que si l'état de santé de M. A... nécessite une prise en charge médicale pour une pathologie pouvant entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire et que son état de santé lui permet de voyager sans risque. M. A... indique souffrir d'un glaucome, soutient que son état de santé nécessite toujours un suivi médical dont le défaut est susceptible d'entraîner de graves conséquences et que les soins nécessités par son état de santé sont inaccessibles au Nigeria. Les éléments médicaux qu'il produit, dont un certificat établi le 6 novembre 2019 par un ophtalmologiste du centre hospitalier universitaire de Rouen, deux ordonnances des 6 novembre 2019 et 1er décembre 2020 lui prescrivant deux collyres, un certificat médical du 9 novembre 2021, précisent que son état de santé nécessite l'instillation de gouttes afin de préserver la vision récente et que l'état de son aide médicale qui lui est octroyée en France devrait être modifié car il ne lui permet pas d'obtenir un traitement optimal. Tous ces éléments, y compris le dossier médical du CHU de Rouen, ne sont pas de nature à remettre en cause l'appréciation portée par le préfet qui ne conteste pas la nécessité de poursuivre des soins, sans qu'il soit en tout état de cause nécessaire de demander copie de l'entier dossier du rapport médical au vu duquel s'est prononcé le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration dont l'appelant verse d'ailleurs certains éléments au dossier d'appel. Ces éléments médicaux et des articles de presse généraux sur les soins du glaucome au Nigéria ne permettent pas plus de considérer que le préfet se serait mépris sur la possibilité d'un accès au soin dans le pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour et des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

6. En deuxième lieu , aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; / (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

7. M. A... soutient qu'il s'oriente vers le travail, paie ses impôts, se forme, et se rend utile au sein de sa structure d'accueil malgré une reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé valable jusqu'en 2025 par décision de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées du 6 mai 2020. Il souligne que son père est mort en 2019 et sa mère est trop âgée pour l'assister. Mais M. A... est célibataire, sans enfant à charge, il ne dispose d'aucun revenu lui permettant de subvenir à ses besoins sur le territoire national. Il ne justifie d'aucun lien particulier en France et n'établit pas être isolé dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de trente-neuf ans et où vit sa mère. Le fait que cette dernière, selon lui, ne pourrait l'aider au quotidien, est sans incidence dès lors que M. A... n'établit pas que son état de santé nécessite une assistance par une tierce personne. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de l'arrêté attaqué sur sa situation personnelle doivent être écartés.

8 En troisième lieu, aux termes de l'article L. 312-2 alors applicable du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La commission du titre de séjour est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3 (...) ". Il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues

aux articles L. 313-11, L. 314-11, L. 314-12 et L. 431-3 et auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité, et non du cas de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions. Pour les motifs précédemment indiqués, M. A... ne remplissait pas les conditions prévues par ces dispositions. Par ailleurs, arrivé selon ses dires le 31 mai 2011, il ne justifie pas résider en France habituellement depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté en cause du 11 décembre 2020 comme l'exige l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable. Par suite, le préfet n'était pas tenu de saisir la commission du titre de séjour.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué du 13 août 2021 le tribunal administratif de Rouen a rejeté ses demandes. Ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées par voie de conséquence.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Boyle.

Copie en sera adressée au préfet de l'Eure.

Délibéré après l'audience publique du 20 septembre 2022 à laquelle siégeaient :

- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,

- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,

- M. Frédéric Malfoy, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 octobre 2022.

Le président-rapporteur,

Signé : M. C...

La présidente de chambre,

Signé : G. Borot

La greffière,

Signé : C Huls-Carlier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

La greffière,

C. Huls-Carlier

2

N° 21DA02826


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21DA02826
Date de la décision : 04/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: M. Marc Lavail Dellaporta
Rapporteur public ?: M. Carpentier-Daubresse
Avocat(s) : CABINET DAVID BOYLE

Origine de la décision
Date de l'import : 13/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-10-04;21da02826 ?
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